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extrémité méridionale et qu'un étroit chenal à l'extrémité septentrionale, appelé le détroit de Behring, met la mer de ce nom en communication avec l'océan Arctique. Dans la mer de Behring se trouvent deux îles, appelées Saint-Paul et Saint-Georges ou iles Pribyloff, qui, à certains moments de l'année, sont fréquentées par des multitudes de phoques.

A d'autres saisons de l'année, on trouve les phoques dans une région` qui s'étend jusqu'à 3,000 milles au sud de ces îles. Les îles sont affermées par les États-Unis à une société commerciale qui paye au gouvernement américain une grosse redevance locative, tout en se soumettant à l'obligation de ne pas tuer plus de 100,000 animaux par an. Le nombre des peaux prises par la compagnie fermière est fixée à cette limite, tandis que le nombre des peaux que prennent en mer les pêcheurs canadiens et américains, dont les opérations non contrôlées ont fait l'objet du dissentiment, est d'environ 25,000 l'an.

L'ouvrage de Scid more sur l'Alaska (p. 314) nous apprend que, depuis la date du bail (1870) jusqu'en mars 1884, la société a payé aux ÉtatsUnis 4,662,026 dollars. Comme les États-Unis ont consacré 7,200,000 dollars à l'acquisition du territoire, ce bail seul a rapporté donc annuellement au gouvernement des États-Unis environ 4 p. c. du capital immobilisé. Il en résulte que le trésor des États-Unis possède un important intérêt pécuniaire dans la prospérité de la société fermière.

La destination et le parcours des phoques dans leur pérégrination vers le nord et vers le sud étant connus, l'entreprise de la pêche des phoques a pris, comme nous venons de le voir, un sérieux développement en dehors du monopole de la société fermière, et nombre de bateaux canadiens non moins qu'américains sont employés à la capture de ces animaux, le long de leur passage. Comme la société fermière a un intérêt sérieux en jeu, dans lequel le gouvernement des ÉtatsUnis est du reste gros bénéficiaire, il y a lieu de supposer qu'elle poursuit son industrie sans perdre de vue les mesures exigées pour la reproduction des phoques. Au contraire, des aventuriers qui ne poursuivent pas une exploitation méthodique sont vraisemblablement indifférents aux conséquences de leurs tueries, et s'ils avaient été autorisés à continuer une chasse effrénée, ils auraient sans doute fini par détourner les phoques de leur route et de leur destination traditionnelle, privant ainsi la compagnie américaine du bénéfice des mesures qu'elle avait si sagement prises pour attirer l'animal vers ses repaires habituels. Le gouvernement des États-Unis conçut la crainte que le phoque, dans

l'océan Pacifique du Nord, ne finît même par être exterminé, comme il l'a été dans la mer Antarctique, faute de précautions convenables.

Ceux qui ont suivi le débat et qui ont lu les gros livres bleus qui ont été publiés successivement sur la question, peuvent se souvenir des péripéties de la controverse qui naquit à ce sujet. Le grand public, dont l'attention a été absorbée par tant d'autres sujets importants dans le cours de ces deux ou trois dernières années, peut avoir oublié aujourd'hui les événements de 1886. Les journaux furent à ce moment remplis de cette nouvelle alarmante que les cutters douaniers des États-Unis dans la mer de Behring, agissant bien en dehors des limites de la mer territoriale, avaient commis un flagrant attentat au droit des gens. Sans avis préalable, le gouvernement des États-Unis avait saisi les schooners anglais Carolina, Onward et Thornton à une distance de plus de soixante milles des terres, alors qu'ils chassaient régulièrement le phoque dans la haute mer. Les patrons et équipages de ces navires furent traduits devant la cour de district des États-Unis, à Sitka, et furent condamnés à une amende considérable en même temps qu'à des peines d'emprisonnement.

Aussitôt informé de ces captures, sir L.-S. Sackville-West, le ministre britannique à Washington, fit sur-le-champ une enquête et, suivant les instructions de son gouvernement, il rédigea, le 21 octobre 1886, une protestation formelle.

M. Bayard, secrétaire d'État des États-Unis, écrivit le 3 février 1887 à sir L.-S. Sackville-West, l'informant que les navires étaient relâchés ainsi que les personnes arrêtées, et ajoutant que cet ordre avait été donné

sans qu'il en résultât aucune conclusion quant aux questions qui pourraient être impliquées dans ces cas de saisie ». Les personnes arrêtées furent relâchées dans des circonstances rigoureuses, laissées sans ressources à des centaines de milles de leurs domiciles.

Le 12 avril 1887, M. Bayard écrivit que des règles et des instructions allaient être rédigées pour les vaisseaux du gouvernement, et qu'il se mettrait aussitôt que possible en rapport à ce sujet avec sir L. SackvilleWest; mais, sans qu'aucune communication de cette nature fût faite, de nouvelles saisies eurent lieu en juillet et août 1887, et une nouvelle protestation fut adressée au gouvernement des États-Unis par celui de la Grande-Bretagne.

Aucune saisie ne fut effectuée en 1888, bien que durant cette année les navires britanniques continuèrent à pratiquer la pêche du phoque dans la mer de Behring.

En 1889, cinq navires britanniques furent saisis, et trois autres furent expulsés d'autorité hors des eaux de la mer de Behring.

En 1890, aucune saisie n'eut lieu, quoique la pêche du phoque continuât. On se souviendra qu'à ce moment le litige fut porté devant la cour suprême des État Unis par les propriétaires de l'un des navires saisis, mais que la saisie fut confirmée par les juges des États-Unis.

Divers arguments furent successivement mis en avant par les ÉtatsUnis pour justifier leurs procédés.

M, Blaine commença par soutenir que les bateaux canadiens avaient été arrêtés pour le motif qu'ils se trouvaient engagés dans une poursuite contra bonos mores (1).

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(1) De l'avis du président, écrivait-il, les bateaux canadiens, arrêtés et détenus « dans la mer de Behring, étaient engagés dans une poursuite qui est en elle-même « contra bonos mores, poursuite qui implique nécessairement un préjudice sérieux et permanent aux droits du gouvernement et du peuple des États-Unis. Pour établir cette manière de voir, il n'y a pas lieu de discuter la question de l'étendue et de la « souveraineté de ce gouvernement sur les eaux de la mer de Behring; il n'y a pas lieu d'expliquer et certainement pas de définir les pouvoirs et privilèges octroyés par S. M. I. l'Empereur de Russie, dans le traité en vertu duquel le territoire d'Alaska « fut transféré aux États-Unis. On peut assurément laisser de côté les considérations sérieuses qui découlent de l'acquisition de ce territoire, avec tous les droits sur terre « et sur mer qui y sont inséparablement rattachés, du moment que l'on expose les motifs « sur lesquels ce gouvernement appuie sa justification de l'action dont se plaint le gouvernement de Sa Majesté Britannique.

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« Suivant la manière de voir de ce gouvernement, la loi de la mer n'est pas l'absence « de loi. La loi de la mer et la liberté qu'elle confère et qu'elle protège ne peuvent pas davantage être dénaturées au point de légitimer des actes qui sont immoraux par « eux-mêmes, qui tendent inévitablement à des résultals contre les intérêts et contre le « bien-être de l'humanité. Un pas de plus dans la voie où le gouvernement de Sa Majesté « s'est engagé au sujet de ce litige, et cette piraterie se trouve justifiée. Le président << ne peut concevoir qu'il soit possible que le gouvernement de Sa Majesté puisse, en effet, être moins sensible à ces résultats néfastes que le gouvernement des Etats-Unis lui-même. Mais il espère que le gouvernement de Sa Majesté, après cette franche façon d'exprimer notre manière de voir, comprendra avec d'autant plus de bonne « volonté la situation du gouvernement des Etats-Unis relativement à cette grave question.

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« Ce gouvernement s'est montré prêt à faire beaucoup de concessions afin d'apaiser << tous dissentiments et il a, dans l'opinion du président, déjà proposé une solution non - seulement équitable, mais généreuse; jusqu'ici, le gouvernement de Sa Majesté a « décliné d'accepter la proposition des États-Unis. Le président attend actuellement « avec un vif intérêt, non exempt de préoccupations, quelque projet de conciliation - raisonnable que le gouvernement de Sa Majesté croirait devoir soumettre. La « résistance forcée à laquelle ce gouvernement-ci est astreint dans la mer de Behring s'impose, de l'avis du président, non seulement par la nécessité de défendre les droits

Cependant, on ne persista pas dans cette thèse et le gouvernement des États-Unis s'est placé promptement et franchement sur le terrain des droits que les États-Unis avaient acquis de la Russie et de l'étendue de ceux que possédaient la Grande-Bretagne dans la mer de Behring avant la cession. Les livres bleus britanniques sont remplis de controverses sur lesquelles s'est accumulée la poussière de soixante-dix années, depuis que la Russie a rendu son ukase du 16 septembre 1821, qui fit l'objet d'une si chaude opposition. Pour comprendre l'attitude des États-Unis dans cette affaire, nous devons voir sur quoi la Russie portait alors ses revendications, quelle fut l'attitude que la Grande-Bretagne prit à ce moment dans l'affaire et ce qui s'en est suivi avec le temps, jusqu'à ce jour.

Les articles de l'ukase qui importent à la question sont conçus comme suit :

◄ 1. Il est permis aux sujets russes de trafiquer, de pêcher la baleine et autres poissons et d'exercer toute autre espèce d'industrie dans les îles, ports, et dans le golfe en général, le long des côtes nord-ouest d'Amérique, à partir du détroit de Behring jusqu'au 51° degré de latitude nord, comme aussi le long des îles Aléoutiennes et sur la côte est de la Sibérie et des îles Kurile, c'est-à-dire depuis le détroit de Behringjusqu'au cap situé au sud de l'île d'Urup, savoir jusque 45° 41' latitude nord.

« 2. En conséquence, il est interdit à tous bateaux étrangers d'aborder aux établissements russes mentionnés au paragraphe qui précède et de les approcher endéans 100 milles italiens. »

Le chevalier de Polética, ministre de Russie à Washington, dans les négociations qui suivirent la protestation faite par les États-Unis contre ce décret, exposa que la Russie aurait, de par le droit de première « des États-Unis, traditionnellement et anciennement établis, mais aussi les droits des "bonnes mœurs et d'une bonne administration dans le monde entier. »

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(M. Blaine à sir J. Pauncefote, le 22 janvier 1890.)

Il y a lieu de remarquer à cette place que les États-Unis ont pris jadis une attitude toute contraire par rapport à la traite des noirs, qui est, personne ne le contestera, tout autant contra bonos mores que la chasse aux phoques, avec ou sans discernement. M. Cass, en effet, écrivait le 25 janvier 1859 « que le président, quoique vivement opposé à la traite des noirs en Afrique, et décidé, en conséquence, à donner libre - cxécution aux lois des États-Unis pour obtenir sa suppression, ne peut, en ce faisant, " s'adonner à un principe ou consentir à un procédé qu'il croit incompatible avec cette grande immunité des navires marchands en pleine mer, en temps de paix, pour laquelle ce gouvernement a toujours lutté, et dans le maintien de laquelle le commerce du monde a si grand intérêt ».

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découverte, celui de première occupation, celui de possession paisible et incontestée pendant plus d'un demi-siècle, en qualité de souveraine de toute la ligne de la côte, des deux côtés de l'étendue de la mer en question, et par la fermeture pratique de celle-ci au moyen des îles Aléoutiennes, le droit de considérer ladite étendue de mer comme mare clausum. Le gouvernement russe, toutefois, ne voulait pas, dit-il, insister sur ce droit. Suivant le principe que le droit le plus étendu comprend le moindre, son gouvernement avait simplement interdit, sous certaines peines, à tous bateaux étrangers, d'approcher de la côte russe endéans 100 milles italiens, et ce dans le but de protéger une charte accordée à une société commerciale russe.

M. J.-Q. Adams répondit à cette prétention autoritaire du gouvernement russe par une reductio ad absurdum.

En ce qui concerne, dit-il, cette insinuation du gouvernement russe qu'il aurait pu justifier l'exercice de la souveraineté sur l'océan Paci« fique (1) comme sur une mer fermée, parce qu'il revendique un territoire <tant sur les côtes américaines qu'asiatiques, il suffit de faire observer « que la distance d'une côte à l'autre sur cette mer en latitude 51 degrés nord, n'est pas moindre de 90 degrés longitude, soit de 4,000 milles (2)

Quant à la prétention effectivement mise en avant par la Russie, M. Adams répondait : « Les prétentions du gouvernement impérial << s'étendent sur une juridiction territoriale exclusive depuis le 45° degré de latitude nord sur la côte asiatique à la latitude 51 degrés nord sur la côte occidentale du continent américain, et il se prévaut du • droit d'interdire le navigation et la pêcherie de toutes autres nations sur une étendue de 100 milles de toute la côte. Les États-Unis ne < peuvent admettre aucune partie de ces prétentions. >

La question traina en longueur pendant deux ans, la Russie n'insistant pas en pratique sur sa revendication et étant toute prête à négocier, ainsi qu'il semble résulter de ce que le représentant des États-Unis écrivait qu'il trouvait Nesselrode aussi bien disposé à traiter avec nous que jamais ». Finalement une convention fut conclue, le 15-17 avril 1824, laquelle stipulait que les citoyens et sujets respectifs des hautes puissances contractantes ne pourront être ni molestés ni

(1) Notez les mots en italiques qui figurent dans ce caractère dans le texte original. (2) J.-Q. Adams au chevalier Polética, 30 mars 1822. Documents d'État britanniques et étrangers, vol. IX.

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