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n'aura pas été démontré qu'il est fondé et solide ou, au contraire, doit-il être tenu pour bon et valable aussi longtemps qu'on n'aura pas apporté de démonstration précise de son manque d'autorité, aussi longtemps, par exemple, que l'on aura pas complètement expliqué comment et sous l'influence de quels facteurs ils résultent de la déformation de la tradition chrétienne? Cette question n'est pas, comme il pourrait le sembler au premier abord, une question de pure forme. Suivant qu'on y répond dans un sens ou dans l'autre, le problème des fragments slaves ne se présente pas tout à fait sous le même aspect. Si la charge de la preuve incombe aux adversaires de la valeur historique des fragments, M. Eisler et ceux qui pensent comme lui pourront se borner à démontrer que la tradition slave présente un tableau cohérent et, s'il s'y trouve quelques contradictions, il leur sera loisible de les expliquer, comme l'avaient déjà fait MM. Seeberg et Frey et comme le fait M. Eisler, par des interpolations chrétiennes postérieures. Si au contraire ce sont les défenseurs de la valeur de ces textes qui doivent commencer par justifier leur point de vue, alors ils devront montrer non seulement que ces textes ne peuvent pas dériver de la tradition chrétienne mais encore que leurs données sont conciliables avec le noyau historique le plus ancien de cette tradition, dans la mesure du moins ou on doit le tenir pour historique. Il faut ajouter que, dans ce cas, l'hypothèse d'interpolations dans les fragments ne peut plus être admise qu'avec une certaine réserve. Pour la rendre légitime, il faut prouver que le caractère secondaire et artificiel des textes ne suffit pas pour expliquer les incohérences qu'ils peuvent présenter.

Trois considérations nous paraissent constituer des présomptions au moins nettement défavorables aux textes slaves et, par suite, conduire à les considérer a priori comme suspects ce qui a pour conséquence d'imposer à leurs défenseurs la charge de la preuve.

1o Nous ne savons rien de précis sur les relations entre le texte grec que nous connaissons et la version slave. L'hypothèse

de MM. Berendts et Eisler d'après laquelle la version slave reposerait sur la première édition araméenne de la Guerre Juive n'est qu'une conjecture construite sur ce fait unique que nous savons qu'il y a eu une édition araméenne antérieure à l'édition grecque (Proœm. 1). Mais nous ne savons rien de précis sur les relations de ces deux éditions (1).

2o Les raisons qui ont déterminé Josèphe à ne pas parler ou à ne parler qu'infiniment peu du Christ et du christianisme dans son œuvre grecque étaient aussi valables pour son œuvre araméenne. Des différences trop sensibles sur ce point entre les deux éditions auraient pu causer à Josèphe précisément le genre d'ennuis qu'il tenait à éviter.

3o Le fait bien connu qu'il a existé parmi les copistes chrétiens une tendance très marquée à interpoler les textes de Josèphe pour y introduire des témoignages favorables au christianisme rend, à priori, bien suspect tout fragment de ses oeuvres qui n'est pas attesté par une tradition homogène quand il présente une relation avec le christianisme.

Nous voudrions seulement, à titre d'exemple, examiner deux des fragments de la version slave en choisissant ceux qui présentent pour l'histoire évangélique l'intérêt le plus immédiat, nous voulons dire les fragments IV et VII (2).

Dans le premier de ces fragments, Jésus qui n'est pas nommé (3), est présenté comme un être d'apparence humaine mais

(1) Rappelons en passant que le caractère de la version slave n'a pas encore fait l'objet d'une étude systématique et qu'il se pourrait que des recherches sur sa date, les conditions dans lesquelles elle a été faite et ses relations avec le texte grec dans les parties qui n'ont pas d'intérêt direct pour l'histoire chrétienne soient de nature à apporter quelques données intéressantes pour le problème qui nous occupe.

(2) Nous citons et numérotons les fragments d'après l'édition de Berendts, (3) Seeberg (Von Christus..., p. 55) estime que ce fait empèche d'attribuer le fragment à un chrétien, Nous y voyons bien plutôt un indice défavorable à son caractère primitif car il n'est pas naturel qu'un personnage auquel est

dont les œuvres sont divines car il accomplit des miracles extraordinaires. On ne peut l'appeler ni un homme ni même un ange. Il agit par une puissance invisible, accomplissant ses miracles par la parole et par le commandement. Les uns le prennent pour Moïse ressuscité, d'autres pour un envoyé de Dieu. Sur beaucoup de points, il s'opposait à la Loi ne pratiquant pas le sabbat à la manière des pères, pourtant il ne faisait rien ni de honteux ni de coupable, et se bornait à agir par la parole. Dans le peuple beaucoup de gens acceptaient son enseignement et beaucoup croyaient qu'il allait délivrer les tribus juives de la domination romaine.

Sur le Mont des Oliviers, où il a l'habitude de se tenir et d'accomplir des guérisons, cent cinquante esclaves et une foule de gens du peuple s'assemblent autour de lui. Ils lui demandent d'entrer dans la ville, d'anéantir Pilate et ses soldats et de régner sur le peuple. Lui refuse. Alors les chefs du peuple se réunissent et décident, pour que Pilate apprenant la tentative avortée ne les en rende pas responsable, qu'il convient de l'avertir.

Instruit par les Juifs, Pilate fait massacrer beaucoup de gens du peuple et se fait amener le faiseur de miracles. En l'interrogeant, il s'aperçoit que ce n'est pas un malfaiteur, un émeutier ou un homme qui cherche à s'emparer du pouvoir et il le libère. Jésus en effet avait guéri la femme de Pilate qui était mourante.

Mis en liberté, Jésus retourne au Mont des Oliviers où plus de peuple encore s'assemble autour de lui. Jaloux, les scribes donnent trente talents à Pilate qui l'abandonne à leur volonté. Ils le crucifient alors, contrairement à la loi des pères.

Seeberg (1) a déjà fait observer que les conditions dans lesquelles ce fragment est inséré suffisent à en rendre le carac

consacré un développement aussi étendu et important que le fragment IV ne soit pas nommé. On comprend au contraire qu'un interpolateur voulant faire parler un auteur d'un sujet dont on savait qu'il n'avait pas parlé ait usé d'une certaine discrétion en se bornant à insinuer ce qu'il n'osait pas dire directement.

(1) Seeberg, Von Christus......., p. 53.

tère primitif très suspect. On le trouve dans la version slave de la Guerre Juive au livre II, chapitre 9 entre les paragraphes 3 et 4. Il sépare deux morceaux qui ont d'étroites relations entre eux. Au commencement du chapitre, il est question de l'affaire des enseignes que Pilate fait apporter à Jérusalem et de la manière cruelle dont il fait traiter par ses soldats les Juifs venus à Césarée lui faire entendre leurs doléances et leurs supplications. Au paragraphe, il est question du trésor du Temple confisqué par Pilate pour payer les frais d'une adduction d'eau et de la manière dont le procurateur dissimule dans la foule qui s'assemble et murmure, des soldats déguisés qui, à un signal donné, assaillent les Juifs à coups de bâtons si bien que beaucoup d'entre eux périssent. Et ce paragraphe commence par ces mots : « Après cela il provoqua un autre trouble »>< >> (Μετὰ δὲ ταῦτα ταραχὴν ἔτεραν ἐκίνει). Π y a un lien très étroit entre les deux faits qui se suivent dans le texte grec. Ce sont des incidents sanglants provoqués par la brutalité de Pilate et son total manque d'égards pour les susceptibilités des Juifs. Ce que la version slave place entre ces deux morceaux relate sans doute aussi un massacre de Juifs par les soldats de Pilate mais cette fois ce n'est pas Pilate qui provoque l'affaire; il se borne à prendre les mesures de répression qu'à son point de vue, il était impossible de ne pas prendre. Il s'agit donc, en réalité, d'un fait d'un tout autre ordre. La cohérence que présente le texte grec ne se retrouve pas dans la version slave et cela empêche d'attribuer un caractère primitif à ce qu'elle est seule à donner.

L'examen du contenu du morceau confirme très nettement cette conclusion. Tel qu'il se présente à nous, il ne peut être que l'œuvre d'un chrétien. Jésus accomplit des œuvres divines et il n'est ni un homme ni un ange: autant dire expressément qu'il est Dieu. Il ne fait rien de mal et c'est un bienfaiteur des hommes. S'il périt, c'est à cause de la jalousie des Juifs.

Mais la conclusion qui vaut pour le morceau considéré dans son ensemble reste-t-elle valable dans l'hypothèse de M. Eisler? En d'autres termes, pouvons nous et devons nous, du texte que

nous lisons et dont le caractère chrétien est certain, dégager un autre texte plus primitif qui, lui, serait juif? Il ne suffit pas pour qu'on puisse répondre affirmativement à cette question qu'il soit possible, par l'élimination de certaines phrases ou de certains membres de phrases, d'obtenir un texte qui puisse être tenu pour juif, il faut encore qu'entre les parties retenues comme primitives et celles qui sont éliminées comme secondaires on établisse qu'il y a contradiction absolue. Nous avouons ne pas découvrir de semblable contradiction dans ce texte. La phrase par laquelle l'action de Jésus est expliquée par une puissance invisible qui agit dans sa parole et dans son commandement ne contredit pas les lignes qui précèdent dans lesquelles est clairement indiqué, si ce n'est pas dit en propres termes, que Jésus est Dieu. Cette phrase est destinée seulement à éliminer l'interprétation malveillante qui expliquerait les miracles de Jésus par l'art magique (1).

Il n'y a pas non plus incohérence dans le fait que le morceau, qui, dans l'ensemble, est incontestablement favorable à Jésus contient un passage où il est dit que Jésus s'opposait à la Loi et n'observait pas le sabbat selon la coutume des pères. Ceci en effet n'est pas présenté comme une critique et l'idée d'une opposition de Jésus contre la Loi, principalement à propos du sabbat, était directement indiquée dans la tradition évangélique. M. Eisler croit que le texte primitif a été retouché par un interpolateur chrétien qui, à une émeute tentée par Jésus, a substitué une suggestion faite par ses partisans et écartée par lui mais qui, cependant, lui aurait valu une dénonciation faite par les Juifs à l'autorité romaine. Nous essayerons de montrer que cette partie du récit peut très naturellement être comprise sans cette hypothèse arbitraire autant que compliquée.

Pour apprécier la valeur des traditions contenues dans un morceau comme celui qui nous occupe, l'essentiel est de déter

(1) Cette interprétation des miracles a été souvent donnée par les adversaires du christianisme, notamment par Celse. Cf. W. Bauer, Leb. Jes. i. Zeitalt. d. neut. Apkr., p. 461 s., 465, 470, 485.

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