Slike strani
PDF
ePub

tous cas de ce besoin d'écrire qui tourmenta délicieusement le penseur austère et le savant consciencieux. Son ironie, sa grâce, le goût subtil des nuances les plus fugitives, le penchant qu'il avait à conter, et l'espèce de charme qui le ramenait volontiers aux souvenirs lointains de son enfance, à ceux de son pays et de sa race, toutes les précieuses qualités de l'homme et de l'écrivain venaient d'une seule cause: Renan avait un mot à dire, et c'est pour cela qu'il a écrit toute sa vie.

Pour composer la Bibliographie d'une œuvre si complexe, nous vous proposons donc le plan suivant :

I. Philosophie générale.

II. Linguistique et érudition.
III. Traductions.

IV. Histoire religieuse.

Religions sémitiques.

Religions non-sémitiques.

V. Etudes Celtiques.

VI. Histoire du moyen âge.

VII. Histoire des quatre grands siècles modernes et de la formation de l'Humanisme contemporain :

Renaissance,

Réforme,

Révolution,

Romantisme.

VIII. OEuvres d'imagination et souvenirs personnels.

Une dernière question reste à vous poser, Messieurs? A cette bibliographie déjà si variée de l'œuvre de Renan, devons-nous songer à joindre une bibliographie de la littérature suscitée par cette œuvre ? Nous pouvons, au cours de nos recherches, en préparer les matériaux, nous pouvons faire appel à votre obligeance, aux résultats déjà acquis par votre enquête personnelle, par vos lectures vos fiches viendraient se joindre aux nôtres, et nous verrions ce que cette deuxième bibliographie produirait comme ensemble auprès de la première. Plus tard, quand la fin que nous poursuivons sera atteinte, quand nous aurons achevé la Bibliographie proprement dite de l'œuvre même de Renan, vous déciderez, s'il convient ou non, d'y adjoindre ce supplément d'une Bibliographie sur Renan, qui apparaît, dès maintenant, comme devant être très vaste et forcément plus ou moins incomplète. >>

M. Ch. Guignebert présente une observation au sujet de la place occupée. par E. Renan dans l'histoire de l'exégèse. M. A. Van Gennep demande à M. H. Girard quelques indications complimentaires sur la division proposée en

Travaux sur les religions sémitiques et Travaux sur les religions non sémitiques. Le plan exposé par M. H. Girard est adopté.

Afin de faciliter la tâche considérable de MM. G. Huet et H. Girard, la Société décide de solliciter de Madame N. Renan une prolongation d'un an au délai pendant lequel les manuscrits d'E. Renan pourront être communiqués aux seuls membres de la Société. Le Président s'offre à faire auprès de Madame Renan la démarche nécessaire.

Le Secrétaire Général donne lecture des noms des adhérents inscrits depuis la dernière séance. Le nombre total des membres de la Société Renan est à ce jour de 104.

Le Président donne la parole à M. GUIGNEBERT pour une communication sur les Testimonies de M. Rendel Harris. Dans ce mémoire, qui est publié in extenso dans le n° de Janvier-Février 1920 de la Revue de l'Histoire des Religions, M. Ch. Guignebert s'attache à réduire à leurs justes proportions les résultats que peut avoir pour l'étude critique du premier âge chrétien ce livre retentissant. On aurait tort de croire qu'il prépare une révolution dans l'exégèse. Il est fort douteux que M. R. Harris nous ait rendu le plus ancien livre de la catéchèse chrétienne. Malgré son érudition et son ingéniosité, il ne paraft pas avoir ainsi apporté des arguments décisifs en faveur de l'existence d'un recueil unique de textes scripturaires, plus anciens que l'Eglise elle-même, utilisé longtemps après la période post apostolique.

MM. de Faye et Alphandéry présentent des observations.
La séance est levée à 6 heures 20.

Séance du 25 février 1920.

La séance est ouverte à 4 heures 1/2. M. Ed. Pottier préside.

Présents Mmes N. Renan et Lambert, MM. Pottier, Acollas, Alphandéry, Brunet, Cordier, Cumont, D'Estournelles de Constant, De Ridder, R. Dussaud, Ferrand, H. Girard, P. Girard, Glotz, Goguel, Huet, Kindberg, Mayer Lambert, Lemaître, Lods, Macler, Moret, Pommier, Théodore Reinach, Van Gennep, Vignon.

En outre, un public nombreux s'est rendu à l'invitation adressée par la société Ernest Renan à l'occasion de la conférence de M. Rostovtzeff.

Le Secrétaire des séances lit le procès-verbal de la séance du 31 janvier 1920, qui est adopté sans observations.

Le Président salue la présence parmi nous de l'éminent archéologue russe M. Michel Rostovtzeff, professeur à l'Université de Pétrograd, actuellement professeur à l'Université d'Oxford, et le remercie d'avoir bien voulu accepter de faire pour la société Ernest Renan une conférence sur quelques-uns des résultats de ses remarquables investigations scientifiques. La société Ernest Renan et l'auditoire tout entier qu'elle a réuni aujourd'hui tiennent à rendre

hommage au savant dont l'œuvre ne s'est jamais interrompue malgré les épreuves que lui ont imposées les événements politiques dont sa patrie a été le théâtre.

La parole est donnée à M. ROSTOVTZEFF pour une conférence sur Le Culte de la Grande Déesse dans la Russie méridionale.

Les plus anciennes données qui nous attestent une vie civilisée dans la Russie méridionale remontent à l'âge néolithique (céramique de la spirale et du méandre du Dniestr, Bouq et Dniepr) et à l'époque du cuivre (vallée du Kouban). Dans les sépultures de ces périodes, on a trouvé des monuments (statuettes de femmes) qui nous attestent probablement dès cette époque un culte prédominant de la grande Déesse anonyme. Les statuettes du Kouban sont surtout curieuses, car elles présentent des analogies frappantes avec les statuettes de la même époque des îles de la mer Égée et avec celles récemment trouvées en Bulgarie. La population qui a produit la haute civilisation de la vallée du Kouban fut appelée par les Grecs du nom générique de Méotes qui comprenaient plusieurs tribus apparemment étroitement apparentées : les Sauromates, les Sindes, probablement les Taures de la Crimée.

Dans les régions occupées par ces tribus, nous retrouvons partout le culte de la grande Déesse comme culte principal. Ce fait nous est attesté: 1o Par des sanctuaires nombreux de cette divinité à l'époque historique en Crimée et sur la péninsule de Tamane (delta du Kouban), dont l'organisation présente des ressemblances frappantes avec l'organisation des sanctuaires analogues en Asie-Mineure; 2o Par des légendes autochtones qui nous sont conservées par les écrivains grecs et qui se rapportent au mythe de la grande déesse; 3° Par la légende des Amazones qui s'est fixée de bonne heure sur les bords de la mer d'Azow.

L'origine de la légende des Amazones doit être cherchée dans le caractère politique et militaire qu'a revêtu le culte de la grande Déesse partout en AsieMineure et dans ces survivances d'une structure sociale, étroitement liée au culte de la grande Déesse, où les femmes étaient non-seulement mères et nourrices, mais aussi guerriers et chefs d'État. Comme ces survivances peuvent être constatées même dans les Etats fondés par des conquérants sémitiques et indoeuropéens comme les États Hittite, Phrygien et Lydien; les Grecs, qui trouvèrent en Asie-Mineure de fortes traces de la domination Hittite et des rites et légendes qui se rapportaient au culte de la grande Déesse et à la structure matriarcale de l'Asie-Mineure pré-hittite, créèrent de tous ces matériaux la légende des Amazones, dont les exploits militaires peuvent être en même temps une réminiscence des exploits guerriers de la grande nation conquérante des Hittites. Des éléments plus récents de la même légende peuvent être des réminiscences analogues de conquêtes des Cimmériens et des Scythes. Mais le fonds de la légende a été fourni par des rites religieux et par le rôle social

joué par des femmes dans la vie religieuse et politique de l'Asie-Mineure. De même en Russie méridionale: nous y trouvons des survivances très fortes de la structure sociale matriarcale parmi les tribus méotes à l'époque historique, à savoir: 1o Les témoignages des Anciens sur les Sauromates yuvaixo xpatoúμevot; 2. Les légendes sur la formation de ces tribus comme résultat d'un lepòs yάuoc entre les Amazones et les Scythes-réminiscences des luttes entre les tribus conquérantes Scythes et la population indigène; 3° Les légendes sur la lutte des Scythes contre les fils de leurs esclaves et de leurs femmes conservées par Hérodote; 4o Le fait attesté par Strabon d'un lɛpòc yάuos entre les Amazones du Caucase du Nord (probablement une tribu méote refoulée vers les montagnes par les Scythes) et les Gargaréens; 5o Des faits historiques et semi-historiques sur le rôle des femmes parmi les tribus méotes à l'époque hellénistique et romaine (les reines Tirgatao et Auragé de Polyène et la reine Dynamis du Bosphore). Ces survivances causèrent la migration de la légende des Amazones de Themiscyre sur les bords de la mer d'Azow.

Même prépondérance du culte de la grande déesse dans le royaume scythe, surtout sur les bords du Dniepr. Elle est attestée : 1° par les légendes sur l'origine de l'État et de la nation scythes, légendes qui nous sont transmises par Hérodote et Diodore, et qui nous parlent d'un iepòs yάuos entre la grande Déesse autochtone et un dieu étranger conquérant (même légende dans la péninsule de Tamane; 2o par la liste de divinités adorées par les Scythes (Hérodote) où en premier lieu figure une triade avec, en tête, une déesse; 3o par le rôle prépondérant de la grande Déesse dans la religion scythe attesté maintes fois par Hérodote; 4° par l'existence de prêtres frappés de la maladie sacrée d'impuissance, les Enarées, qui correspondent aux Eunuques de l'Asie Mineure; 5o par plusieurs monuments figurés produits par les grecs du Bosphore pour leurs clients scythes, qui représentent plusieurs actes sacrés où la grande Déesse joue un rôle prépondérant; c'est surtout l'acte de la communion sacrée donnée à un chef Scythe par la grande Déesse assistée de ses prêtresses et par un Enarée (plaque de la coiffure de la reine ensevelie sous le Kourgane de Karagodeouasdekh et plusieurs plaques cousues sur des vêtements du ive-In siècle av. J.-Chr.); c'est en second lieu l'acte de la même communion décrite par Hérodote et représenté sur des monuments trouvés dans des tombeaux scythes (ceinture du Koul-Oba, plaquettes du Solokha).

La même communion est administrée sur d'autres monuments au roi scythe par le grand Dieu iranien (rhyton de Karagodeouasdekh du siècle av. J.-C. et couronnes funéraires d'une sépulture de Kertch du m° siècle après J.-C.).

La dualité de la religion scythe culte du grand Dieu iranien et de la grande Déesse autochtone se retrouve partout en Orient où une tribu conquérante iranienne s'est superposée à une population qui adorait la grande Déesse. Une triade tardive du même genre deux dieux cavaliers (deux

[ocr errors]

Mithras) et une déesse

se trouve sur les plaques en plomb et en marbre qui furent très répandues parmi l'armée danubienne du ne et surtout du ur• siècle après J.-C.

Cette conférence est accompagnée de nombreuses projections représentant les divers monuments auxquels il est fait allusion.

Le Président remercie l'orateur au nom de la Société Ernest Renan. M. Théodore Reinach présente une observation au sujet de l'identification, proposée par M. Rostovtzeff, d'une Déesse-Mère et d'une Déesse Parthenos.

M. Ed. Pottier demande si M. Rostovtzeff pense pouvoir rattacher au culte de la Déesse-Mère des statuettes trouvées dans les Cyclades et qui rappellent les figurations relevées sur des monuments décrits dans la conféLa séance est levée à 5 h. 40.

rence.

Le Gérant: A. THÉBERT.

ANGERS. — IMPRIMERIE F. GAULTIER ET A. THEBERT, RUE GARNIER, 4.

« PrejšnjaNaprej »