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Luc aurait écrit deux fois le livre des Actes. Il l'aurait dédié, chaque fois, à Théophile. La première édition se trouverait dans le manuscrit D regardé comme primitif, comme plus vivant et plus concret. Cette édition (toujours suivant Belser), aurait été faite surtout pour les coreligionnaires romains de Luc. La deuxième édition se trouverait dans la grande masse des manuscrits des Actes, notamment dans B qui est le meilleur, et elle aurait été envoyée, cette fois, à Théophile, à Antioche. Écrite dans un grec plus pur, elle serait par endroits moins claire, à cause des remaniements.

M. Belser après avoir développé cette théorie, à la suite de Blass, cherche à l'établir par un examen qui s'étend, en quatre chapitres, à travers tout le livre des Actes.

Tout ceci est du roman. On ne voit pas Luc écrivant deux fois son livre dans des styles différents, le dédiant au même personnage, mais le destinant à des milieux différents.

L'existence du manuscrit D s'explique assez comme témoin d'un temps et d'une façon de transcrire qui s'attachait moins à l'exactitude littérale qu'à la reproduction essentielle des idées et des faits.

Et il est fort inexact que B et la masse des manuscrits des Actes donnent un texte altéré par rapport à D. Notamment à la page 135 Belser reconnaît le caractère primitif et nécessaire d'un passage important de B.

- un

Tel quel, le travail de Belser est - du moins sur ce point particulier témoignagne intéressant du développement et de la liberté croissante des études critiques chez les théologiens catholiques.

JEAN MONNIER

ADALBERT MERX. Die vier kanonischen Evangelien nach ihrem ältesten bekannten Texte. II, 2. Die Evangelien des Markus und Lucas. Berlin, Reimer, 1905, 1 vol. gr. in-8° de x et 515 16 m.

p.

Prix :

J'ai déjà signalé aux lecteurs de la Revue les deux premiers volumes de cet ouvrage. Je ne pourrais que répéter ici ce que j'ai déjà dit sur l'importance capitale de ce commentaire du texte syriaque sinaïtique des évangiles pour la reconstitution de leur teneur primitive. Il est possible que M. Merx s'exagère parfois l'autorité de ce texte et surtout des inductions qu'il fonde sur lui, Mais il ne prétend pas faire œuvre définitive. Ses observations sont sujettes à discussion. L'essentiel, c'est que sa comparaison des divers textes syriaques et spécialement du Sinaïtique avec les textes des anciennes versions orientales et spécialement avec les représentants des plus anciens textes latins, nous permet de retrouver dans bien des cas des lectures antérieures à celles des manuscrits grecs qui passaient jusqu'à présent pour les plus autorisés. Il a ouvert ainsi une phase toute nouvelle de l'étude critique des évangiles et, alors

même qu'il y aurait à prendre et à laisser dans son argumentation, il n'en reste pas moins que sur beaucoup de points il éclaire d'un jour nouveau ces textes capitaux et que sur beaucoup d'autres il soulève des questions qui ne peuvent plus être étouffées sous de simples considérations générales.

Dans la préface M. Merx se défend contre quelques-unes des attaques dont il a été l'objet. Il explique, en particulier, pourquoi il n'a pas tenu plus largement compte du texte du Diatessaron de Tatien. Son principal motif, c'est que ce texte du Diatessaron, tel qu'on peut le reconstituer, n'est à chaque instant rien moins que sûr et que, d'ailleurs, nous ne savons pas exactement dans quelles conditions il a vu le jour. M. Merx n'a pas voulu compliquer une enquête déjà suffisamment embrouillée, en y introduisant des éléments de valeur fort problématique. Il n'est même pas certain que Tatien ait composé son Harmonie des évangiles directement en syriaque. Le témoignage d'Eusèbe semble comporter plutôt une rédaction première en grec; le syriaque ne serait alors qu'une traduction, faite sous la direction de Tatien lui-même ou par un autre que lui. M. Merx en appelle ici aux travaux de son confrère anglais, M. Burkitt, qui a montré dans son Evangelion da-Mepharreshe (Cambridge, 1904, II, p. 186 et suiv., p. 191 et 196) que les évangiles syriaques séparés étaient connus des commentateurs par lesquels nous connaissons le Diatessaron, que le texte grec sur lequel ont été traduits les évangiles séparés n'était pas le même que celui qui a servi pour le Diatessaron et que les deux versions n'emploient pas les mêmes termes syriaques pour rendre certaines expressions grecques caractéristiques. Il se croit donc autorisé à user des textes syriaques du Sinaï et de Cureton sans se préoccuper du Diatessaron, quitte à user de celui-ci lorsqu'on sera parvenu à en avoir une connaissance plus précise.

M. Merx n'a pas borné son commentaire à la critique littéraire. Il y a de grands morceaux destinés à corriger, d'après les indications textuelles qu'il croit pouvoir rétablir, certaines notions courantes sur l'enseignement de Jésus et sur l'histoire évangélique, p. ex. pour montrer que Jésus n'a pas prétendu être le Messie ou bien que le nom de Pierre a été introduit ultérieurement dans le texte des évangiles, ou bien pour justifier les deux coupes du récit de la Cène chez Luc par une longue dissertation sur les usages de la Pâque juive à l'époque de Jésus. Peut-être eùt-il été préférable de réserver ces dissertations pour un ouvrage spécial et de se borner ici à la pure critique du texte. Cela aurait allégé l'ouvrage actuel et soustrait l'auteur à l'accusation de se laisser guider mainte fois par des considérations d'ordre théologique dans un débat qui a tout à gagner à rester sur le terrain de la critique textuelle. Le péché, s'il y en a un, est véniel, puisque chacun peut contrôler les assertions de l'auteur.

L'abondance de ces digressions a donné une telle extension au commentaire sur Marc et Luc, qu'il a failu renvoyer à un quatrième volume (1, 3) celui sur l'Évangile de Jean. M. Merx promet de joindre à ce volume un index détaillé dont le besoin se fait grandement sentir. L'ouvrage, en effet, est rédigé sous

forme de notes jointes à la traduction du texte du Syrsin (Syriacus Sinaïticus), en sorte qu'il n'est pas facile de retrouver les divers passages où les questions importantes ont été traitées.

Entre les p. 512 et 513 il y a deux planches représentant des tombeaux de Jérusalem.

Avant de terminer cette notice je me fais un devoir de remercier M. Merx pour le beau travail qu'il accomplit. M. Nestle (Theologische Literaturzeitung, 20 janvier 1906) lui a reproché avec raison un certain nombre de négligences dénotant une révision trop rapide des épreuves. L'auteur lui-même en a fait l'aveu dans sa préface. Mais qu'est-ce que ces peccadilles en comparaison de l'immense apport d'érudition paléographique et philologique fourni par une œuvre aussi considérable! Je ne me représente pas que l'on puisse désormais expliquer les Évangiles sans avoir constamment sous la main l'ouvrage de M. Merx.

JEAN RÉVILLE.

PIERRE BATIFFOL.

Études d'histoire et de théologie positive. Deuxième série: L'Eucharistie, la présence réelle et la transsubstantiation. Paris, Lecoffre, 1905; 1 vol. in-12 de 388 p. Prix : 3 fr. 50.

Dans la première série des Études d'histoire et de théologie positive, dont nous avons rendu compte en son temps, M. Pierre Batiffol, recteur de l'Institut catholique de Toulouse, avait étudié : La discipline de l'arcane, Les origines de la pénitence, La hiérarchie primitive et l'Agape. De l'Agape à la Cène la transition est aisée. Le présent volume est tout entier consacré à l'Eucharistie. Nous y retrouvons la même méthode, la même clarté, le même sens aiguisé des exigences de la critique historique moderne et, à un plus haut degré encore, l'idée directrice qui préside à ces Études, à savoir que les institutions de la primitive Église, tout en n'étant pas encore celles de l'Église arrivée à son plein développement, renferment néanmoins en germe tout ce que l'Église en a dégagé plus tard. C'est cette préoccupation, latente ou exprimée, mais toujours sensible pour le lecteur expérimenté, qui donne à ces études d'allure exclusivement historique un caractère théologique. L'auteur lui-même nous en avertit dans le titre : Études d'histoire et de théologie positive, deux termes dont l'accouplement paraît étrange, puisque la première condition de l'histoire est d'être indépendante de la théologie « positive. »

Il est superflu de dire que M. Batiffol opère avec une parfaite connaissance des textes et qu'il est au courant des travaux récents sur l'Eucharistie. A peine y en a-t-il quelques-uns qu'il passe sous silence et, parmi ceux-là, nous avons regretté de trouver l'un des rares ouvrages en français su le sujet, celui du professeur Lobstein sur la Sainte-Cène, d'autant plus que sur beaucoup de points les opinions de M. Batiffol se rapprochent de celles du professeur de l'Université de Strasbourg.

L'auteur a divisé son étude en cinq parties: 1o L'Eucharistie dans le Nouveau Testament (en y comprenant la Didaché et les Épitres d'Ignace); 2o Le réalisme au second siècle (Justin, Irénée, Abercius, les gnostiques); 3° Premières théories du réalisme (Alexandrins et Orientaux jusqu'à saint Athanase et saint Cyrille de Jérusalem; Africains, y compris saint Augustin); 4. Élaboration de la notion de conversion, soit chez les Grecs, soit en Occident (par conversion il faut entendre la transformation des espèces en corps du Verbe); 5o Conversion et transsubstantiation (conversion et monophysisme chez les Grecs; saint Ambroise contre saint Augustin chez les Latins).

M. Batiffol résume lui-même en maint endroit les résultats des divers paragraphes de son enquête. Pour ce qui concerne la doctrine de l'apôtre Paul, il dit, p. 20 elle fait de l'Eucharistie l'institution même du Christ; elle procure la xovovix au corps et au sang immolés sur la croix, en une manière que saint Paul ne définit pas. En ce qui concerne les évangiles, il se prononce en faveur de l'interprétation qui refuse à la Cène tout caractère pascal et, non sans faire violence aux textes des synoptiques, il tend à y voir un kiddusch, c.-à-d. le repas familial célébré par les Juifs le vendredi soir ou à la veille des grandes fêtes (p. 44 et suiv.), mais un kiddûsch d'une nature spéciale, où Jésus fonde une institution, que l'Église de son premier mouvement a saisie dans le sens réaliste et par laquelle il scelle une alliance nouvelle des siens et de Dieu (p. 5255). Or une alliance implique un sacrifice, quoique le mot ne soit pas prononcé (p. 56). C'est ici que la théologie positive rejoint l'histoire.

M. Batiffol ne veut pas entendre parler d'interprétation symbolique (Weizsäcker, Jülicher, Holtzmann) ni d'influence exercée par les idées helléniques sur la communion avec les dieux par un repas mystique (Percy Gardner, Heitmüller). Il y a cependant deux courants bien marqués dans les textes anciens, l'un qui permet une interprétation réaliste sans l'imposer, et l'autre qui l'exclut absolument. Il me paraît difficile, dans ces conditions, d'accepter l'interprétation réaliste proposée par M. Batiffol, et dont son livre même nous a permis de relire la lente élaboration à travers plus de dix siècles. Les questions soulevées par les textes primitifs sont extrêmement délicates; mais s'il y a une chose qui apparaisse nettement, c'est qu'il faut, pour essayer de les résoudre, se placer au point de vue et dans la mentalité des anciens chrétiens, soit juifs, soit grecs, et non pas au point de vue de la théologie qui a été construite sur ces textes beaucoup plus tard par des gens dont la mentalité et les préoccupations étaient toutes différentes.

M. Batiffol garde toujours le ton de l'historien, mais il me semble parfois se débarrasser trop aisément des thèses qui ne lui conviennent pas. Il est vrai que, s'il les avait toutes discutées à fond, il n'aurait pas pu offrir à ses lecteurs l'élégant et substantiel récit dans lequel il expose l'évolution dogmatique de dix siècles sur la question, essentielle pour un catholique, de la messe. Curieuse histoire où l'on voit l'Église, la masse des simples, toujours plus portée à matérialiser ce que ses grands théologiens spiritualistes ont cherché à saisir

dans le sens de l'union et de la communion mystiques; puis, lorsque la conception matérialiste a définitivement triomphé dans l'Église catholique occidentale, cette même Église s'efforçant, par l'organe de ses représentants les plus distingués, de réintroduire dans l'interprétation du dogme la valeur mystique dont elle n'a pas su se contenter jadis ! Cette seconde partie de l'évolution, M. Batiffol ne l'expose pas; mais son livre contribue à la justifier en montrant pendant combien de temps la chrétienté s'est passée d'une conception réaliste clairement élaborée.

JEAN REVILLE.

G. DIETTRICH.

Ein apparatus criticus zur Pesitto zum Propheten Jesaia. Giessen, Töpelmann; 1005, pp. xxxш-222.

Nous manquons encore d'une édition critique de la version syriaque de l'Ancien Testament connue sous le nom de Peshittha, qui est en quelque sorte la Vulgate des Églises syriennes, aussi bien des Jacobites monophysites que des Nestoriens: indice évident que la recension actuelle est antérieure aux grandes luttes christologiques du ve siècle, et à la séparation des deux Églises. Une telle édition permettrait peut-être de résoudre quelques problèmes encore en discussion parmi les Orientalistes, par exemple quels sont les livres traduits par un même auteur, ou dans quelle mesure la version des Septante a été mise à contribution à côté de l'hébreu qui servait de base aux traducteurs, etc. Mais une édition semblable s'étendant à tous les livres de l'A. T. exigerait plus que la vie d'un homme et il y a peu de chances de la voir entreprendre, encore moins de la voir menée à bonne fin, tant que le travail n'aura pas été préparé et le terrain déblayé par des monographies, si je puis ainsi parler.

L'exemple a été donné par M. Barnes, qui a publié en 1897 un Apparatus criticus des deux livres des Chroniques. Le travail de M. Diettrich conçu sur le même plan n'est pas moins méritoire. L'auteur a comparé les cinq éditions du texte syriaque (Paris, 1645; Londres, Walton, 1657, Lee, 1823; Urmia, 1852; Mossoul, 1888), onze mss. nestoriens et dix-sept mss. jacobites; les citations d'Aphraat, de S. Éphrem et les scholies de Bar Hébréus ; l'hébreu, le Targum et les Septante. A la vérité, si l'on laisse de côté les variantes purement orthographiques et si l'on retranche celles qui sont dues à des fautes évidentes d'impression dans les éditions ou de copiste dans les mss., le nombre des leçons qui méritent d'être retenues est peu considérable: ce qui s'explique facilement par les soins qu'apportaient les copistes à transcrire les textes bibliques. Mais M. D., a tout noté, il a eu raison. Dans son introduction, il a groupé et réuni les principales divergences, et les leçons propres à chaque ms. Il est intéressant de constater que les écrits des Pères (S. Ephrem, en particulier) ont fourni un certain nombre de variantes qui s'écartent de la leçon uniforme des éditions et de tous les ms.

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