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M. GOGUEL. Jésus de Nazareth. Mythe ou histoire ? Paris, Payot, 1925, 313 p. in-8°.

M. Goguel a très soigneusement étudié le livre de M. Couchoud et il s'est efforcé, laissant de côté les théories, de ne considérer que les faits hors de toute idée préconcue. Ses réponses aux affirmations principales de son adversaire sont généralement très solides et la prudence avertie de son exégèse contraste avantageusement avec les audaces désespérées de M. Couchoud. On lira avec grand profit un ouvrage où s'est déversée, avec ampleur, une érudition et une expérience critique de premier ordre. Maintenant, l'éloge mérité que je fais de ce Jésus de Nazareth ne suppose point que j'en accepte toutes les conclusions de détail, ni que j'en suive toujours la direction. D'aucuns ont trouvé M. Goguel trop révolutionnaire et trop hardi : il m'arrive de le juger trop timide et trop consentant à la tradition. Il ne me semble pas, par exemple, qu'il se soit très bien tiré (p. 59) des difficultés que soulève l'attribution à Jésus de l'épithète de Nazaréen. Je fais les plus expresses réserves (p. 210 et s.) sur l'historicité de divers épisodes de l'histoire évangélique auxquels il accorde encore sa confiance, tels l'entrée messianique de Jésus à Jérusalem et la purification du Temple; la « déclaration authentique » du Christ chez le Grand Prêtre, dont je me demande comment on a bien pu la connaître et qui orie l'invraisemblance; la parole du crucifié expirant, dont je voudrais bien savoir qui l'a rapportée. Lorsque (p. 228) M. Goguel dit que l'auteur du IVe Evangile n'a pas prétendu substituer son œuvre à celle de ses devanciers, il avance une opinion à tout le moins très contestable. J'en dirai autant des affirmations que je lis p. 256, touchant l'état d'esprit de Jésus à la veille de son arrestation et l'effroi qui est censé le saisir quand il voit le danger se resserrer autour de lui. De même encore, je n'aperçois aucune raison valable de supposer (p. 292 et s.) que les disciples, épouvantés de l'arrestation de leur maître, aient attendu la conclusion du drame et la fin du sabbat pour s'enfuir de Jérusalem. N'étaient-ils point sortis de la ville pour se rendre au mont des Oliviers? Pourquoi y seraient-ils rentrés? Les récits de Lc. et de Jn. sont trop étroitement coordonnés à une représentation systématique et artificielle des apparitions pour prêter le moindre appui à une hypothèse de ce genre. Le principe de toutes ces critiques de détail est donc bien

une divergence d'opinion entre M. Goguel et moi sur l'étendue et la sûreté de notre information au regard de Jésus. Il accorde encore à beaucoup de textes évangéliques une valeur d'histoire que je me sens de moins en moins disposé à leur reconnaître.

Peut-être me séparerais-je encore de lui sur des points de plus grosse importance que ceux dont je viens de parler. Je prends pour exemple l'explication qu'il donne de la résurrection (p. 288 et s.). Selon lui, ce phénomène capital et d'où le christianisme est né, repose, si je puis ainsi dire, sur la conscience messianique de Jésus et sur la conviction des disciples que leur maître est bien le Messie. Ce serait alors cette conviction, profondément inconciliable avec l'abandon de toute espérance d'avenir, qui aurait déposé dans l'âme des disciples le premier germe de la foi en la résurrection. C'est là une opinion, à la vérité assez répandue; je ne trouve pourtant pas qu'elle s'impose. Aucun des textes où s'affirme la prétendue conscience messianique de Jésus et, par suite, la foi des disciples à la messianite de leur maître, ne me paraît capable de résister à la critique négative. D'autre part, je crois que si les disciples avaient été persuadés que Jésus était le Messie dont Israël attendait la merveille immédiate de son revival et comment en humbles Galiléens auraient-ils pu se le représenter d'autre sorte ? Son arrestation, sa condamnation par un païen et son supplice, dans l'immobilité et le silence de Dieu, auraient arraché cette foi de leur cœur jusqu'aux racines. Je conçois aisément, tout au contraire, qu'ils aient gardé confiance en sa personne, je veux dire en son enseignement, s'il leur avait seulement annoncé la proche venue du Messie. Sans doute en irait-il autrement s'il était possible d'accepter qu'il ait prédit aux siens sa mort et son prochain retour dans la gloire messianique; mais..., qui, ayant lu sans parti-pris nos textes « évangéliques », arrivcra à se persuader que pareille hypothèse soit soutenable? L'explication de M. Goguel: << la foi des disciples a subi une éclipse, elle n'a pas connu une faillite totale », pourrait bien être toute subjective et arbitraire. Comment accepter, avec lui (p. 302), que les disciples aient pu croire avant toute apparition que Jésus crucifié était devenu le Messie transcendant? Je n'en vois pas le moyen.

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On comprend, sans que j'insiste davantage, où et pourquoi je me sépare de M. Goguel; il n'en reste pas moins, à mon avis, incontestable qu'il a gain de cause contre M. Couchoud, que sa méthode

est la bonne et qu'on peut, tout au plus, lui reprocher de ne pas en avoir partout poussé le jeu à fond.

Ch. GUIGNEBERT.

MARK LIDZBARSKI.

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Ginza, Der Schatz, oder das grosse Buch der Mandäer übersetzt und erklärt (Quellen der Religiongeschichte, Band 13 Gruppe 4), Göttingen (Vandenhoeck u. Ruprecht), 1925, in-8°, XVIII-619 p. Prix: 36 mark.

On sait le grand intérêt que présentent pour les historiens des religions les livres sacrés des Mandéens. Ce dernier mot dérive de manda qui veut dire «gnose ». Il est donc synonyme de « gnostiques ». Dans quelle mesure les Mandéens conservent-ils la tradition des anciens Gnostiques? Ils sont aussi désignés très souvent sous le nom de Sabéens ou « Baptistes >> et se réclament d'un « Jean » qui baptisait dans le Jourdain. Quel rapport historique leur secte peut-elle avoir avec le Baptiste de nos évangiles?

Jusqu'ici ces questions, si intimement liées à celle des origines du christianisme, pouvaient être posées plutôt que discutées, faute de documents utilisables. On savait depuis le xvIIe siècle que les Mandéens possédaient un recueil important de livres saints comprenant des textes liturgiques, un livre dit de Jean et surtout un ouvrage intitulé Ginza ou « le Trésor ». Des manuscrits en avaient été apportés par des missionnaires et se trouvaient dispersés en diverses bibliothèques, à Paris, à Londres, à Oxford, à Leyde et à Munich. Mais ils étaient à peu près inintelligibles.

En 1815, un orientaliste suédois, Matthias Norberg avait publié le texte de la Ginza, transcrit par lui en syriaque, il l'avait accompagné d'une traduction latine. Mais la transcription et la traduction étaient très fantaisistes. En 1867, H. Petermann édita une reproduction exacte d'un manuscrit de Paris, accompagnée de toutes les variantes, d'ailleurs peu importantes, qu'il put relever dans les autres. Une étude linguistique du texte ainsi établi permit à Nöldeke de donner, huit ans plus tard, une « Grammaire mandéenne », qui permettait d'en aborder le déchiffrement avec quelque assurance. En 1893, W. Brandt publia une traduction du début et de plusieurs extraits, qui, malgré d'inévitables méprises, avait une valeur réelle

et a été depuis lors utilisée souvent. Mais le reste de l'ouvrage était toujours inaccessible aux profanes.

En 1913, la Société des Sciences de Göttingen, ayant décidé selon le plan d'une commission spécialement instituée dans ce but, de donner au public une version allemande des plus importantes << Sources de l'histoire des religions », chargea M. Marc Lidzbarski de tout ce qui concernait la littérature sacrée des Mandéens. Elle ne pouvait mieux s'adresser. Le savant orientaliste faisait paraître une traduction du « Livre de Jean » dès 1915, une autre des « Liturgies mandéennes >> en 1920. Il vient de compléter son œuvre en donnant celle de la Ginza.

Cette traduction comprend, à elle seule, plus de 600 pages, d'un grand in-octavo, à longues lignes bien compactes. Elle est faite sur le texte de Paris, édité par Petermann. Mais l'auteur a utilisé, dans la mesure du possible, toutes les variantes qui peuvent en donner une meilleure intelligence. Des notes courtes mais denses, expliquent les raisons qu'il a eues de préférer une leçon à une autre ou telle traduction quand telle autre semblait possible.

Lui-même fait remarquer que des doutes subsistent en bien des cas. Diverses causes contribuent à rendre l'intelligence du texte très malaisée. La Ginza n'est pas d'un seul auteur ni d'une même époque. C'est une compilation tardive, faite apparemment après le triomphe de l'Islam pour permettre aux Mandéens d'être comptés parmi << les gens du livre » à qui le Coran fait un meilleur sort qu'à ceux qui n'ont pas d'Ecritures. Des textes de provenance très diverse y sont juxtaposés d'une façon fort arbitraire. Ils n'emploient pas toujours la même terminologie et n'exposent d'ailleurs pas la même théologie. Entre eux s'affirment des divergences doctrinales souvent très grandes, qui influent fortement et très profondément sur la langue. Les mêmes mots prennent ainsi des sens très divers. Il faudrait classer les documents par époques et, autant que possible, par auteurs, faire pour la Ginza un triage de sources pareil à celui qui a si bien réussi pour le Pentateuque. M. Lidzbarski s'y essaie avec beaucoup de pénétration et de méthode en sectionnant les textest disparates et en faisant précéder chacun d'eux d'une brève notice qui en dégage les principales caractéristiques et qui s'efforce d'en fixer l'origine probable.

Une autre cause d'obscurité gît dans la nature même des docu

ments. Le savant traducteur fait justement remarquer que les auteurs mandéens sont fort peu experts en l'art d'écrire et de penser, que ce sont des esprits très médiocres. L'on pourrait ajouter que d'ailleurs ils parlent une langue de mystères, qui, tout au moins à l'origine était faite pour voiler leur pensée plutôt que pour l'exposer au grand jour. Ce sont bien des gnostiques, soucieux de ne point révéler inopportunément la sagesse aux profanes.

A cet égard, M. Lidzbarski aurait sans doute beaucoup gagné, pour comprendre certaines de leurs formules à les rapprocher de celles qui avaient cours chez les anciens adeptes de la gnose. Il y a des ressemblances fort curieuses entre maintes pages de la Ginza et celles où Irénée résume les doctrines des Simoniens, des Basilidiens, des Valentiniens ou des tenants divers de gnoses anonymes qui pullulaient de son temps. Les coïncidences sont particulièrement nombreuses et importantes entre les parties archaïques du recueil mandéen et les écrits manichéens qui nous sont connus par des résumés d'auteurs ecclésiastiques du Ive siècle et dont de nombreux fragments ont été récemment exhumés. On ne doit pas oublier que Mani a été élevé chez les Sabéens, dans la région même où leurs écrits ont été retrouvés par des missionnaires. Son œuvre s'éclaire à la lecture de ces textes sacrés, mais elle aide aussi à les comprendre, parce qu'elle procède d'un même esprit et qu'elle exploite des tradi

tions communes.

En s'inspirant de ces rapprochements, les historiens et les linguistes pourront compléter, peut-être aussi rectifier ça et là le travail de M. Lidzbarski. Ils ne sauraient le faire qu'en commençant par en utiliser les données. Sa traduction avec l'introduction et les notices qui l'accompagnent sera le point de départ obligé de toute étude des Ecritures et des doctrines mandéennes.

P. ALFARIC.

KURT DIETRICH SCHMIDT. Studien zur Geschichte des Konzils von Trient; J. C. B. Mohr, Tübingen, 1925, 220 p. in-8°.

L'ouvrage de M. Schmidt se compose de deux études de détail relatives l'une et l'autre à l'histoire du Concile de Trente. La première étudie les Conséquences des idées de réforme de la fin du

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