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Les événemens du 18 Brumaire avaient relevé les courages; mais les efprits flottaient toujours dans l'incertitude. Les départemens de l'Ouest étaient en proie à la guerre civile. Par tout des adminiftrations faibles, incertaines, fans unité de principes; fans uniformité de mefures; point d'énergie dans le commandement, point de ponctualité dans l'exécution, une police impuiffante, des tribunaux fans activité, le défordre dans les caiffes publiques; des réquifitions qui fatiguaient les citoyens et dévoraient nos revenus; le commerce et les manufactures dans la ftagnation; les armées de l'Autriche, du haut des Apennins et des Alpes, menaçant la Ligurie et la France; les pavillons neutres bannis de toutes les mers par la terreur de nos fois; l'Amérique qui nous devait fon indépendance, armée contre la nôtre; l'Efpagne, la Batavie, l'Helvétie, la Ligurie, toujours fidelles à notre alliance, mais attendant avec une douloureufe inquiétude ce que l'avenir prononcerait fur notre fort et fur le leur."

Ce fut dans ces circonttances, et fous fes aufpices, que com mença l'an 8. La paix était le premier befoin et le vœu le plus ardent de la nation; la paix fut auffi la première penfée du gouvernement. Deux lettres écrites par le Premier Conful à l'Empereur d'Allemagne et au Roi d'Angleterre, leur exprimèrent fans faibleffe, mais fans detour, le vœu des Français et celui de l'humanité.

Ce veu fut repouffé par les miniftres de l'Autriche et de la Grande Bretagne. Le cabinet de Vienne mêla quelques efpérances à l'adreffe de fes refus. Le cabinet de Londres mis l'amertume et les reproches dans fa correfpondance, et bientôt les déclamations et les injures dans des difcuffions publiques auxquelles il livra les ouvertures qui avaient été faites par la France.

Cet éclat, ces déclamations et ces injures, fervirent mal la haine et les projets du ministère Britannique. Les Français virent dans la démarche de leur premier magiftrat, le désir fincère de la paix; ils s'indignèrent contre l'ennemi qui, la repouffait, et fentirent qu'ils ne devaient plus l'attendre que de leurs efforts et de leur courage. De là le principe de cette énergie qui a fait nos derniers fuccès et nos dernières victoires; de là, peut-être, dans le cœur des Anglais un fentiment de juftice pour un peuple qui, après tant d'exploits et de gloire, n'afpirait qu'à la paix, et dans le cœur des autres nations, un retour de bienveillance pour la cause de notre indépendance et de notre liberté.

Cependant la rebellion de l'Oueft était étouffée. Chaque jour fe fortifient dans ces départemens, l'attachement à la république, le refpect pour nos inftitutions et la haine pour nos ennemis. L'établiffement d'une gendarmerie à pied achevera de les purger d'un refte de brigands accoutumés au pillage, et couverts de crimes que l'amnifte n'a pu pardonner.

VOL. X.

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Dans

Dans ces départemens comme dans tous les autres, l'influence des autorités créées par la conftitution, a été marquée par des améliorations progreflives. Un pouvoir concentré, une refponfabilité individuelle et par là inévitable, impriment aux affaires publiques et particulières un mouvement plus rapide, et ramenent peu-à-peu l'économie dans l'adminiftration. La furveillance eft plus active, les informations et plus promptes et plus sûres. Le citoyen fent mieux les bienfaits de l'autorité qui protége, et la force de l'autorité qui contient et réprime.

Dans les départemens du Midi, les délits font encore multipliés et fouvent atroces; mais là comme ailleurs, ils font dus à des fcélérats que la gendarmerie pourfuit de contrée en contrée, et que bientôt elle aura tous atteints.

Dans toute la république il exifte encore quelques hommes qui regrettent le paffé, quelques confciences faibles qu'un refte de fanatifme tourmente; mais chaque jour les regrets diminuent, le fanatifme s'amortit, et les fentimens fe rapprochent.

Les adminiftrateurs ont été choifis pour le peuple, et non pour l'intérêt de telle faction, de tel parti. Le gouvernement n'a point demandé ce qu'un homme avait fait, ce qu'il avait dit dans telle circonstance et à telle époque: il a demandé s'il avait des vertus et des talens, s'il était inacceffible à la haine, à la vengeance; s'il faurait être toujours impartial et jufte.

Avant le 4 Nivôfe, c'était le gouvernement qui prononçait fur les réclamations des citoyens infcrits fur la lifte des émigrés; et il prononçait fur un fimple rapport du miniftre de la police générale: ainfi fe décidaient des queftions qui intéreffaient la tranquillité de l'état, le fort des perfonnes et des propriétés.

Pour éclairer fa marche, le gouvernement voulut connaître les lois fur l'émigration, ce que c'était que la lifte des émigrés, com. ment et par qui elle avait été formée, et quels en étaient les élé

mens.

Il reconnut que dans chaque municipalité on avait dreffé des liftes des citoyens abfens de la commune où ils avaient foit propriété, soit domicile; que de ces liftes partielles, réunies en neuf volumes, c'était formé ce qu'on appelle aujourd'hui la lifte des émigrés; que des citoyens infcrits comme abfens ou émigrés dans une commune, étaient, à la même époque, fonctionnaires publics dans une autre ; que des cultivateurs, des artifans, des hommes à gages, étaient confondus avec des hommes que des préjugés de nailfance et des intérêts de priviléges fignalaient comme des ennemis de la révolution; que des infcriptions collectives et indéterminées frappaient des familles entières, et des familles inconnues à ceux qui avaient fait l'infcription.

Il fe convainquit donc qu'il n'existait point de véritable liste d'émigrés, et qu'il fallait en former une, en féparant ceux qui n'auraient jamais dû être infcrits, de ceux que leur position,

leurs

leurs préjugés et des circonftances connues, dénonçaient comme de véritables émigrés. De là les bafes et les difpofitions de l'arrêté du 28 Vendémiaire. Un projet de loi fera propofé, pour donner une garantie de plus aux acquéreurs de domaines na-tionaux.

Un travail important va être terminé; celui que, depuis dix années, appelle la légiflation. Dans cette feffion même, le code civil, un code de procédure, feront propofés à la détermination du Corps Légiflatif'; d'autres objets moins importans feront matière de lois dont les élémens font déjà préparés.

L'inftruction publique, négligée encore dans bien des départemens, a pris dans d'autres une meilleure direction et une plus grande activité.

De nouveaux prytanées ont été ouverts aux enfans de ceux qui font morts pour la patrie.

Si les hofpices et les hôpitaux font encore dans la détreffe, un arrêté leur affure du moins le paiement d'une partie de ce qui leureft dû en capitaux de rentes, dont le rachat fut autorisé par une loi rendue dans la dernière feffion.

Des mefures ont été prifes pour vérifier le nombre des enfans. de la patrie, exceffivement accru dans ces derniers tems: pour remédier au mal moral qui les multiplie, et pour fecourir leurs befoins.

Quelques manufactures qui appartiennent à la nation, et qui honorent l'induftrie Françaife, fortent de la langueur où nos malheurs les avaient plongées. La peinture, la fculpture, ont obtenu des encouragemens, et vont tranfmettre à la poftérité les traits et les actions des héros qui ont combattu pour notre indépendance et pour notre gloire.

Les monumens des arts font confervés, et offerts à l'admiration publique, dans des dépôts dignes de les renfermer,

Les routes font prefque par tout dans un état alarmant de dégradation; mais l'adminiftration a fait tout ce qu'elle pouvait avec les faibles moyens qui lui étaient confiés. Le droit d'entretien des routes a reçu quelques modifications que follicitaient la juftice et l'intérêt public.

La perception de ce droit, féparée de l'obligation d'entrenir les routes mêmes, a été affermée; et la rentrée en eft affurée par des cautionnemens qui ne feront plus vains et illufoires, comme ils l'ont été dans les années dernières.

L'emploi des produits, beaucoup trop faible, eft déterminé, pour chaque département, dans la proportion de fes befoins.

La furveillance devient tous les jours plus active; la comptabilité s'éclaire et fe perfectionne.

Le gouvernement a porté fes vues fur la navigation intérieure et fur les canaux. Ce ne font point de vaftes projets qu'il a con çus; ce n'eft point encore un grand enfemble de navigation qu'il

va créer. Terminer les travaux commencés, les terminer fur les points qui intéreffent le plus la circulation intérieure et le commerce de la France; voilà tout ce qu'il peut promettre aujourd'hui; et tout ce que les circonftances lui permettent d'entreprendre. Moins de projets et plus d'exécution; telle eft la maxime fondamentale de fon administration.

Les finances ont été un des objets conftans de fa furveillance et de fon inquiétude. Bafe première et appui néceffaire de tous les projets qui peuvent être formés pour le bonheur et pour la gloire des états, le gouvernement a dû s'appliquer à en connaître tous les élémens, et à fonder toutes les caufes qui peuvent en opérer la reftauration ou la ruine.

Ce n'était pas feulement les fonds qui manquaient à la république au 4 Nivôfe de l'an 8; c'était l'activité dans la répartition et dans l'affiette des contributions directes; la régularité dans les perceptions, la furveillance dans les verfemens, une comptabilité lumineufe dans le tréfor public, une diftribution bien entendue dans les différens canaux de la dépenfe.

Au 4 Nivôfe, les rôles de l'an 8 n'étaient point encore formés, et ils ne pouvaient être en recouvrement qu'au mois de Germinal.

Des porteurs de délégations, autorifés à puifer directement dans les caiffes des receveurs et de leurs prépofés, achetaient, par la corruption, des fonds qui n'y étaient pas encore, ou qui devaient être réfervés à la république. Des bons de réquifition, des bons d'arrérages de rentes, étaient admis dans le paiement des contributions directes; et c'était des receveurs, des prépofés, des percepteurs, qui trafiquaient de ces valeurs dépréciées, et les échangeaient dans leurs caiffes contre des valeurs réelles qu'ils avaient reçues des payeurs diffimulaient les verfemens qui leur avaient été faits, pour arracher aux parties prenantes l'efcompte des avances qu'ils ne faisaient pas.

Ainfi, le tréfor public ne connaiffait ni les fonds qui avaient été reçus, ni les fonds qui avaient été verfés dans les départemens. Delà, des diftributions incertaines et des affignations illufoires; cependant les miniftres ordonnançaiens tout, et le directoire autorifait tout: de là, le difcrédit public; et fur la place, des négo ciations fcandaleufes des ordonnances avilies.

Depuis le 4 Nivôfe, l'époque de la répartition et de l'affiette des contributions a été fixée avec précifion; et cette année, pour la première fois, les rôles de prefque tous les départemens ont été en recouvrement dans le courant de Vendémiaire.

Les caiffés publiques ont été fermées aux délégataires; mais cinquante-deux millions de délégations ont été rapidement retirés par des opérations qui n'ont coûté au tréfor public ni emprunt ni intérêts, et lui ont procuré quelques avances de fonds effectifs. Ces délégations, le gouvernement aurait pu, avec quel

que

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que couleur de juftice, en difcuter la légitimité. Elles avaient été remises à des fourniffeurs, avant même qu'ils euffent commencé leur fervice; et il était bien vraisemblable que ce fervice n'avait été ni complètement fait par tous, ni fait par aucun avec une parfaite loyauté.

Mais ces délégations avaient été négociées fous les yeux et de l'aveu de l'ancien gouvernement; elles n'étaient plus dans la main de ceux qui avaient contracté. C'étaient des lettres de change dont les porteurs actuels avaient fourni la valeur; et l'on ne pouvait fans bleffer la foi publique, fans mettre un honteux obftacle au retour du crédit, en différer ou en atténuer le paie

ment.

Les bons de réquifition ont été fouftraits à l'agiotage, et doivent prefque tous être déjà rentrés par le paiement des contributions; et dans l'an 9, il n'y aura plus de bons d'arrérages dans la circulation. Le créancier de l'état recevra en numéraire tout ce qui lui eft dû, et le tréfor public ne recevra plus que des valeurs. réelles.

Une partie des contributions directes de l'an 8, celle qu'on a pu préfumer qui ne ferait pas abforbée par les bons de réquifition et par les bons d'arrérages, a été verfée à l'avance dans le tréfor public, en obligation de receveur; et ces obligations qui ont, dans une caiffe de garantie, un gage certain de leur acquittement, font aujourd'hui la valeur la plus folide que l'état et le commerce puiffent offrir.

Les contributions directes de l'an 9 font déjà dans le portefeuille de la trésorerie, en obligations d'une égale folidité. Les recettes fucceffives des contributions indirectes ou cafuelles y font représentées en bons de receveurs, payables à vue.

Une fomme fixe de ces obligations et de ces bons eft affignée à la dépense de chaque mois, et il n'eft jamais délivré d'ordonnances qu'à la mesure des fommes qui font réellement préfentes dans les caiffes. Ainfi les ordonnances ne font plus le jouet de la place; il n'y a plus de mécompte dans les diftributions, plus d'illufion dans les promeffes de paiemens, et l'attente des parties prenantes n'eft plus trompée.

Le tréfor public a reçu une organisation nouvelle; une furveillance active en éclaire toutes les parties; la comptabilité arriérée marche dégagée de fes entraves; la comptabilité courante eft, pour ainfi-dire, à jour.

Chaque mois le miniftre des finances et le directeur du tréfor public mettent fous les yeux du gouvernement, des états de fituation qui repréfentent fidellement tout ce qui a été reçu, tout ce qui a été payé, ce qui l'a été fur les ordonnances de chaque ministre, La collection de ces états à la fin de chaque année, donnera le compte de toute la recette, de toute la dépenfe acquittée, et de chaque nature de dépenfe.

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