Slike strani
PDF
ePub

Nous avons fondé à Konakry un port qui, si l'avenir répond à ce que semblent promettre les résultats déjà acquis, sera un des grands entrepôts commerciaux de cette côte. La clef de ce port est, depuis hier, entre nos mains.

Une partie importante de l'arrangement qui vient d'être signé est consacrée aux régions entre le Niger et le Tchad. Il ne s'agit de rien moins en effet que du remaniement, ou mieux d'une transformation à notre très grand avantage, de l'ensemble de la frontière déterminée par la Convention du 14 juin 1898.

On sait qu'une déclaration signée à Londres le 5 août 1890 donnait pour limite à la zone d'influence de la France, au sud de ses possessions méditerranéennes, une ligne de Say sur le Niger à Barroua sur le lac Tchad, tracée de façon à comprendre dans la zone d'action de la Compagnie anglaise existant alors sous le nom de Compagnie du Niger, « tout ce qui appartenait équitablement au royaume de Sokoto ».

Cette ligne devait être déterminée par des commissaires à nommer à cet effet et qui auraient également pour mission de déterminer les zones respectives d'influence des deux pays à l'Ouest et au Sud du moyen et du haut Niger.

Ce fut à cette dernière partie de leur œuvre que les commissaires se vouèrent tout d'abord. Une série d'arrangements vint successivement, dans les années qui suivirent, régler la situation à la Gambie, à Sierra-Leone, à la Côte-d'Or, mais ce ne fut qu'en 1896 et finalement dans les négociations de 1897-1898 que fut abordée la question de la délimitation entre le Niger et le Tchad, en même temps, d'ailleurs, que le règlement de la situation dans la zone voisine du fleuve sur la rive droite.

A diverses reprises, le Gouvernement Britannique avait laissé entendre que la ligne Say-Barroua n'était pour lui qu'un minimum. C'est de cette base que partirent en 1897-1898 les commissaires anglais qui étendaient même en ce moment leurs prétentions jusqu'à l'Aïr.

'Les pourparlers se poursuivaient lorsqu'un incident vint singulièrement compliquer la situation. Une mission française était partie, entre temps, pour reconnaître la zone litigieuse; mais au lieu de se tenir, comme il avait été convenu, au Nord de la ligne Say-Barroua, elle vint pour ainsi dire au portes de Sokoto, prendre la ville d'Argoungou.

Cet incident produisit de l'autre côté de la Manche une émotion qui eut son écho au Parlement britannique, et exerça une influence décisive sur la négociation alors en cours. La résistance des commissaires français se trouva entravée, et finalement on dut se contenter de conserver Zinder, qui donnait le commandement des accès par le Nord du grand centre commercial de Kano que la déclaration de 1890 plaçait incontestablement dans le lot de la Grande-Bretagne, et c'est ainsi que fut tracé autour de Sokoto l'arc de cercle de 100 milles de rayon dont il a été si souvent parlé depuis.

On n'avait d'ailleurs en 1898, sur les régions où passait la nouvelle frontière, que des notions encore vagues.

Le chemin connu et pratiqué passait par Sokoto et Kano, c'est-à-dire par des territoires dévolus depuis 1890 à l'Angleterre.

DOCUMENTS DIPLOMATIQUES.

4

Mais lorsqu'une fois la Convention signée, le 14 juin 1898, nous envoyâmes un détachement occuper Zinder, le passage au Nord de la nouvelle frontière, et notamment au-dessus de l'arc de cercle tracé autour de Sokoto, présenta des difficultés presque insurmontables. Il fallait traverser une région désertique et, au fur et à mesure de l'avancement de la colonne, creuser des puits qui se tarissaient presque immédiatement.

Cependant, force nous avait été d'emprunter les territoires anglais pour faire passer les convois destinés au ravitaillement de Zinder. Mais l'autorisation n'en avait été concédée qu'à titre temporaire, et il est évident qu'elle ne pouvait être indéfiniment sollicitée. La situation était donc absolument précaire.

A supposer mème qu'au prix de lourds sacrifices nous eussions pu réussir à nous maintenir sur ce point, le résultat n'eût été qu'absolument insuffisant. Ce qu'il fallait réaliser, c'était la jonction de nos possessions du Soudan français avec celles du centre africain. Or, les mécomptes ne furent pas moindres pour la partie de la frontière de 1898 qui s'étendait entre Zinder et le Tchad qu'ils ne l'avaient été entre le Niger et Zinder. Là encore, la limite se tenait dans des régions désertiques impraticables, et la mission Foureau-Lamy, en arrivant à Zinder par l'Aïr, s'était vu contrainte. pour trouver de l'eau et pouvoir gagner par le Tchad, nos territoires des rives nord et est du lac, de descendre au sud-est, en territoire anglais, où passait la seule route praticable, sur les bords de la rivière Komadougou.

Somme toute, nous avions acquis par la Convention du 14 juin 1898, à l'est du Niger et dans les entours du Tchad, certains territoires, mais il nous était pratiquement impossible d'y accéder. Le désert séparait nos possessions du Soudan de celles du Tchad, et par un concours de circonstances imprévues, l'homogénéité de notre empire africain, depuis si longtemps poursuivie, n'était pas obtenue.

Sur le Tchad lui-même, et comme si, dans ces régions, les événements devaient partout tourner contre nous, les reconnaissances ultérieures amenaient à constater que le contour de la nappe d'eau différait sensiblement de celui que prévoyaient les connaissances cartographiques au moment de la Convention de 1898. D'après la carte annexée à cet accord, les eaux du lac se trouvaient réparties entre les deux pays à peu près proportionnellement à ce qu'ils possédaient des rives. Un.large passage en eau libre nous était notamment réservé à l'est entre les parties inférieure et supérieure. Or, d'après les travaux les plus récents, un amas serré d'iles borderait toute cette rive orientale, et viendrait en contact avec la limite anglaise. Nos communications par bateau entre les rives du nord et du sud ne pouvaient donc se faire sans passer par les eaux britanniques.

C'était ainsi toute une négociation qu'il fallait reprendre, mais c'était encore plus un nouveau principe qu'il fallait introduire et faire accepter.

Il était évident que, pour aboutir, il devenait essentiel de s'affranchir des étroites discussions territoriales pour s'inspirer d'idées plus larges.

En équité, on nous devait une route, et nous l'avons obtenue. En droit, néanmoins, rien n'y obligeait..

On ne peut, pour la description géographique de la nouvelle frontière, que renvoyer aux termes de l'arrangement. Un coup d'œil sur la carte permettra de se rendre compte des résultats acquis. Comme on le verra, une voie s'ouvre à nous désormais

sans solution de continuité du Niger à Zinder et de Zinder au Tchad. Cette route,
nous la connaissons; nos convois, nos missions l'ont
parcourue, ils y ont trouvé de
l'eau et les autres ressources requises pour assurer des communications régulières
et normales.

De plus, sur les eaux du lac Tchad, une clause spéciale nous garantit une situation proportionnellement égale à celle que nous donnait la Convention de 1898. Notre navigation en eau libre française est ainsi désormais assurée.

Enfin, cette délimitation nouvelle comporte pour nous de notables agrandissements de territoire. La valeur économique de ces acquisitions est encore incertaine; mais ce côté de l'arrangement mérite à un autre point de vue de retenir l'attention. On remarquera, en effet, qu'il est entendu qu'on tiendra compte, pour le tracé définitif de la frontière, des Etats indigènes existants, et que, au-dessous de Zinder, la limite pourra, s'il est nécessaire, se déplacer à cet effet vers le Sud. Il y a dans cette clause un élément important de bon ordre et de sécurité pour les relations des deux pays. Les frontières tracées arbitrairement à travers des groupements de populations risquent d'y amener du trouble et du malaise, et c'est ainsi que la frontière de 1898 coupait presque en deux, en lui enlevant les parties les meilleures de son territoire, le Sultanat de Zinder, que le nouvel arrangement garantit contre un morcellement dont les conséquences eussent, à tous égards, été fàcheuses.

On le voit donc, ici encore l'Angleterre se trouvait en possession d'avantages dont la récupération était pour nous essentielle. C'est chose faite aujourd'hui. Nos réserves d'avenir dans ces régions si importantes peut-être pour le développement futur de notre empire africain sont désormais à l'abri.

La partie capitale de l'arrangement qui vient d'être conclu est relative au Maroc. De toutes les questions où sont engagés les intérêts de la France, aucune, en effet, n'a une importance comparable à la question marocaine; et il est évident que de sa solution dépendaient la solidité et le développement de notre empire africain et l'avenir même de notre situation dans la Méditerranée.

Le Maroc a une population de beaucoup supérieure à celles de l'Algérie et de la Tunisie réunies, par conséquent une main-d'œuvre plus abondante; et il possède en quantité ce que n'ont ni la Tunisie ni l'Algérie : l'eau toujours. Placé sous notre influence, c'est notre empire du nord de l'Afrique fortifié; soumis à une influence étrangère, c'est pour le même empire la menace permanente et la paralysie. Or, l'heure était venue de savoir qui aurait au Maroc l'influence prépondérante. L'état actuel de choses n'y peut, en effet, durer qu'à la condition d'être soutenu et amélioré. Il incombait à notre diplomatie de faciliter à la France cette tâche que nature et le voisinage lui attribuent: c'est à quoi elle s'est appliquée avec persévérance, mettant à profit toutes les circonstances favorables qui s'offraient.

la

En obtenant de l'Angleterre, dont on connait la forte situation aux portes mèmes du Maroc, la déclaration qu'il appartient à la France de veiller à la tranquillité de ce pays et de lui prêter son assistance pour toutes les réformes administratives, économiques, financières et militaires dont il a besoin, ainsi que l'engagement de ne pas entraver son action à cet effet, nous avons obtenu un résultat dont il est superflu de faire ressortir la valeur.

MAROC.

EGYPTE.

C'est à nous maintenant, en nous gardant de tout entrainement, en tenant compte des expériences faites ailleurs, en nous montrant les meilleurs amis du Maroc parce que les plus intéressés à sa prospérité, de poursuivre avec méthode, avec esprit de suite, sans efforts et sans sacrifices inutiles, l'achèvement de notre œuvre civilisatrice qui fortifiera singulièrement la puissance française sans léser les droits acquis de personne et qui finalement sera un bénéfice pour tout le monde.

Dans une pensée d'amitié vis-à-vis de l'Espagne, avec laquelle nous entretenons des relations traditionnelles de cordialité, nous avons tenu à prendre en considération les intérêts qu'elle tient, elle aussi, de son voisinage et de ses possessions territoriales sur la côte marocaine de la Méditerranée. Aussi, nous concertons-nous avec le Gouvernement du Roi avec le désir de donner satisfaction aux aspirations légitimes d'un pays voisin et ami.

En ce qui concerne l'Égypte, vous remarquerez que l'état politique n'en subit aucun changement. Le principal intérêt de la négociation qui vient d'aboutir est de l'ordre financier. Une grande partie de la dette égyptienne est placée en France. H s'agissait d'assurer à nos porteurs les plus larges garanties, tout en adaptant celles-ci aux conditions nouvelles résultant du relèvement financier de l'Égypte.

Tout le monde connait les origines du régime actuel. On sait comment les prodigalités d'Ismaël, ses énormes emprunts à gros intérêts (emprunts à 7 et même à 9 p. o/o, avances contractées à 30 p. o/o) ont, en quelques années, mis à la charge de son pays une dette de plus de deux milliards. Le crédit de l'Égypte fut bientôt ruiné. A la fin de 1874, le 7 p. 0/0 égyptien tombait à 54. En avril 1876, le Gouvernement déclarait qu'il suspendait ses payements.

C'est alors que, pour la sauvegarde des intérêts des créanciers et uniquement dans ce but, fut créée la Caisse de la Dette. Des revenus spéciaux, ceux de quatre provinces, ainsi que les produits des chemins de fer, des douanes, des tabacs, furent affectés au service de la Dette, et la Caisse reçut le droit de poursuivre devant les tribunaux mixtes l'exécution des engagements pris par le Gouvernement.

Malgré ces garanties, la totalité des intérêts dus ne put ètre payée. Les revenus affectés n'y suffisaient pas. De nouvelles mesures s'imposèrent. La loi de 1880 qui fut l'œuvre de commissaires désignés par la France, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et l'Italie, et qui reçut l'assentiment des Puissances, fixa les affectations spéciales des dettes, privilégiée, unifiée et Daïra-Sanieh, abaissa à 4 p. o/o l'intérèt de l'Unifiée et régla à nouveau les attributions de la Caisse de la Dette, ainsi que celles des Administrations des chemins de fer et de la Daïra-Sanieh.

L'Égypte était mise en tutelle: son Gouvernement ne pouvait ni réduire les impôts affectés, ni contracter d'emprunt sans l'autorisation de la Caisse et il ne pouvait dépenser librement que la somme qui lui était attribuée par les Puissances sur les

recettes de l'État.

D'autres dispositions furent prises en 1885 dans le même ordre d'idées. En garantissant un emprunt de 225 millions, jugé nécessaire, les Puissances resserrèrent une dernière fois les liens qui restreignaient la liberté d'action du Gouvernement égyptien en matière budgétaire.

On entra peu après dans une nouvelle phase. Les finances de l'Égypte devinrent

prospères, la Caisse de la dette reçut d'année en année des excédents plus considérables, le crédit du pays se rétablit.

5

Le moment arrivait où l'Égypte pourrait rembourser ses dettes. .

En 1890, elle obtint des Puissances l'autorisation de convertir sa dette Privilégiée

p. 0/0 en 3 1/2, sa dette Daïra 5 p. 0/0 en 4 p. o/o, sa dette Domaniale 5 p. 0/0 en 4 1/4, et il fut admis en même temps qu'elle pourrait, en 1905, rembourser la Privilégiée ainsi que la dette Daïra, et quelques années plus tard la dette Domaniale, ce qui impliquait qu'aux mèmes dates pourraient disparaître les trois Administrations mixtes des chemins de fer, de la Daïra Sanieh et des Domaines.

En 1894, l'Égypte demanda en outre à convertir l'Unifiée. Mais les Puissances ajournèrent l'examen de cette proposition.

Telle était la situation au moment où se sont engagées les négociations qui viennent de se terminer.

Les Dettes Daira et Domaniale s'amortissaient rapidement, la dette Privilégiée allait disparaître, et l'Egypte invoquant le droit qu'a tout débiteur de se libérer, préparait la conversion de l'Unifiée.

Voici maintenant les résultats auxquels ont conduit les négociations.

Aux termes du projet de décret auquel nous avons donné notre adhésion et qui doit être soumis à l'assentiment des autres Puissances, la Privilégiée ne peut plus être remboursée l'année prochaine. Elle sera remboursable au plus tôt en 1910, ce qui assure aux porteurs le maintien, sur lequel ils ne pouvaient plus compter, de l'intérèt actuel, au moins pendant cinq ans de plus.

Pour la dette Garantie 3 p. 0/0 et pour l'Unifiée 4 p. o/o aucun délai de remboursement n'avait été stipulé jusqu'à présent.

Il a été convenu que la dette Garantie, dont la plus grande partie parait être placée en Angleterre, pourra, comme la Privilégiée, ètre remboursée en 1910. Ce remboursement libérera le Gouvernement français de la garantie qu'il a donnée.

Quant à l'Unifiée, nous avons obtenu qu'elle ne serait pas remboursée avant 1912. Les porteurs pourront donc conserver leur intérêt de 4 p. o/o au moins pendant huit ans. C'est pour eux un avantage équivalent à celui qu'ils auraient si l'Unifiée était remboursée immédiatement à 108, taux supérieur au cours coté à la date de la signature de la déclaration.

Enfin la Domaniale, conformément à un accord conclu en 1900, n'est pas remboursable avant 1915.

Pour la Daïra, dont la liquidation est près d'être achevée dans les conditions établies en 1890, aucune prolongation ne pouvait être stipulée. Mais ses sucreries et son réseau de chemins de fer ont été achetés par une grande Société française, qui a presqu'entièrement concentré dans ses mains la fabrication du sucre en Egypte. Le Gouvernement français a stipulé la confirmation des avantages faits à cette Société.

En échange de ces concessions, le Gouvernement Égyptien a demandé que les affectations de revenus établies par la loi de liquidation fussent remaniées de manière à dégager les administrations dont les recettes n'étaient plus nécessaires au service de la Dette.

DOCUMENTS DIPLOMATIQUES.

5

« PrejšnjaNaprej »