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« attestée par... » oblige à une lourde reprise : « une justice de Dieu... » Puis il est longuement et bizarrement allégué que la justice par la foi est fondée sur un passage de la Loi ellemême concernant Abraham (Genèse XV, 6). Après quoi est rejointe la conclusion : «<< justifiée donc par la foi», d'où sont omis les mots : « non par la Loi. »

D'un côté quatre lignes fermes et droites. D'autre côté trois pages tortueuses qui corrigent ces quatres lignes. Il est naturel qu'on soit passé des premières aux secondes. Des secondes aux premières, c'est invraisemblable.

3o Gal. III, 10-26. L'Apostolicon donne cette suite d'idées :

ὅσοι γὰρ ὑπὸ νόμον, ὑπὸ κατάραν εισίν...

χριστὸς ἡμᾶς ἐξηγόρασεν ἐκ τῆς κατάρας τοῦ νόμου...
ἐλάβομεν οὖν τὴν εὐλογίαν τοῦ πνεύματος διὰ τῆς πίστεως·
πάντες γὰρ υἱοὶ θεοῦ ἐστὲ διὰ τῆς πίστεως.

Tous ceux qui sont sous la Loi sont sous une malédiction...
Le Christ nous racheta de la malédiction de la Loi...
Nous reçûmes donc la bénédiction de l'esprit, par la foi,
car tous, vous êtes fils de Dieu par la foi.

La pensée est claire. Le Christ, pendu au bois et devenu objet maudit, prit sur lui l'antique malédiction. Aussitôt nous arriva une bénédiction qui ne s'applique pas à la chair mais à l'esprit car elle consiste à devenir spirituellement fils de Dieu.

L'Apostolicon ne contenait pas d'autre idée. Il ne parlait aucunement de la bénédiction donnée à Abraham. Nous avons sur ce point l'attestation expresse de Tertullien (V, 3) et d'Origène (dans Jérôme. Comm. in Gal. au passage).

>>> en < tous

L'édition longue introduit avant ce passage la bénédiction donnée à Abraham (III, 6-9). Puis elle atténue, à la première ligne << tous ceux qui sont sous la Loi, o únò vóμou ceux qui en sont aux cuvres de la Loi, ὅσοι ἐξ ἔργων νόμου. » Puis elle dissocie « la bénédiction » et « de l'esprit. » La bénédiction est celle qui a été donnée à Abraham; l'esprit est le Saint

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Esprit dont la descente est racontée au livre des Actes. Enfin le thème de la bénédiction à Abraham est développé en onze versets, avant la conclusion.

Tous ceux qui en sont aux œuvres de la Loi sont sous une malédiction... Le Christ nous racheta de la malédiction de la Loi...

afin qu'aux gentils la bénédiction d'Abraham vînt en le Christ Jésus, afin que nous reçussions la promesse de l'esprit.

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...(onze versets sur la bénédiction donnée à Abraham)...

Car tous, vous êtes fils de Dieu par la foi en le Christ Jésus.

Là encore il est visible que le texte long est une amplification. La bénédiction donnée à Abraham et la promesse du Saint Esprit sont des éléments étrangers. Le texte court se suffit à lui-même. L'autre est un texte rallongé. On va facilement du premier au second, mais non du second au premier.

4o Gal. IV, 24. Il est question des deux femmes d'Abraham : l'une esclave, l'autre libre, l'une qui a un fils selon la chair, l'autre un fils par la promesse. C'est une allégorie. Voici comment elle est expliquée dans l'Apostolicon :

ἅτινά εστιν ἀλληγορούμενα

αὗται φάρ εἰσιν αἱ δύο ἐπιδείξεις,

μία μὲν ἀπὸ ὄρους Σινᾶ εἰς τὴν συναγωγὴν τῶν Ἰουδαίων
κατὰ τὸν νόμον γεννῶσα εἰς δουλείαν,

ἄλλη δὲ ὑπεράνω πάσης ἀρχῆς γεννῶσα

καὶ δυνάμεως καὶ ἐξουσίας καὶ παντὸς ὀνόματος ὀνομαζομένου,

οὐ μόνον ἐν τῷ αἰῶνι τουτῷ, ἀλλὰ καὶ ἐν τῷ μελλοντι,

εἰς ἣν ἐπηγγειλάμεθα ἁγίαν ἐκκλησίαν,

ἥτις ἐστὶν μήτηρ ἡμῶν.

Cela est allégorique :

ce sont les deux manifestations :

l'une qui du mont Sinaï à la Synagogue des Juifs
enfante, selon la Loi, pour l'esclavage;

l'autre qui enfante, plus haut que toute Principauté,
Vertu, Domination, que tout Nom nommé,

non seulement en cet Age-ci mais en l'Age futur,
l'Eglise sainte promise à nous,

qui est notre mère.

Et dans l'édition catholique :

Cela est allégorique :

ce sont deux alliances:

l'une qui du mont Sinaï enfante pour l'esclavage,

qui est Agar, car Agar est le mont Sinaï en Arabie ;

elle correspond à la Jérusalem actuelle

car celle-là est esclave avec ses enfants;

mais la Jérusalem d'en haut est libre,
qui est notre mère.

Il suffit de comparer les deux textes pour voir que le second est une corruption du premier. Le premier oppose, sur deux plans mystiques, la Synagogue des Juifs et l'Eglise sainte. Le second prétend ménager les Juifs. Il remplace les deux manifestations (dies), radicalement différentes, par deux alliances (0×) et, à la fin, par deux Jérusalem. Il s'embrouille en voulant expliquer comment Agar, mère des Arabes païens, représente pourtant les Juifs. Finalement ce ne sont plus la Loi et la grâce qui s'opposent, ni même deux alliances, mais la Jérusalem esclave des Romains et la Jérusalem d'en haut décrite dans l'Apocalypse. La perspective est complètement gauchie.

De cette strophe si trouble il est impossible de tirer la strophe claire de l'Apostolicon. Il n'est donc pas douteux que le rédacteur de la strophe catholique a eu l'autre sous les yeux et l'a maladroitement refaite. Chose curieuse, il n'a pas laissé perdre les trois lignes : « plus haut que toute Principauté, etc. ». Il les a transportées dans Ephésiens, I, 21 et en a fait hommage au Christ assis dans les cieux « plus haut que toute Principauté etc. » A cet endroit elles manquent dans l'Apostolicon.

5o Le dernier exemple est des plus simples.

I Cor. I, 12. Les partis qui existent à Corinthe sont ainsi

énumérés dans l'Apostolicon: « L'un dit: Moi, je suis de Paul. Et moi d'Apollos. Et moi de Képhas. >>> A ces mots l'édition catholique ajoute: « Et moi du Christ. »

Ce parti du Christ dont il n'est pas question ailleurs est insolite. Plus loin (III, 22) Paul, Apollos et Képhas reviennent, sans qu'il soit fait allusion à un quatrième parti. Le texte catholique 'est donc, en soi, assez suspect.

Mais la question peut être tranchée. Ce passage est le seul sur lequel nous avons un témoignage externe. Clément Romain au commencement du e siècle, a lu I Corinthiens. Or il a lu seulement Paul, Apollos et Képhas (XLVII, 3).

Au seul endroit où le contrôle d'un lecteur ancien est possible, il est attesté que ce n'est pas Marcion qui a coupé, mais l'éditeur catholique qui a ajouté.

Ces cinq exemples suffisent, je crois, à montrer que l'édition courte est plus ancienne que l'édition longue. Le saint Paul édité par Marcion est plus près de l'original que celui du Nouveau Testament. Le saint Paul que nous lisons, n'est pas autre chose que l'édition marcionite de saint Paul, revue, augmentée et conformée à l'orthodoxie, quelque temps après Marcion, un siècle après saint Paul (1).

II. RETOUCHES DOCTRINALES.

Dans la première édition de saint Paul quelle est la part de saint Paul, quelle est la part de Marcion? Nous n'avons pas de moyen extérieur de le déterminer. En revanche nous pouvons apprécier le travail du second éditeur. Il a fait subir à l'édition marcionite trois sortes de retouches: corrections doctrinales, corrections historiques, éclaircissements.

Au point de vue doctrinal, il est monothéiste à la juive et

(1) H. Delafosse est arrivé aux mèmes conclusions par la critique interne des épitres, sans se servir de Apostolicon (Les Ecrits de Saint Paul, 1. LÉpitre aux Romains. II. La première épitre aux Corinthiens. Paris, Rieder, 1926.)

fermement hostile aux thèses de Marcion sur la distinction du dieu créateur du monde et du Dieu étranger au monde. Il professe que le Dieu créateur, le Dieu de l'Ancien Testament, le Dieu des chrétiens sont un seul et même Dieu et qu'il n'y en a aucun autre dans l'univers.

S'il a laissé passer, peut-être par inadvertance, II Cor. IV, 4, « le dieu de ce monde », qui est un autre dieu que Dieu, et I Cor. VIII, 5: quoiqu'il y ait beaucoup de dieux... », il ne souffre pas que Paul dise aux Galates (IV, 8): << si vous êtes asservis aux dieux qui sont dans la nature, τοῖς ἐν τῇ φύσει oùσt feois ». Il corrige: « Vous fûtes asservis aux dieux qui par nature ne sont pas, τοῖς φύσει μὴ οὖσι θεοῖς », tour très gauche, où púss: est à peu près dépourvu de sens.

Il ne peut pas supporter Laod. III. 9: « l'économie du mystère caché depuis l'éternité au dieu qui créa l'univers, àñоxxрʊμμένου τῷ θεῷ τῷ τὰ πάντα κτίσαντι. » Il met le petit mot ἐν devant. Le mystère chrétien a été « caché depuis l'éternité en le Dieu qui créa l'univers. » Ces deux lettres font dire à la phrase le contraire de ce qu'elle disait. Elégante conversion à l'orthodoxie, obtenue aux dépens de la clarté.

Il ne tolère pas qu'on dise, comme le quatrième évangile le fait crûment (VII, 29; VIII, 19, 55 etc.) que les Juifs ne connaissent pas Dieu. Il a un sursaut devant Rom. X, 3: « (Les Juifs), qui ne connaissent pas Dieu (ov ayvooUVES) et qui ἀγνοοῦντες) cherchent à établir leur propre justice, ne se soumirent pas à la justice de Dieu. » Il corrige: « qui ne connaissent pas la justice de Dieu. » Ce truisme sauve la doctrine.

Il tient à marquer que le châtiment et la vengeance appartientiennent à Dieu lui-même, ainsi que l'enseigne l'Ancien Testament. Paul recherche les tours de phrase vagues qui laissent dans l'ombre l'auteur des châtiments (1). L'éditeur catholique s'évertue à les rectifier. I Cor. III, 7: « Quiconque détruit le temple de Dieu, sera détruit. » Correction : « Dieu le détruira. » II Thess.

(1) H. Delafosse, L'Épitre aux Romains. Paris, 1926, p. 28.

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