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Ce fait n'a rien qui doive nous surprendre. Les Manichéens admettaient cinq éléments bons et cinq autres mauvais qui avaient constitué d'abord les deux Royaumes opposés et dont le mélange expliquait notre monde 1, cinq Divinités qui avaient présidé à la formation du Cosmos et qui veillaient encore à sa conservation 2, enfin cinq degrés hiérarchiques dont se composait la véritable Église 3. Ils pouvaient d'autant plus compter cinq livres de Mani qu'ils les opposaient au Pentateuque de Moïse comme la « Loi » de Dieu à celle du « Prince de ce monde 4 ».

III. HEPTATEUQUE MANICHÉEN. — Cependant les Orientaux ont connu un recueil plus important, un Heptateuque manichéen. Le « Maître de la Loi » qui, en 763, porta la religion dualiste de Lo-Yang (Ho-nan-fou) dans l'empire turc de l'Orkhon comprenait parfaitement, dit-on, « les sept ouvrages » 5. D'après le contexte, où il n'est question que de la conversion des Ouïgours, ces « ouvrages » étaient certainement des livres manichéens. Le nombre sept est donné ici à leur sujet comme un chiffre bien connu et en quelque sorte sacramentel.

Il est curieux de constater que, presque 500 ans plus tard, dans un commentaire de la loi portée en Chine contre les gens qui trompent le peuple « par la transmission et la pratique du livre saint des Deux Principes et du texte des livres saints sans fondement », le bonze Tsong-Kien, ayant analysé le premier de ces écrits et parlant des suivants, en énumère six autres, savoir :

1) Augustin, Cont. Epist. Man., 19, 31; De mor. Man., II, 14; Théodore bar Khôni, chez Pognon, Inser. mand., p. 184-186 et chez Fr. Cumont, Rech. sur le Man., p. 11-12; An Nadim, chez Flügel, Mani, p. 87-88.

2) Augustin, Cont. Faust, XV, 6 et XX, 10; Théodore bar Khôni, chez Pognon, Inscr. mand., p. 187 et chez F. Cumont, Rech., p. 25-26; Chavannes et Pelliot, Journ. Asiat., 1911, p. 549-550.

3) Augustin, Haer, 46; An Nadim, chez Flügel, Mani, p. 95.

4) Augustin, Cont. Fel., I, 1, init.; Cont. Faust, VII, 1 ; IX, 1 X, 1; XV, 1, etc. Cf. Epist., XXV, 1 init., 2 init. où il s'agit d'un Pentateuque » antimanichéen d'Augustin, allusion probable à un Pentateuque » manichéen.

5) Chavannes et Pelliot, Journ. Asiat., 1913, p. 191.

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Le Fo fo t'ou lien che (Bouddha, Bouddha, Maître débordant d'affection? ou Guide des passions rejetées par les

Bouddhas?),

Le Fo chouo t'i lei (Sur les larmes, prononcé par le Bouddha, ou Paroles du Bouddha sur les larmes),

Le Ta siao ming wang tch'ou che King (Livre saint de la venue dans le monde des grands et des petits rois de la

Lumière),

Le K'ai yuan Koua ti pien wen (Texte de la métamorphose qui ouvre l'origine et embrasse la terre ? ou Dissertation sur le commencement du Ciel et de la terre?), Le Tsi t'ien louen (Conciliation des opinions contradictoires sur le Ciel? ou Dissertation sur le ciel régulateur?, Le Wou lai tseu K'iu (Chant du cinquième qui est venu?1».

Il semble bien que ces derniers ouvrages appartiennent, comme le premier, au Canon manichéen 2. Malheureusement leurs titres, au sujet desquels les traductions proposées sont très divergentes et très hypothétiques, ne nous offrent par eux-mêmes aucun sens précis et ne permettent aucune conclusion 3.

L'historien arabe An Nadim se montre bien plus précis.

« Mani, dit-il, composa sept livres, un en persan et six en langue syriaque. Parmi eux se présentent :

D'abord le livre des Mystères.....

Secondement le livre des Géants.....

Troisièmement le livre des Préceptes pour les Auditeurs avec un appendice des Préceptes pour les Elus.

Quatrièmement le livre intitulé Shâpourakân...........
Cinquièmement le livre De la Vivification.....
Sixièmement le livre intitulé Farakmatija..... » 4.

1) Chavannes et Pelliot, Journ. Asial., 1913, p. 356-357.

2) La mention du Bouddha ne prouve aucunement le contraire, car dans les textes chinois Mani est plusieurs fois qualifié de Bouddha (Journ. Asiat., 1911, p. 587; 1913, p. 333, 348, etc.).

3) Chavannes et Pelliot, Journ. Asiat., 1913, p. 356, not. 2: « La traduction que nous proposons..... n'est qu'un pis-aller ».

4) Flügel, Mani, p. 102-103.

Le septième livre n'est point nommé par An Nadim, dont le texte présente ici de graves lacunes. Mais ce ne peut être que l'Evangile.

Birouni confirme ces données. Dans une lettre adressée à un de ses amis, qui l'a interrogé sur l'origine de la médecine grecque et sur les œuvres de Razi, il fait remarquer que ce dernier, dans son traité sur la Science divine, renvoie souvent aux écrits de Mani et notamment au livre des Mystères. Il ajoute que, pendant longtemps, lui-même a vivement souhaité connaître ce dernier. Quarante années durant, il l'a cherché en vain. Un jour, grâce à un certain Fazl ibn Sahlam, il a fini par trouver à Hawarizm, dans une bibliothèque, un volume de livres manichéens. Or ce recueil contenait :

la Farakmatija (Pragmateia?),

le livre des Géants,

le Trésor de la Vivification,

le Soleil de la Certitude et du Fondement.
l'Evangile,

le Shapourakân,

une quantité d'Epitres de Mani,

enfin le livre désiré des Mystères 1.

Celui-ci n'apparaît, en dernier lieu, que pour la commodité du récit. Il venait certainement avant le groupe des Epitres. Si nous mettons ces dernières à part, il nous reste sept grands ouvrages. Et leurs titres rappellent ceux qu'a donnés An Nadim. Seul le Soleil de la Certitude et du Fondement semble différer des Préceptes pour les Auditeurs et pour les Elus. Encore est-on en droit de supposer, du moment où les deux listes s'accordent sur tous les autres points, que la différence demeure purement apparente. La « Certitude » se rapporte à la connaissance. Elle peut donc viser les Auditeurs à qui on ne demandait guère que de professer la vraie doctrine. Le « Fondement » concernerait

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1) Birouni, Chronologie orientalischer Volker, éd. Sachau, Leipzig, 1878, 4°. Introd., p. XXXVIII.

l'action et s'adresserait aux Elus qui étaient tenus de conformer strictement leur conduite à leur foi.

Ya'qoûbi donne un catalogue à peu près identique. Selon ses propres termes,

<< Mani composa des écrits dans lesquels il exposait le dualisme. Son œuvre comprend :

le livre qu'il intitule le Trésor de la Vivification....., le livre qu'il appelle le Shâpourakân.............,

le livre qu'il appelle De la direction et de la conduite, les 12 (lire 22) Evangiles, dont chacun est désigné par lui avec une lettre de l'alphabet.....,

le livre des Mystères.....,

le livre des Géants.

De lui viennent aussi un grand nombre d'écrits et d'Epitres 1.

Laissons de côté ces « Epîtres » et « écrits » innommés, qui forment pour Ya'qoûbi une section distincte. Il nous reste six grands ouvrages qui se retrouvent chez Birouni. Car le Livre de la direction et de la conduite se confond sans doute avec le Soleil de la certitude et du forcement. Il ne manque ici que le Farakmatijâ. Et l'on peut soupçonner que, si l'historien arabe a négligé de le mentionner, c'est seulement parce qu'il n'en comprenait pas le titre, qui n'a aucun sens en arabe.

On conçoit, par ailleurs, que les Manichéens aient compté sept grands ouvrages de leur Maître. Comme les Gnostiques et, en particulier les Sabéens 2 et les disciples de Bardesand 3, ils attribuaient un rôle considérable à l'Hebdomade. Ils rendaient un culte aux sept planètes, qui présidaient, d'après eux, aux sept jours de la semaine 4. Ils admettaient sept Esprits supérieurs 5 et sept éléments correspondants établis

1) Kessler, Mani, p. 328-329.

2) W. Bousset, Hauptprobl. der Gnos., p. 27 et suiv.
3) Ephrem, Opera, t. II, p. 550; t. III, p. XXIII et suiv.

4) Préface arabe du Concile de Nicée, dans Mansi, Coll. Conc., t. II, p. 1057.

5) An Nadim, chez Flügel, Mani, p. 102 (ch. 7 des Mystères de Mani) ; Chavannes et Pelliot, Journ. Asiat., 1911, p. 544 (traité manichéen, de Touen houang), avec la note des éditeurs, et p. 521, not. 1.

en tout homme 1. Chez eux, les Élus étaient astreints à sept prières quotidiennes 2 et les Auditeurs à sept sortes d'aumônes 3. Ils étaient donc naturellement conduits à admettre aussi sept grandes Ecritures.

Historiquement, cet Heptateuque apparaît, après le Pentateuque manichéen, qui se montre lui-même plus tardif que la tétrade du rapport d'Archélaus. En présence d'une pareille évolution, on ne peut s'empêcher de se demander si les suppléments ajoutés à la première liste ne sont pas apocryphes. Ils le seraient sans doute si cette liste initiale avait la prétention d'être complète. Mais de tout temps on a distingué, en dehors des livres principaux de Mani, un recueil de travaux secondaires. Or, des travaux qui passaient d'abor d pour secondaires ont pu prendre ensuite une importance plus grande qui les a fait ranger dans le premier Canon. D'ailleurs, en dehors de leur pays d'origine, certains d'entre eux ont pu n'être traduits qu'assez tardivement et ne faire défaut sur les listes initiales que parce qu'ils n'étaient pas encore connus. Une étude détaillée de ces œuvres nous permettra scule d'en comprendre l'origine et le vrai caractère.

Les listes signalées indiquent l'ordre à suivre. Au premier plan s'offrent à nous les quatre grands écrits mentionnés par le rapport d'Archélaus, savoir les Mystères, les Principes, l'Evangile et le Trésor. A leur suite se présente le Shapourakân, certainement distinct des quatre livres précédents, qui apparaît à côté d'eux dans le Pentateuque manichéen de Birouni, peutêtre aussi dans celui de la grande formule grecque d'abjuration. Viennent enfin les deux dernières œuvres qui achèvent de former l'Heptateuque d'An Nadim, savoir le mystérieux Farakmatija et le Livre des préceptes pour les Auditeurs et pour les Elus. Avec celui-ci se confond sans doute, selon une remarque

1) Chavannes et Pelliot, Journ. Asiat., 1911, p. 523 et 544, not. 1. Cf. ibid, fin de la note, citation d'Ephrem sur « Bardesane, le maître de Mani ».

2) An Nadim, chez Flügel, Mani, p. 93; Chavannes et Pelliot, Journ. Asiat., 1913, p. 38, avec la note 6.

3) A Von Le Coq, Turkish Khuastuanift, XI, 222.

4) P. G., I. 1465; LXXXVI, 21; Flügel, Mani, p. 103, etc.

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