Slike strani
PDF
ePub
[blocks in formation]

ANNALES DU MUSÉE GUIMET

6765

REVUE

DB

L'HISTOIRE DES RELIGIONS

PUBLIEK SOUS LA DIRECTION DE

M. JEAN RÉVILLE

AVEC LE CONCOURS DE

MM. E. AMÉLINEAU, A. BARTH, R. BASSET, A. BOUCHÉ-LECLERCQ, J.-B.
CHABOT, E. CHAVANNES, E. de FAYE, G. FOUCART, A. FOUCHER, COMTE
GOBLET D'ALVIELLA, I. GOLDZIHER, L. LÉGER, ISRAEL LÉVI, SYLVAIN
LÉVI, G. MASPERO, ED. MONTET, P. OLTRAMARE, F. PICAVEt, c. pie-
PENBRING, ALBERT RÉVILLE, M. REVON, J. TOUTAIN, ETC.

Secrétaire de la Rédaction: M. PAUL ALPHANDÉRY.

VINGT-SEPTIÈME ANNÉE

TOME CINQUANTE-QUATRIÈME

PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
28, RUE BONAPARTE (Vie)

1906

UNE PRÉDICTION ACCOMPLIE

Le petit livre de Censorinus De die natali, adressé en l'an 238 au riche Romain Quintus Caerellius, nous a conservé un curieux passage du livre XVIII des Antiquités de Varron. Ce savant disait avoir connu à Rome un augure fort estimé, du nom de Vettius, qui lui tint un jour le propos suivant : « Si ce que rapportent les historiens est vrai, au sujet des augures pris par Romulus lors de la fondation de Rome et des douze vautours, puisque le peuple romain a traversé sain et sauf une période de cent vingt ans, il atteindra une vieillesse de douze cents années». Le nombre de 120 ans est le produit de 12 par 10; Vettius voulait donc dire que les douze vautours de Romulus indiquaient un chiffre d'années qui devait être un multiple de 12 par 10 ou par 100. L'expérience ayant démontré que le multiple ne pouvait être 10, puisque le peuple romain avait dépassé l'âge de 120 ans, il fallait admettre que le multiple était 100 et, par suite, qu'il s'agissait d'une durée de douze siècles promise à Rome.

Les douze vautours font allusion à la tradition connue d'après laquelle Romulus, observant le ciel sur le Palatin, tandis que Remus faisait de même sur l'Aventin, aperçut, au lever du jour, douze vautours, alors que Remus, aux premières lueurs de l'aurore, n'en vit que six. Ces douze vau

1) Censorinus, De die natali, éd. Jahn, p. 51 (chap. 17): Quot autem saecula urbi Romae debeantur, dicere meum non est sed, quid apud Varronem legerim, non tacebo, qui libro Antiquitatum duodevicesimo ait fuisse Vettium Romae in augurio non ignobilem, ingenio magno, cuivis dccto in disceptando parem, eum se audisse dicentem: Si ita esset, ut tradiderunt historici, de Romuli urbis condendae auguriis ac duodecim vulturibus, quoniam CXX annos incolumis praeterisset populus romanus, ad mille et ducentos perventurum.

165034

tours, suivant l'interprétation de Vettius, signifiaient que la vie du peuple romain devait se prolonger pendant douze siècles; le contexte prouve qu'il s'agit bien, en l'espèce, de siècles évalués à cent ans'.

Tite Live, au début de son Histoire, fait observer que plus de 700 ans se sont déjà écoulés depuis la fondation de Rome et il ajoute que le peuple romain est en pleine décadence, dans une décadence sans remède'. C'est donc que la vieillesse a commencé, après la jeunesse, l'adolescence et l'âge mûr; Rome est plus proche de sa fin que de ses débuts. Cette doctrine, bien que vague, concorde avec celle qu'exposait à Varron l'augure Vettius.

Florus, écrivant vers la fin du règne de Trajan, compare aussi la vie de l'Empire romain à celle d'un individu qui a son enfance, son adolescence, sa virilité et sa vieillesse. L'enfance de Rome, suivant lui, a duré 250 ans ; son adolescence, 250 ans aussi, que Rome employa à soumettre l'Italie; la virilité occupa ensuite 200 ans, jusqu'à la pacification du monde sous Auguste; puis commença une décadence de 150 ans et, contre toute espérance, un reverdissement de la vieillesse sous Trajan. Florus paraît assigner à l'Empire une durée d'environ dix siècles, puisqu'il distingue quatre âges dans sa vie et attribue 250 ans aux deux premiers; mais ce qu'il dit du renouveau de l'Empire sous Trajan exclut toute possibilité de calcul précis.

On trouve plusieurs fois la trace de la supputation de Vettius au cours du dernier siècle de l'Empire, à l'approche de l'échéance fatale. Après la victoire de Stilicon sur Alaric à Pollentia, en 403, Claudien composa son beau poème sur la guerre gétique. Il y décrit, en termes saisissants, les terreurs.

1) Censorin., chap. 17 : Civile Romanorum saeculum centum annis transigitur. Cf. Plat., De Rep., X, 614 b, où il est dit que la vie normale de l'homme est de cent ans : τοῦτο δ ̓ εἶναι κατὰ ἑκατονταετηρίδα ἑκάστην, ὡς βίου ὄντος τοσούτου τοῦ ἀνθρωπίνου.

2) Tit. Liv., I: Ire coeperint praecipites, donec ad haec tempora, quibus nec vitia nostra nec remedia pati possumus, perventum est.

« PrejšnjaNaprej »