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même étude, Maspero a montré que les statues talismaniques que le moyen âge attribuait à Virgile se rattachent très probablement à des idées égyptiennes, importées anciennement en Occident. On peut ajouter que la légende romaine, conservée par Guillaume de Malmesbury, sur les merveilles souterraines découvertes par Gerbert (le futur pape Silvestre II) semble réfléter également des idées égyptiennes : il y est question de statues en or qui se lèvent d'un air menaçant dès qu'on ose toucher aux objets précieux qui se trouvent dans le palais souterrain'. De là à une « statue mobile », à un « homme de fer >> ou de toute autre matière, qui vient quand on l'appelle et exécute des ordres, il n'y a pas loin. « L'homme de fer » du conte pourrait être une très ancienne variante, imaginée en Égypte

même.

Quoi qu'il en soit de ce détail spécial, le résultat de ces recherches, en apparence assez compliquées, peut être résumé en quelques mots. Le conte d'Aladdin, ce récit qui a charmé notre enfance, est la combinaison de deux contes qui vivent tous les deux dans la tradition populaire, mais qui sont différents d'origine. Le premier est vraisemblablement né dans l'Inde; quant au second, on peut - hypothétiquement, il est vrai le rattacher à l'Égypte et à des pratiques de la magie égyptienne.

I.

APPENDICE

Le conte de la « Lampe » dans l'Inde.

Théod. Benfey a voulu chercher dans l'Inde l'origine du conte de la Lampe ou même du conte entier d'Aladdin et cela au moyen d'une combinaison des plus hasardeuses. A propos d'un récit qui fait certainement partie du fonds le plus ancien du

1) Guillaume de Malmesbury, I. II, c. 10, éd. Stubbs,

Pancatantra' il remarque dans son Introduction (I, 379): « Au récit indien se rattache, ainsi que l'a déjà remarqué Wilson... l'Histoire d'Abunader (sic)... et à celle-ci la Lampe d'Aladdin dans les Mille et une Nuits ».

L'Histoire du derviche Abounader, récit traduit probablement du turc', est certainement un dérivé du conte indien que Benfey a en vue et il est également certain qu'il contient des éléments du conte populaire de la Lampe ou (ce qui est plus probable), du conte littéraire d'Aladdin. Mais la combinaison de Benfey, qui voulait faire, semble-t-il, du récit des Mille et une Nuits un développement pur et simple du récit turc, est impossible, ainsi que pourra s'en convaincre tout lecteur qui voudra comparer les deux récits. Le conte turc contient quelques éléments maladroitement empruntés à Aladdin (descente dans le souterrain, etc.) mais n'est pas la source d'Aladdin. Il est inutile de réfuter dans le détail une opinion qui, à ma connaissance, n'a pas trouvé un seul défenseur. Benfey était un grand savant, mais ses combinaisons étaient parfois bien arbitraires.

D'une toute autre valeur serait le rapprochement fait par V. Chauvin' entre le conte d'Aladdin et un récit du grand recueil de Somadeva (traduction anglaise de Tawney, I, 558) si ce récit n'était malheureusement très incomplet un ascète qui est sorcier ouvre la terre après un holocauste (a burnt offe ring) et d'autres rites et prie le héros du récit de descendre dans le souterrain, où il y a un palais merveilleux, pour s'y emparer d'une épée qui donne un pouvoir magique. — La suite

1) Premier conte du 1. V dans la version que Benfey a suivi, t. II, p. 321 de sa traduction. Même récit, traduit d'après une ancienne version chinoise, par M. E. Huber, dans Bulletin de l'École française d'Extrême-Orient, IV (1904), p. 707-709.

2) Ce récit a paru dans [Caylus] Contes orientaux traduits des manuscrits de la Bibliothèque du Roi de France, La Haye, 1743, I, 259. On sait que ce recueil est tiré de traductions faites par les «jeunes de langues », surtout du turc. On trouve l'Histoire d'Abounadar réimprimée à la suite des Mille et un Jours (édit, du Panthéon littéraire), p. 665.

3) Ouvrage cité, V, 66,

du récit n'a plus d'intérêt pour nous; mais il est remarquable qu'on retrouve ici des données essentielles du conte de la Lampe: le sorcier, qui ne peut s'emparer en personne de l'objet magique et qui fait descendre le héros du conte dans un souterrain pour le chercher et l'amener à la lumière. Si le rapprochement n'est pas certain, il demeure vraisemblable, le recueil de Somadeva contenant d'autres souvenirs fragmentaires de contes. Si ce récit se rapportait réellement à notre conte, il constituerait la plus ancienne donnée chronologique, le recueil de Somadeva ayant été composé entre les années 1063-64 et 1081-84 de notre ère. Clouston (ouvr. cité, I, 337 et suiv.) donne l'extrait d'un conte qui se trouve dans un roman tamoul dont je n'ai pu me procurer la traduction, citée par l'auteur anglais'. Le récit est le second conte du livre, qui est un roman « à tiroirs » :

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Alakėsa, roi d'Alakâpuri, mourut jeune, laissant une femme et un jeune fils. Le frère cadet du roi, régent du royaume, [s'empara du trône] et exila le jeune prince et sa mère. L'ex-reine chercha un refuge chez son père et obtint de lui cent pagodes, qu'elle donna à son fils pour qu'il achetât des marchandises. Le jeune homme, inexpérimenté et naïf, acheta avec cet argent un jeune chat qu'un paysan voulait mettre à mort. Sa mère ne fut pas contente, mais le grand-père lui offrit de nouveau cent pagodes: le jeune homme les donna pour un serpent qu'on voulait tuer. Il vécut ensuite en mendiant, toujours accompagné du chat et du serpent. Sa mère, de plus en plus mécontente, exigea qu'il se débarrassât de cet animal; il l'emporta dans une forêt et lui expliqua pourquoi il devait l'abandonner. Le serpent invita le jeune homme [à l'accompagner] au palais de son père et Adisêsha, roi des serpents, lui donna un anneau, qui procure tout ce qu'on désire.

Le jeune homme, ravi, s'en alla dans la jungle: il souhaita que le feu dévorât la forêt et que tous ceux qui ont été bons pour lui pendant sa misère se trouvassent réunis sur ce terrain; que des maisons s'y élevassent pour les abriter, ainsi qu'un palais pour lui-même, sa

1) Clouston, ouv. cité I, 240 note, cite ainsi le titre : The Dravidian Nights' Entertainments being a translation of Madana-kámarájakadai. By Pandit S. M. Natėsa Sastri. Madras, 1886.

mère et son chat. En effet, la jungle se transforma en une ville, nommée Nishadadêsa, dont le jeune homme devint roi.

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Une nuit, il pensa à se marier. Il songea à la fille du roi de Svarnapuri, ville située à une distance de 500 kilomètres de la ville où il se trouvait et il dit : « Que cette princesse soit enlevée avec sa couche, sans qu'elle soit troublée dans son sommeil et qu'elle soit apportée ici immédiatement. La chose se fit, et la princesse fut devant lui. Il la réveilla en la touchant gentiment. Voyant qu'elle avait été transportée mystérieusement dans un autre pays, la princesse, très intelligente, dit au prince qu'elle comprenait qu'elle était destinée à être sa femme; elle le pria de remettre le mariage à quelques jours, pour qu'elle pût communiquer la chose à son père. Le prince, très content de la prudence de la jeune fille, la renvoya avec sa couche dans son pays, grâce au pouvoir de son anneau. Le lendemain, le prince envoya des ambassadeurs à Svarnapuri, pour demander la main de la princesse; il l'obtint.

Le mariage se fit avec une grande splendeur. Quelque temps après, la princesse, en prenant un bain au bord de la mer, laissa tomber dans l'eau un de ses cheveux, qui réuni en pelote par le mouvement des vagues, fut déposé par les flots sur la côte de Kochchi [Cochin]. Le roi du pays l'aperçut, déroula la pelote et vit que ce seul cheveu avait une longueur de dix bhagams'. Il devina que la femme à laquelle ce cheveu avait appartenu était merveilleusement belle et résolut de la faire enlever. Il promit une grande récompense à toute personne qui pourrait lui amener la reine. Une vieille femme s'offrit. Elle découvrit l'endroit d'où le cheveu était venu, réussit à devenir la confidente de la reine de Nishada et surprit le secret de l'anneau. Par une ruse, elle s'en empara. Elle fut de suite, sur son désir, transportée à Kochchi et dit au roi que, s'il pensait, ayant l'anneau au doigt, à la reine de Nishada, celle-ci se trouverait immédiatement devant lui. En effet, la reine fut élevée en l'air et se trouva devant le roi. Ayant ainsi vérifié le pouvoir de l'anneau, il souhaita ensuite que le roi de Nishada devtnt fou et que son royaume fût réduit en cendres. Ces deux calamités s'accomplirent en effet; de son côté la malheureuse reine enlevée obtint un délai de huit jours avant la célébration de son mariage pendant ce temps elle observa un jeune religieux et fit distribuer des $

1) Un bhaga équivaut à deux yards (note de Clouston).

aumônes et de la nourriture aux pauvres. Parmi ceux-ci, elle remarqua son mari, accompagné de son fidèle chat: il prit sa part des victuailles et s'endormit, le chat prenant place sur sa poitrine. Des rats survinrent pour avoir leur part des restes du festin du repas des mendiants; le chat sauta sur le râja des rats, le prit par le cou et menaça de le tuer s'il ne lui apportait l'anneau enlevé à son maître. Le roi des rats s'exécuta et expédia un de ses sujets pour examiner les caisses dans lesquelles le roi de Kochchi gardait ses trésors. Il trouva l'anneau dans une boîte, placé près de la couche du roi et l'apporta au chat, qui mit en liberté le râja des rats et restitue l'anneau à son maître. Celui-ci fut instantanément guéri de sa folie; il souhaita que lui et la reine se retrouvassent à Nishada, où tout serait remis en état; puis il souhaita que le roi de Kochchi devint fou et que son royaume fût détruit.

On aura reconnu de suite dans ce récit le conte de l'Anneau : la nouvelle tamoule est manifestement la mise en œuvre littéraire d'un conte populaire du type indien de l'Anneau, analogue à ceux qui ont été analysés par M. Aarne, p. 35 de son travail. Comme dans ces récits, nous avons ici le trait du cheveu merveilleux, qui provient, comme on sait, du plus ancien conte connu, le récit égyptien des Deux Frères. Mais ce qui est remarquable, c'est l'épisode (souligné par nous) de la princesse transportée avec son lit à travers les airs; cette partie du récit a tout l'air d'un débris de l'autre conte, celui de la Lampe, qu'on a inséré dans le récit de l'Anneau. Nous avons par conséquent le droit de supposer que le conte de la Lampe a été jadis connu en entier dans l'Inde.

Clouston (ouvr. cité, I, 476) donne encore une autre version de l'Anneau, extraite d'un recueil de contes en birman. C'est également une version arrangée, littéraire, mais qui, à certains égards, s'éloigne moins du prototype populaire que le récit tamoul. Ce récit est extrait d'un recueil de nouvelles, traduit en anglais par T. P. Sparks sous le titre The decisions of Princess Thoodamma Tsari (Moulmein, 1851); d'après ce spécimen, ce recueil est plus ou moins arrangé sur le modèle des Vingt-cinq

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