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BL3

R45

v.79-80

629476

7-10-53

LES LUPERCALES ROMAINES

ET LA

FÊTE CHRÉTIENNE DE LA PURIFICATION DE LA VIERGE

OU DE LA CHANDELEUR (LE 2 FÉVRIER)

Dans une communication très intéressante et très appro fondie qu'il a faite le 23 février 1916 à la Société nationale des Antiquaires de France', M Batiffol s'est efforcé de prouver l'inexactitude du jugement porté par le Vénérable Bède sur les rapports qui auraient existé entre la fête chrétienne de la Purification de la Vierge ou Chandeleur et les rites de lustration célébrés par les païens au mois de février'. C'est le même problème que je voudrais essayer de résoudre ici, en montrant que la solution proposée par l'éminent prélat doit être revisée et que sa thèse est beaucoup trop absolue.

Reprenons d'abord le texte de Bède : « Numa consacra le second mois de l'année à Februus, c'est-à-dire à Pluton, considéré comme le maître des purifications; ce mois-là il était nécessaire de purifier la ville et de donner satisfaction aux Dieux Mânes. Mais la religion chrétienne a transformé en l'améliorant cette coutume de la purification, puisque pendant ce même mois, le jour consacré à la sainte Marie, le peuple tout entier, avec les prêtres et les ministres du culte, parcourt en procession et en chantant des hymnes les églises et les points de la ville qu'il convient; tous tiennent à la main des cierges

1) Bulletin des Antiquaires, 1916, p. 133 et suiv.

2) Bède, De temporum ratione, 12.

allumés donnés par le pontife; la coutume s'améliorant de plus en plus, la même cérémonie fut célébrée lors des autres fêtes de la bienheureuse Mère et Vierge éternelle, non plus pour la purification quinquennale du royaume d'ici-bas, mais pour la glorification de son règne céleste1».

Les termes de ce passage sont généraux. Bède ne cite pas spécialement les Lupercales; il fait allusion à toutes les cérémonies de purification, à toutes les lustrationes que les Romains célébraient pendant le mois de février, et il ajoute que le christianisme a transposé, si l'on peut dire, ces rites dans la fête de la Purification de la Vierge. Les commentateurs de Bède ont admis qu'il avait surtout en vue les Lupercales, et de fait les Lupercales constituaient la plus importante des lustrationes du mois de février, des februationes. Nous verrons d'ailleurs plus loin qu'il y a entre les deux cérémonies des ressemblances qui justifient cette interprétation précise du texte de Bède. Notons également qu'il n'attribue pas au même jour du mois, comme l'ont affirmé certains érudits modernes', les rites païens de lustration et la fête chrétienne.

Mais ces réserves faites, il n'en reste pas moins que Bède établit une relation, sinon de cause à effet, du moins de succession entre ces rites et cette fête. Or telle est la relation dont

1) Secundum (mensem) dicavit (Numa) Februo, id est, Plutoni qui lustrationum potens credebatur, lustrarique eo mense civitatem necesse erat, quo statuit ut jure diis manibus solverentur. Sed hanc lustrandi consuetudinem bene mutavit Christiana religio, cum in mense eodem die sanctae Mariae plebs universa cum sacerdotibus ac ministris, hymnis modulatae vocis per ecclesias perque congrua urbis loca, procedit, datosque a pontifice cuncti cereos in manibus gestant ardentes, et augescente bona consuetudine, id ipsum in caeteris quoque ejusdem beatae matris et perpetuae virginis festivitatibus agere didicit, non utique in lustrationem terrestris imperii quinquennem, sed in perennem regni coelestis memoriam...

2) Ovide, Fastes, II, 31-32.

Mensis ab his dictus, secta quia pelle Luperci
Omne solum lustrant idque piamen habent.

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J. A. Hild, art. Luper

3) Warde Fowler, The Roman Festivals, p. 321. calia, in Daremberg et Saglio, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, t. III, p. 1402.

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Mer Batiffol conteste la réalité. Les Lupercales, d'après lui, ont été supprimées par le pape Gélase en 494 ou 496; la fête de la Purification de la Vierge n'a été instituée à Rome que beaucoup plus tard, et elle y a été introduite de Byzance, en même temps que trois autres fêtes consacrées à Sainte Marie. Il n'y a pas de ressemblance entre le rite romain, par lequel toute la cité était purifiée, et la cérémonie chrétienne qui appartient à la liturgie propre de la Vierge. La procession qui se rendait de Saint Adrien à Sainte Marie Majeure n'a rien de commun avec la course des Lupercales. Enfin la date est différente, les Lupercales tombant le 15 février, et la fête de la Purification se célébrant le 2.

L'argument tiré du changement de date ne me paraît pas très probant. Pour ne citer qu'un exemple, les Feux de la SaintJean, auxquels l'Église prend part pour en bannir les superstitions, selon les termes mêmes du Catéchisme de Meaux rédigé par Bossuet, ont été transportés du jour même du solstice d'été, qui est le 22 juin, au jour de la Nativité de saint Jean qui est le 24. Le mois de février étant, par étymologie et en quelque manière par définition, le mois des purifications, la question de date n'était pas décisive.

Pour ce qui est de l'interruption, du vide qui existerait entre l'abolition des Lupercales et l'institution de la fête de la Purification, je ne pense pas que les documents aujourd'hui connus nous autorisent à l'admettre aussi nettement que l'a fait Mer Batiffol. En un mot je ne crois pas qu'on puisse conclure des termes employés par le pape Gélase dans son libelle Adversus Andromachum que la fête païenne ait été supprimée en fait en 494 ou 496. Après avoir fait longuement le procès des Lupercales, après avoir montré que les rites de la fête sont indignes d'un chrétien, Gélase ne peut cependant s'empêcher de constater que cette cérémonie, qu'il juge impie, a résisté jusqu'alors aux attaques, aux efforts de ses prédécesseurs. « On ne peut pas guérir à la fois tous les maux dont souffre le corps; il faut s'occuper d'abord de celui qui paraît le plus

dangereux. » Et la fin de son ouvrage n'est pas sans témoigner de quelque embarras ou de quelque appréhension sur l'efficacité de l'interdiction qu'il lance : « Enfin, pour ce qui me concerne, qu'aucun homme baptisé, qu'aucun chrétien ne prenne part à la fête ; mais que seuls les païens, dont c'est un rite, la célèbrent. Il m'appartient de déclarer que de telles cérémonies sont incontestablement pernicieuses et funestes pour des chrétiens. Pourquoi me reprocher d'interdire à tous ceux qui se réclament du nom chrétien ce que je juge ennemi de la religion chrétienne? En tous cas, je veux libérer ma conscience: que les chrétiens jugent s'ils doivent ne pas écouter mes justes avertissements! Je ne doute pas que mes prédécesseurs aient agi de même et qu'ils se soient sans doute adressés à l'autorité impériale pour faire supprimer la fête païenne..... Je ne me permets pas d'accuser mes prédécesseurs de négligence; je crois plutôt qu'ils ont tenté de faire abolir cette impiété, mais qu'ils se sont heurtés à des obstacles, à des influences contraires, qui ont fait échouer leurs efforts; vous-mêmes, encore maintenant, ne vous obstinez-vous pas dans une résistanceinsensée ?* »

Le pape Gélase interdit aux chrétiens de prendre part aux Lupercales et il ne paraît pas très sûr de leur obéissance unanime. I sent des résistances, des obstacles. D'autre part, un détail de ce passage atteste qu'il ne dépend pas de lui d'abolir la fête. C'est l'autorité impériale, c'est-à-dire temporelle, qui

1) Non simul omnes in corpore curat medicina languores, sed quod periculosius conspicit imminere...

2) Postremo (quod ad me pertinet) nullus baptizatus, nullus Christianus hoc celebret sed soli hoc Pagani, quorum ritus est, exsequantur. Me pronunciare convenit Christianis ista perniciosa et funesta indubitanter existere.

Quid me incusas si quod professo nomini inimicum est a consortibus professionis Christianae pronuncio submovendum? Ego certe absolvam conscientiam meam ipsi videant qui justis admonitionibus obedire neglexerint. Quod etiam praedecessores meos forsitan fecisse non ambigo, et apud Imperiales aures haec submovenda tentasse... Ego negligentiam accusare non audeo praedecessorum : cum magis credam fortasse tentasse eos ut haec pravitas tolle etur, et quasdam exstitisse causas et contrarias voluntates, quae eorum intentiones praepedirent sicut ne nunc quidem vos istos absistere insanis conatibus velle perpenditis.

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