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considérée comme la seule orthodoxe, trois grandes religions où le vrai se trouvait mêlé au faux, savoir le Judaïsme, le Christianisme, l'Hellénisme ou, plus généralement le Paganisme. Et ils lisaient certains livres qui se rattachaient à chacun de ces groupes rivaux et qui en exposaient les traditions sous une forme acceptable pour eux. On ne peut donc avoir une connaissance complète de leurs textes sacrés sans passer en revue tous les écrits juifs, chrétiens ou païens dont ils se sont servis.

De cet aperçu rapide se dégage naturellement la division de la présente étude.

PREMIÈRE SECTION

ÉCRITURES PROPREMENT MANICHÉENNES

CHAPITRE Ier

ÉCRITS DE MANI

Divers auteurs, parlant des œuvres de Mani, s'accordent à les répartir en deux séries nettement tranchées. L'une comprend ses grands écrits, l'autre ses travaux secondaires. La première est la plus importante et aussi la mieux connue. Avant d'en étudier le contenu précis, il est nécessaire d'en fixer les contours.

I

GRANDS RECUEILS

Il semble qu'il y ait eu divers recueils des principaux ouvrages de Mani.

I) TÉTRADE MANICHÉENNE. D'après les Actes d'Archélaus, l'hérésiarque aurait laissé à ses disciples quatre grands écrits qui contenaient l'essence de sa doctrine. Cette tétrade aurait d'ailleurs existé bien avant lui. Son origine remonterait aux temps apostoliques. C'est ce qu'Archélaus lui-même explique brièvement aux fidèles de Kashkar, après avoir victorieusement discuté devant eux avec le fondateur de la nouvelle religion.

« Je vais, dit-il, vous exposer l'histoire et la vie de ce Manès.

Je vous montrerai aussi très clairement d'où procède sa, doctrine. Il n'a pas été le seul ni le premier à la constitur.

«L'auteur et le chef de sa secte fut un certain Scythien, du temps des Apôtres, un de ces nombreux apostats qui, désirant s'arroger la primauté, substituèrent dans leurs écrits l'erreur à la vérité. Ce novateur introduisit deux Principes contraires, qu'il tenait, comme tous les autres Dualistes, de Pythagore 1. I admit leur antagonisme et tout ce qui s'en suit. Ce Scythien était de la race des Sarrasins 2. Il épousa une captive de la Haute-Thébaïde qui le décida à habiter en Égypte, plutôt que dans les déserts 3. Là, il apprit la sagesse des Egyptiens 4. D'après le témoignage que nous ont laissé ceux qui l'ont connu, il avait beaucoup de talent et de richesses. I recruta un disciple, nommé Térébinthe, qui lui écrivit quatre livres. Il intitula le premier Les Mystères, le second Les Principes, le troisième L'Evangile, et le dernier Le Trésor.... 5. Après un certain temps....., il tint à passer en Judée pour y entrer en rapport avec tous les Docteurs qui s'y présenteraient. Mais il mourut aussitôt après (y être arrivé) sans avoir pu rien faire 6.

« Son disciple, ayant ramassé tout son bien, prit la fuite et gagna la Babylonie 7. Là, il fit savoir qu'il possédait toute la sagesse des Egyptiens, qu'il ne s'appelait plus Térébinthe mais Bouddha et que ce nom lui avait été imposé 8. Il prétendit être né d'une vierge et avoir été nourri par un ange dans les montagnes 9. Un prophète, nommé Parcus, et Labdacus, fils de Mithra, l'accusaient de mensonge et discutaient chaque jour assez opiniâtrement avec lui... 10. Sans se laisser arrêter par leurs attaques, il leur parlait de ce qui avait existé avant le

1) Act. Arch., 51 circ. fin. Cf. Hippolyte, Philos, I, 2, Pythagore ; IV, 21 (Gnostiques); VI, 21-29 (Valentiniens); VI, 52 (Marcus); VIII, 15 (Monoïme); IX, 17 Elchasaïtes); IX, 27 (Esséniens).

2) Act. Arch. 51 circ. fin.

3) Act. Arch. 52, init.
4) Act. Arch, 52, circ. init.

5) Act. Arch. 52, circ. init.

6) Act. Arch. 52, circ. med. 7) Act. Arch. 52, circ. med.

8) Act. Arch. 52, circ. med.

9) Act. Arch. 52, circ. med. Cf. Hieron, Adv. Iovin, I, 41 (naissance du côté d'une vierge).

10) Act. Arch. 52, circ. med. C'est la scule mention qui nous soit connue de rapports entre la religion de Mani et celle de Mithra. Les personnages signalés ici n'apparaissent nulle part ailleurs,

temps, de la sphère et des deux luminaires, de la façon dont les âmes quittent les corps ou les reprennent et de bien d'autres choses semblables et pires encore, comme de la guerre engagée choses semblables et pires encore, comme de la guerre engagée contre Dieu dans les commencements. Il voulait passer luimême pour un prophète 1. Toujours pris à parti, il se retira, avec ses quatre livres, près d'une veuve, sans avoir réussi à se faire d'autre disciple que cette vieille femme 2. Un matin, étant monté de bonne heure sur une haute terrasse, il se mit à invoquer certains noms, connus seulement des sept Elus, pour je ne sais quel rite et quel artifice 3. Sur un ordre que le Dieu très juste donna à un Esprit de l'envoyer sous terre, il fut précipité du sommet de l'édifice et il tomba inanimé 4.

« Emue de pitié, la vieille l'ensevelit. Se trouvant maîtresse de tous ses biens, elle se réjouit de sa mort, tant à cause de son héritage que parce qu'elle voyait de mauvais oil ses artifices. Cette femme était très prévoyante. Demeurée seule, elle voulut avoir un serviteur et elle acheta un enfant de sept ans, nommé Corbicius, qu'elle affranchit et qu'elle fit instruire 5. Cinq ans plus tard, elle mourut, lui laissant tous ses biens et entre autres choses les quatre livres écrits par Scythien. Ces livres étaient courts et ils ne contenaient qu'un petit nombre de lignes 6.

«Corbicius ensevelit sa maîtresse. Puis, mettant à profit la succession qui lui était échue, il alla habiter au milieu de la ville, dans le quartier du roi des Perses. Ensuite, il changea de nom et se fit appeler Manès 7..... A l'âge d'environ 60 ans, il s'appropria la science de ce pays d'une façon presque surhumaine. Il s'assimila surtout le contenu des quatre livres.

1) Act. Arch., 52 circ. fin. Tout ce passage tend à montrer que Mani est un adepte du Mithracisme qui n'a rompu avec sa secte que pour se faire un nom. Archélaus l'a qualifié plus haut en propres termes de « prêtre de Mithra », ibid., 56 circ. med.

2) Act. Arch., 52 circ. fin.

3) Act. Arch., 52 circ. fin. 4) Act. Arch., 52 fin.

5) Act. Arch., 53 init.

6) Act. Arch., 53 circ. init. Ce détail, assez peu naturel, est exigé par la suite du récit, qui explique comment Mani développa et compléta ces livres pour en faire son œuvre propre.

7) Act. Arch. 53 circ. init. Sans doute le nom persan de Mani a-t-il été changé par dérision en celui de Manès parce que ce dernier était souvent donné en grec à des esclaves. Voir Kessler, Mani, p. 84, not. 1, d'après Phérécrate cité chez Athénée. Deipnosoph, VI, 83. P. 8) Act. Arch., 53 circ. med. Cette remarque tend à expliquer la grande

263.

Lui-même recruta trois disciples, nommés Thomas, Addas et Hermas 1. Prenant les quatre livres, il les traduisit, y ajoutant de nombreuses fables, semblables à des contes de vieille femme 2. Les trois disciples étaient complices de ses faux. Il mit donc sur ces livres son propre nom, après avoir effacé celui de son devancier, comme si c'était de lui-même et par lui seul qu'il les eût écrits 3. Puis il envoya ses disciples, avec ses Ecritures, dans les principaux endroits de la province, dans toutes sortes de villes et de villages, pour s'y faire des adeptes. Thomas voulut passer en Egypte et Addas en Scythie. Seul Hermas préféra rester avec lui........... 4.

« A leur retour, les messagers racontèrent au Maître ce qui leur était arrivé. Dans toutes les villes où ils étaient passés, ils s'étaient vus exécrés de tout le monde, mais surtout des adorateurs du Christ 5. Manès leur demanda de lui procurer les livres des Chrétiens. Munis d'une certaine quantité d'or, ils se rendirent dans les endroits où on copiait ces livres 6. Puis, se présentant comme des catéchumènes, ils demandèrent qu'on voulut bien les leur vendre 7. Bref, ils achetèrent ainsi toutes nos Écritures et les portèrent à leur Maître ..... Alors ce fourbe étudia nos livres pour les mettre au service de son dualisme. Il en critiqua certains détails, en modifia certains. autres et leur emprunta seulement le nom du Christ, auquel il affecta de tenir, afin de faire cesser l'horreur et l'aversion que provoquaient en tout lieu ses disciples. Puis, il envoya ces derniers prêcher leurs erreurs ainsi dissimulées 9. »

place que les traditions babylonniennes occupent dans l'enseignement de Mani.

1) Act. Arch., 53 circ. med. Cf. ibid. 11 fin. Ces trois personnages jouent un grand rôle dans les traditions des Églises d'Orient et sous leur nom ont circulé divers écrits dont il sera parlé plus loin.

2) Act. Arch., 53 circ. med.

3) Act. Arch., 53 circ. med.

4 Act. Arch., 53 circ. med. Cf. ibid, 11 fin. (Addas, Thomas Hermas, évangélisent respectivement l'Orient, la Syrie, l'Égypte).

5) Act. Arch., 54 init. Détail caractéristique de l'accueil fait aux Manichéens dans les milieux orthodoxes.

6) Act. Arch., 54 circ. init.

7) Act. Arch., 54 circ. med.

8) Act. Arch., 54 circ. med. Par là, l'auteur veut expliquer les références bibliques dont sont remplis les écrits de Mani.

9) Act. Arch., 54 circ. fin. C'est à la suite de cette me mission que le Manichéen Turbo, présenté comme un disciple d'Addas (ibid. 4), est censé avoir prêché le dualisme à Kashkar dans l'église d'Archélaus.

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