Slike strani
PDF
ePub

Église et pour juger le monde. Depuis la première prédication de la Pentecôte jusqu'aux dernières paroles de l'Apocalypse, c'est partout le même message, la même prière, la même prophétie.

Maran atha Le Seigneur vient'!

Voici je viens bientôt !

Amen Seigneur Jésus viens!

Le chrétien est un voyant. Du sein des ténèbres payennes il interroge les signes des temps, il attend la fin de la nuit. Voici déjà qu'à l'horizon s'annonce l'aurore messianique.

Vous savez en quel temps nous sommes. L'heure est venue de votre sommeil car le salut est maintenant plus près de nous que lorsque nous avons embrassé la foi, La nuit est avancée, le jour approche....

L'apôtre Paul décrit cette crise finale comme une apocalypse. grandiose Et d'abord l'homme d'iniquité, l'Anti-Messie va paraître avec des signes et des prodiges pour égarer les enfants des hommes. Puis tout à coup, à la voix de l'archange et au son de la trompette, le Seigneur descendra du ciel, il détruira l'Adversaire par le souffle de sa bouche et l'anéantira par l'éclat de son avènement*. Puis les fidèles qui sont morts en Christ ressusciteront incorruptibles, et les vivants seront enlevés sur les nuées à la rencontre du Seigneur 5.

La parousie du Seigneur est imminente. Paul l'a toujours annoncée comme très prochaine. « Frères, le temps est court!'» « Le Seigneur est proche ». Tel est le mot d'ordre du chris

1) I Corinthiens, XVI, 22.

2) Apocalypse, XXII, 20, 21,

3) Romains, XIII, 11, 12.

4) II Thessaloniciens, II, 3 à ro.

5) I Thessaloniciens, IV, 13 à V, 11.

6) I Corinthiens, VII, 29.

7) Philippiens, IV, 5. D'après une conception que Sabatier dans son Apôtre Paul a défendu avec beaucoup d'éclat; l'eschatologie paulinienne aurait évolué de l'apocalyptisme au spiritualisme. Les luttes de l'an 56 marqueraient la crise décisive. A partir de ce moment Paul aurait cessé d'attendre comme prochaine la venue du Royaume messianique et la parousie du Seigneur. La pensée chrétienne se serait ainsi dégagée du cadre trop étroit de l'apocalypse juive. L'apôtre Paul, 30 édit., p. 180 à 182.

Mais ici l'histoire est plus complexe que la théorie. En l'an 57 dans l'Épître aux Romains, et même à l'époque de la captivité lorsqu'il élabore

tianisme primitif. Et à l'heure des premières persécutions, le prophète de Patmos révéle à l'Église les catastrophes qui vont

[merged small][ocr errors]

Le voici qui vient sur les nuées, et tout œil le verra, ceux-là même qui l'ont percé, et toutes les tribus de la terre se lamenteront à cause de lui'.

Et les anges vont verser sur le monde les sept coupes de la colère de Dieu. La grande Babylone sera détruite', et la cité sainte, la nouvelle Jérusalem descendra du ciel éclatante et splendide *.

Les démentis de l'histoire ne peuvent ébranler cette foi en l'avenir. Elle subsiste toujours ardente pendant la deuxième génération chrétienne. Les premiers témoins du Christ étaient descendus au tombeau l'un après l'autre, et la promesse n'était pas encore accomplie. Il y avait des découragés et des sceptiques qui se disaient : « Voilà ce que nous avons entendu répéter à nos pères, et maintenant nous sommes parvenus à la vieillesse, et rien de tout cela ne se réalise pour nous ». Mais l'espérance est éternelle. La vision messianique reste toujours la grande consolation. Elle fortifie les mains languissantes et affermit les genoux chancelants:

Jean d'Éphèse attend toujours la dernière heure et voit dans les hérésies de son temps les signes de l'Anti-Christ. Barnabas calcule les périodes du monde et annonce la venue du grand sabbat, le règne des élus '. Papias attend un royaume terrestre du Messie et il décrit d'après les logia Kyriou les temps bénis où chaque vigne donnera par milliers des fruits merveilleux".

la métaphysique christologique, l'apôtre annonce la parousie comme immi'nente et c'est avec des paroles anxieuses et vibrantes qu'il parle du salut prochain et du Seigneur qui va venir du ciel. (Romains XIII, 11; Philippiens III, 20, 21).

1) Apocalypse, I. 7.

2) Apocalypse, XVII, XVIII,

3) Apocalypse, XIX, 17 à 21.

4) Apocalypse, XXI, XXII,

5) I Clément, XXIV.

6) I Jean II, 18, 19.

7) Ep. Barnabas, XV.

8) Irénée, Adversus Haereses, V, 33, 3 et suiv,

[ocr errors]

Ignace se sait aux derniers femps où la longue patience de Dieu aura son terme et se changera en jugement. La II de Pierre et l'homélie de Clément annoncent l'incendie du monde le terrible dies irae!' Même au moment où s'accomplit l'alliance de l'Évangile et de la pensée grecque, au temps des gnostiques et des apologètes, la passion eschatologique persiste toujours. Et dans son dialogue avec Tryphon, Justin le chrétien philosophe développe sa doctrine millénariste - dont Platon eut souri comme d'une fantaisie de Barbare: Il y aura une résurrection de la chair; les chrétiens se rassembleront à Jérusalem, et, pendant mille ans ils se réjouiront avec le Messie et avec les patriarches et les prophètes'.

Le dualisme et l'attente anxieuse de la parousie devaient aboutir à un idéalisme ascétiqne. Tout en vivant et en luttant dans le monde, le chrétien se sent étranger et voyageur sur la terre. Il n'a pu trouver droit de cité dans ce siècle mauvais parmi les hommes pécheurs, alors il regarde vers le Royaume qui vient du ciel. Il n'appartient plus à ce monde, il appartient à la Jérusalem d'en haut.

Nous sommes citoyens des cieux; et c'est de là que nous attendons pour Sauveur le Seigneur Jésus-Christ, qui transformera notre corps de misère et le rendra semblable à son corps de gloire".

L'auteur de l'épître aux Hébreux parlant des hommes de Dieu d'autrefois les décrit comme des pèlerins errants à travers les peuples:

Ils sont morts dans la foi sans avoir reçu l'effet des promesses; ils l'ont seulement vu et salué de loin, reconnaissant qu'ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre. Ceux qui parlent ainsi montrent bien qu'il cherchent une patrie. S'ils avaient songé à celle dont ils étaient sortis ils auraient eu l'occasion d'y retourner, mais c'est vers une patrie meilleure qu'ils aspiraient, vers la patrie du cielo,

1) Ignace aux Ephésiens, XI.

2) II Pierre, III, 10 à 13, II Clément, XVII. 7. Conf. Jude, 5 à 7.

3) Justin Dialogue avec Tryphon, LXXX à LXXXII.

4) Galates, IV, 26.

5) Philippiens, III, 20, 21.

6) Hébreux, XI, 13 à 16.

[ocr errors]

Nous n'avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir'.

Et la première épître de Pierre est adressée «< aux élus étrangers et dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l'Asie et la Bithynie »>.

Mes bien-aimés, je vous exhorte comme des étrangers et des voyageurs'....

Et cependant le chrétien n'est pas un fatigué de la vie. Son ascétisme ne consiste pas à fuir le monde. Les églises ne sont pas des conventicules de contemplatifs 3. L'ascétisme chrétien est une conception héroïque de la vie, il consiste dans la joyeuse indépendance de l'âme, dans un désintéressement superbe vis-àvis des choses visibles qui ne sont que pour un temps. C'est l'enthousiame du lutteur qui combat « le beau combat de la foi ». Le chrétien regarde vers l'avenir, il tend ses efforts vers l'humanité de demain. Qu'importent dès lors les agitations du monde qui passe. Paul écrit aux Corinthiens :

Frères le temps est court, Désormais que ceux qui ont une femme soient comme s'ils n'en avaient point, ceux qui pleurent comme s'ils ne pleuraient point, ceux qui sont dans la joie comme s'ils n'étaient pas dans la joie, ceux qui achètent comme s'ils ne possédaient pas, ceux qui usent de ce monde comme s'ils n'en usaient point; car la figure de ce monde passe*.

Et Hermas exhorte les fidèles à ne pas s'attacher aux biens et aux joies d'une cité étrangère, à ne pas acquérir les richesses des payens. Car ce monde ne peut nous donner le bonheur et la paix, nous ne saurions l'accepter comme notre patrie et reconnaître ses lois :

1) Hébreux, XIII, 14.

2) I Pierre, VI, 11.

3) Paul expose clairement que le but du chrétien n'est pas de sortir du monde, mais de se garder pur de toute souillure. I. Cor. V. 9 à 13. Bien que ce monde soit momentanément sous la domination de Satan, « la terre est au Seigneur avec tout ce qu'elle contient », I Cor. X. 26, « Tout est à vous... même le monde... et vous êtes à Christ. I Cor., malgré la forte tendance dualiste de la théologie johannique, Jésus dit dans la prière sacerdotale : « Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mal », Jean, XVII, 15.

4) I Corinthiens, VII, 29 à 31.

HI, 21,

22. Et

Vous savez que vous les serviteurs de Dieu vous habitez sur une terré étrangère; votre cité est loin de cette cité. Si donc vous connaissez votre cité, la cité que vous devez un jour habiter, pourquoi achetez-vous ici des champs, des meubles somptueux, des palais, des habitations superflues? Qui fait ces acquisitions pour la cité d'ici ne songe évidemment pas à retourner dans sa propre patrie. Insensé, indécis, infortuné ! Ne vois-tu pas que tous ces biens te sont étrangers et au pouvoir d'un autre?.... Réfléchis donc, tu habites sur une terre étrangère, n'acquiers que ce qui est nécessaire à tes besoins, et tiens-toi prêt. Et lorsque le despote de cette cité voudra t'expulser parce que tu n'obéis pas à sa loi, tu sortiras de sa ville sans dommage et le cœur plein de joie, pour aller dans ta cité et y vivre selon ta propre loi.

En attendant le monde durait et il fallait y vivre. La loi de la cité terrestre s'imposait brutalement aux messianistes. Entre l'idéal évangélique et les réalités politiques et sociales de l'ancienne société le conflit était inévitable.

« Je suis venu allumer un grand feu sur la terre, avait dit Jésus, je suis venu apporter l'épée et la division »

(A suivre.)

1) Hermas, Sim,, I, 1 à 3, 6.

A. CAUSSE.

« PrejšnjaNaprej »