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ment dont la sérieuse objectivité proclame la gloire de celui qui s'est heurté à la perfidie de Philip Francis comme à l'hostilité de Burke et de Pitt. Aux différents aspects de l'activité de W. Hastings on a consacré des remarques sobres, précises, et on les a fait suivre d'abondants documents qui nous le montrent sur le vif, dans son œuvre d'organisateur, de financier, de législateur. Au lieu de trouver une analyse ou un portrait, nous découvrons l'homme même, aux prises avec les mille difficultés de sa tâche journalière. Ces « tranches de vie » sont plus éloquentes que la plus impartiale biographie.

Il nous reste à terminer cette revue par le compte-rendu de deux travaux dans lesquels deux savants, doublés de deux patriotes, hindous se sont appliqués l'un à exposer, l'autre à juger la politique indienne. M. Narendranath Law' nous apporte une paraphrase analytique de l'Arthaçástra, précédée d'une Introduction dans laquelle M. Radhakumud Mookerji tente d'établir l'identité de Kautilya, auteur de ce traité avec Câṇyaka, le ministre de Candragupta. Il s'ensuivrait que le texte remontrait, au moins pour l'essentiel, à 300 ans environ avant notre ère; il serait donc antérieur de six siècles au Nitisára de Kâmandaka (300 de notre ère), de onze au Çukraniti (800). de douze au Yuktikalpataru de Bhoja Narapati (900), et par conséquent de beaucoup le plus ancien des traités de politique (nîtiçâstras). Le lecteur européen s'étonnera de trouver dans un ouvrage classé sous cette rubrique un système de prescriptions sur l'exploitation des mines, l'irrigation, l'élevage, les voies de communication, le recensement, la justice; mais il faut comprendre que les intérêts (artha) pris en considération sont ceux de l'État, et que ce manuel d'économie politique, ainsi que le traité de procédure qui lui fait suite, procèdent également du soin de pourvoir à l'organisation de la puissance temporelle. On cessera donc d'être surpris qu'un ouvrage sur la conduite (nîti) du souverain se

1) Stu lies in ancient Hindu Polity (based on the Arthaçastra of Kauṭilyn), 1 vol. I. London, Longmans, Green and Co., 1914, XLV-203 p.

présente comme un corpus de mesures administratives. Le premier comme le dernier mot de la politique indienne est en effet un «< despotisme éclairé » qui confère au monarque, à la condition qu'il en use pour promouvoir la justice et la vertu (dharma), une autorité fondée sur le bien public et limitée par ce dernier. Le peuple n'est qu'une « matière sociale » (prakṛti) à laquelle n'appartient aucune initiative, mais son intérêt doit être la règle comme il est la justification de la royauté. Un monarque injuste est un souverain illégitime, destiné à subir tôt ou tard l'irrésistible vindicte populaire : « prakṛtikopo hi sarvakopebhyo gariyan ».

Le préfacier du livre de N. Law est l'auteur du second ouvrage de politique dont nous devons faire mention', comme il fut jadis l'auteur d'un travail instructif sur l'histoire de la navigation indienne; sa haute culture d'historien et d'économiste assure une autorité à sa parole comme à ses écrits. Véritable plaidoyer << pro domo » du patriotisme hindou, son ouvrage sur l'unité fondamentale de l'Inde intéressera au même degré historiens et géographes. Il proteste contre le préjugé qui, sous prétexte d'objectivité, incline la plupart des indianistes à ne voir dans l'Inde qu'un chaos de races sur un territoire qui serait plutôt un continent qu'un pays délimité par des frontières naturelles. Le double bassin de l'Indus et du Gange, avec ou sans la péninsule du Dekkan, constitue une contrée qu'au nord les plus hautes montagnes du globe séparent en toute netteté du reste de l'Asie. L'aryanisation de ce double bassin (âryavarta), complétée par l'aryanisation partielle et subséquente de l'immense plateau méridional (Dakṣinâpatha), unifie devant l'histoire un pays dont la nature même a fait un bloc cohérent. Peu importe donc que les plus vieux noms de l'Inde, l'antique Bhâ

1) Radkhakumud Mookerji. The fundamental unity of India (from hindu sources). Ibid., 1914, XX-140 p.

2) History of the indian Shipping and maritime activity from earliest times.

ratavarsa, ou le Jambudvipa dont Açoka se proclamait roi, ne connotent pas la totalité des territoires asiatiques aujourd'hui soumis à la Pax Britannica; les frontières ont varié à travers les siècles, mais à toute époque elles englobent les contrées où vivent les hommes qui se déclarent issus de Bharata comme les Romains de Romulus, vénèrent les sept rivières, les sept montagnes, les sept villes sacrées, et communient dans les mêmes croyances hindouistes, fonds commun de l'orthodoxie brahmanique, de l'hérésie bouddhique ou jaïna, ainsi que des cultes sectaires. La masse humaine qui trouve dans le Mahabharata son épopée nationale honore la mémoire d'antiques monarques légendaires dont l'énumération est entourée du même respect qu'accordent leurs fidèles à la liste des Bouddhas ou des Jinas d'antan. Elle fut fondue, par intermittences, en une même unité politique par l'action conquérante d'un Açoka, d'un Candragupta, d'un Harṣavardhana. Aujourd'hui même, en une imposante cohésion, elle aspire à tenir sa place dans l'assemblée des nations pour y préconiser le culte de l'esprit, qui doit défendre l'humanité contre les risques de retour à la barbarie.

Cette argumentation en faveur de l'unité de l'Inde s'appuie sur un grand nombre de textes; elle démontre sans contestation possible que les peuples hindous se reconnaissent des traditions communes. Elle omet, par contre, de signaler ce qui a manqué à la civilisation indienne pour constituer un patriotisme effectif, en face de tant d'invasions étrangères scythes, grecques, musulmanes, mongoles, européennes. Elle se garde d'indiquer les concessions que la culture hindoue doit faire à l'Islam dans la détermination de l'idéal actuel et futur. Toutefois elle a le mérite de mettre en évidence qu'une même théorie de la souveraineté se rencontre dans les Brahmanas, dans les épopées, dans les Puranas, et que cette doctrine coïncide avec celle qui consacre la domination universelle d'un Illuminé, sauveur du monde. L'empereur Açoka, véritable cakravartin, met en mouvement la roue de la loi (dharma), tout comme le

Bouddha, prestigieux ascète et dieu solaire. Pour chacun des souverains mythiques dont l'existence est rejetée dans un lointain passé, la mémoire indienne conserve le nom du « chapelain » qui était son maître religieux ces couples indissolubles de noms prouvent que le trône reposait sur les mêmes bases que l'autel. L'Inde fut possédée, à vrai dire, d'un rêve perpétuel d'impérialisme, mais cet impérialisme est irréductible à tout autre. Bien que la Bhagavad Gita paraisse quelquefois identifier le déchaînement de la force brutale à la réalisation du devoir, l'ambition indienne vise à conquérir non des provinces volées aux peuples voisins, mais des terres mystiques (bhûmis) qu'il faut maîtriser pour parvenir au salut. Les unificateurs du pays furent donc moins ses rois que ses héros religieux, historiques ou légendaires. Sa victoire universelle (digvijaya) assure à Camkara un empire sur les esprits plus sûr que la consécration des souverains par le sacrifice du cheval (açvamedha). Dirons nous que la « catholicité » hindoue n'est point de ce monde? Elle en fait partie, certes, par son apostolat de la compassion et, M. Radhakumud Mookerji le proclame en toute justice, par sa vocation pour la spiritualité.

P. MASSON-OURSEL.

L'ANIMAL SACRÉ
SACRÉ DE SET-TYPHON

ET SES DIVERS MODES D'INTERPRÉTATION

Il y a un problème d'archéologie égyptienne qui, en dépit de laborieuses recherches, aussi bien en France qu'à l'étranger n'a pu jusqu'à ce jour être résolu. C'est l'identification de l'animal sacré de Set-Typhon.

Les Égyptiens l'ont représenté sous l'aspect d'un élégant quadrupède de couleur fauve, aux jambes hautes et nerveuses, avec un museau pointu, de longues oreilles coupées carrément, une queue raide, fourchue ou terminée en boule, des pieds comprenant plusieurs doigts, à la manière des chiens et des félidés.

Comme emblème de l'esprit du mal, on serait porté à lui attribuer un naturel féroce, sanguinaire, indomptable, et cependant nous le voyons toujours le cou entouré d'un large collier signe évident qu'on était parvenu à le domestiquer.

Tel est l'animal typhonien, nous le possédons sur tous ses aspects, de face, de profil, debout, assis et accroupi. Sur l'une de ses images peinte à Beni-Hassan (fig. 1), il porte le nom de L scha, c'est ainsi que nous aurons quelquefois l'occasion de le désigner.

2

Objet de nombreux essais d'identification, on l'a successivement assimilé à l'âne, à l'oryx', à la gerboise. Lefébure a vu un chien et plus spécialement un lévrier". Thilénius a établi

1) Communication faite à l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres, le vendredi 20 août 1920.

2) H. Brugsch., Religion und Mythologie der alten Egypter, p. 703-716. 2) L'animal typhonien par Lefebure, dans le Sphinx, t. II, p. 63 et suiv.

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