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nier a-t-il agi par fanatisme chrétien ou, comme le dit M. Bouché-Leclercq, en « précurseur de ses compatriotes les Vandales? » Cela est inadmissible pour bien des raisons. Stilicon, homme de guerre et de gouvernement, voulut simplement faire disparaître une littérature stupide, devenue une source de découragement et d'inquiétude. Il ne fit, en somme, que suivre les exemples donnés par Auguste et par Tibère, qui ordonnèrent de rechercher et de détruire, comme constituant un danger pour l'État, des recueils dits sibyllins qui circulaient au re siècle dans le public. Ne peut-on pas, dès lors, considérer comme vraisemblable que la prophétie de Vettius, colportée et versifiée en Orient dès le 1 siècle. avant notre ère, avait trouvé place, plus ou moins voilée, dans le nouveau recueil des vers sibyllins?

A la lumière des réflexions qui précèdent, un passage célèbre de Tacite peut recevoir une signification plus précise dont il ne semble pas que les commentateurs se soient avisés. Parlant des guerres civiles qui ont fait périr des milliers de Germains, l'historien s'écrie: « Puissent ces nations continuer, sinon à nous aimer, du moins à se haïr entre elles! En présence des destins menaçants de l'Empire, la fortune ne peut nous donner rien de plus heureux que les discordes de nos ennemis!» (Quando urgentibus (?) imperii fatis nihil jam praestare fortuna majus potest quam hostium discordiam3). Doederlein lisait inurgentibus et traduisait: Jetzt wo Roms Weltherrschaft ihrem Ende naht. Cela parut tout à fait absurde à Baumstark « Comment Tacite aurait-il pu dire pareille chose? Pour qui écrivait-il donc? Il était trop bon Romain. pour exprimer une pareille pensée, même si elle lui était venue, et il n'aurait pas trouvé de public pour écouter de si folles prophéties ». Ces arguments sont puérils. Le texte offre une certaine difficulté, car in, devant urgentibus, manque dans le meilleur manuscrit; deux manuscrits ont

1) Évidemment, Stilicon ne fit pas connaître les motifs de sa décision, ce qui explique la colère de Rutilius,

2) Tacite, Germ., 33.

vergentibus; deux autres, parmi les meilleurs, ont urgentibus jam, ce qui accentuerait encore la menace qu'il est impossible de méconnaître dans ces lignes. Le mot qui convient le mieux est vergentibus; c'est la lecture que j'adopterais si j'avais à publier la Germanie'. Quand je lus le présent mémoire à l'Académie des Inscriptions, M. Louis Havet me fit observer que si la vie de l'Empire était comparée par Tacite à celle d'un homme et fixée à 1200 ans, le moment où il écrivait correspondait à l'âge de 70 ans, qui marque le commencement de la décrépitude'. Cela est parfaitement exact. Tacite écrivait en 98, au milieu des succès de Trajan; évidemment, ce n'est pas une crainte momentanée qui l'inspire, mais il sait que la vieillesse de l'Empire commence et, devinant d'où vient le péril, il fait des vœux pour que les discordes des Germains permettent de l'écarter, de « doubler le cap » du XIII° siècle, comme on avait heureusement passé, suivant la remarque de Vettius, l'échéance de la cent vingtième année.

A moins donc de vouloir, avec Baumstark, enlever tout sel à ce passage', il faut admettre que Tacite fait ici allusion à une idée qui devait être familière à ses lecteurs et les troubler parfois dans leur confiance. Je crois que cette idée n'est autre que celle de la durée limitée à douze siècles de l'Empire et que Tacite, en écrivant ces lignes, songeait, lui aussi, à la prophétie des douze vautours'.

Salomon REINACH.

1) Cf. vergentibus annis in senium (Lucain, Pharsale, I, 129).

:

2) Il suffit de résoudre la règle de trois 100: 1200 x 850 (de Rome), d'où x 70.

3) Baumstark ose traduire : der römischen Herrschaft Geschichte geht unaufhaltsam ihren Gang!

4) Dion Cassius (LVII, 18) parle d'une prophétie dite sibylline qui courait sous Tibère et qui prédisait la ruine de Rome, par suite d'une guerre civile, en l'an 900 de la ville, c'est-à-dire vers 148 ap. J.-C. Il est peu probable que Tacite y fasse allusion; remarquons, toutefois, que Cicéron déjà (Pro Rabirio, 12) pensait que les dissensions intestines mettraient fin à la puissance romaine. D'autre prédictions pseudo-sibyllines fixaient la ruine de l'Empire sous Néron, sous Titus, sous Domitien, en 948 de Rome (195 ap. J.-C.), en l'an 305 de l'ère chrétienne (Alexandre, op. laud., t. II, 2, p. 485-6); enfin, quelques païens annonçaient la ruine du christianisme pour l'an 365 (ibid., p. 188).

BULLETIN CRITIQUE

DES RELIGIONS DE L'ÉGYPTE

1905

(Suite et fin1.)

CULTE DES ANIMAUX. Je ne peux songer à faire ici l'analyse du travail publié dans cette revue par AMÉLINEAU 2 sur le Rôle des serpents dans les croyances religieuses de l'Égypte. Je voudrais cependant faire quelques réserves au sujet des données de ce travail. On aura remarqué certainement, sans que j'aie besoin d'y insister, combien l'auteur s'est fait du totémisme une idée inexacte qui lui fait constamment employer le mot totem à propos de phénomènes qui n'ont rien à faire avec le totémisme ou qui peuvent parfaitement s'expliquer sans recourir à cette forme religieuse. Il y a longtemps qu'on a remarqué la fréquence du culte des serpents en Afrique et A. Réville dans son livre sur Les Religions des peuples non civilisés, I, p. 65, attire expressément l'attention sur ce point; le récent travail de Weissenborn, analysé plus loin est tout à fait concluant à cet égard.

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Un point de l'étude d'Amélineau doit être spécialement relevé à la page 350 nons lisons: Lorsque Clément d'Alexandrie raconte que, si l'on demande à un prêtre égyptien de montrer le dieu qui réside dans le naos du temple,

1) Voir t. LIII, p. 307 à 358.

2) Amélineau, du Rôle des Serpents dans les croyances religieuses de l'Égypte, dans la Revue de l'Histoire des Religions, LI, 1905, pp. 335-360 et LII, 1905, Pp. 1-32.

au fond du sanctuaire, il répondra en ouvrant la porte du naos et en montrant un serpent ou quelque autre animal; assurément, il ne comprend pas ce dont il parle [pourquoi?!] mais il exprime toutefois une chose qui n'est pas matériellement fausse... Certes si le renseignement qu'il nous donne était le seul connu, peut-être pourrait-on à la rigueur en suspecter l'origine, quoiqu'il concorde avec d'autres données purement égyptiennes; mais il n'est pas le seul, et nous allons voir affirmer par des textes égyptiens' une croyance correspondante dans des inscriptions qui relatent l'initiation d'un roi et d'une reine au culte de Ra ».

Voyons maintenant les textes utilisés :

Le premier est emprunté à la stèle de Pianki (lignes 103105). Le roi éthiopien Piankhi entre en vainqueur à Héliopolis et fait acte de roi en allant visiter le sanctuaire du dieu Ra. Il ouvre les portes du naos, voit l'emblème de Ra et les barques sacrées, puis il pose son sceau sur la porte, en disant aux prêtres : « Que personne des rois confédérés (qui se partageaient l'Égypte avant la conquête) n'entre dans le

«

sanctuaire ». Amélineau continue la traduction : « Ils se mirent sur leur ventre par devant sa Majesté en disant : « Il est fermement posé; qu'il ne soit pas rompu (le sceau de') l'éper<< vier qui aime Héliopolis». « Ici, dit l'auteur, le texte égyptien est aussi général que le renseignement de Clément d'Alexandrie, et la chose est si vraie, que M. Jacques de Rougé a mis une note en cet endroit pour dire que sans doute on montra à Piankhi un épervier renfermé dans le naos; mais on pourrait tout aussi bien croire que l'on montra un serpent, car l'épervier dans le naos n'aurait pas survécu longtemps à son incarcération, tandis qu'un serpent aurait pu vivre très longtemps ». Voici ce que porte en réalité le texte Les prêtres répondent à l'ordre du roi par une phrase qui exprime leur adhésion et s'écrient : « Qu'il soit ferme,

:

1) Je souligne moi-même ces mots.

2) Le texte ne présente ici aucune lacune. 3, Je souligne moi-même.

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qu'il prospère, qu'il ne soit pas détruit l'Horus qui aime Héliopolis »; en résumé: « Vive le roi ». L'Horus est un titre du roi et de Rougé n'a jamais traduit autrement : «< à jamais, qu'il soit inébranlable, l'Horus aimé d'Héliopolis (Revue archéologique, 1869, p. 11 du tiré à part), « qu'il ne soit pas diminué l'Horus qui aime Héliopolis» (Chrestomathie, p. 61). Dans la même inscription (p. 34 de la Chrestomathie) les femmes du harem d'un roi assiégé viennent prier la femme de Piankhi d'intercéder en leur faveur auprès du conquérant éthiopien et elles s'expriment de la manière suivante: «< Apaisez l'Horus, seigneur du palais »> (Amélineau supposerait-il ici qu'il s'agit d'un serpent?). Amélineau traduit donc inexactement, malgré l'autorité de Rougé, afin d'appuyer sa thèse. Quand il nous dit « qu'en cet endroit >> J. de Rougé parle d'un épervier, cela n'est pas tout à fait exact c'est plus haut, à propos de la phrase : « il monta les degrés vers la grande salle du sanctuaire pour voir Ra dans Hat-benben » que de Rougé ajoute << probablement sous la forme de l'épervier sacré », Amélineau aurait dû savoir que le temple d'Abousir reproduit sans doute l'aspect du sanctuaire de Ra à Héliopolis. Un article de Wiedemann dans l'Orientalistische Litteraturzeitung, VI, 1903, colonnes 49-50, dit à propos de ce texte de Piankhi : « Dass die Gestalt der Incorporation des Ra, welche hier neben der Barken nur als Gottheit erscheint, durch einen Obelisken, bez. eine Pyramide, oder eine Mastaba-Obelisken gebildet wurde, ist eine bekannte Thatsache ».

:

Amélineau cite ensuite « un second exemple du même fait d'initiation datant de la XVIII dynastie. Il s'agit d'une représentation du tombeau de Huya à Tell el Amarna. Amenophis IV et sa mère visitent un temple : l'inscription nous apprend que le roi « amena sa royale mère Thii afin qu'elle vit son ombre de Ra». L'ombre de Ra est le nom d'une partie du temple du dieu Aten'. Amélineau, se basant sur le texte de

1) Davies, the Rock Tombs of El Amarna, I, p. 51; II, 26, III; p. 8 et 19-25. Voir par exemple le titre : « chanteurs et musiciens de la cour du sanctuaire

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