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<«<< Renan a donc entrevu, avec Comte, quelques-unes des idées qui ont permis la constitution des sciences religieuses. Il a revendiqué les droits de la méthode critique. Il a su recréer la vie spontanée et substituer à la sécheresse des formules une analyse concrête et pénétrante du développement de l'esprit humain. Et la sociologie contemporaine a apporté à ces visions poétiques une confirmation partielle. »

Annuaires de l'Ecole des Hautes Etudes. Section des Sciences religieuses 1914-1919. Pendant ces années de guerre, au milieu des émotions intellectuelles et morales qui ont momentanément arrêté bien des activités scientifiques, individuelles ou collectives, la Section des Sciences religieuses de l'Ecole des Hautes Etudes a continué son labeur avec une sérénité et une plénitude qui lui font le plus grand honneur. La mobilisation a fait fléchir le nombre de ses professeurs et de ses élèves; ceux qui restaient ont voulu travailler double, et les Annuaires de la période 1914-1919 se présentent comme de très dignes bulletins de cette campagne de travaux menée en dépit de difficultés et souvent même de dangers que rien ne laisse entrevoir au lecteur.

L'Annuaire 1914-1915 s'ouvre sur un mémoire d'égyptologie, le dernier dû à la plume du regretté E. Amélineau : l'Enfer égyptien et l'enfer virgilien, étude de mythologie comparée (pp. 1-59). L'auteur s'est proposé « de montrer nellement que la manière dont les poètes grecs et latins ont décrit leur Tartare et leurs Paradis dérivait en droite ligne des ouvrages de l'Egypte, » Ces origines égyptiennes, chemin faisant M. Amelineau les retrouve aussi dans l'eschatologie judéo-chrétienne (p. 58): « En decrivant la vie des habitants de sa Jérusalem céleste, le voyant de Patmos n'avait rien inventé et n'avait fait que reproduire les idées de la plus ancienne Egypte» (p. 5). Au surplus, «< on fait, dit-il, encore, remonter toute cette influence (des idées de, l'Egypte sur les idées chrétiennes touchant l'Enfer et le Paradis) au système platonicien et socratique, lequel, on le peut voir clairement aujourd'hui, n'était qu'un édifice construit avec les idées egyptiennes à peine demarquées.» (p. 55).

M. Maurice Vernes, président de la Section, a donné dans l'Annuaire de 1915-1916 une Etude archéologique et géographique intitulée Sinaï contre Kades; les grands sanctuaires de l'exode israelite et les routes du désert, (pp. 1-89). Dans les dernières années du xix siècle et au commencement du xx, en Allemagne, en France, en Angleterre, « la situation et l'importance du Sinaï sont devenues l'objet, non pas seulement de doutes avoués, mais d'une négation franche et categorique au protit de la, localité de Kadès ou KadèsBarnea. Le Sinaï a été mis à l'arrière-plan, puis déplacé; transporté par les uns dans la grande Arabie, par d'autres au pays d'Edom, il a été enfia volatilisé par quelques-uns, qui n'y voient plus qu'un mythe. Le sanctuaire de

Kadès, à l'extrême sud du pays de Chanaan, hérite de son rôle glorieux » (p. 1). M. M. Vernes plaide « pour le vieux Sinaï contre son jeune et brillant concurrent » et ses propositions se fondent essentiellement sur les données des géographes anciens, au premier rang d'entre elles sur le tracé des routes du désert d'après la table de Peutinger. Les Israélites, dit M. M. Vernes en conclusion de sa discussion de témoignages géographiques et bibliques, n'ont jamais eu, depuis leur établissement en Chanaan, l'occasion de faire entrer le Sinaï dans le cercle de leurs préoccupations religieuses ou politiques; il resta toujours en dehors de leur horizon ». Au contraire, le Kadès qui n'était éloigné de Bersabée que de quelques journées de marche, resta toujours quelque peu dans cet horizon. « Pourquoi donc cette place d'honneur faite à la montagne de Dieu en Horeb, si non parce qu'elle se fondait sur d'antiques et durables souvenirs? » (p. 89).

M. Jules Toutain, secrétaire de la Section, a donné, dans l'Annuaire 19161917, un mémoire sur l'Idée religieuse de la rédemption et l'un de ses principaux rites dans l'antiquité greique et romaine. (pp. 1-18). Ce rite est celui du «saut de Leucade» de toute antiquité il avait été d'usage à Leucade, au dire de Strabon, que chaque année, le jour de la fête d'Apollon, on précipitât du haut du cap, pour détourner les malheurs qui pouvaient menacer le pays, un condamné. Ce rite annuel du culte d'Apollon Leukas ou Leukates (rite qui n'est d'ailleurs pas isolé) apparait à M. Toutain comme en rapport évident avec les idées chrétiennes de rédemption: Le condamné précipité du haut du roc de Leucade devait être le spinua de la cité, c'est-à-dire son salut sa rédemption. Ce rite était donc «< plus qu'une expulsion des maux, plus qu'une lustration, plus qu'une expiation. C'était, de l'aveu même des chrétiens, une rédemption. D'après les Acla des martyrs de Terracine, le personnage qui se jetait dans la mer libérait toute la cité, tout l'Etat de la colère divine en la concentrant sur sa tête; d'après Photius et Suidas, il rachetait par sa mort tous ses concitoyens » (p. 16). Forme plus étroite de l'idée de la rédemption que l'idée chrétienne, car il ne s'agit ici que du rachat des citoyens d'une ville, des empereurs, d'un Etat, plus étroite aussi parce que la swτnpix, l'amoλútpwors libère seulement des malheurs et des fléaux, mais non du péché, Mais, ces réserves faites, on peut affirmer qu'une des idées les plus hautes et les plus généreuses du christianisime n'a pas été complètement étrangère à l'antiquité classique (p. 18).

Le même annuaire renferme une étude de M. Maurice Vernes sur les caractéristiques de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, sciences religieuses, et sa place dans l'enseignement supérieur francais (pp. 19-45). Nous aurons l'occasion de revenir ici sur ce mémoire, fourni au Ministère de l'Instruction publique par le Président de la cinquième section de l'Ecole des HautesEtudes et destiné à prendre place dans un volume exposant l'organisation générale et les particularités essentielles des divers établissements d'enseignement supérieur officiel à Paris.

Dans l'Annuaire de 1917-1918 a paru une étude de M. Fr. Picavet intitulée : Hypostases plotiniennes et Trinité chrétienne (p. 1 52). M. Picavet montre

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« les emprunts incessants, réfléchis et considérables des chrétiens au Plotinisme ». « Le Plotinisme est le plus récent des systèmes qui viennent du monde gréco-romain, et en est le plus complet. » Le christianisme, primitif ou médiéval, y a puisé, pour une utilisation apologétique immédiate, tout ce qui dans l'héritage de la philosophie antique lui paraissait avoir des analogies avec sa dogmatique, M. Picavet a groupé les témoignages des écrivains ecclésiastiques qui ont eu la conscience très netté d'une grande analogie, pour ne pas dire plus, entre les hypostases plotiniennes et la Trinité chrétienne : textes de Théognoste, d'Athanase, d'Eusèbe de Césarée, de S. Basile, de S. Grégoire de Nysse, de S. Grégoire de Nazianze, ou même d'adversaires comme Synésius et S. Cyrille qui se rencontrent en une même position à l'égard de la tradition plotinienne sur les hypostases et sur nombre d'autres points. L'auteur de ce mémoire estime qu'il serait aisé d'augmenter encore le nombre de ces citations; Saint Augustin et le pseudo Denys l'Areopagite en fourniraient en abondance, et d'autant plus significatives que l'influence de l'un et de l'autre a été plus considérable chez les théologiens de l'Orient et de l'Occident (p. 50).

M. G. Raynaud a donné, en tête de l'Annuaire de 1918-1919, un mémoire sur les Créations et les guerres des dieur d'après une Bible Centro-américaine (p. 1-43). Cette «< bible » est le Livre du Conseil (Popol-Vuh). C'est, datée de quelque vingt ans après les conquêtes « la plus abondante, mais très authentique (aucune influence chrétienne) source de renseignements que nous pos sédions sur la religion et l'histoire, celle-ci d'abord fabuleuse, du Guatemala. Une étude attentive permet d'affirmer que c'est aussi au point de vue des idées religieuses notre meilleur document sur l'Amérique centrale. Il donne en outre indirectement d'importants renseignements sur les divinités du Mexique que nous connaissons de plus en plus mal depuis qu'on a commis, en Allemagne surtout, la colossale erreur de les étudier dans les Codices astrologiques >> M. Raynaud espère pouvoir en publier un jour la traduction intégrale. Pour le moment, il donne, avec les notes indispensables et un commentaire succinct, la traduction de la première moitié du livre, c'est-à-dire de ce qui se rapporte aux créations et aux guerres des dieux. C'est la fraction la plus intéressante du Popol Vuh, celle qui, en nous renseignant sur le stade le plus archaïque de l'évolution religieuse de la moyenne Amérique et en ne mettant en scène que des divinités primordiales et communes certainement (noms divers) à la plupart des peuples civilisés du Mexique et de l'Amérique centrale, constitue un document unique en son genre ». « La suite du Livre du Conseil, bien que rattachée à cette première fraction par le récit de la création de l'homme civilisé et malgré quelques allusions aux divinités primordiales de la civilisation

moyenne-américaine, ne met plus en jeu que les dieux tribaux des peuples. quichés et cakchiquels » (pp. 42-43),

P. A.

On connaît l'école « radicale » de critique religieuse qui, en Hollande, nie l'existence historique de Jésus et voit dans l'histoire évangélique la libre création d'un groupe de juifs hellénisés. Le principal représentant de cette école, M. G. A. Van den Bergh van Eysinga, a exposé ses vues dans un volume dont il existe une édition anglaise (Radical Views about the New Testament, London, Watts, 1912, in-18). Il vient de publier une nouvelle étude, Voorchristelyk Christendom (Le Christianisme préchrétien préparation de l'Évangile dans le monde hellénistique). A propos de cet ouvrage, M. H. Oort, un des auteurs de la nouvelle traduction néerlandaise de la Bible, a publié dans une revue pour le grand public De Gids (numéro de mars 1919) un article intéressant, intitulé Jésus de Nazareth a-t-il existé? dans lequel il discute, en se plaçant à un point de vue purement historique, les vues de l'école « radicale »; il expose les difficultés auxquelles se heurte la théorie de M. Van den Bergh van Eysinga, non seulement pour ce qui est des faits de l'histoire évangélique, mais aussi en ce qui concerne l'enseignement de Jésus, qui n'est pas seulement, ainsi que le soutiennent les « radicaux », une anthologie de belles sentences, prises à droite et à gauche, mais forme un ensemble, une unité puissante, basée sur «< un idéalisme formidable ». - Si M. Van den Bergh van Eysinga, qui ne dédaigne pas non plus d'écrire dans des revues destinées au grand public, répond aux objections de M. Oort, la discussion pourra devenir intéressante.

G. H.

La statue de Saint Démètre. On nous signale ce petit fait d'actualité, qui peut servir à illustrer une théorie du « mana »,

Saint Démètre est fort vénéré à Bucarest; on l'invoque notamment pour amener la pluie et, en cas de sécheresse, on le promène en grande pompe dans le pays. Lors de l'occupation de la capitale roumaine, les Bulgares prétendant que saint Démètre était d'origine slave, se mirent en mesure de le déménager. Quand la population roumaine apprit le départ du saint, ce fut un moment d'angoisse auquel succéda une sourde colère. Le maréchal Mackensen, prévenu, donna immédiatement l'ordre de ramener la statue du saint; ce qui fut fait. Mais la population est persuadée que les choses se sont passées tout autrement à mesure que le saint s'éloignait de son sanctuaire, sa statue s'alourdissait de plus en plus, si bien que les soldats bulgares ne purent plus la porter et qu'on fut contraint de la ramener à Bucarest.

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Prix académiques. L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres a décerné le prix Estrade-Delcros à M. Henri Gaidoz, directeur d'études à l'Ecole des Hautes-Etudes. Nous en félicitons vivement le fondateur de la Revue Celtique (1870) et de Mélusine (1877), toujours en pleine activité. Dans son allocution M. Antoine Thomas a hautement reconnu la valeur scientifique d'un des chercheurs originaux qui font le plus honneur à nos études: << M. Henri Gaidoz est un de ces hommes qui, dans ces quarante dernières années, ont répandu le plus d'idées neuves, souvent justes, grâce à la largeur de son information et à l'ingéniosité de sa critique. Il a plus d'une fois victorieusement combattu Benfey et Max Müller, et, devançant Frazer, il a réussi à établir l'ancienneté de certains éléments du folk-lore français et élargi les bases de la mythologie comparée en faisant appel, non seulement aux traditions des peuples indo-européens, mais aux croyances et aux coutumes de toutes les races humaines. >>

Le Gérant: A. THÉBERT.

ANGERS IMP. F. GAULTIER ET A. THÉBERT, Á. RUE GARNLER.

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