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à tous. » Ici est dit à tous ce qui, dans la parabole, est dit au seul portier.

En grec le sens est vague et diffus. Tout se passe comme si un traducteur n'avait pas lu ou compris le mot sic, ou qu'un copiste eût corrigé outos en ou, sans apercevoir la corrélation avec . Il en résulte que le premier terme de la comparaison est détaché du second et forme une phrase à part : « [C'est] comme un homme... Veillez donc, car vous ne savez pas... » Ce donc introduit une conclusion là où doit se développer une comparaison.

Une autre faute a gâté le sens. Dixit a été lu dixi. Cela n'est pas une conjecture, car les deux manuscrits que nous avons portent dixi. La correction est facile, à cause du mot uni qui ne peut s'appliquer qu'au portier. Le traducteur n'a pas corrigé dixi et, comme le mot uni ne pouvait plus avoir de sens, il l'a supprimé : « Ce « Ce que je vous dis, je le dis à tous. » La conclusion de la parabole est remplacée par une phrase générale qui, chose curieuse, ne paraît pas conçue en regard du texte de Marc, mais en regard de Luc XII, 41 où Pierre a demandé : << Seigneur, dis-tu cette parabole pour nous ou pour tous? » et n'a pas obtenu de réponse.

Le latin offre un petit tableau ordonné que le grec disloque

en trois morceaux.

II. DORMEZ, RÉVEILLEZ-vous.

A la fin de la scène de Gethsemani le grec et le latin ont une forte divergence. Deux fois Jésus est allé prier; deux fois, revenant, il a trouvé ses trois compagnons endormis:

XIV, 41-42 et uenit tertio et, ubi adorauit, dicit illis: dormite iam nunc, ecce adpropinquauit qui me tradit. et post pusillum excitauit illos et dixit: iam hora est, ecce traditur filius hominis in manus peccatorum, surgite, eamus.

D καὶ ἔρχεται τὸ τρίτον καὶ λέγει αὐτοῖς· καθεύδετε λοιπὸν καὶ ἀναπαύεσθε ·

ἀπέχει τὸ τέλος καὶ ἡ ὥρα· ἰδοὺ παραδίδοται ὁ ὑιὸς τοῦ ἀνθρώπου εἰς τὰς χεῖρας τῶν ἁμαρτολῶν· ἐγείρεσθε, ἄγωμεν · ἰδοὺ ἤγγικεν ὁ παραδίδων με.

Β... ...ἀπέχει· ἦλθεν ἡ ὥρα ....

Dans le latin deux temps sont marqués. D'abord Jésus dit : Dormez ! Après un moment (post pusillum) il réveille les dormeurs: Levez-vous, allons! Dans le grec il dit d'une seule haleine Dormez, réveillez-vous, allons !

:

Quelle est la forme orignale? Apparemment la première. Il n'est pas naturel de dire dans la même phrase: Dormez, réveillez-vous ! La séparation des deux commandements doit être primitive, leur rapprochement secondaire.

On peut en décider, car on a un témoignage externe. Vers 180, deux siècles avant que fussent tracés nos manuscrits les plus anciens, Irénée écrivait : << Le Seigneur, trouvant les disciples qui dormaient, en premier lieu (primo quidem) les laissa dormir, pour indiquer la patience de Dieu à l'égard du sommeil des hommes. Mais en second lieu (secundo uero) il vint les réveiller et les faire lever» (1). Irénée lisait donc le texte à deux temps.

Il est possible de déterminer comment la confusion s'est introduite. Une particularité étrange du grec, ce sont les mots : àñézet to tos dans D, ñé dans B. C'est une notation pour le copiste qui a pénétré dans le texte.

Le mot éo est mis dans les manuscrits pour servir de guide au copiste. Un exemple instructif se voit au folio 290 b de D, οὐ on lit : (Marc II, 22) καὶ ὁ οἶνος καὶ οἱ ἀσκοὶ ἀπολοῦνται : Téλos. A cet endroit justement beaucoup de manuscrits ajoutent : ἀλλὰ οἶνον νέον εἰς ἀσκοὺς καινούς. Le mot τέλος, mis par un correcteur, indique au copiste que la fin de la phrase est bien là et qu'il ne faut pas faire d'addition (2).

(1) Haer. IV, xxII, 1. Par erreur C. H. Turner, Nouum Testamentum s. Irenaei, Oxford, 1923, p. 42, rapporte ce passage à l'évangile de Matthieu, XXVI, 45-46, où : « Dormez, réveillez-vous » sont réunis comme dans Marc grec. A. Merx, Die vier kanonischen Evangelien, II, 2, Berlin, 1905,

p. 156, a bien vu que le passage d'Irénée se rapporte à notre Marc latin (k). (2) Comparer D folio 288 b, Marc, I, 45: xxl pxoνтo пρòc αúτòv пávтOĐEV : tékos :. A cet endroit le manuscrit 579 (Sod. € 376) de la Bibliothèque Natio

Devant notre texte latin un traducteur a fait un saut (1) de IAM nunc ecce adpropinquauit... à IAM hora est ecce... Son erreur a été rendue plus facile par les répétitions: ecce... ecce; traditur... tradit. Il a traduit: dormite IAM hora est ecce traditur... en sautant nunc ecce adpropinquauit etc.

Un correcteur s'est aperçu de l'omission. Il a traduit une partie des mots sautés et il a logé son addition à la fin du passage, dans quelque espace blanc. Il a signalé cet écart par la note: àñéɣel tò télos, la fin (de la phrase) est éloignée. En effet la fin : ἰδοὺ ἤγγικεν... se trouvait ainsi éloignée de ἀναπαύεσθε.

D (ou son prototype) n'a pas compris l'annotation. Il l'a copiée tout uniment, à l'endroit ou il la lisait : ἀναπαύεσθε · ἀπέχει τὸ Téλos (2). Et il a laissé les mots fourvoyés où Žyyıxɛv etc.

à la place éloignée d'où cet avis devait les tirer.

B a compris tò téλos comme annotation et ne l'a pas copié. Mais il n'a pas compris ἀπέχει et la copie. Il a mis ἦλθεν devant ἡ ὥρα pour faire un sens. Dans ce conteste le petit mot intrus n'a aucun sens intelligible. Depuis des siècles il résiste victorieusement aux commentateurs (3).

é

C'est un beau cas où il faut remonter au latin pour démèler l'embrouillement du grec.

Il existe un cas inverse, où tò téλos faisait partie du texte et a été négligé par le copiste comme un simple nɔta :

XIII, 29 in proximo et in foribus est finis. BD yy otty in! 05ραις (το τέλος omis).

nale de Paris ajoute : καὶ ἐλάλει αὐτοὺς τὸν λόγον. Le mot τέλος indique la aussi qu'il ne faut rien ajouter.

(1) Ces sauts du même au même sont bien connus. L. Havet, Manuel de critique verbale, Paris, 1911, p. 133, cite cette phrase de Quintilien : « nec quod uirtus est utique, iustitia est, at quod non est uirtus utique non potest esse iustitia » où un copiste a sauté de quod à quod, un autre de utique à utique.

(2) De même, dans les manuscrits latins, le d barré qui signifie deest (signe de lacune) a parfois pénétré sous la forme id dans le texte.

(3) Un des derniers, E. Klostermann (Das Markus evangelium, 2e éd. Tübingen, 1926) donne à zzɛúôɛɛ le sens ironique: Dormez-vous? et à àñéï¤; celui de C'est assez!

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Le malentendu bizarre auquel donne lieu le cri de Jésus sur la croix (Héli, Elie) n'est clair que dans le récit latin :

XV, 34-35 exclamauit uoce magna heli heliam etzaphani, deus meus, deus meus, ad quid me maledixisti. et quidam eorum qui

aderant, cum audissent, aiebant: helian uocat.

D ἐφώνησεν φωνῇ μεγάλη · ἡλεὶ ἠλεὶ λαμὰ σαφθανεῖ, ὁ ἐστιν μεθερμηνευό μενον· ὁ θεός μου, ὁ θεός μου εἰς τί ὠνείδισάς με; καί τινες τῶν παρεστώτων ἀκούσαντες ἔλεγον· Ἡλίαν φωνεῖ οὗτος.

Β ἐβόησεν ὁ Ἰησοῦς φωνῇ μεγάλη · ἐλωὶ ἐλωὶ λαμὶ ζαβαφθανεῖ, ὁ ἐστιν μεθερμηνευόμενον· ὁ θεός μου εἰς τί ἐγκατέλιπές με: καί τινες τῶν ἑστηκότων ἀκούσαντες ἔλεγον · ἴδε Ηλίαν φωνεῖ.

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Quels que soient les mots hébreux que les mots heli heliam etzaphani prétendent transcrire, c'est en regard de cette transcription que le narrateur a conçu le malentendu des gens qui disent: Helian uocat.

Dans le grec de D les mots sont corrigés d'après l'hébreu mais le rapport entre ἡλεί et Ηλίαν est moins étroit. Dans B, ἐλωὶ

o est une correction plus savante, d'après l'araméen; elle accorde le cri de Jésus avec les quelques mots araméens qui lui sont prêtés ailleurs dans l'évangile. Mais il n'y a plus aucun rapport entre et Hia; le malentendu devient impossible.

Le sens donné au cri de Jésus par le latin: deus meus, deus meus, ad quid me maledixisti est une curieuse combinaison entre le Psaume XXII (Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'abandonnas-tu?) et le Deuteronome XXI, 23 (Maudit de Dieu est le crucifié). Elle est exactement conforme à la doctrine de Paul qui enseigne « Le Christ nous racheta de la malédiction de la Loi : en devenant objet maudit à notre place, parce qu'il est écrit : Est maudit qui est pendu au bois. » (Gal. III, 13). Jésus, pendu au bois, est expressément maudit par Dieu (me maledixisti). Ainsi

est réalisé, conformément au mystère paulinien, ce qui a été annoncé à un autre endroit de l'évangile (X, 45), que la mort de Jésus servirait de prix d'achat (pretium, Kúpov).

Dans D, veicas est une traduction servile de maledixisti, entendu au sens de: m'as-tu invectivé au lieu de m'as-tu maudit. C'est un contre-sens fait, non sur l'hébreu, mais sur le latin. Quant à B, il a rétabli le texte du Psaume XXII (èyxatÉTES, m'abandonnas-tu), et perdu ainsi le sens profond du passage.

Aux gens inintelligents qui ont cru entendre que Jésus appelait Elie s'oppose le centurion qui pénètre le sens mystique du cri de Jésus. Il comprend, lui, que Jésus a crié Mon Dieu, mon Dieu parce qu'il est véritablement le fils de Dieu.

XV, 39 cum uidisset autem centurio... quia sic exclamauit, dixit : uere hic homo dei filius est.

Θ ἰδὼν δὲ ὁ κεντυρίων ... ὅτι κράξας ἐξέπνευσεν, εἶπεν...

D ἰδὼν ...οὕτως αὐτὸν κράξαντα καὶ ἐξέπνευσεν...

Β ἰδὼν ... ὅτι οὕτως ἐξέπνευσεν...

Les mots sic exclamauit sont essentiels. C'est au cri de Jésus que le centurion comprend que Jésus est fils de Dieu. Le latin donne le sens.

Les textes grecs s'en éloignent. O traduit complètement le préverbe ex de exclamauit qui exprime que l'action est finie (1): κράξας ἐξέπνευσεν, mais il perd οὕτως, indispensable au sens. D traduit exactement: oűtos zúrov xpάtavta, mais, par voie de correction, il reçoit d'un autre manuscrit veusey, intrusion qui produit une construction monstrueuse. B prend évece mais perd xpás, clef du passage.

(1) Voir Barbelenet. De l'aspect verbal en latin, Paris, 1913 et A. Meillet et J. Vendryes. Traité de grammaire comparée des langues classiques, Paris, 1924, p. 284.

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