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ANALYSES ET COMPTES
ET COMPTES RENDUS

ARNOLD VAN GENNEP.

288 pages.

Les rites de passage. 1 vol. in-8° de
Paris, Émile Nourry, 1909.

L'application de la méthode comparative aux phénomènes religieux, qui a pris une si grande et si féconde extension depuis l'impulsion donnée à cet ordre d'études par le célèbre ouvrage de Tylor: « Primitive Culture », a conduit tout d'abord à colliger et à synthétiser les croyances des différents peuples, en négligeant quelque peu leurs rites. Les cérémonies religieuses étaient généralement mises en rapport avec l'explication donnée par ceux-là mêmes qui les pratiquaient. On dut cependant reconnaître que, dans un grand nombre de cas, cette explication pouvait avoir été inventée après coup pour rendre compte d'un usage dont la signification originaire s'était perdue et que, dès lors, il faut tenter d'expliquer les rites par eux-mêmes, en les rapportant au milieu ethnique ou social qui les justifie. Robertson Smith, qui, un des premiers après Mannhardt, s'est engagé dans cette voie, n'a pas hésité à écrire : «< De même que les institutions politiques sont plus anciennes que les théories politiques, les institutions religieuses sont plus anciennes que les théories religieuses ». Il est certain que l'importance attachée à l'étude des pratiques religieuses a ouvert à l'hiérographie des horizons nouveaux où les recherches doivent d'ailleurs marcher de pair avec l'investigation des croyances et des mythes. La science anglaise y a pris les devants; toutefois, dans les dernières années, l'ethnographie française s'est appliquée à regagner le terrain et on doit constater que le dernier volume de M. Arnold van Gennep mérite, par l'originalité non moins que par la solidité des déductions, de prendre place à côté des œuvres récentes des Frazer, des Hartland, des Jevons, des Farnell et des Marett.

On a soutenu à juste titre qu'il n'existe pas de peuple connu sans un minimum de croyances religieuses. A plus forte raison peut-on affirmer qu'il n'y a point de société, si rudimentaire qu'on la suppose, sans un

certain nombre de pratiques religieuses ou magiques, voire magicoreligieuses. Les principales ont été étudiées isolément chez les différents peuples et il en est résulté des rapprochements aussi intéressants que suggestifs. Cependant M. van Gennep fait observer que la ressemblance ne se borne pas aux rites, ainsi pris un à un ; qu'elle s'étend encore à des groupes de rites et même à l'ordre de succession dans le sein de chaque groupe. On trouve, dit-il, «< d'excellents travaux sur tel o tel é ément d'une séquence, mais on n'en peut citer que peu qui suivent d'un bout à l'autre une séquence entière et moins encore où ces séquences sont étudiées les unes par rapport aux autres »>.

Le volume qu'i! vient de publier réprésente une tentative pour grouper toutes les « séquences cérémonielles >> qui accompagnent le passage d'un lieu à un autre ou d'un milieu à un autre. L'auteur part de ce fait que chaque société générale contient un certain nombre de sociétés spéciales, d'autant plus autonomes et mieux délimitées que cette société générale se trouve à un degré moindre de civilisation groupes totémiques, phratries, classes professionnelles, classes d'âge, familles, habitants d'un village ou d'un territoire, mondes « d'avant la vie et d'après la mort; catégories sociales constituées par des événements particuliers et temporaires grossesses, maladies, dangers, voyages. Toujours ce sont de nouveaux seuils à franchir seuils de l'été et de l'hiver, de la saison ou de l'année, du mois ou de la nuit; seuil de la naissance, de l'adolescence ou de l'âge mûr; seuil de la vieillesse, seuil de la mort et de l'autre vie. Enfin, la série des passages humains se relie, chez quelques peuples, à celle des passages cosmiques, aux révolutions des planètes, aux phases de la lune. Et c'est là une idée grandiose de rattacher les étapes de la vie humaine à celles de la vie animale et végétale, puis, par une sorte de divinisation préscientifique, aux grands rythmes de l'univers ».

:

Pour passer d'un compartiment à l'autre, il faut remplir certaines conditions qui, chez les civilisés, tendent de plus en plus à devenir simplement intellectuelles, économiques, juridiques, mais, qui, chez les peuples primitifs ou arriérés, impliquent avant tout des cérémonies magico-religieuses fondées sur la distinction du sacré et du profane. Le profane, c'est la vie à l'intérieur de chaque compartiment pour les membres de cette société spéciale; le sacré, qui est une notion relative, ne consiste pas seulement dans l'inconnu, le mystérieux, le surnaturel, mais encore dans tout ce qui se trouve au dehors. L'étranger ne peut

donc pénétrer dans un milieu nouveau sans se prêter à des rites ayant pour objet soit de neutraliser les influences dangereuses qu'il y introduit, soit de l'immuniser lui-même à l'égard de celles qu'il y ren

contre.

Cette acclimatation mystique comporte invariablement une opération de séparation et une opération d'agrégation. M. van Gennep fait ingénieusement observer que ces deux ordres de rites sont presque toujours séparés par des cérémonies qu'il intitule: rites de marge et qui présentent partout de remarquables analogies. Leur objet est « de faciliter les changements d'état sans secousses violentes, ni arrêts brusques de la vie individuelle et collective ».

Tel est le point de vue nouveau, duquel il étudie successivement les rites de la porte et du seuil, de l'hospitalité, de l'adoption, de la grossesse et de l'accouchement, de la naissance, de l'enfance, de la puberté sociale, de l'initiation, de l'ordination, de l'intronisation, des fiançailles et du mariage, des funérailles, des saisons, etc. Partout il nous montre l'idée d'agrégation ou de réintégration se superposant à celle de séparation, avec toute une série d'étapes intermédiaires, qui, à la vérité, peuvent différer quant à la place, à l'époque ou aux détails, mais qui ne s'en retrouvent pas moins dans chacun de ces événements à la fois sociaux et religieux. Le type le plus fréquent comprend, après une sortie plus ou moins graduée, un arrêt, une attente, un passage, une entrée, enfin l'agrégation complète. Pareil ordre est surtout sensible dans les rites de l'adoption, de l'initiation, du mariage et des funérailles. Ces dernières, toutefois, ont moins pour objet de séparer le défunt du monde des vivants que de l'agréger à celui des morts. D'autre part, les proches suivent le trépassé jusqu'à un certain point dans sa condition nouvelle; c'est la période du deuil, état de marge où ils pénètrent par des rites de séparation et d'où ils sortent par des rites de réintégration, tandis que le défunt s'agrège définitivement à la société des morts.

Sur bien d'autres points encore, le système de l'auteur l'amène à formuler des explications qui peuvent parfois se discuter, mais qui n'en sont pas moins séduisantes dans leur originalité et qui semblent, en tout cas, mieux coordonnées que la plupart des théories avancées jusqu'ici. Je citerai notamment ses vues sur les lustrations, les mutilations rituéliques, les abstinences et les prostitutions sacrées, la concorde; la commensalité; la licence dans une certaine période de l'initiation; la parodie d'une mort et d'une résurrection au cours des mystères; les

cérémonies du couronnement ou plutôt de l'intronisation; la coexistence de la crémation pour les adultes avec l'enterrement pour les enfants; la simulation, pendant la célébration des mariages, d'un enlèvement qui est simplement un rite de passage, non l'indice d'un rapt ou d'une promiscuité préhistorique; enfin l'armature du sacrifice lequel a pour objet d'introduire dans le domaine du sacré l'officiant aussi bien que l'offrande, etc.

Il y aurait lieu, cependant, à propos de quelques-uns de ces commentaires, de faire observer qu'en général les séquences cérémonielles n'ont pas dû être forgées tout d'une pièce et que quelques-uns de leurs éléments comportent des applications étrangères à l'idée de passage. L'auteur reconnaît d'ailleurs qu'il se mélange aux rites de marge « des rites de multiplication ou de fécondation et de coercition sur le mécanisme cosmique et semestre »; ce sont même les rites de cette catégorie qui ont été le plus étudiés jusqu'à présent. D'un autre côté, il n'est pas toujours facile de faire le départ, en dehors même du point mort où la << marge » de l'agrégation se rencontre avec celle de la séparation, entre les rites qui rentrent dans chacune des deux orientations. Ainsi l'auteur écrit (p. 237) que « tous les rites comportant l'acte de couper d'une part, de lier de l'autre, n'offrent guère matière à discussion ». Ce qui ne l'empêche de montrer ailleurs que la circoncision est un rite d'agrégation à un groupe déterminé, de même espèce que les tatouages, le port d'un masque ou d'un vêtement spécial. Il en est encore ainsi des autres procédés de mutilation religieuse. Couper les cheveux nous est présenté tantôt comme un rite de séparation (p. 238), tantôt comme un' rite d'agrégation (p. 78).

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On pourrait peut-être encore en dire autant d'un rite de passage dont l'auteur n'a pas tiré parti, bien qu'il eût pu le relever à la fois dans la plupart des cérémonies auxquelles il fait allusion: c'est la circumambulation. Il est vrai qu'ici la signification dépend de la direction donnée à la marche. Dans les sacrifices aux Pitris, d'après le rituel du SapathaBrahmana, l'officiant exécute d'abord trois tours par la gauche, « afin d'aller chez les ancètres », puis par la droite. « pour revenir en ce monde qui est le sien ». De même, Stace, dans sa Thébaïde, nous montre les guerriers faisant trois fois par la gauche le tour du bûcher funéraire, les enseignes abaissées en signe de deuil; puis trois fois par la droite, afin « d'abolir le deuil », luctus abolere, novique funeris auspicium... dextri gyro (v. 215-216).

Il va sans dire que les thèses de l'auteur sur le groupement et la

séquence des rites ne contrecarrent nullement, mais, au contraire complètent les travaux de ses prédécesseurs sur la psychologie des rites étudiés isolément. Lui-même s'en réfère à la classification de l'école anglaise qui subdivise les rites en sympathiques c'est-à-dire impliquant la croyance à l'action du semblable sur le semblable, du contraire sur le contraire, du contenant sur le contenu, du simulacre sur l'objet ou l'être réel, de la parole sur l'acte, etc. et en contagionistes impliquant la transmissibilité, par contact ou à distance, des qualités naturelles ou acquises. Il se borne à y ajouter un second 'classement en rites animistes et dynamistes ou automatiques, suivant qu'ils impliquent l'intervention d'une puissance extérieure ou qu'ils opèrent, en quelque sorte mécaniquement, par leur vertu efficiente. L'examen de cette question nous entraînerait trop loin; il me suffira d'avoir essayé de montrer, pai cette courte analyse des conclusions de M. van Gennep, qu'il y a encore des trouvailles d'ensemble à faire dans le domaine, cependant si exploré aujourd'hui, de la religion comparée.

GOBLET D'Alviella.

FRANCIS PÉROT.

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Folk-Lore bourbonnais. Pet. in-18, 246 p. Paris, E. Leroux, 1908. Prix : 5 fr.

Voici cinquante ans que M. Pérot recueille des matériaux sur le folklore, le costume, les mœurs de sa région natale et ce premier volume, auquel feront suite, on l'espère, trois autres, constitue en effet un recueil riche et intéressant. Je dis de suite qu'on regrettera de se voir renvoyé, pour certains faits, à des articles de l'auteur parus dans des périodiques d'un accès parfois difficile, par exemple sur le culte du feu en Bourbonnais au Politicon qui paraît à Lyon, ou à des brochures publiées à Montluçon.

Les matières sont classées par ordre alphabétique. Je note que dans le Bourbonnais, comme en bien d'autres régions (Russie, etc.) le sort des abeilles semble lié à celui du maître de la maison. Il y a des cérémonies aux Brandons. Parmi les instruments magiques des sorciers, on signalera le bracelet, la ceinture.

Il y a deux catégories de chasses surnaturelles, la chasse de SaintHubert et la chasse gayère, celle-ci en relation spéciale avec les char

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