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REVUE DES LIVRES

ANALYSES ET COMPTES-RENDUS

E. POTTIER.Les Antiquités assyriennes (Musée du Louvre). Un vol. in-16 de 155 pages et 32 planches. G. Braun, Paris, 1917.

La notice d'Adrien de Longpérier, dont la troisième édition date de 1854, était devenue insuffisante pour l'étude des monuments assyriens du Louvre. M. Pottier nous donne une description mise au point, fruit d'une sorte de collaboration entre trois générations de conservateurs du Département des Antiquités orientales, puisque M. Léon Heuzey y a aussi contribué.

Ce catalogue dont la lecture est facilitée par de bonnes reproductions fournit quelques renseignements sur la religion assyrienne. De plus, il touche à l'histoire israélite par les scènes de prisonniers emmenés en captivité, par tout le déploiement de force militaire. assyrienne comme par le relief qui nous montre Sargon II (no 28) le vainqueur de Chypre, de la Judée, de l'Égypte et de l'Ethiopie << représentation fort complète et précieuse, un véritable portrait, au sens où l'on doit comprendre ce mot dans cette période de l'art antique ».

Au premier rang se classent les reliefs monumentaux qui appartiennent à trois époques, celle d'Assournazirpal (1x siècle) avec le palais de Nimroud (Kalakh), celle de Sargon II (vi° siècle) avec le palais de Khorsabad (Dour-Saryoukin) et celle d'Assourbanipal (v siècle) avec le palais de Kouyoundjik (Ninive). Dans cette dernière série, M. Pottier est parvenu à fixer l'origine de plusieurs pièces non encore identifiées.

Ces sculptures provenant de palais et non de temples ou de monu

ments funéraires, on ne peut être surpris qu'elles se proposent uniquement d'exalter les hauts-faits du roi et d'assurer sa protection, et de longs jours dans son palais d'élection. C'est pourquoi M. L. Heuzey observe « que la religion tient en réalité, dans cette sculpture architecturale, beaucoup moins de place que dans les antiques représentations de l'art chaldéen. Les figures des grands dieux en sont absentes, et vainement on y cherche aussi la représentation des étranges et poétiques légendes qui rappellent leur histoire, leurs luttes, leurs alliances, leur action sur le monde ». On constatera, en effet, qu'à côté des scènes de chasse et de guerre, les représentations mythiques se limitent à celles des génies propitiateurs, des génies gardiens du palais et du roi. Sous des formes humaines ou animales, le plus souvent mixtes, mais presque toujours munies d'ailes qui assurent leur vélocité, ces génies purifient sans relâche au moyen de la pomme de cèdre trempée dans l'eau lustrale qu'ils portent dans un petit vase métallique ou situle. M. L. Heuzey a très heureusement défini ces divers objets et la nature du geste. Du même coup nous comprenons ce que signifie l'expression <«< tenir le cèdre » qui revient si souvent dans les formules assyriennes, en relation notamment avec le prètre asipu qui opérait plus spécialement les lustrations. On notera que le bois de cèdre sert également dans certaines cérémonies israélites de lustration'.

Sur le relief no 5, le génie à deux ailes et à tête d'aigle fait le geste de purification avec ia pomme de cèdre devant ce qu'on a appelé, faute de mieux, l'arbre sacré. Ici on a, très nettement figurée, une stèle enguirlandée. Selon l'expression de M. Heuzey le culte ainsi rendu aux éléments végétaux doit être conçu comme <«< une pratique plus générale de protection religieuse s'étendant... à toute vie ». Nous ignorons ce que représentait la stele en question, mais il ne serait pas impossible qu'elle fut liée à l'âme du roi, puisque tout ici concerne le monarque. A l'appui, on pourrait invoquer les stėles royales trouvées à Assour dans une cachette du palais.

Les énormes taureaux ailés, gardien des portes du palais, appartiennent à l'époque de Sargon II et aussi ces figures de l'Hercule assyrien, dénommé Gilgames, qui presse un lion contre sa poi

1) Voir notre Sacrifice en Israel et chez les Phéniciens, p. 74 et 77.

trine. Le sous-sol et les fondations étaient également protégés contre les esprits mauvais, notamment contre le démon Pazouzou qui répand la maladie et la fièvre et dont on trouvera au Louvre plusieurs figures. On sait qu'on se garait de lui par ces scènes d'exorcisme (no 105, 106, 122), jadis appelées scènes des enfers et qui ont été bien expliquées par M. C. Frank'. C'est parce qu'elles servaient à protéger les fondations qu'on a trouvé dans le sol du palais de Khorsabad ces cinq tablettes de fondation en or, argent, bronze, plomb (exemplaire perdu dans le transport), carbonate de magnésie (no 132-135). Deux tablettes (antimoine et marbre) ont échappé aux fouilleurs puisque Sargon atteste qu'il a déposé dans les fondations des exemplaires en sept matières différentes. Les figurines d'argile n° 212 à 215 étaient également enfouies sous le pavé des cours de Khorsabad ou devant les portes ou en d'autres points des murailles.

Au sujet de l'expédition navale (nos 43 46) qui fait si bien comprendre les transports de bois par eau, en particulier ceux qu'effectua Hiram pour le compte de Salomon, nous ne croyons pas, malgré l'autorité de Longpérier, qu'on soit autorisé à qualifier de dieu Dagon la figure moitié homme, moitié poisson représentée sur ces reliefs. Nous avons eu l'occasion de montrer qu'une telle représentation pour Dagon n'a germé que tardivement dans l'esprit des commentateurs rabbiniques. Enfin, la curieuse représentation d'une divinité sur son animal-attribut (n° 144) ne serait-elle pas celle d'une déesse voisine de l'Istar de l'amulette de bronze no 172?

Nous n'avons signalé que les points intéressant l'histoire des religions. On lira encore avec fruit les pages consacrées à l'appréciation artistique de ces monuments que l'image a justement rendus célèbres et que la description sobre et pénétrante de M. Pottier fait si bien valoir.

RENÉ DUSSAUD.

1) Voir Revue de l'Hist. des religions, 1908, II, p. 114-115, où nous avons proposé de reconnaître le prêtre asipu dans le personnage placé devant le thymiatérion dans le relief Scheil.

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W. DEONNA. Les croyances religieuses et superstitieuses de la Genève antérieure au Christianisme. 1 vol. de 526 pages. Genève, Imprimerie centrale, 1917.

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Quelques publications récentes révèlent une fâcheuse tendance à faire revivre les méthodes surannées de Creuzer et de la défunte école symbolique, en interprétant les monuments religieux du passé non pas à la lumière des croyances contemporaines de leurs origines, mais dans l'esprit de systèmes religieux ou philosophiques fort postérieurs. De pareilles tentatives ne peuvent qu'exposer à un nouveau discrédit les études de symbolisme comparé. Aussi est-on heureux de rencontrer un ouvrage où s'affirment les vrais procédés de la critique historique et de l'archéologie comparée mis au service des recherches hiérographiques, comme c'est le cas de l'excellent Mémoire que M. Deonna vient de publier sur les antiquités religieuses de Genève dans les Bulletins de l'Institut national Genevois.

Genève a vu se succéder depuis l'âge quaternaire plusieurs civilisations dont chacune nous a laissé des vestiges matériels de ses croyances. Pour retrouver la pensée qui se cache sous ces symboles il faut d'abord classer ceux-ci d'après leur âge relatif, puis d'après leur forme ou d'après l'objet dont ils évoquent l'image, enfin les rapprocher des documents analogues dont nous connaissons ou présumons la signification parmi les populations au même niveau inférieur de développement mental, en faisant appel au concours que peuvent nous prêter les sciences auxiliaires de l'histoire des Religions, l'ethnographie, l'érudition, le folklore, etc. Cette méthode, brillamment constituée en Angleterre par Edward B. Tylor, il y a plus d'un demi-siècle, a permis à des archéologues comme Déchelette, S. Reinach, etc. d'asseoir sur des données positives des travaux géneraux qui ont fait époque dans la science.

Le mémoire de M. Deonna, qu'illustrent d'abondantes figures puisées dans les publications et les musées archéologiques de la Suisse, groupe ses matériaux sous les rubriques suivantes : La parure corporelle, le culte des pierres des eaux. des arbres, des animaux, la hache, la clef, le disque solaire et ses symboles aniconiques, les types anthropomorphes, la prophylaxie de l'obscène, les

divinités préromaines,[les divinités romaines, les temples, la symbolique chrétienne.

La des chapitres les plus intéressants est celui qui traite de la symbolique solaire. Nous y retrouvons des images et des signes familiers à tous ceux qui se sont occupés de ce culte, tel qu'il se présente dans les documents et les survivances d'autres populations, quelques-unes disparues de l'histoire le disque, la sphère, l'anneau, les trois points disposés en triangle (pour indiquer les trois positions de l'astre dans sa course quotidienne), la rouelle, la rosace, la croix et ses dérivés, le signe en S, la double spirale, le zig-zag (la ligne brisée, tracée verticalement, ne doit-elle pas être plutôt rangée parmi les symboles de la foudre; tracée horizontale ment, parmi ceux de l'eau courante ou des nuages?) la barque, le char, le cheval, le visage flamboyant, etc.

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Quant aux images thériomorphiques, M. Deonna est très pruden!, et j'estime qu'il fait bien; quand il s'agit de suivre les auteurs récents qui, partout où l'on se trouve devant une reproduction de ce genre, soutiennent qu'on doit y voir un vestige de totemisme. M. Deonna estime que les représentations du cheval, si fréquentes dans les pays celtiques, se rattachent plutôt au culte solaire; que celles du bouquetin ou de quelque autre herbivore, voire d'un poisson, gravées sur des « bâtons de commandement », out pour objet d'obtenir la multiplication de ces animaux par une opération de magie sympathique; que celles des bovidés, ainsi que l'emploi des bucranes, sont en rapport avec le croissant de la lune. Tout au plus serait-il disposé à admettre et encore sous forme interroga. tive, comme survivance du totémisme, la coutume, qui prévaut toujours dans certaines cités, de nourrir aux frais du public des représentants de l'espèce qui figure sur leur blason. Il rappelle à ce propos un incident historique qui prête à un rapprochement assez piquant lorsque au xvie siècle, certains Bernois ourdirent un complot contre Genève, ils se procurèrent un ours, avec l'intention, s'ils réussissaient dans leur entreprise, de le conduire à Genève, en même temps qu'ils auraient remplacé les armoiries de cette ville par celles de Berne. Cette anecdote ne fait-elle pas songer à une autre conjuration, plus voisine de notre temps, au cours de laquelle un prétendant impérial, s'embarquant pour fomenter en France une révolution à son profit, prit avec lui un aigle vivant, en vue de

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