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de toutes les traditions, de la tradition 'évangélique comme des autres. Mais ce sont des traits généraux. Ils peuvent illustrer ce qu'on constate dans l'évolution de la tradition évangélique, ils ne permettent pas de la reconstruire là où des matériaux qui permettraient de le faire directement font défaut.

Les seules lois de l'évolution de la tradition évangélique qui soient certaines sont celles que l'on peut dégager de l'étude de la tradition évangélique elle-même. Encore, dans l'application de ces lois, faut-il être très prudent car, nous l'avons noté, l'évolution de la tradition évangélique obéit parfois à des forces antithétiques et les lois dans lesquelles on peut essayer de l'exprimer résument un certain nombre mais non la totalité des faits. Ces lois n'ont donc qu'une portée générale, elles ne peuvent être appliquées dans des cas particuliers.

Nous en avons terminé avec les études qui traitent des questions de principe et de méthode. Pour caractériser la formgeschichtliche Schule et pour pouvoir apprécier exactement ce qu'on peut en attendre, il convient encore de considérer brièvement quelques études qui sont, à des titres divers, des essais d'application de la méthode nouvelle.

La première est celle de M. Georg Bertram, Die Leidensgeschichte Jesu und der Christuskult, Goettingen, 1922. Elle porte pour sous-titre Eine formgeschichtliche Untersuchung et c'est à bon droit puisque M. Bertram s'attache à démontrer que c'est l'influence du culte qui explique à la fois la formation des éléments de la tradition et leur groupement dans le récit actuel de Marc. L'idée d'une influence exercée par le culte sur le développement de la tradition évangélique est une des idées fondamentales de la nouvelle école.

Il y a quelque a priori dans cette étude comme le prouve le principe formulé dès le début que c'est le point de vue cultuel qui doit dominer les recherches. C'est là, à notre sens, une faute de méthode. Il est téméraire d'affirmer à priori qu'un développe

ment complexe comme celui des récits de la passion est la résultante d'une cause unique, le culte. Cela surtout parce qu'il y a dans le récit de la passion des traits qui s'expliquent de la manière la plus naturelle par d'autres causes que le culte, par exemple par les préoccupations apologétiques. C'est, à notre sens, une erreur de considérer le facteur culte comme une clef merveilleuse susceptible d'ouvrir toutes les serrures. Si M. Guignebert nous permettait de reprendre un mot qu'il a employé à propos du système de M. Delafosse (1), nous dirions volontiers que cette clef magique risque fort de n'être qu'un vulgaire rossignol.

Un autre défaut de la méthode de M. Bertram est qu'au lieu d'aller de ce qui est connu ou partiellement connu à ce qui est inconnu, il suit la voie inverse et part de ce qui est inconnu, c'està-dire du culte; car il ne faut pas oublier que les données sur le culte chrétien du premier siècle sont extrêmement rares. Illustrons par un exemple le danger de cette méthode. M. Bertram croit que l'indication chronologique par laquelle s'ouvre le récit de la passion dans Marc (14, 1), « La Pâque et les Azymes étaient dans deux jours », se rapporte à un schéma de la semaine sainte ayant son origine dans le culte. C'est là une pure hypothèse et elle nous paraît se heurter à certains faits précis. Si l'indication avait bien eu ce caractère, elle aurait tendu à se préciser dans la tradition ultérieure. Or ce n'est pas le cas. Luc (19, 1) a la formule plus vague : « La fête des Azymes que l'on appelle la Pâque était dans deux jours » et Jean (13, 1) dit seulement : << Avant la fête de Pâques ». D'autre part, ni les épîtres de Paul ni surtout la Didachè qui donne des indications précises sur les principaux éléments du culte, ne contiennent la moindre allusion à une semaine sainte. Enfin si, dans Marc, 14, 1, c'était une Pâque chrétienne qui était visée, on aurait peine à comprendre que Luc qui représente un stade plus avancé de l'évolution, ait effacé ce trait en mettant au premier plan la fête juive des Azymes (22, 1). Il faut ajouter que, si Marc avait vraiment l'idée d'un schéma de la semaine sainte,

(1) Guignebert, Revue historique, CLIII, 1926 (sept. oct.), p. 77.

'il serait surprenant qu'il l'ait conçu et présenté comme un cadre vide.

Il nous paraît d'autant moins nécessaire de recourir à l'explication hypothétique que propose M. Bertram, que l'indication chronologique de Marc peut être interprétée d'une manière très naturelle. L'indication donnée est en relation étroite avec l'intention prêtée aux Juifs de faire mourir Jésus mais pas pendant la fête, de peur qu'il ne se produise quelque trouble parmi le peuple (Mc., 14, 2. Mt., 26, 5). Luc ne mentionne pas cette intention des autorités, sans doute parce qu'il a remarqué qu'elle n'avait pas été réalisée. Pourtant, il l'a connue puisqu'il a conservé un débris, inintelligible chez lui, du texte de Marc dans les << car ils craignaient le peuple » (Lc., 22, 2). L'indication de Marc avait son sens plein dans le récit primitif où Jésus, comme le dit encore le quatrième évangile, mourait effectivement avant la fête. C'est la transformation du dernier repas de Jésus en repas pascal, transformation qui, elle, a certainement un caractère cultuel qui a entraîné une modification de la chronologie primitive et eu pour conséquence de faire, dans la suite, atténuer, puis supprimer l'indication chronologique du début alors que, si cette indication avait eu un caractère cultuel en relation avec le schéma de la semaine sainte, elle aurait dû, au contraire, devenir de plus en plus précise.

mots :

Qu'il y ait une relation directe entre les récits évangéliques, spécialement entre les récits de la passion et le culte c'est l'évidence même. Mais la relation est beaucoup plus complexe que ne pensent M. Bultmann et les critiques de la nouvelle école. Il n'y a pas seulement dépendance des récits par rapport au culte mais il y a aussi, et c'est même ce qui nous paraît le plus primitif, dépendance du culte par rapport aux récits ou, d'une manière plus générale, par rapport aux faits dont les récits conservent le souvenir plus ou moins fidèle. Dans presque tous les cas le développement supposé par M. Bertram pourrait être retourné. Nous ne doutons pas, pour notre part, que, dans bien des cas, il devrait

l'être.

Cette première application de la formgeschichtliche Methode à un problème concret ne nous paraît donc pas avoir été des plus heureuses et cela parce que l'analyse et l'interprétation des faits y est dominée par un principe a priori.

La seconde étude dont nous voudrions parler est celle de M. Lyder Brun, professeur à Oslo, Die Auferstehung Christi in der ursprünglichen Ueberlieferung (Oslo, Giessen, 1925). Cette étude ne se rattache à la formgeschichtliche Schule que par un côté. M. Brun s'en inspire en ce qu'il se propose, non comme on le fait d'ordinaire, d'examiner les divergences des récits mais de rechercher ce qu'ils ont de commun. Il ne le fait pas pour tenter un essai, assez vain, d'harmonistique ou pour essayer de dégager une sorte d'archétype de tous les récits mais pour reconnaître, par l'analyse des thèmes essentiels, quel intérêt la foi des premiers âges a attaché aux récits relatifs à la résurrection. Mais M. Brun n'est pas un Formgeschichtler de stricte observance puisqu'il déclare que le contenu de la tradition a plus d'importance que sa forme.

Des divers récits d'apparitions, M. Brun croit pouvoir dégager un schéma commun qui serait essentiellement caractérisé par l'association d'une apparition individuelle et d'une apparition collective, apparition à Pierre, par exemple ou à Jacques suivie d'une apparition aux Douze ou à tous les apôtres. Cette association est en effet de la plus haute importance et il est bien probable que la foi à la résurrection a d'abord été le produit d'une expérience individuelle rendue ensuite collective. Toutefois le schéma apparition individuelle suivi d'apparition collective n'est pas aussi général que l'admet M. Brun. Il faut quelque peu forcer la plupart des récits pour les mettre en harmonie avec la théorie. On peut se demander si l'on ne serait pas en présence d'un de ces cas où l'établissement de schémas trop définis et surtout l'attribution à ces schémas d'une valeur trop absolue conduit à ne plus consi

dérer les textes mais des abstractions qu'on leur substitue. Pour ne donner qu'un exemple, la série des apparitions relatées par Paul dans I Cor., 15, 5s ne répond qu'imparfaitement au schéma. Si les première et deuxième apparitions (à Céphas, aux Douze) et les quatrième et cinquième (à Jacques, à tous les apôtres) fournissent des exemples caractéristiques de l'association en question, la troisième apparition (à plus de cinq cents frères) est collective et n'est précédée d'aucune apparition individuelle et la sixième qui est individuelle (à Paul), n'est pas suivie d'une apparition collective, sans que l'on puisse envisager l'hypothèse d'une énumération incomplète, puisque l'apôtre donne expressément l'apparition qu'il a eue comme celle qui a clos la série.

Nous tenons à ajouter que la remarque qui précède ne porte que sur un point très particulier à l'étude de M. Brun, celui pour lequel la formgeschichtliche Methode est mise en œuvre et qu'il serait tout à fait injuste de juger son travail sur cela seu lement. Le caractériser dans ses autres parties nous entraînerait en dehors de la question qui nous occupe. Nous tenons cependant à dire que son étude est des plus intéressantes et des plus suggestives et qu'elle abonde en vues originales souvent tout à fait justes. On peut n'en pas adopter toutes les conclusions. On ne peut pas la lire sans profit.

Le Jesus de M. Bultmann paru l'année dernière, est-il exactement dans la ligne tracée par la Geschichte der synoptischen Tradition et par Die Erforschung der synoptischen Evangelien du même auteur? C'est une question qui doit au moins être posée. Sans doute, M. Bultmann ne retire rien de ses conclusions critiques, d'aucuns diraient même de ses conclusions hypercritiques. « J'estime, écrit-il, dans l'introduction de son nouveau volume, que ce que nous pouvons savoir de la vie et de la personnalité de Jésus c'est autant dire rien » (so gut wie nichts) (p. 12). On est, il faut l'avouer, quelque peu surpris de trouver après cela un exposé,

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