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Pharaon) lui répondit [à bon droit): «Aie garde de prendre comme Dieu un autre que moi...» (Qor. XXVI, 28), disant par ailleurs à ses sujets « Je suis votre seigneur suprême » (Qor. LXXIX, 24, puisqu'il était le Maître du temps à ce moment

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Nous avons deux résumés de ce texte fondamental. L'un, dans la Risalat al ghofrân1, curieux poème en prose du poète Aboûl ‘Alà al Ma‘arrî (+ 450/1058), rappelle simplement que, d'après la doctrine qarmate de la "oglah (transmission du pouvoir divin en ce monde), un des chefs qarmates aurait dit en mourant à ses disciples. en leur parlant au nom de Dieu « J'ai déjà envoyé en mission Moïse, Jésus et Mohammed: il me faut maintenant en envoyer un autre que ceux-là » mission est terminée.

car leur

Le second résumé nous donne enfin la légende des « Trois Imposteurs » sous sa forme définitive, en l'attribuant à Aboû Tâhir, le destinataire hypothétique de la Risalah d'Obaydallâh. Ce résumé est publié par Nizâm al Molk; le célèbre vizir des Seldjoucides, assassiné en 486/1093, dans son « Siyasat Nama », ou « Livre du Gouvernement », en persan

بو طاهر گفت « در دنیا سه کس مردمانرا تباه کردند شبانی و طبیبی بود » و شتربانی و این شتربان از دیگران مشعبدتر بود و سبکدستتر بود

1

« (édit. Schefer, p. 197; trad Schefer, p. 288)

c'est à dire :

Aboû Tâhir disait : « En ce monde, trois individus ont corrompu les hommes, un berger, un médecin et un chamelier. Et ce chamelier a été le pire escamoteur, le pire prestidigitateur des trois ».

1) É. Hindié, p. 145; ed. Nicholson, p. 152; trad, Nicholson, p. 341.

On reconnaît dans le berger Moïse, le médecin Jésus, et le chamelier Mohammed. C'est la donnée même de la légende des << Trois Imposteurs », fixée ainsi vers 1080 au plus tard -- soit au moins cent cinquante ans avant son apparition dans la Chrétienté occidentale.

Nous ne citons en terminant que pour mémoire les reconstitutions fantaisistes que le XVIIIe siècle élabora du « Liber de Tribus Impostoribus »2.

Louis MASSIGNON

1) Texte manquant au ms. de Paris, suppl. persan 1571, f. 188, complété d'après Schefer, Chrest. persune, I, 170.

2) Éditions de «< Philomneste Junior » (Brunet) à Paris, 1861 [ms. du duc de la Vallière]; et d' « Alcofribas Nazier » à Londres en 1904 [ms. de l'an 1716], avec une bibliographie critique.

XVI

LE DRAPEAU DE LA « RÉGENCE DU CARNARO »

Les journaux nous apprennent' que le poète d'Annunzio, après avoir proclamé le 8 septembre 1920 l'indépendance de son état à Fiume, la « régence du Carnero» (ou Quarnero), a célébré quelques jours après, le 12, la date anniversaire de son entrée dans cette ville, la « sainte entrée », dit-on, du libérateur italien. A cette occasion on a hissé solennellement le gonfalon vermeil de la régence, ayant pour emblème un serpent qui se mord la queue, les sept étoiles de la Grande Ourse, symboles, disent les journaux, de l'éternité et de la grandeur, et la devise « Quis contra nos >>'.

Ce ne sont point là les armoiries habituelles de Fiume', qui portent un aigle bicéphale tenant dans ses serres une urne d'où l'eau s'épanche, ou, en langage héraldique « de gueules à la champagne d'argent chargée d'un mont de sinople, baigné d'une mer d'argent et sommé d'une aigle bicéphale de sable, tournée à senestre, enserrant un vase d'où sort un flot d'argent, et couronnée d'une couronne impériale ornée des deux côtés d'une banderolle d'azur, terminée par une houppe d'or ».

Un des nouveaux timbres de la régence, celui de 0 fr. 10, conserve comme motif l'urne de ces armoiries'.

1) Ex. Journal de Genève, 17 septembre 1920.

2) L'Illustration et l'Illustrated Lon ton news ont donné une image de ce nouveau drapeau, 18 et 25 septembre 1920.

3) Les couleurs de la ville, amarante, jaune vif, outremer, sont conservées dans le nouveau drapeau, disposées longitudinalement à la pointe de droite. 4) Reproductions données par l'Illustration, I. e.

Si l'on cherche à quels prototypes se rattachent les symboles nouveaux, on les trouvera dans le répertoire figuré de l'astrologie et des talismans, qui les ont conservés depuis l'antiquité reculée jusqu'à nos jours.

Il est inutile d'insister sur le premier des deux, celui du serpent qui se mord la queue. On le retrouve à toutes les époques et chez des peuples très divers, transmis par filiation historique ou créé indépendamment, parce que c'est une idée très simple que de figurer les phénomènes réguliers de la nature, du soleil, de la lune, de l'eau, de la terre, par un serpent formant un cercle infini. Le sens de celui-ci est toujours cosmique, bien que ses interprétations spéciales puissent varier. Il est l'eau qui entoure le monde, le grand fleuve Océan qui forme la ceinture de la terre habitée; il est le cours circulaire de la lune, sur des monuments chaldéens, hellénistiques, et du moyen âge; il est celui du soleil; il est la terre, l'univers entier. Image de l'infini, il devient symbole d'éternité, et à ce titre orne plusieurs monuments. On a cité ailleurs de nombreux exemples de ce serpent « ouroboros », qui se suivent sans interruption depuis l'Égypte et la Chaldée, jusque dans les papyrus alchimiques du moyen âge, sur les amulettes modernes, et même dans le symbolisme de la Franc-Maçonnerie. Car il a subsisté avec son sens symbolique et talismanisque jusqu'à nos jours.

1

Ce serpent cosmique entoure le monde et ses phénomènes Sur des monuments antiques, il circonscrit les images du soleil, de la lune, des points cardinaux, de l'aigle solaire de Zeus 3. Le voici, sur une amulette tzigane moderne, entourant le croissant lunaire et neuf étoiles. L'association du serpent et des étoiles est en effet très fréquente dans les croyances et les

1) Le trésor des Fins d'Annecy, dans Rev. arch., 1920, I, p. 130 sq. Le serpent du monde.

2) Ex. Taxil, La Franc-maçonnerie dévoilée, p. 113, 152, 179.

3) Rev. arch., 1920, I, p. 132-3.

4) Archives suisses les traditions populaires, 1914, p. 27, pl.

amulettes populaires'. Et le poète, ce créateur moderne de mythes, la retrouve instinctivement. C'est

L'hydre Univers tordant son corps écaillé d'astres

Le serpent inconnu qui lèche les étoiles

Et qui baise les morts *. .

Pourquoi, parmi les étoiles, choisir celles de la Grande Ourse? Est-ce parce que cette constellation est celle de septembre?"; est-ce parce qu'elle est symbole de grandeur? De toutes les constellations, celle-ci, qui un peu partout porte ce nom', a frappé le plus l'imagination populaire'. On la fait intervenir dans les mythes célébrant les conceptions miraculeuses des héros sauveurs du monde, appelés à de grands exploits. Dans des légendes chinoises, la mère, qui conçoit de la foudre, met au monde l'enfant Hoang-Ty, aussi appelé Hiang. à cause des étoiles qui portent le nom d'Ourse; la mère d'un empereur devient enceinte pour avoir vu en songe un esprit descendant de la Grande Ourse1.

Le divin Auguste, qui inaugure pour les Romains une ère nouvelle, qui ramène l'âge d'or sur la terre, a le corps couvert de taches de naissance disposées sur la poitrine et sur le ventre, de façon, dit Suétone', à simuler par ieur nombre et leur dispo

1) Seligmann, Der böse Blick, 1910, II, p. 130 sq.; Rev. des ét. grecques, 1892, p. 85.

2) Victor Hugo, Contemplations (Pleurs dans la nuit; Ce que dit la Bouche d'ombre).

3) Cf. Illustration, I. c.

4) Cf. divers journaux.

5) Ex. en Amérique, Tylor, Civilisation primitive, trad. I. p. 412, note 2. 6) L'image de la Grande Ourse paraît déjà sur des gravures préhistoriques. Rev. d'Anthropologie, 1886, 15, p. 565. Connexion entre cette constellation et la magie des sept voyelles (les sept planètes), dans l'astrologie gecque. Rev. des études grecques, 1889, p. 394.

7) Saintyves, Les Vierges mères et les naissances miraculeuses, p. 145-6, 166. 8) Sur la Légende d'Auguste, Sauveur du monde, cf. mon mémoire pour paraître in Rev. hist. rel.

9) Suétone, Auguste, 80.

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