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d'autres objets encore que l'explication des rites et l'enseignement des formules. Elle comprend la communication du vrai nom des personnages divins; les théogonies et les cosmogonies, l'histoire mythique, le droit coutumier, la pratique de certains arts; les obligations morales et sociales, les tabous, les lois du mariage. Chez les Bassoutos, on crie aux initiés : « Soyez hommes, craignez le vol, craignez l'adultère. Honorez vos père et mère. Obéissez à vos chefs ». Ces injonctions rappellent les lois attribuées à Triptolème que Saint-Jérôme dit avoir été gravées dans le sanctuaire d'Eleusis: « Honorer ses parents, vénérer les dieux par des offrandes, ne pas détruire les êtres vivants ».

Les révélations peuvent même comporter dans des cas exceptionnels, sous la pression d'une culture plus avancée, une interprétation prétendument rationnelle des croyances vulgaires, voire une philosophie religieuse qui s'accordent avec les vues les plus avancées de l'époque. Cicéron affirme que les explications fournies dans les mystères d'Eleusis << ramenées à la raison, nous révèlent la nature des choses plus que celle des dieux ». En tout état de cause, cet enseignement reste protégé par l'obligation du secret, que les initiés ne peuvent enfreindre sans s'exposer aux conséquences fatales les plus graves. Cepen dant, comme le fait observer Sénèque à propos des Mystères de son temps, le secret ne peut guère s'appliquer qu'aux sacra, c'est-à-dire aux formules incantatoires, à l'explication ésotérique des symboles, aux signes par lesquels se reconnaissent les initiés; il ne pouvait couvrir des préceptes de philosophie, si philosophie il y a, qui déjà avaient libre cours parmi les profanes'.

D) Rites de retour. L'initié ne réussit que rarement à se maintenir à demeure dans le domaine du sacré. De toute façon

il devra renouer des relations avec le monde profane. Mais il

1) Cazalis, Paris, 1860, Les Bassoutos, p. 278.

(2) Saint-Jérôme, Adv. Jovinianum, lib. II, c. XIV.

3) Sénèque, Epist. VCV.

n'y rentrera pas tel qu'il en est sorti. Comme il y reparaît. chargé d'influences mystiques et par suite dangereuses pour les non-initiés il faudra en quelque sorte le détabouer, et l'agréger de nouveau à son milieu originel. I devra donc se soumettre pendant une certaine période à des règles de silence et d'abstinence. Bien plus, comme il est censé revêtu d'une personnalité nouvelle, il devra souvent feindre d'avoir tout oublié de son existence antérieure et d'avoir tout à réapprendre de la vie. ordinaire. Au Congo, il fait semblant de ne plus savoir ni marcher ni manger par lui-même; on doit le nourrir quelque temps comme les nouveaux-nés. En Virginie, il devait se remettre à apprendre la langue de sa tribu. Dans la NouvelleGuinée, il doit rentrer dans sa demeure à reculons. Parmi les brahmanes, il jette ses vêtements à la rivière pour revêtir un costume neuf. Ces précautions ne sont que transitoires. Néanmoins, l'initié demeure toute sa vie soumis à une discipline spéciale plus ou moins stricte. Il portera quelquefois une marque, un vêtement, un insigne particuliers, le cordon des brahmanes, la robe blanche des Esséniens et des Pythagoriciens etc.; il devra aussi respecter certains tabous et éviter certaines fréquentations. En tout cas, il en retire un notable prestige aux yeux du vulgaire. Quand on a parcouru le monde de l'au-delà, · fût-ce comme le Dante, il en reste toujours quelque chose.

GOBLET D'ALVIELLA.

LE TEXTE ARMÉNIEN DE L'ÉVANGILE

D'APRÈS MATTHIEU ET MARC

Il en est de la littérature arménienne comme d'autres littérares médiévales et contemporaines : elle a pour base et pour point de départ la version de la Bible ou d'une partie de la Bible.

En ce qui concerne l'arménien, il semble bien que la traduction des quatre évangiles et celle des Psaumes aient été les premiers documents employés, et qui servirent de normes pour la langue arménienne chrétienne à ses débuts.

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La version arménienne de l'Evangile, étant donné la position géographique de l'Arménie, a été exécutée ou sur un original syriaque (l'Arménie méridionale avoisinant les centres syriaques d'Edesse et de Nisibe), ou sur un original grec (l'Arménie septentrionale se rattachant de préférence à des centres de culture byzantins, entre autres à Césarée de Cappadoce). Il ne faut pas oublier non plus la grande importance. d'Antioche à ce moment, l'éclat de son école que renforçait, dans l'admiration des fidèles, sa longue tradition chrétienne'.

En somme, le problème se pose de savoir si le texte que nous

1) Notre attention a été appelée par une recension de Revue Biblique, 1919, p. 290, sur un commentaire d'Isaïe attribué à Chrysostome auquel la version arménienne ajoute à propos d'Isaïe, IX, 6: « L'édition de Lucien n'est donc pas mauvaise, et même elle est meilleure et plus exacte que le texte des Palestiniens». Or, précisément, l'édition de Lucien pour ce verset d'Isaïe offre une variante importante. On raisonne généralement dans l'hypothèse où le traducteur n'a devant lui qu'un texte déterminé. Tout au contraire, dans le cas particulier que nous signalons, si, comme il est permis de le supposer, l'addition à la version arménienne du commentaire de Chrysostome est bien du traducteur arménien, — nous voyons que ce traducteur ne se contentait pas de traduire purement et simplement l'opuscule de Chrysostome; mais qu'il recourait

possédons de l'Évangile arménien a été traduit sur un original grec, ou sur un original syriaque.

Si haut que l'on remonte dans la tradition arménienne, on se trouve en présence de deux données, à la fois parallèles et contradictoires; pour les uns, le texte arménien de l'Évangile a été d'abord traduit sur un original syriaque, puis révisé sur des textes grecs, au cours des siècles. Pour d'autres, au contraire, ce texte arménien a été traduit directement et dès le début, sur un original grec; ce texte grec serait constantinopolitain, et des traducteurs arméniens auraient ensuite confronté avec des représentants de la famille grecque alexandrine.

A la suite de ces données traditionnelles arméniennes, les modernes sont allés répétant, ou que le texte arménien de l'Évangile était traduit sur le grec, ou qu'il l'était sur le syriaque. Aucun, à notre connaissance, ne s'est donné la peine de rechercher si l'on pouvait déterminer, par voie philologique, l'original sur lequel a été exécutée la version arménienne.

C'est à essayer de résoudre ce problème qu'est consacrée étude que la Faculté des lettres de l'Université de Paris m'a fait l'honneur d'accepter comme thèse principale de doctorat1.

Trois moments successifs ont déterminé la position de la question.

A. On a d'abord étudié les différents représentants du texte arménien de l'Évangile.

aux sources, qu'il avait même sous les yeux divers textes grecs et qu'il lui démangeait de faire œuvre critique. Par analogie, on pourrait se demander si la traduction arménienne des évangiles ne fut pas établie, non sur un texte grec d'une famille determinée ou sur l'ancien texte syriaque, mais par confrontation de différents textes grecs et syriaques. On constatera que les résultats auxquels nous avons abouti n'excluent pas d'une façon absolue cette hypothèse; mais nous estimons plus probable une autre conclusion admettant simplement des retouches postérieures d'après des textes grecs et syriaques.

1) Le Texte arménien de l'Evangile d'après Matthieu et Marc. - Paris, 1919, un vol. in-8° de LXXII-647 pages.

B. On a ensuite comparé ce texte arménien avec les textes congénères, latins, syriaques et grecs, et on est arrivé à une première conclusion, à savoir que l'arménien a été traduit sur le grec.

C. On a enfin essayé de déterminer à quel groupe de manuscrits grecs appartient le texte sur lequel a été faite la version arménienne, et l'on est arrivé à cette deuxième conclusion, que la version arménienne représente un original grec sous-jacent, fortement apparenté au Codex Bezae (D) et au texte du tétraévangile de Koridethi (~).

En dernier lieu, et en manière de conclusion générale, on a signalé cette particularité que tous les textes arméniens consultés emploient le mot « en dalmate » dans le sens de « en latin», ce qui permettrait de dater le texte actuellement connu de l'Évangile arménien d'une époque avoisinant sensiblement 'e milieu du vio siècle.

Ces trois moments de la présente étude étant ainsi sommairement indiqués, il convient d'en reprendre l'exposé, en entrant dans quelques détails.

A. La meilleure édition du texte critique de l'Évangile arménien a été donnée par le Mekhithariste Zohrab, dans son édition intégrale de la Bible, en 1805. Ce savant a consulté 9 mss. pour établir le texte de la Bible, et une trentaine pour le texte de l'Évangile. Il a pris comme base de son édition le texte d'un manuscrit copié en 1319, et qui est devenu le n° 1 du catalogue des mss. arméniens de la bibliothèque de SaintLazare à Venise, publié récemment par le P. Basile Sargissian.

Zohrab indique en bas de page les principales variantes du texte, mais sans désigner exactement les mss. auxquels il emprunte ces variantes. Son texte est excellent, mais il est du XIVe siècle, et l'on est en droit de supposer que ce texte a subi des contaminations latines ou occidentales, du fait des rela

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