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des conventions qui annulaient, en réalité, les effets de l'ukase de 1821 (1). »

D'où il résulte que la Grande-Bretagne n'a jamais admis d'autre droit que les restrictions territoriales ordinaires dans la mer de Behring, que la Russie a pris vis-à-vis d'elle un engagement à perpétuité, comme le dit M. de Martens, annulant les effets de l'ukase de 1821, que de leur côté les États-Unis n'ont fait qu'acquérir ce qui était au pouvoir de la Russie d'accorder, et enfin que celle-ci ne pouvait accorder des droits. auxquels elle avait déjà renoncé, pas plus que les États-Unis ne pouvaient délier un engagement perpétuel de leur prédécesseur vis-à-vis de la Grande-Bretagne, si l'on envisage la question au point de vue plus restreint des termes précis du traité de 1825.

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Nous avons montré quel était l'état du débat au moment où la Grande-Bretagne et les États-Unis, ne pouvant arriver à un accord, convinrent de soumettre leur différend à un arbitrage. Les États-Unis n'avaient point à invoquer d'arguments sérieux basés sur le droit international, sur l'usage ou sur des traités, pour maintenir la position qu'ils avaient prise en capturant des navires qui se livraient paisiblement à la pêche en haute mer. La Grande-Bretagne avait cependant consenti à ce que, dans l'intérêt général, des mesures communes fussent prises pour la conservation de la vie des phoques à fourrure. C'est pourquoi le traité d'arbitrage déféra aux arbitres à nommer non seulement les questions relatives aux prétentions américaines sur la juridiction ou la propriété exclusive des phoques, ce qui est une idée ingénieuse de feu M. Wharton, développée dans la théorie de la contravention contra bonos mores, mais encore celles relatives aux règlements à décréter pour la conservation de la vie des phoques.

Voici le texte des cinq premiers points qui furent soumis aux arbitres:

1. Quelie juridiction exclusive dans la mer aujourd'hui connue sous le nom de mer de Behring et quels droits exclusifs sur les pêcheries de phoques dans cette mer la Russie a-t-elle affirmés et exercés avant et jusqu'à l'époque de la cession de l'Alaska aux États-Unis?

« 2. Jusqu'à quel point ces droits de juridiction en ce qui concerne les pêcheries de phoques ont-ils été reconnus et concédés par la GrandeBretagne?

(') Traduction de M. Léo, t. I, p. 465.

3. L'espace de mer aujourd'hui connu sous le nom de mer de Behring était-il compris dans l'expression océan Pacifique » telle qu'elle a été employée dans le texte du traité conclu en 1825 entre la Grande-Bretagne et la Russie, et quels droits, si droits il y avait, la Russie a-t-elle possédés et exclusivement exercés dans la mer de Behring après ledit traité?

4. Tous les droits de la Russie, en ce qui concerne la juridiction et les pêcheries de phoques dans la partie de la mer de Behring qui s'étend à l'est de la limite maritime déterminée par le traité du 30 mars 1867, entre les États-Unis et la Russie, ne sont-ils pas intégralement passés aux États-Unis en vertu de ce même traité?

5. Les États-Unis ont-ils quelque droit, et, en cas d'affirmative, quel droit ont-ils, soit à la protection, soit à la propriété des phoques à fourrure qui fréquentent les îles appartenant aux États-Unis dans la mer de Behring, quand ces phoques se trouvent en dehors de la limite ordinaire de 3 milles? »

La convention stipula en outre que :

Si la décision des questions qui précèdent, en ce qui concerne la juridiction exclusive des États-Unis, laisse les choses en tel état que le concours de la Grande-Bretagne soit nécessaire pour l'établissement de règlements en vue de la protection et de la préservation convenables des phoques à fourrure habitant ou fréquentant la mer de Behring, les arbitres auront alors à déterminer quels règlements communs sont nécessaires, en dehors des limites de la juridiction des gouvernements respectifs, et sur quelles eaux ces règlements devront s'appliquer.

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Afin de permettre au tribunal arbitral de se prononcer dans cette dernière alternative, le traité pourvut à l'institution d'une commission mixte, chargée de faire une enquête et un rapport à soumettre aux arbitres, si la nécessité s'en faisait sentir.

Sir George Baden-Powell K. C. M. G. et le D' G. M. Dawson, comme commissaires britanniques; M. le professeur T. C. Mendenhall et le D' C. H. Merrian, au nom des États-Unis, se rendirent à Alaska, chargés de cette mission; mais ils ne purent se mettre d'accord pour faire un rapport commun.

Finalement, le traité stipulait que les hautes parties contractantes, n'ayant pu se mettre d'accord quant à la question des dommages, remettaient la solution de cette question à des négociations ultérieures; mais on convint en même temps que chacune des parties pourrait

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soumettre aux arbitres n'importe quel point de fait y ayant trait. Les questions soumises à l'arbitrage se trouvèrent ainsi réparties en quatre groupes et furent présentées par le gouvernement britannique dans l'ordre suivant :

1o Les quatre questions citées ci-dessus; 2o la cinquième question citée ci-dessus; 3° la question de réglementation et 4° la question des dommages.

En même temps que le traité d'arbitrage, un autre traité fut signé à Washington, le 18 avril 1892; il avait pour objet la suspension de la pêche des phoques dans cette partie de la mer de Behring qui se trouve à l'est de la ligne de démarcation tracée par le traité de 1867 entre la Russie et les États-Unis. Par le même traité, les États-Unis consentaient de leur côté à interdire la destruction des phoques dans les îles Pribyloff dès que le nombre des animaux tués, dépasserait les 7,500 nécessaires à la subsistance des Indiens indigènes. Ce traité contient enfin la clause importante suivante, relative à l'un des points du traité d'arbitrage:

« ART. 5. Si le résultat de l'arbitrage est d'affirmer les droits des pêcheurs anglais à prendre des phoques dans la mer de Behring à l'intérieur des limites réclamées par les États-Unis en vertu de leur achat à la Russie, en ce cas, les États-Unis donneront une indemnité à l'Angleterre (en faveur de ses sujets) pour l'abstention de l'exercice de ce droit durant l'arbitrage, et cette indemnité sera calculée sur la base des produits d'une pêche régulière et limitée dans la mesure où, d'après l'opinion des arbitres, elle eût pu être pratiquée sans diminution indue des troupeaux de phoques; et, d'autre part, si le résultat de l'arbitrage est d'infir mer le droit des pêcheurs anglais à prendre des phoques dans lesdites eaux, dans ce cas, une indemnité sera due par la Grande-Bretagne aux ÉtatsUnis (pour eux-mêmes, leurs citoyens et leurs locataires) comme conséquence de la clause du traité qui réduit la capture des phoques à 7,500 têtes pour une saison, sur la base de la différence entre ce nombre et celui plus consdéirable qui, dans l'opinion des arbitres, aurait pu être pris sans diminution indue des troupeaux de phoques.

< L'indemnité ainsi fixée, s'il y a lieu, dans l'un ou l'autre cas, sera telle qu'elle soit en toute circonstance juste et équitable, et elle sera payée à bref délai. »

A l'égard de la composition même du tribunal, il fut arrêté que deux membres seraient désignés par chaque partie et trois par les pouvoirs

souverains de France, d'Italie et de Suède et Norvège; ainsi, le concours d'au moins un membre désigné par les parties était nécessaire pour former une majorité. En constituant le tribunal de cette manière, on avait pour but, d'un côté, de permettre à ses membres étrangers d'obtenir l'assistance de ceux qui pouvaient donner au tribunal des informations utiles, sans devoir s'adresser pour cela aux conseils des parties et sans devoir exposer ses délibérations à la connaissance du public; d'un autre côté, c'était à quelques égards une sauvegarde contre l'adoption d'une décision inacceptable pour les deux parties (1).

4. LA PROCÉDURE ET LES ARGUMENTS DEVANT LE TRIBUNAL ARBITRAL. La procédure devant le tribunal arbitral fut basée sur les précédents de l'arbitrage relatif à l'affaire de l'Alabama.

La réunion du tribunal fut précédée d'une discussion par écrit. Chaque partie prépara un mémoire (case) imprimé présentant les réponses qui devaient, à son avis, être données aux questions soumises à l'arbitrage. Ces mémoires furent suivis de mémoires en réponse (counter cases), répondant dans la même forme au mémoire de l'adversaire.

Le tribunal était ainsi pleinement préparé aux plaidoiries respectives des parties, dès avant l'ouverture des débats. Les cases et counter cases étaient suivies d'arguments résumant la discussion.

Concernant la forme de la sentence, il y avait un doute sur la question de savoir si les arbitres devaient se prononcer sur la première alternative soumise à leur décision, avant que la seconde fût discutée, ou s'il était entendu que tout l'ensemble de la discussion serait épuisé avant que le tribunal procédât à la rédaction de sa sentence et qu'il n'y eût qu'un seul jugement pour toutes les questions.

Le conseil des États-Unis soutint que cette dernière méthode était celle qui avait été convenue, et les conseils anglais n'insistèrent que faiblement en faveur de la première.

Conformément à la façon de voir américaine, il fut décidé que le tri

(') La cour était composée de lord Hannen et sir J. Thompson (Grande-Bretagne); le juge Harlan et le sénateur Morgan (États-Unis); le baron de Courcel (France); le marquis de Visconti Venosta (Italie) et le conseiller Gram (Suède et Norvège). L'agent britannique était l'honorable C.-H. Tupper, et l'agent pour les États-Unis, l'ex-secrétaire d'État Foster. Les conseils de la Grande-Bretagne étaient sir Charles Russell Q. C., sir Richard Webster Q. C., et M. M. Box, pour le gouvernement de Sa Majesté, et M. Christopher Robinson Q. C., pour le Canada. A ces conseils étaient adjoints M. R.-P. Maxwell, M. Ashley Froude et M. J. Pope. Les conseils américains étaient M. Carter, M. Phelps, M. Coudert et M. Blodgett.

bunal ne prendrait pas de décision avant que tous les éléments de l'affaire eussent été exposés et discutés par les deux parties. Cette procédure nous semble ne pas avoir été visée par le traité, mais il se comprend que le tribunal, ainsi que les conseils des deux parties, aient trouvé convenable de l'adopter. Le traité dit : « Si la détermination des points ci-dessus concernant la juridiction exclusive des États-Unis laisse l'affaire en tel état que le concours de la Grande-Bretagne soit nécessaire pour l'établissement de règles en vue de la protection et de la préservation des phoques à fourrures fréquentant habituellement la mer de Behring, alors les arbitres détermineront quelles règles concordantes doivent être appliquées en dehors des limites de juridiction des gouvernements respectifs, etc. » Plus loin, le traité stipule la désignation d'une commission mixte pour rechercher tous les faits ayant rapport à l'existence des phoques à fourrure dans la mer de Behring et les mesures nécessaires pour leur protection et conservation, ajoutant que les rapports en question ne seront pas rendus publics jusqu'à ce que... il soit certain que l'éventualité qu'ils puissent être employés par les arbitres ne puisse plus se présenter », ce qui ne pouvait se produire que dans le cas où une décision serait déjà intervenue en faveur des États-Unis. En fait, les commissaires ne donnèrent aucun avis collectif; il n'y eut donc aucune proposition commune à exposer devant les arbitres dans cette alternative.

Cette matière est de quelque intérêt, les arbitres ayant omis dans leur jugement le mot alors, que nous avons souligné ci-dessus.

Il nous paraît douteux que les arbitres, même avec le concours des conseils des parties, soient autorisés à un degré quelconque à altérer les termes précis du traité d'arbitrage dont ils tiennent leurs pouvoirs et qui est la charte définissant les limites et les conditions de leur mission. Toute dérogation à ce traité sort de leurs attributions et manque de la base légale sur laquelle doit repo:er leur jugement. Un traité d'arbitrage est un contrat, et les arbitres n'ont de juridiction et de devoirs que ceux dont les parties sont convenues de les investir. Quand un traité a été négocié, signé et ratifié, un changement ne peut y être évidemment apporté régulièrement que suivant la procédure fournie par les constitutions nationales pour les négociations des traités et dans la forme obligatoire pour les hautes parties contractantes.

Le conseil des États-Unis ouvrit la discussion devant le tribunal en sa qualité de représentant de la partie plaignante.

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