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Eduæ civitate, in Galliis, loco Alisiana, natale sanctæ Reginæ martyris cuius gesta habentur (1)

et le manuscrit de Wolfenbüttel, écrit en 772 mais représentant un archétype écrit à Fontenelle avant 756:

edue ciuit, in Gall. locum alisiana nat. gesta habentur (2).

Mais, dira-t-on, on l'a dit en effet

scæ regine mar. cuius

qui prouve que ces

actes de sainte Reine ainsi mentionnés au VIIIe siècle sont bien ceux du pseudo-Théophile et non d'autres qui auraient pu exister et n'être pas parvenus jusqu'à nous ? Ce qui le prouve, c'est qu'au cours de dépouillements effectués pour mon Corpus des légendes hagiographiques de l'ancienne Gaule (3), j'ai eu la bonne fortune de découvrir un feuillet de cette Passio Reginæ inconnu de mes devanciers, intéressant puisque du vIIIe siècle, dans un passionnaire d'Autun (4): amputé du début et de la fin, ce texte a par suite échappé à l'attention du rédacteur du Catalogue des manuscrits des bibliothèques des départements et au Bollandiste du Catalogus codicum hagiographicorum latinorum bibliothecæ scholæ medicina Montepessulanensis (5). I Il commence aux mots dno ihu xpo ætate erat annorum xv et delectabatur in domibus nutricis suæ et se termine avec ceux-ci Et postquam hec dixisset accesserunt carnifices et cedebant eam.

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En résumé: d'une part une passion plagiaire, sans aucune valeur historique mais du vIIIe siècle au plus tard, est le fondement de toutes les biographies ultérieures de sainte Reine;

d'autre part la présence à Alise (av. 722 à 864) puis à Flavigny de <<

<< reliques » de ladite sainte est attestée à cette époque ;

(1) Loc. cit.

(2) Loc. cit.

(3) En préparation. Le tome I (province de Sens) paraitra en 1928. (4) Ms. Fac. méd. Montpellier H 55 fol. 22s ro-yo ad calcem.

(5) MORET (H.) in Anal. Bolland., XXXIV-XXXV, 251-254.

de sorte que, habitante des cieux dont personne ne sait absolument rien sinon qu'elle a nom Regina et opère des miracles au début du vIIIe siècle, telle se présente à nous la patronne d'Alise. Si nous accordons à Molinier (1) que << l'existence même de sainte Reine est plus que douteuse », ce à quoi je ne contredis guère, reste à rendre compte du culte dont elle fut l'objet. Et pour cela nulle hypothèse ne me semble plus satisfaisante que celle qu'a proposée Monsieur Salomon Reinach: à savoir, la déesse Junon honorée sous son épithète de Regina (2) par les Alésiens puis « sanctifiée » non tant par la hiérarchie ecclesiastique (3) que par le sentiment et le culte populaire..... La légende du Bouddah a bien trouvé place dans les fastes de l'hagiographie chrétienne, nul doute également que les infiltrations païennes n'aient laissé des survivances dans le culte médiéval... Pourquoi Regina devenue sainte obscure se serait-elle vue doter d'une légende hagiographique? sans doute, comme dit Grégoire de Tours, parce que le peuple n'honore les saints qu'en proportion de la connaissance qu'il a des mérites de leur vie ; et pourquoi la passion de sainte Marine a-t-elle été choisie entre beaucoup d'autres? apparemment pour deux raisons d'abord Marine était une sainte grecque et les passions plagiaires étaient le plus généralement, à l'époque de cette adaptation, empruntées à des modèles grecs (4); ensuite sévissait alors, dans le diocèse même d'Autun, la manie de traduire en langue vulgaire les noms propres exotiques: c'est ainsi par exemple que, dans le même passionnaire qui nous a conservé le plus ancien texte de la Passio Regina, on rencontre (5) vita sancte Eufrosine qui interpretatur in latino castissima, où ladite sainte est

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(1) Les sources de l'hist. de Fr., 1, 34.

(2) Rev. archéol., 1944, II 281.

(3) Sainte Reine n'a jamais été canonisée, mais pénétra au Martyrologe Romain par la voie de tradition littéraire sa passion, Usuard, Baronius. (4) V. g. les passions des Jumeaux et de Mammès de Langres; de Bénigne de Dijon; de Patrocle, de Jule et de Savinien de Troyes; de Sidroine [et peut-être Colombe] de Sens; etc.

(5) Ms. Montpellier H 55, iam. cit., fol. 139,

appelée sancta Castissima. Quoi d'étrange alors que le vocable Marina nom sous lequel Marguerite (1) était connue dans le passionnaire d'Autun ait semblé à des oreilles occidentales la forme à terminaison féminine du mot syriaque mar maître, seigneur (2), connu même des non-sémitisants puisqu'il est le titre de prélats orientaux et que le Nouveau Testament (3), sans parler de la Didachè (4), l'a vulgarisé sous la forme bien connue Maran atha, que le Seigneur vienne!

C'est donc avec une apparente légitimité, très suffisante d'ailleurs aux médiocres exigences des hagiographes médiévaux, que Junen a pù se trouver affublée de la biographie de Marina. Devenue vierge martyre et localisée à Alise, elle fut vénérée in corpore, fit des miracles et le zèle des moines de Flavigny n'aura plus qu'à opérer la retentissante translation de 864 pour asseoir un culte que l'Eglise juge légitime, puisque séculaire.

G. VERDIN.
Docteur en théologie.

(1) Marguerite est le surnom (dû à un détail de sa Passion) donné à sainte Marine d'Antioche pour la distinguer de sa célèbre homonyme.

(2) Cf. une intéressante discussion philologique sur ce vocable (BLochetGUIDI-CLUGNET) dans Rev. Orient chrét, et Bibl. hag. orient., VIII (1905). (3) I Cor., XVI, 22.

(4) X, 6.

GNOSTIQUES ET GNOSTICISME

M. de Faye vient de publier une seconde édition de sa grande étude Gnostiques et Gnosticisme (1). La première datait de 1913. Le succès que cet ouvrage, pourtant austère, a obtenu montre assez son importance, comme aussi l'intérêt qui s'attache aujourd'hui aux questions qu'il agite. Il constitue d'ailleurs le seul travail d'ensemble qui existe chez nous sur les gnoses archaïques au milieu desquelles la théologie chrétienne s'est lentement formée. C'est par lui que les profanes se feront initier aux arcanes de la Pistis Sophia ou de la théosophie valentinienne. Aussi convient-il d'en étudier de près les idées directrices et les conclusions essentielles.

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A ce double point de vue, la seconde édition ne fait que continuer la première. Si l'on excepte un « aperçu bibliographique qui a été introduit à la fin et qui gagnerait à être plus complet, la seule nouveauté importante consiste dans un chapitre inaugural où l'auteur montre comment se pose le « problème » du gnosticisme, à seule fin d'expliquer qu'on ne peut que s'égarer en le traitant autrement qu'il n'a fait.

On sait quelle est sa méthode. Nous ne disposons, dit-il, au sujet des diverses gnoses, que d'informations très disparates et souvent fort médiocres. Nous ne pouvons avancer avec quelque assurance qu'en nous appuyant sur les informations authentiques de vrais gnostiques, plutôt que sur celles de leurs contradicteurs, et en nous fiant à celles des grands maîtres plutôt qu'à de vulgaires épigones. Suivant cette règle, M. de Faye cherche d'abord à reconstituer la doctrine de Basilide, de Valentin, de Marcion,

(1) Paris, Geuthner, in-8, 546 p.

ainsi que de leurs principaux disciples, et il y voit l'œuvre de chrétiens instruits qui édifient, sur la base de la tradition évangélique, une philosophie morale et religieuse souvent très remarquable. Il analyse ensuite le contenu général des textes anonymes, Pistis Sophia et Livres de Jeü, que nous ont fait connaître certains manuscrits coptes et il y dénonce une méconnaissance radicale de ces anciennes gnoses, qui se sont progressivement matérialisées et ne s'adressent plus à des écoles philosophiques mais à des sectes de mystagogues. Il relègue enfin dans la dernière partie du livre les groupes qui nous sont seulement connus par les rapports des hérésiologues et il s'attache à montrer que nous ne savons d'eux à peu près rien de sûr, qu'on est donc forcé d'en faire pratiquement abstraction, si l'on veut ébaucher l'histoire proprement dite du gnosticisme.

Ces conclusions me paraissent très contestables, comme la méthode même qui les a inspirées. Une comparaison très simple montrera quelle réserve s'impose à leur sujet. Supposons un étudiant en théologie, un séminariste, qui, voulant se former une idée exacte d'Auguste Comte et ne possédant point ses œuvres, rejetterait comme trop tendancieux et inexacts tous les rapports fournis sur lui par les historiens de la philosophie, et ne voudrait se le représenter que d'après les citations qu'il pourrait relever dans l'Utilisation du positivisme et autres œuvres apologétiques de Brunetière. Ces citations, si exactes soient-elles, lui donneraient un portrait non seulement très vague mais encore systématiquement faussé et en somme beaucoup moins ressemblant que celui qu'il eût pu dégager, avec quelque critique, d'une histoire de la philosophie, même médiocre et très partiale. M. de Faye se met dans une situation analogue, en écartant de parti-pris tous les renseignements fournis sur les Gnostiques par ceux des anciens auteurs ecclésiastiques qui ont traité ex-professo de leurs doctrines.

En fait, les indications qui nous viennent des premiers hérésiologues sont beaucoup moins fantaisistes qu'il ne le donne à entendre. Assurément on ne peut les accepter sans réserve. Une

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