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fait des miracles tels qu'aucun homme avant lui ».

Des réminiscences ou fragments de ce genre dérivés de Joséphe se rencontrent aussi à mon avis

3o chez des adversaires du christianisme comme Celse, Hiéroclès et Lucien, qui très probablement n'ont pas eu d'autre source d'information que les écrits de Josèphe, ou tout au plus la source romaine que Josèphe, Suétone et Tacite ont utilisée, et qui serait d'après M. Norden, le livre de Judaeis d'Antonius Julianus cité par Minucius Felix.

4° Il faut comparer en outre les récits analogues que Josèphe donne des autres mouvements messianiques. En effet il n'y a aucune raison de supposer qu'il ait parlé de Jésus avec plus de bienveillance que d'un Theudas ou d'un Judas de Galilée. Pour le Pharisien Josèphe le génie religieux du prophète Nazarien, la beauté profonde de son enseignement moral ne contrebalançait certainement pas ses attaques passionnées contre les classes dominantes juives Pharisiens, Sadducéens, scribes. Ce n'est donc certainement pas un sage» (sopós dvip) mais un sophiste» (opLOTY'S vip) qu'il a dù appeler Jésus, -tout comme il appelle Judas le Gaulanite «un sophiste d'une secte particulière (σοφιστὴς ἰδίας αἱρέσεως) c'est à dire un interprétateur de la doctrine juive. « Sophiste et magicien » c'est ainsi que Josèphe, usant d'une expression de Platon, appelle Theudas; et « sophiste et magicien » c'est bien ce que devait être pour Josèphe le « faiseur de miracles », le rabbin de certaines gens qui acceptent «< avec volupté pas la vérité, à, comme

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un copiste chrétien a corrigé, mais « n» « des choses inusitées ». Les chrétiens ont donc corrigé « soptos « sopóg » tout comme dans le Peregrinus Proteus de Lucien (voir plus loin, p. 21), l'appellation dérisoire payos èxeivos <«< ce magicien » pour Jésus a été corrigé en « μέγας ἐκεῖνος» « ce grand homme », ou comme dans le texte de Josèphe, copié par le Pseudo-Lentulus -« homo magicæ virtutis » a été changé en « homo magnae virtutis ».

Mais aussi grande que soit l'importance de ces fragments épars dans des auteurs grecs et latins dont je n'ai pas encore cité les plus intéressants je n'aurai pas pu les

utiliser comme il le faut sans le secours offert

5o par une autre source qui n'est plus ou moins accessible que depuis vingt ans. On sait qu'un très grand nombre d'événements de l'histoire Juive sont racontés en double par Josèphe une fois dans la « Guerre Juive» et une seconde fois dans «<les Antiquités ». Pour les passages des « Antiquités » se rapportant à Jean-Baptiste et Jésus, on avait cru que cela n'était pas le cas et que Josèphe n'en avait pas parlé dans le « Bellum ». Mais en 1908 un savant balte, M. Berendts de Dorpat, avait signalé une version en russe ancien du « Polemos» qui contenait des parallèles de ces deux paragraphes plus détaillés mème et d'un extrême intérêt. Il avait très bien vu que cette version russe, qui est aussi passionnément romanophobe que la version grecque est romanophile jusqu'au sycophantisme, ne pouvait dériver du texte grec, mais de la première rédaction du « Bellum » que Josèphe luimême dans le préambule grec déclare avoir écrit «< dans sa langue ancestrale » donc en Araméen ou en Hébreu pour les Juifs orientaux en dehors de l'empire romain. Malheureusement Berendts n'a pas vu que le texte russe sur Jésus était interpolé et mutilé tout aussi bien, mème plus fortement encore, que le grec par des mains chrétiennes. En voulant revendiquer pour Josèphe lui-même ce texte interpolé plein de contradictions et criblé d'inventions tardives et absurdes, comme il se présente maintenant, Berendts a naturellement rencontré des critiques très sévères (Schürer, Holtzmann, et d'autres) qui refusaient absolument d'accepter comme authentiques ces paragraphes qu'on considéra très prématurément et sans connaître la version russe entière, actuellement en cours de publication par les soins de M. Grass, comme interpolées de toutes pièces, au lieu de les soumettre à une analyse radicale, qui aurait séparé les additions chré

tiennes du texte original antichrétien qu'on entrevoit partout tout comme on a commencé de le faire depuis Gieseler jusqu'à M. Théodore Reinach pour le texte grec parallèle des Antiquités. Un seul critique allemand, M. Reinhold Seeberg, et un savant belge, M. Augustin Goethals ont essayé - très timidement et dans une mesure beaucoup trop restreinte de séparer des petites interpolations chrétiennes du reste de ce récit.

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Il est pourtant clair qu'en comparant deux versions de la même histoire manifestement interpolées et mutilées de façon différente, on peut reconstituer le sens original de ce que l'auteur a voulu dire, et cela dans une très large mesure et avec un très haut degré de certitude. On s'étonne, que les théologiens modernes, habitués aussi bien aux travaux synoptiques qu'à l'analyse de récits historiques de caractère composite, n'aient pas fait depuis longtemps le nécessaire dans ce cas de première importance.

Il serait trop long d'exposer dans tous leurs détails les résultats auxquels on peut arriver surtout parce qu'il faut avoir les textes en colonnes parallèles devant les yeux pour en juger. Je ne voudrais montrer ici que la reconstitution du premier paragraphe - peut être le plus frappant de tous avec l'aide de certains textes grecs et latins sur lesquels mon attention ne s'est fixée que tout récemment et qui ont fourni des éclaircissements tout à fait inattendus.

Le texte russe donne un portrait très défavorable et évidemment hostile de Jean-Baptiste : celui-ci y est décrit comme un sauvage hirsute qui se serait collé des peaux de bœufs sur tous les endroits de son corps non couverts par ses propres poils.

On ne trouve pas dans le texte russe une caricature analogue de Jésus, mais le contexte semble prouver, qu'un signalement malveillant de ce genre a dù se trouver dans l'original: quand on commence par dire : « sa figure (obrazu) était humaine » pour finir avec les mots

« Vu sa nature

=

commune » ou « ordinaire » (obščee estestvo κοινή φύσις en rétroversion) « moi je ne l'appellerai pas un ange » il est très probable qu'entre ces deux lignes l'auteur avait énuméré quelques traits purement humains pour renforcer ces assertions. En effet, André de Crète (environs de 660) et Vincent de Beauvais (vers 1284) citent encore d'après Josèphe une série de caractères physiques de Jésus. Le témoignage de Vincent de Beauvais est d'autant plus précieux qu'il parle expressément des « testimonia Josephi de Joanne Baptista et de domino Hiesu et de eius facie corporali », ce qui eorrespondrait exactement à notre reconstruction du contenu original du « Bellum » de Josèphe. Les contradictions manifestes entre les différents traits de la description citée comme ἐπίκυφος « voûté », qu'on trouve en justaposition immédiate avec «» « élancé », yop: « avec peu de cheveux »>, à côté de « oλos » « à riches boucles » (comme Ulysse est décrit par Homer) montre que le manuscrit de Josèphe, que copiaient ces auteurs, était déjà interpolé de main chrétienne. Les mêmes contradictions se rencontrentpour la même raison dans la« lettre de Lentulus », copiée - ce dont on ne s'est pas aperçu jusqu'ici

sur un manus

crit interpolé du « Bellum Judaïcum» de Josèphe, qui contenait encore presque en entier tout le signalement de Jésus, que l'auteur avait inséré avec un but de polémique très franchement avoué au commencement de son récit. On peut reconstituer ce texte qu'a copié le Pseudo-Lentulus en toute confiance: Josèphe aurait donc décrit Jésus comme << un homme avec un certain pouvoir magique », considéré par ses disciples comme un « fils de Dieu » (en araméen ou hébreu « ben elohim, bar elahin », « fils de dieux » ce qui veut dire un ange et est traduit « ayyskos » par Josèphe dans sa ἄγγελος paraphrase du VIe chapitre de la Genèse), et par les païens comme un devin, qui était surnommé le Messie (nominatus Christus, ce qui correspond au Xeyóμrvos Xptatós du XXe livre des Antiquités). Au dire du Josèphe russe sa figure (obrazu

=

popp) était humaine, son apparence seulement (zraků že ego idéa d'auto) plus qu'humaine (pace clku ὑπὲρ ἄνθρω TOY): « un homme >> explique la lettre de Lentulus «< de taille moyenne, voùté, au visage allongé, au grand nez, aux sourcils réunis, de sorte que ceux, qui le voyaient, pouvaient en avoir peur, aux cheveux rares et portant au milieu de sa tête la raie (séparation, lat. discrimen, grec dixτévisua) habituelle des Nazaréens ». On remarquera que le mot Gúvoppus, conservé par André de Crète, l'épitre des évêques orientaux à Théophylacte, Vincent de Beauvais etc., est nécessaire pour comprendre la phrase du Pseudo-Lentulus <«< ainsi que ceux qui le voyaient pouvaient s'en effrayer ».

Car on trouvera en effet dans le livre très documenté de M. Seligmann sur le « mauvais ouil » que les anciens comme d'ailleurs beaucoup de peuples modernes considéraient le synophrysme comme un des signes du gettatore. C'est précisément pourquoi l'interpolateur s'est empressé d'ajouter εὐοφθαλμός « de regard benin » après « σύνοφρυς ». Quand à la raie au milieu de la tète selon la coutume des Nazaréens -c'est une chose inconnue jusqu'ici à tous nos textes, par conséquent un détail, qui n'aurait jamais pu être inventé par un scribe du bas moyen âge.

Si discrimen veut vraiment dire la raie, la division des cheveux (sens qui se trouve dans Ovide et Claudien) — c'est à dire s'il ne s'agit pas de quelque erreur de la traducțion du grec en latin ou du sémitique en grec, on doit supposer que le scribe aurait écrit Nazaréens au lieu de Naziréens. Car s'il s'agit d'une coiffure particulière, on pensera naturellement en premier lieu au Naziréens, qui avaient prêté serment de ne jamais se couper les cheveux. Il serait naturel que ces gens pour maitriser de quelque manière leur lourde et longue chevelure, eussent développé l'habitude de la partager en deux ou en plusieurs parties. En effet, les sept mèches ou nattes (LXX, sipa, hebr. mahlephoth, <<< tresses ») de cheveux du Naziréen Samson sont

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