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comme ceux des Champs Décumates ou du vallum de Bretagne. Le bas-relief, sauf un détail étrange, est du type habituel, connu par une foule de reproductions et qui était fixé par une tradition hiératique Une plaque rectangulaire de basalte (H. 0,72; L. 0,58; Ép. 0m,10) porte l'image de Mithra tauroctone avec le chien, le serpent et le scorpion. Sur le manteau du dieu, est perché le corbeau; les coins supérieurs sont occupés par les bustes du Soleil radié et de la Lune, la tête surmontée d'un croissant. A gauche, Cautès, en costume oriental, avec le bonnet phrygion', tient sa torche élevée; Cautopatès, qui devait se trouver à droite, a disparu.

La seule particularité qui distingue cette représentation sacrée, c'est que le serpent vient boire, au lieu du sang jaillissant de la blessure du taureau immolé, la semence qui s'échappe du membre de l'animal, dont le scorpion saisit les testicules. La signification de l'acte choquant, accompli ainsi sous nos yeux, ne paraît pas douteuse Sur un bas-relief du Vatican', le sperme de la victime, frappée par Mithra, se répand en abondance sur le sol. Le serpent, on le sait, représente dans le symbolisme des mystères, la terre ; celle-ci est donc censée absorber le liquide générateur que la bête moribonde laisse couler. Il y a là une allusion à quelque mythe naturaliste que nous ne connaissons pas et qui a été voilé en Occident. Selon les livres sacrés du mazdéisme, quand le Taureau primitif périt, son sperme fut porté dans la sphère de la Lune, où il fut purifié, et il produisit ensuite toutes les espèces d'animaux. Mais on trouve ailleurs une autre légende, qui rappelle quelque peu celle de la naissance d'Agdistis en Phrygie lorsque Gayômart, l'homme primitif, fut dévoré par Ahriman, deux gouttes de sa semence tombèrent à terre et produisirent deux arbustes, d'où naquit le premier couple humain. Suivant la cosmogonie manichéenne, c'est par un accident semblable que les archontes lubriques, enchaînés dans le ciel, font pousser du sol la végétation. Il est probable que quelque récit analogue faisait partie des traditions mithriaques et que l'humeur

1) Non pas « clad in armour, wearing a pointed helmet ». 2) Mon. myst. de Mithra, t. II, mon. n° 28, fig. 37.

3) Mon, myst. de Mithra, I, p. 102.

4) Ibid., I, p. 190, h. 5.

5) Ibid.

6) Cf. mes Recherches sur le Manichéisme, Ì, p. 60.

fécondante du taureau, en imprégnant la terre, participait à la créa tion de notre monde..

Ce qui donne à l'heureuse trouvaille de M. Butler un intérêt tout particulier, c'est qu'elle a été faite, nous le disions, devant un petit - temple de Doushara ou Dusarès, le Dionysos des Arabes '. Ce temple contenait encore une partie de l'image du dieu, foulant aux pieds des grappes de raisin, et un visage, qui sort du milieu du fruit écrasé, personnifiait probablement le vin'. Nous savions déjà par les dédicaces et les sculptures de certains mithréums d'Occident que Bacchus, substitut du Haoma mazdéen, y avait été vénéré', et le vin, la liqueur divine qui donne l'immortalité, avait une importance si grande dans la liturgie des mystères, qu'on ne sera pas surpris de trouver, aux frontières de l'Arabie, Mithra vénéré à côté de la divinité indigène qui, croyait-on, donnait aux hommes ce breuvage sacré.

Ce rapprochement, maintenant bien établi, nous apporte l'explication des ressemblances, jusqu'ici surprenantes, qu'on peut constater entre les cultes de l'un et l'autre dieu : Dusarès, de même que Mithra, passait pour être né d'une pierre, bétyle où s'incorporait une Vierge conçue comme féconde'; de même que Mithra aussi, Dusarès était devenu un dieu solaire, et dans la nuit du 25 décembre, à la date où l'on célébrait à Rome le Natalis Invicti', ses fidèles descendaient

1) Cf. Wellhausen. Reste Arab. Heidentums ', 1897, p. 48 ss. et mon article << Dusares » dans Pauly-Wissowa, Realenc.

2) Avant la publication de la Princeton expedition, M. Butler avait parlé de ce bas-relief et du temple de Doushara dans le Florilegium Melchior de Vogue (Paris, 1909, pp. 79-81).- Comparer la figure, coiffée du bonnet phrygien, qui apparaît entre les rameaux de la vigne au sommet d'un des triangles qui décorent la façade de Mshatta (Schulz et Strzygowski, Mshatta, dans Jahrḥ, königl. Kunstsammlungen, XXV, Berlin, 1904, pl. IX et p. 309).

3) Mon, myst. de Mithra, t. I, p. 146 s.; cf. Les Mystères de Mithra, 3′ édit.', 1913, p. 146, n. 2; 163, 165.

4) Cf. Natalis Invicti dans Comptes-rendus Acad. Inscr., 1911, p. 292 ss. 5) Cf. Pauly-Wissowa, I. c. Dans les inscriptions nabatéennes publiées par Jaussen et Savignac (Mission en Arabie, I, Paris, 1909, p. 145, n° 2, p. 175), Dusarès porte les titres de celui qui sépare le jour de la nuit » et de gneur du monde » (ou du temps).

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6) Epiphane, qui ne s'astreint pas toujours à une exactitude rigoureuse, dit que la fête de Dusarès se célébrait à Pétra le 6 janvier, comme celle de Korè et d'Éon à Alexandrie (Adv. Haeres., LI, 22), mais il paraît avoir commis une erreur, ou du moins avoir manqué de précision, dans son désir d'opposer les

dans une crypte pour y fêter à minuit la renaissance du Soleil, enfanté chaque année après le solstice par la Vierge céleste. Wellhausen a déjà soupçonné que les Arabes avaient transformé la relation primitive de Dusarès avec le bétyle de ses temples et adopté la croyance d'une parthénogénèse sous l'influence du mythe de Mithra, issu de la Petra genitrix. Ce qui n'était qu'une conjecture, est devenu, grâce à la découverte de M. Butler, presque une certitude. La fête du solstice d'hiver, et le rôle attribué à la déesse céleste, assimilée en même temps à la planète Vénus et au signe de la Vierge', ont un caractère astronomique si marqué, qu'ils se rattachent manifestement aux doctrines « chaldéennes » adoptées par les mystères de Mithra. Les nouvelles découvertes qu'on peut espérer dans une région encore peu explorée, nous apporteront peut-être bientôt des indications plus complètes sur l'action exercée par ces croyances chaldéopersiques aux confins de la Palestine: il n'est aucun pays où il serait aussi important pour nous d'établir leur diffusion et d'en fixer la date.

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La célébration de la fête de la Nativité du Soleil dans les pays sémitiques et sa persistance aprés la chute du paganisme sont attestées par les auteurs arabes. On a invoqué récemment le témoignage d'Ibn Waḥšijja dans sa trop fameuse Agriculture des Nabatéens » composée vers 904 après J.-C. On sait que ce faussaire, démasqué par Renan', a prétendu donner la traduction d'un vieux livre babylonien et montrer ainsi la supériorité de l'antique civilisation de la Mésopotamie sur celle des Arabes, mais qu'il transporte seulement dans un passé reculé son propre savoir ou ses propres inventions. Il rapporte donc que ses « Nabatéens » avaient deux grandes fêtes, celle de la «< Naissance du Temps » qui se célébrait dans le temple du Soleil le 24 du premier Kanoun ( Décembre) et la « fête du

cérémonies du culte de Pétra à celles de la Nativité chrétienne, qui de son temps se fétaient encore le jour de l'Épiphanie en Orient. Le caractère même. de ces cérémonies indique qu'elles avaient lieu au solstice d'hiver, comme l'a!firme d'ailleurs Cosmas. La date de la fête de Korè et d'on donnée par Epiphane est confirmée, par Lydus, De mensib., IV, 1 (p. 64, 12 Wünsch): ἐπὶ τῆς πέμπτης του μηνὸς τούτου (Ιανουαρίου) ἑορτὴν Αἰῶνος ἐπετέλουν οι πάλαι. Mais peut-être ce renseignement est-il emprunté à Epiphane lui-même. 1) Natalis Invicti, p. 297, n. 4.

2) Eisler, Archiv. f. Religionswiss., XV, 1912, p. 630 s. 3) Mémoires de l'Institut, XXIV, 1 [1860], p. 139-190,

début de l'année » le 1er Nisan (Avril)'. Il n'est pas vraisemblable qu'Ibn Waḥšijja ait connu par quelque écrivain grec le Natalis Invicti, et les indications qu'il donne empêchent de croire qu'il se soit inspiré de la Noël chrétienne. Ses données sont empruntées manifestement, soit à quelque calendrier antérieur à l'Islam, soit à un usage encore pratiqué au x° siècle. Nous savons en effet que les païens de Harrân (Carrhae) continuèrent à célébrer à l'époque musulmane la « Nativité du Seigneur » c'est-à-dire du Soleil, le 24 du premier Kanoun (Décembre), et de nos jours encore pour les Nosaïris la fête de la Naissance » se place dans la nuit du 24 au 25 décembre, mais le caractère astronomique parait en être à peu près oublié.、

En Nedim, qui nous donne quelques détails sur la « Nativité » des Harraniens, rapporté qu'après la célébration d'un mystère en l'honneur de Shemal, le dieu suprème, on offrait un grand sacrifice de quatre-vingts quadrupèdes et volatiles, qu'ensuite on mangeait et on buvait, enfin qu'on allumait des torches de pins. Cette dernière pra

1) Probablement le Noûroûz des]Persans, qui solennisait l'équinoxe du prin. temps.

2) Comme l'a conjecturé von Gutschmid, Kleine Schriften, II, 650, qui suppose que le nom de «< Naissance du Temps » est dû à une fausse interprétation de celui de Saturnales (Kpóvia = Xpóvia). Mais Eisler a rapproché avec raison cette expression des mots d'Epiphane ή παρθένος ἐγέννησε τὸν αἰῶνα. — Notez que Dusarès porte le titre de mar olam a maître de l'aiúv » (supra, p. 3, n. 5; cf. Religions orientales2, p. 376), comme Mithra est appelé saecularis (CIL., VII, 645, 646).

3) Cf. Albirouni, Chronology, trad. Sachau, p. 316, 20 « According to 'Abualfaradj Alzanjâni they celebrate on the 24th of this month (1 Kanoun) the feast of the Nativity ». Ce texte est confirmé par En Nedim (dans Chwolsohn, Die Ssabier, t. II, p. 9 et la note 66, p. 98). Chwolsohn a corrigé à tort le Kanoun er en Kanoun II (comme l'a déjà noté Dussaud, Les Nosaïris, p. 148, n. 1, sans connaître le texte décisif d'Albirouni), parce que dans un autre passage d'En Nedim (p. 35) « la fête de la naissance du Seigneur » est placée le 21 du Kanoun II (Janvier). Mais il est certain qu'En Nedim s'est trompé ici de date. Il a commis une seconde erreur en croyant que les mots de «< Nativité du Seigneur », se rapportaient au dieu lunaire des Harraniens. Comment supposer, en effet, que dans la religion astronomique de ceux-ci, la naissance de la Lune », qui se produit tous les mois et change de date, eût été solennisée une fois l'an à un jour fixe du calendrier solaire ?

4) Dussaud, op cit.,

5) L. c. p. 35.

tique est aussi mentionnée par un scholiaste syriaque de Bar Salibi: « Solemne erat ethnicis hoc ipso 25 Dec. die natalicia Solis celebrare, in quibus accendebant lumina festivitatis causa, et après avoir dit que la fête était si populaire que les docteurs de l'Église crurent devoir lui opposer le même jour celle de la Noël, le scholiaste ajoute que la coutume persistait encore d'allumer des feux ce jour-là. C'est là probablement un vieux rite magique les feux qu'on fait briller doivent aider le soleil languissant à reprendre sa chaleur et sa clarté1. Quoi qu'il en soit de ce dernier détail, un ensemble de témoignages orientaux nous montre quelle était l'importance dans les pays semitiques du «< Natalis Solis ». On peut croire que les mystères de Mithra ont contribué sous l'Empire à répandre en Orient comme à Rome, l'usage de solenniser la renaissance de l'astre du jour au solstice d'hiver.

Franz CUMONT.

1) Assemani, Bibl. Orient., II, p. 164; cf. CIL 12, p. 338 et Usener, Weihnachtsfest, 1911, p. 349.

2) Peut-être en était-il de mème des cierges de cire qu'on allumait aux Saturnales; cf. Deubner, Neue Jahrb. für das Klass. Alt., 1911, p. 327.

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