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produit des réflexions philosophiques, avec point de départ religieux, des prêtres et des fidèles vivant à des époques de paix relative et de plus haute civilisation. Le problème est alors le même, par exemple, que pour le brahma de l'Inde, pour la baraka des Sémites, pour la sanctitas latine puis chrétienne.

Le fait que ce sont ces termes, et non d'autres, qui se présentent à l'esprit montre aussitôt que si l'on veut suggérer un rapprochement du ka avec des notions et des termes « sauvages >>> correspondants, ce sont ceux de manitou chez les Indiens de l'Amérique du nord, de hasina chez les Malgaches, de mana chez les Mélanésiens et certains Polynésiens, etc., qui fournissent l'équivalence cherchée. Moret a en effet commis une confusion terminologique fort excusable chez un égyptologue. La notion de vie psychique et, par absorption de nourritures, de vie physique et celle de puissance surnaturelle sont contenues, non pas dans l'idée de totem, mais dans celle de mana, dont, comme on l'a vu ci-dessus', le totem pourrait être une forme spéciale. Mais même ceci n'est pas prouvé.

D'ailleurs, la forme du signe qui représente deux bras levés avec les paumes droites et les doigts légèrement incurvés indique que le ka appartient à une tout autre catégorie que le totem. Si, comme je le crois, ce signe symbolise, par simplification, un geste de prière ou d'incantation, s'il rappelle une opération rituelle magico-religieuse, il est naturel que peu à peu le ka

et pêle-mêle, des documents qui datent de l'époque prédynastique, puis de la période ptolémaïque; on revient au Moyen Empire, ensuite aux dynasties thinites, pour finir par un fait du Nouvel Empire. J'exagère un peu; mais fort peu. C'est pourquoi, dans notre monographie sur Le Tissage aux Cartons et son utilisation décorative dans l'Egypte ancienne, (Neuchatel, Delachaux et Niestlé, in-4°, 1912, tirage à 125 exemplaires, avec nombreuses planches en couleurs, dessins en noir et une planche de rubans que j'ai tissés d'après les prototypes égyptiens) Jéquier et moi avons pris le plus grand soin de suivre l'évolution de cette technique spéciale en ne mêlant pas les dates des documents. C'est exactement la même méthode qu'il faut appliquer, et aussi rigoureusement, à des recherches sur le ka ou sur les autres signes et concepts des Egyptiens.

1) Cf. ci-dessus t. LXXV, p. 334-335, 372, et t. LXXVI, p. 281 et suiv.

ait fini par centraliser les idées qui se rattachaient assez étroitement à la puissance diffuse qui est à la base même de toutes les activités, tant en religion qu'en magie. Mais il n'y a aucune espèce animale ou végétale, ni aucune catégorie d'objets que les deux bras humains levés puissent représenter normalement, et par suite le signe ne peut évoquer la notion d'identité spécifique et d'apparentement collectif qui est le nœud central du totémisme. Le ka comme enseigne appartiendrait donc à la même catégorie que le khen, lui aussi enseigne, et qui représente, paraît-il, le placenta royal en tant que réservoir ou germe de la vie et de la force du roi'. N'étant pas égyptologue, je ne puis poursuivre l'argument au delà de ce point; mais je dois rappeler de nouveau que les enseignes primitives sont formées à l'aide de signes nombreux, parmi lesquels ceux d'aspect animal ou végétal ne constituent qu'une série dont rien ne permet encore d'affirmer qu'elle ait été la plus importante, ni surtout qu'elle ait servi de point de départ et de modèle aux autres séries. Le plus que l'ethnographie puisse dire ici, c'est que les objets représentés comme enseignes avaient une valeur protectrice, et que ni un signe comme les deux bras levés, ni un signe comme le placenta ou d'autres du même ordre, ne peuvent avoir eu un sens totémique.

Aussi doit-on admettre, avec les limitations signalées antérieurement', l'attitude de Dussaud : « en partant de la notion de vie [disons de la notion de mana], l'humanité a imaginé divers systèmes; le système totémique en est un, le système égyptien en est un autre; ils ont des éléments communs, mais ils ne s'identifient pas ».

Une autre remarque enfin s'impose : le totémisme n'est pas seulement un ensemble systématisé de croyances et d'actes magico-religieux ; il s'exprime aussi dans la vie sociale laïque

1) C. G. Seligmann et Margaret A. Murray, Note upon an early Egyptian Standard, Man, 1911, p. 165-171.

2) Cf. ci-dessus, p. 371-374. 3) Dussaud, loc. cit., p. 29.

par une réglementation des rapports matrimoniaux. Or, cet aspect du problème a été complètement négligé par Loret, par Amélineau, et depuis, par Moret, par Adolphe Reinach ainsi que par les autres égyptologues. On sait maintenant que cette réglementation ne prend pas partout la forme exogamique, mais qu'elle peut prendre aussi la fcrme endogamique: en Égypte, au moins dans la famille royale, c'est l'endogamie ou plutôt l'inceste entre frère et sœur, fils et mère, etc., qui était de règle; l'institution a été étudiée récemment'. Le problème qui reste à résoudre est de déterminer quelle était la réglementation « aux temps du totémisme» supposé. On pourrait y arriver par une étude des généalogies au cas où il en existe, ce que j'ignore, pour les premières dynasties et, en appliquant dans la mesure du possible la « méthode généalogique » élaborée par Rivers et qui a donné déjà en divers pays de bons résultats.

L'interprétation générale par le totémisme des faits primitifs de zoolâtrie égyptienne a par contre toujours été repoussée par M. Jean Capart, qui a repris l'historique de la question dans sa conférence de Louvain, où il admet comme caractères du totémisme vrai :

« 1o La parenté d'un groupe avec une espèce naturelle; cette parenté n'est certifiée nulle part pour l'Egypte ancienne, où on constate que le culte des animaux s'adresse exclusivement à des individus animaux sous l'Ancien Empire, et à des espèces animales entières seulement pendant la période gréco-romaine;

« 2o Les interdictions alimentaires : les textes parlent bien parfois d'interdictions de ce genre, mais elles ne concernent pas spécialement dans chaque nome l'animal sacré local. A Memphis. où cet animal est le taureau Apis, les tables d'offrandes énumèrent des pièces de viande de boucherie et les basreliefs figurent l'abatage du taureau destiné à être mangé; de même à Thèbes, où c'est l'oie qui est sacrée, cet animal apparaît sur toutes les tables d'offrandes au mort;

1) Margaret A. Murray, Royal Marriages and Matrilineal Descent, Journal of the Anthrop. Inst., t. XLV, 1915, p. 307-325.

« 3o L'exogamie; on sait que la règle en Egypte était l'endogamie;

<< 4° La coutume de prendre le nom de l'animal-totem; il est de fait que les noms animaux ne sont pas rares en Egypte, mais ils sont toujours individuels, et aucun texte ne fournit la preuve que des collectivités entières fussent dénommées d'après un animal »... ni, ajouterai-je, d'après l'animal, le végétal ou l'objet qui apparaît en qualité de protecteur sur le pavois des enseignes'. Ces remarques modérées résument bien l'état de la question 2.

Bref, je ne dis pas que dans l'organisation des clans groupés en tribus conquérentes qui apparurent en Égypte aux temps préhistoriques il n'a pas existé, sinon un totémisme encore primitif, du moins des restes de totémisme; je dis seulement que les arguments invoqués jusqu'à ce jour par les égyptologues sont insuffisants pour les ethnographes, et que le conseil que ceux-ci doivent donner à leurs confrères c'est de lire les quatre

1) Jean Capart, Le Totémisme égyptien, Semaine Religieuse, loc. cit., p. 274278.

2) Aucune allusion au totémisme n'est faite, je crois, dans le mémoire de Th. Hopfner, Der Tierkult der alten Aegypter publié en 1914 par l'Académie des Sciences de Vienne et que je ne connais que par la longue analyse qu'en ont donnée les Archives Sociologiques du regretté Waxweiler, Bruxelles, Institut Solvay, no 32 (29 juin 1914), p. 820-822.

Selon cet auteur, le culte des animaux dans l'Égypte ancienne avant et pendant la période de Negadah (ou période préhistorique) était dû à la crainte en ce qui concerne les animaux féroces on nuisibles et à l'utilité pour la vache, le bélier etc.; pour d'autres animaux, c'est leur conduite qui a paru « si intelligente à ces sauvages primitifs » qu'ils leur décernèrent un culte; l'une des grandes preuves de cette intelligence supposée était fournie par les mesures d'approvisionnement et de sauvegarde que prennent instinctivement certaines espèces, notamment les rongeurs, et qui ont fait croire aux premiers Egyptiens que ces animaux connaissaient l'avenir. « C'est la raison pour laquelle l'âme animale, quand elle a quitté le corps, est regardée comme capable de prédire l'avenir. » C'est une zoolâtrie de ce type qui dominait en Egypte lorsqu'un peuple étranger yintroduisit des divinités anthropomorphiques, qui fusionnèrent avec les animaux sacrés indigènes.

C'est une adaptation maladroite de la construction théorique de Wiedemann sur la base ethnique dont il est parlé plus loin.

volumes de Frazer afin de se rendre compte de la multiplicité des détails et de la variété des formes que peut assumer chez les divers peuples actuellement bien étudiés une institution complexe dont les archéologues ont tendance à réduire le contenu en formules courtes et simples.

Dans ces conditions, je pourrais passer rapidement sur les théories ethniques du totémisme égyptien, n'était qu'elles se rattachent d'une part au problème du totémisme des Hamites situés au sud de l'Égypte, et de l'autre à celui des LibyoBerbères qui s'étendent depuis le Nil jusqu'aux côtes du Maroc.

XX

LE PEUPLEMENT DE L'ÉGYPTE; OPINIONS DE Wiedemann et de GIUFFRIDA-RUGGERI; LA THÉORIE DU TOTÉMISME HAMITique de SELIGMANN ET D'ANKERMANN.

Le problème du mode de peuplement de l'Égypte aux temps préhistoriques (Paléolithique et Néolithique) a fait ces années dernières de grands progrès grâce aux découvertes de J. de Morgan et de Reisner, aux mensurations d'Elliot Smith, aux recherches historiques de Bates, et aux comparaisons anthropologiques de Giuffrida-Ruggeri, Cependant l'accord ne s'est pas fait encore sur certains points qui nous interessent ici spécialement.

L'ancienne théorie, à laquelle les découvertes récentes ont porté le coup de grâce, était que l'Égypte avait été peuplée, peu avant les débuts de son histoire, par des immigrants sémitiques, ou d'une manière plus générale, asiatiques en comptant l'Arabie comme une partie de l'Asie. Actuellement, tous les égyptologues qui sont au courant des faits admettent l'origine africaine de la civilisation égyptienne. Mais on se heurte alors à trois possibilités, qui ont chacune des partisans: l'hypothèse nègre, l'hypothèse hamito-éthiopienne (brune) et l'hypothèse libyo-berbère (blanche).

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