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vement d'impatience, frappa d'un coup de son chasse-mouches le consul de France. Il refusa une réparation. Notre consul quitta Alger en juin 1827. Le bey de Constantine détruisit nos établissements de pêche. Un blocus de trois ans n'amena aucun résultat. Dans l'intervalle, M. de la Bretonniere, commandant la Provence, reçu sous pavillon parlementaire, voyait, à l'appareillage, son vaisseau criblé de boulets. En février 4830, le gouvernement français se décida à attaquer Alger par terre. Il n'accepta pas le concours de l'Espagne et de la Sardaigne; il refusa à l'Angleterre de prendre des engagements sur l'avenir de la régence d'Alger; et lorsque l'ambassadeur anglais communiqua à M. de Polignac une note qui présentait un débarquement des Français comme un fait pouvant entraîner un casus belli : « Répondez que vous m'avez présenté cette note, mais que je ne l'ai pas lue », lui dit M. de Polignac.

L'expédition mit à la voile le 25 mai. La flotte, commandée par le vice-amiral Duperré, se composait de cent vingt-trois bâtiments de guerre, dont onze vaisseaux de ligne, vingt-trois frégates et sept vapeurs. Elle était montée par vingt-sept mille marins, et aidée par quatre cents transports. L'armée de terre, commandée par le ministre de la guerre, général Bourmont, comptait près de trente-huit mille hommes et de quatre mille chevaux, et cent vingt- trois pièces de campagne ou de siége. A quelques lieues de la côte, on rencontra sous escorte française une frégate turque, montée par le grand - amiral Tahir- Pacha, que le sultan, à l'instigation de l'Angleterre, envoyait à Alger pour imposer, au nom du suzerain de l'Algérie, une réparation à la France. Sur un ordre de M. de Polignac, l'escadre de blocus avait interdit l'entrée d'Alger à Tahir-Pacha, et l'amenait en France. La flotte, dispersée d'abord par un coup de vent, atterrit le 14 juin, à cinq lieues ouest d'Alger, dans la presqu'île de Sidi - Féruch. En neuf heures, le débarquement de l'infanterie et de l'artillerie de campagne était terminé, et quinze mille Arabes étaient dispersés. Le 19, M. de Bourmont gagna la bataille de Staouëli, où son infanterie, attaquée avec fureur par plus de quarante mille hommes, enleva les redoutes et l'artillerie de l'ennemi, et s'empara de son camp. Il y eut encore dix jours de petits combats meurtriers ; enfin le général de Bourmont, ayant reçu sa grosse artillerie, ouvrit la tranchée, le 30 au soir, contre le fort de l'Empereur, qui domine Alger et sa citadelle. Le feu commença le 4 au matin, et, cinq heures après, le fort était en ruines: HusseynPacha en ordonnait l'évacuation, et le faisait sauter au moment même où notre armée se préparait à l'assaut. Alger capitula le soir même (4 juillet 1830), vingt jours après le débarquement à Sidi - Féruch. Le vainqueur accordait au dey et à la milice turque le droit d'emmener leurs familles et d'emporter leurs richesses. Il s'engageait à respecter la religion, les lois, les mœurs et les

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Lorsque les électeurs condamnèrent, pour la seconde fois, la politique de Charles X, le roi, convaincu que la volonté du monarque doit prévaloir sur la volonté nationale, croyant sans fondement à une conspiration contre le trône, et craignant de périr comme Louis XVI s'il reculait comme lui, prit la résolution de résister. L'article 44 de la charte lui semblait permettre de briser les lois politiques sans s'écarter de l'esprit de la charte. Chef suprême de l'État, n'était - ce pas lui qui devait faire « les règlements et ordonnances nécessaires pour l'exécution des lois et la sûreté de l'État? » Il crut à son droit, à la nécessité pressante, et, au nom de l'article 44, il se constitua pour un jour, dans ses ordonnances du 23 juillet, seul et unique législateur, détruisant et refaisant les lois politiques de la France.

Le coup d'État était dirigé contre la presse et contre la Chambre. Il suspendait la liberté de la presse un journal ne pouvait plus paraître qu'en vertu d'une autorisation préalable, qu'il faudrait renouveler tous les trois mois, et qui serait révocable à volonté; tout écrit au-dessous de vingt feuilles (trois cent vingt pages in-8) devait être préalablement autorisé. La Chambre des députés était dissoute, et une nouvelle loi électorale établie. L'impôt des patentes ne comptait plus pour former le cens; les listes des électeurs seraient arrêtées par les préfets, et affichées cinq jours seulement avant l'élection; l'élection était à deux degrés, les arrondissements choisissant des candidats, parmi lesquels le quart le plus imposé des électeurs du département devait choisir des députés; le nombre des députés se trouvait réduit à deux cent trente-huit, élus pour cinq ans et se renouvelant par cinquième.

Les ordonnances parurent au Moniteur le 26. Le même jour, quarante et un journalistes, appartenant à onze journaux, signaient dans les bureaux du National une protestation rédigée par M. Thiers, rédacteur en chef de ce journal. Ce fut le premier acte de la résistance et le début d'une révolution, un appel indirect à la force pour défendre les lois contre le gouvernement. «Le régime légal est interrompu, disaient-ils; celui de la force est commencé. L'obéissance cesse d'être un devoir. Les citoyens appelés les premiers à obéir sont les écrivains des journaux. Ils doivent donner les premiers l'exemple de la résistance à l'autorité, qui s'est dépouillée du caractère de la loi. Le gouvernement, en violant la

légalité, nous a dispensés d'obéir. Nous essayerons de publier nos journaux sans demander l'autorisation qui nous est imposée. Notre devoir de citoyens nous l'impose; nous le remplirons. »>

Au National, une réunion d'électeurs s'occupa du refus de l'impôt et de la réorganisation de la garde nationale. On parla mème de repousser la force par la force.

La Bourse ouvrit avec 4 francs de baisse. Il y eut des attroupements au Palais-Royal. Cependant le préfet de police, les ministres, la cour et le roi étaient dans une sécurité absolue. Les amis douteux se rapprochaient du pouvoir. Charles X chassa le cerf à Rambouillet, et ne rentra à Saint-Cloud qu'à onze heures du soir.

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Des ouvriers imprimeurs congédiés par leurs patrons la veille au soir, d'autres dont les ateliers avaient été fermés ou désertés le matin, parcouraient les rues le 27, criant: « Vive la charte! A bas les ministres! A bas les ordonnances ! » Ils distribuaient le National et le Temps, qui contenaient la protestation des journalistes. Le nom du duc de Raguse, choisi comme gouverneur militaire de Paris, augmentait encore la colère. Le peuple n'avait pas oublié sa défection, qui, en 1814, avait enlevé à la France sa dernière chance de salut.

Le maréchal Marmont, nommé le 25, n'avait appris les ordonnances que le 26, comme tout le monde, et il ne reçut les ordres du roi que le 27. Acceptant avec douleur sa triste mission, il prit le commandement à une heure après midi. Les troupes n'étaient pas consignées; la gendarmerie et les petits postes faisaient le service ordinaire. Dans le quartier du Palais-Royal, on jeta des pierres aux gendarmes, à l'infanterie; la troupe riposta par quelques coups de feu qui tuèrent un homme et en blessèrent trois. Ce fut le début de la guerre civile. Une barricade s'éleva rue de Rohan, une autre rue de l'Échelle; mais elles ne furent pas défendues. Les patrouilles étaient reçues à coups de pierres et ripostaient à coups de fusil. Un détachement de troupe de ligne, marchant de la place Vendôme sur le Palais-Royal, fut arrêté rue Saint-Honoré par la foule, aux cris de : « Vive la ligne!» La troupe resta neutre, et rétrograda. La ligne était jalouse de la garde, et ces cris étaient un appel. L'instinct des Parisiens les avait bien guidés.

A neuf heures du soir, des hommes armés parurent dans les rues. Une réunion, formée chez M. Cadet-Gassicourt, décida qu'un comité par arrondissement organiserait la résistance, l'armement du peuple, la garde nationale. A dix heures, les ministres voulaient proclamer l'état de siége. Ils ajournèrent, d'après un rapport de Marmont, qui était assez satisfait de la journée. Les petits postes furent évacués, les troupes rentrèrent dans

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Des cinq heures du matin, il y eut dans les rues des groupes nombreux et beaucoup d'hommes armés. On allait, dans les maisons, prendre aux anciens gardes nationaux leurs armes. Quelques uniformes de garde nationale se montraient. Les fournisseurs de la cour, les officiers ministériels, abattirent leurs écussons, leurs panonceaux aux armes royales, que la foule menaçait. On commençait à crier : « A bas les Bourbons! » Le drapeau tricolore fut arboré à l'hôtel de ville, puis à Notre-Dame, et le gros bourdon sonna le tocsin. Paris s'était levé. « Ce n'est plus une émeute; c'est une révolution, écrivait Marmont au roi dès neuf heures du matin. Il est urgent que Votre Majesté prenne des mesures de pacification. L'honneur de la couronne peut encore être sauvé. Demain peut-être il ne serait plus temps. »>

Marmont concentra ses forces et resta sur la défensive. Mais, à onze heures, ses demandes étaient repoussées, et Paris mis en état de siége. Il prit l'offensive à midi. Il n'avait sous la main que la garnison de Paris, qui pouvait mettre en ligne environ onze mille cinq cents hommes et douze bouches à feu. Les garnisons de la banlieue reçurent l'ordre de se diriger sur les ChampsÉlysées, en réserve; les places Vendôme et du Palais-Royal furent occupées. Quatre colonnes se mirent en marche pour enlever l'hôtel de ville et le marché des Innocents, pour suivre la rue de Richelieu et les boulevards jusqu'à la Bastille, et la ligne des Champs-Élysées à la rue Richelieu par les boulevards. Ordre était donné d'enlever hardiment les barricades, de ne commencer la fusillade qu'après avoir essuyé une cinquantaine de coups de fusil, et de ne tirer qu'un ou deux coups de canon par rue, le premier à poudre, si c'était possible. A deux heures et demie, toutes les positions désignées étaient enlevées. Mais les trois premières colonnes avaient eu à combattre sur toute leur ligne de marche. L'hôtel de ville n'avait été pris qu'à la troisième attaque, et la troupe, ne pouvant dépasser l'hôtel et la place, était fusillée et mème chargée par les Parisiens. Ce fut là qu'un jeune homme inconnu périt en s'élançant un drapeau tricolore à la main, et donna son nom au pont d'Arcole. Le marché des Innocents avait été enlevé sous un feu très-vif, et un bataillon détaché était coupé dans la rue SaintDenis, La troisième colonne, arrivée plus facilement à la Bastille, envoya de l'infanterie à la barrière du Trône et la rappela; mais sa cavalerie no put pénétrer jusqu'à l'hôtel de ville. Le boulevard était barricadé, les arbres coupés, et la troupe victorieuse cernée partout par l'insurrection.

Au marché des Innocents, le général Quinson

nas annonçait qu'il ne pouvait pas tenir sans renforts. Mal armés, combattant sans direction, mais forts de leur nombre, de leur audace, de leur instinct de la guerre de rue, les insurgés avaient dans leurs rangs toute la partie énergique de la population, et même beaucoup de gens paisibles, qui dans un autre temps auraient soutenu le pouvoir, soit par leur abstention, soit même par leur concours. Paris tout entier était pour eux. La poudrière Saint-Marceau fournissait de la poudre. On fondait des balles, on faisait des cartouches; les femmes les distribuaient. Elles jetaient par les fenêtres des pavés, des meubles sur les soldats. Des placards annonçaient la fuite de Charles X et la formation d'un gouvernement provisoire. Soixante élèves environ de l'École polytechnique s'étaient joints aux insurgés.

Une trentaine de députés, réunis chez M. Audry de Puyraveau, avaient voté une protestation moins énergique que celle des journalistes, et sans signature. Ils envoyèrent cinq d'entre eux à Marmont, lui offrant de rétablir l'ordre si le roi renvoyait ses ministres et retirait les ordonnances. Marmont écrivit au roi, sans espoir de le convaincre, « qu'il était urgent de profiter sans retard de ces ouvertures.» Charles X, certain de son droit et croyant à la victoire, répondit par un ordre de tenir bon et d'agir seulement avec des masses. Marmont rappela à lui ses troupes. Celles de la Bastille ne purent revenir que par le jardin des Plantes et les Invalides, et la colonne engagée dans la rue Saint-Denis dut gagner le faubourg Saint-Denis et les boulevards extérieurs. La colonne cernée au marché des Innocents avait été dégagée à grand'peine, et elle gagnait la Seine sous le feu. A minuit, l'hôtel de ville fut évacué, et la troupe revint par les quais, sans combat. Le soldat était épuisé, mourant de faim. Il avait combattu bravement, mais seulement par devoir, et avec tristesse. L'attitude d'une partie de la troupe de ligne avait été équivoque. Partout les soldats avaient vu la population contre eux. Pas un seul des hommes du parti pour lequel ils combattaient n'était venu prendre part à la lutte, ou du moins les encourager. Les insurgés traitaient bien leurs blessés.

Ordre de marcher sur Paris fut donné aux camps de Saint-Omer et de Lunéville, ainsi qu'aux régiments de la garde en garnison à Caen, à Rouen, à Orléans et à Beauvais.

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de deux mille hommes. Il offrit une suspension d'armes; mais sa proclamation ne put être imprimée, et les copies qu'on en fit à la main ne dépassèrent pas ses avant-postes. Deux pairs de France, MM. de Sémonville et d'Argout, voyant M. de Polignac leur refuser le retrait des ordonnances, conseillaient à Marmont de mettre en arrestation les ministres et d'en appeler à Charles X. Il faillit accepter; il se borna cependant à envoyer au roi les deux pairs de France, avec un mot qui conseillait d'accepter leurs propositions.

Tout à coup, à la place Vendôme, deux régiments de ligne font défection. Marmont se hâte d'en envoyer aux Champs-Élysées deux autres dont il se défie, et il donne l'ordre à un des bataillons suisses du Louvre d'aller barrer la rue Castiglione. Par une erreur singulière, on choisit précisément le bataillon qui, de la colonnade et des fenêtres, soutenait la fusillade contre les Parisiens. Ceux-ci, voyant que le feu a cessé, escaladent les murs, et aussitôt les Suisses, postés dans la cour carrée, les aperçoivent sur leurs tètes, aux fenêtres qui dominent la cour. Dans cette position terrible, une panique se répand parmi ces soldats, qui se souviennent du 40 août. Ils courent vers les Tuileries, entraînant tout dans leur fuite; ils entrent dans le palais, sautent par les fenêtres dans le jardin, et l'ordre ne se rétablit un peu que quand Marmont, accouru de la rue de Rohan, donne le signal de la retraite. En même temps, les insurgés qui viennent du Louvre par le Carrousel et par la galerie des tableaux, ainsi que ceux du pont Royal, s'emparent du château, et le drapeau tricolore flotte enfin sur le pavillon de l'Horloge.

Un quart d'heure seulement après être sorti de Paris, Marmont reçut du Dauphin un ordre d'évacuation. Le roi n'avait encore pas consenti à retirer les ordonnances. « C'est une bataille perdue », dit Marmont à Charles X ; et il le décida à former un nouveau ministère. Le général Gérard était nommé ministre de la guerre, et le capitaine des cent-suisses, M. de Mortemart, président du conseil. Cependant, à la nouvelle de la prise du Louvre, la réunion des députés avait formé une commission municipale de cinq membres; Lafayette acceptait le commandement de la garde nationale, et Gérard celui des troupes, qui se composaient seulement des deux régiments défectionnaires et des cavaliers de la caserne des Célestins. La commission alla s'installer à l'hôtel de ville, où elle trouva M. Baude donnant déjà des ordres, et les donnant bien, au nom d'un gouver nement provisoire qui n'existait pas.

LE DUC D'ORLÉANS LIEUTENANT GÉNÉRAL DU ROYAUME.

La partie ardente de la population voulait une constituante. Les classes moyennes désiraient le duc d'Orléans. On n'était pas encore certain d'une victoire définitive, et M. Laffitte eût accepté encore la branche aînée. Mais MM. Thiers et Mignet,

dans des placards habiles, répétaient le nom du duc d'Orléans. « Dévoué à la cause de la révolution, il ne s'était jamais battu contre nous; il était à Jemmapes; il avait porté au feu les couleurs tricolores; il acceptait la charte. » MM. Thiers et Scheffer allèrent chercher le duc à Neuilly; il n'y était pas. La duchesse refusa pour lui; mais Mme Adélaïde, sœur du duc, offrit d'aller à Paris. Elle savait qu'en politique une femme peut servir quelquefois, et ne compromet jamais. Les lenteurs de la cour favorisaient le duc

d'Orléans. Les envoyés de M. de Mortemart, en l'absence de ce ministre, ne purent rien obtenir à l'hôtel de ville et auprès des députés. Le roi ne signa que le 30, et à grand'peine, le rappel des ordonnances, le rétablissement de la garde nationale, la convocation des chambres. Alors M. de Mortemart arriva lentement à Paris, où il fut reçu par M. Bérard, l'un des députés les plus ardents pendant la lutte, avec ce mot : « Il est trop tard!» Les députés l'attendaient cependant; mais il alla à la Chambre des pairs, et envoya à

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l'hôtel de ville M. de Sussy, que Laffitte éconduisit sous un prétexte. Aussi les députés, après être entrés en communication avec les pairs, donnèrentils, sans délai, la lieutenance générale du royaume au duc d'Orléans.

Le même jour, un régiment de ligne abandonnait encore la cause du roi. La domesticité royale commençait à disparaître; les services de la cour étaient incomplets, même celui de la messe. Marmont proposait à Charles X de se retirer sur la Loire, d'y amener les camps de Lunéville et de

Prise du Louvre.

Saint-Omer, Bourmont et une partie de l'armée d'Afrique, avec les 50 millions de la Kasbah; et là, appuyé par les populations royalistes de l'ouest et du midi, d'appeler auprès de lui le corps diplomatique et les grands corps de l'État.

Le duc d'Orléans, arrivé à pied, dans la nuit du 30, au Palais-Royal, accepta, le lendemain 34, la lieutenance générale du royaume, et il fut proclamé par la Chambre. Le duc, n'étant sûr de rien tant qu'il ne serait pas accepté par la commission municipale, qui venait de prononcer la déchéance

Typ. de J. Best, rue St-Maur-St-G., 15.

des Bourbons, se rendit à l'hôtel de ville à cheval et suivi de la Chambre, au milieu des cris de : « Vive le duc d'Orléans! » auxquels, à mesure qu'il s'avançait, répondaient des cris plus nombreux de « A bas les Bourbons! » Mais lorsque Lafayette, lui mettant dans la main un drapeau tricolore, l'eut conduit à une fenêtre, et que le duc eut serré Lafayette sur son cœur, le peuple fut gagné à sa cause, et la place retentit des cris de « Vive le duc d'Orléans! >>

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Charles X arriva à Rambouillet le même soir. Ses soldats, maintenant sous les ordres du Dauphin, mouraient de faim et désertaient. Le 1er août, deux régiments de grosse cavalerie rentrèrent à Versailles, dans leurs casernes. Onze colonels et lieutenants-colonels de la garde, effrayés par les désertions, voulaient conclure une convention avec le gouvernement provisoire. De tout un régiment de ligne, il ne resta que treize hommes et le colonel. Le 2, trois régiments de grosse cavalerie, dont un de la garde, partirent en corps. « Il n'est plus temps, dit Marmont au roi, d'aller sur la Loire » ; et le roi et le Dauphin abdiquèrent en faveur du duc de Bordeaux. Marmont reprit le commandement. La troupe eut des vivres, et l'ordre revint.

Charles X restait à Rambouillet. Pour le contraindre à en partir plus vite, le gouvernement commanda cinq cents hommes par légion de garde nationale. Ils se dirigerent, le 3, vers Rambouillet. C'était une sorte de mascarade militaire, des hommes à pied ou en voiture, armés et équipés singulièrement, et qui, allant se battre en pleine campagne contre des troupes régulières, semblaient être en partie de plaisir. Le maréchal Maison ayant affirmé à Charles X qu'ils étaient soixante mille, et qu'il serait attaqué la nuit même du 3 au 4, Marmont décida que la position n'était pas tenable. Le vieux roi alla donc à Maintenon, où, renonçant à marcher sur la Loire, il se décida à s'embarquer à Cherbourg.

Il partit, voyageant à petites journées, et ayant pour escorte ses gardes du corps, la gendarmerie d'élite et deux pièces de canon. A Carentan, les gardes nationales, levées en masse pour lui couper au besoin la route de la Bretagne, faisaient la haie, sur son passage, avec leurs cocardes tricolores. Le 45 septembre, les gardes du corps remirent au roi leurs étendards, et, le lendemain, le noble vieillard partit pour l'exil. Il s'était embarqué sur le Great Britain, sous la garde du capitaine Dumont d'Urville; sa suite était sur le Charles Carrol. Soixante matelots des classes avaient été embarqués sur chacun de ces navires américains; deux bâtiments de guerre servaient d'escorte, et en cas de révolte ils devaient, aux signaux de Dumont d'Urville, aborder, ou tirer à

couler bas le Great-Britain. Le 23, Charles X quitta le Great Britain et entra en Angleterre, où il devait mourir.

Le 3 août, pendant que les Parisiens marchaient sur Rambouillet, le duc d'Orléans ouvrit la session à titre de lieutenant général du royaume. Le 7 août, la chambre des députés vota une déclaration, rédigée par M. Bérard, d'après laquelle : << Par suite de la violation de la charte, le trône était vacant en fait et en droit; en raison du vœu et de l'intérêt du peuple français, le préambule de la charte serait supprimé, et tels et tels articles supprimés ou modifiés; le duc d'Orléans était appelé au trône, ainsi que ses descendants, à perpétuité et de måle en måle, avec le titre de roi des Français. »

Le duc d'Orléans, ayant accepté cette déclaration, prêta serment, le 9 août, au palais Bourbon, et fut proclamé roi des Français. Il jura << qu'il acceptait sans restriction et sans réserves les clauses et engagements de la déclaration des députés, et le titre de roi des Français. »

C'est ainsi que la France de 4830, en détruisant un trône, pour en rétablir un autre, revendiqua sa souveraineté à la face du monde. Quelle que soit la valeur des gouvernements divers que depuis lors elle s'est donnée, en redevenant en fait et en droit maîtresse d'elle-mème, en niant et en détruisant tout droit antérieur et supérieur au sien, elle créa un nouveau droit public qui a prévalu chez elle, et qui prévaudra dans le monde entier. Si cette révolution, faite pour la défense et non pour la violation des lois, coûta malheureusement à la France l'horreur de trois jours de guerre civile, cette fois du moins la guerre civile fut loyale et humaine des deux parts. Il n'y eut de vaincu qu'un principe qui se meurt, qu'un parti qui n'avait pas osé prendre part au combat, et la patrie est aussi fière des soldats qui succombèrent dans les trois jours, victimes du devoir militaire, que des citoyens dont les restes reposent sous la colonne de Juillet », monument qui conserve leurs noms et leur gloire.

LETTRES ET ARTS DE 1789 A 1830.

La liberté, à peine apparue au milieu des grands événements de l'année 1789, fit à l'instant jaillir de notre vieux sol gaulois, déjà chargé de tant de richesses accumulées par les siècles, des sources nouvelles destinées à couler de là pour féconder le monde. La première fut l'éloquence.

Voltaire l'avait bien dit : « L'éloquence sublime n'appartient qu'à la liberté. » Elle avait brillé dans le sein des républiques de l'antiquité; mais, en France, les rares discours prononcés de très en très loin dans les assemblées d'États généraux, ni les harangues officielles, ni celles des gens de robe, ni celles des gens d'église, ne pouvaient, avant 4789, avoir appris à connaître cette merveilleuse puissance de l'homme qui, par la hauteur

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