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adressé à Mangou Khân, et dont nous avons publié ci-dessus la traduction (p cxxxII). Ce fait, qui est pour nous démontré, nous explique la nature et la forme d'une grande partie de son livre, et comment Marc Pol, en sa qualité de Commissaire impérial de Khoubilaï-Khaân», a pu recueillir la multitude incroyable de renseignements de toute nature qu'il nous? donne sur presque toutes les populations de l'Asie.

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Ces «Rapports», adressés à Khoubilaï-Khaân, qui en était si avide (voiri le CHAP. XV, p. 23), ont dû former une partie des matériaux sur lesquels Marc Pol fit rédiger son livre. Cette curiosité ardente des Khans mongols sortis, la veille de leur désert de la Tartarie, et ayant devant eux tout uni monde nouveau dont la renommée de civilisation et de richesses était de! nature à exciter leur convoitise ; cette, curiosité, disons-nous, devait être impérieuse chez eux; aussi attirèrent-ils à leur cour tous les étrangers qui, par leurs, talents, leurs connaissances et leurs lumières, pouvaient leur ser.!! vir à conquérir ce monde civilisé dont ils avaient été jusqu'alors exclus.

Mais voyez quelle foree inconnue semble agir sur certaines races et peser sur leur destinée! Ces Mongols, que Dchinghis-Khaan avait conduits à la conquête du monde; qui s'étaient emparé, dans la première moitié du treizième siècle, de presque tous les États de l'Asie, et avaient réduit la Russie à la simple république de Nowgorod; ces Mongols, disons-nous, après avoir conquis la plus grande puissance, matérielle qui ait jamais dominé sur le monde, sont redevenus, un siècle ou deux après, les sujets de ceux-là mêmes qu'ils avaient vaincus, et ont repris leur ancienne vie de tribus pastorales, n'ayant conservé de leur ancienne et formidable puissance que quelques souvenirs historiques passés à l'état de légendes, et chantés dans les ïourtes ou huttes du désert (1). Et si les Mandchous actuels étaient un jour

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chassés de la Chine comme l'ont été les Mongols, il est probable' qu'ils re deviendraient aussi, comme ces derniers, des pasteurs de troupeaux dispersés dans les steppes de la Tartarie, tant la vie libre et errante des déserts a de charmes pour ces races qui les ont habités depuis des milliers de siècles, et qui se sont pour ainsi dire identifiées avec eux. Après avoir goûté des fruits' séduisants mais souvent amers de notre civilisation, et s'en être enivrés en quelque sorte avec furie, ces hommes retournent à leurs déserts, n'emportant souvent rien de cette civilisation tant vantée que le regret 'de l'avoir connue! A l'extrémité d'un autre continent, l'Arabe des déserts de l'Afri que, dont les ancêtres avaient aussi conquis de vastes territoires et constitué de grands empires comprenant l'Espagne, presque toute l'Afrique, l'Égypte, la Syrie, la Mesopotamie, l'Arménie, la Géorgie, la Perse, le Khoraçân, le Kirman, toute la vallée de l'Indus, le Caboul, l'ancienne Bac triane, la Soghdiane jusqu'au-delà du laxartes; ces Arabes, disons-nous, '; sont aussi rentrés dans leurs déserts comme les Mongols, et ont repris avec joie la vie errante de leurs premiers ancêtres ! Et nous ne pouvons pas même aujourd'hui les attirer à notre civilisation dont nous sommes si fiers, et leur faire accepter nos chaînes. N'y a-t-il pas, dans ces grands faits histo- › riques, quelques mystères qui n'ont pas encore été sondés, et qui méritent, à plus d'un titre, d'attirer l'attention des philosophes, des législateurs et des historiens ? mg, 35 mm

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Ce furent les chrétiens nestoriens, venus de la Mésopotamie, et répan-! dus depuis longtemps en Mongolie, parmi les tribus des Kéraïtes, dont·' Ouang-khan (si connu au moyen age sous le nom de Prestre Jehan) était le chef, et celle, moins considérable, dont les ancêtres de Témoutchin (Dehinghis-Khaân) étaient aussi les chefs (1), mais relevant de Ouang-khan; ce furent des chrétiens nestoriens, disons-nous, qui inspirèrent aux Mongols de sortir de leurs déserts pour faire la conquête des riches contrées de l'Asie, par les notions qu'ils donnèrent à leurs chefs de la beauté et des richesses de ces contrées où ils avaient leur siége principal; comme les sectateurs de la religion de Mahomet avaient précédement inspiré aux

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ments traduits précédemment. Cette petite carte historique, avec la traduction des documents en question, pourra donner une idée des connaissances que les Chinois possèdent sur l'histoire de l'Asie occidentale à laquelle ils se sont trouvés mêlés.

Enfin, nous n'avons rien négligé de tout ce qui était en 'notre pouvoir pour élever à Marc Pol, avec le concours bienveillant et vraiment généreux de nos éditeurs, MM. Didot (qui nous ont laissé entièrement libre de donner à notre publication toute l'étendue et tous les développements que nous jugerions convenables), un monument qui réponde aux intentions du célèbre voyageur et à celles de cette noble France, comme il l'appelait en lui adressant son Livre, dont il avait choisi la langue de préférence à toute autre pour le rédiger, et qui lui devait bien ce témoignage de gratitude; car, si Marc Pol est Italien par son origine, il est Français par adoption. Et peut-être le travail, qu'après plus de cinq cents ans nous venons de lui consacrer au nom de la France, quoique n'ayant été favorisé par les encouragements d'aucun pouvoir, et publié sous les auspices d'aucun corps savant, n'en est-il pas moins digne de tous deux.

Quoi qu'il en soit, le mobile désintéressé qui nous a toujours soutenu, depuis de longues années, ne nous a pas fait défaut dans l'accomplissement de cette dernière et difficile tâche; car, en la poursuivant, hous nous sommes rappelé souvent ces belles paroles de la vieille sagesse indienné :

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Sarvadravyêchou vidyuiva dravyam áhour anouttamam ;

Aháryatvád anarghyatvád akchayatvátch-tcha sarvadá. »

« De toutes les choses de ce monde, la science, disent les sages, est la chose la plus éminente:

« Parce qu'elle ne peut être ni enlevée (à celui qui la possède), ni achetée (comme une marchandise), et qu'elle est impérissable. » (Hitopades'a ; Préface, slóka 4.)

Paris, 31 décembre 1864.

G. PAUTHIER.

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De la copie donnée par Marc Pol à Thiébault de Cépoy (1)

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Vees cy' le livre que Monseigneur Thiebault, chevalier, Seigneur de Cepoy (2), que Dieux abssoille 2, requist que il en eust la coppie a Sire Marc Pol, bourgois et habitans, en la cite de Venise., Et ledit Sire Marc Pol, commé treshonnourable et bien accoustumé en plu→ seurs regions et bien morigene 3; et lui, desirans que ce qu'il avoit veu fust scen par l'univers monde, et pour l'onneur et reverences de tresexcellent et puissant prince Monseigneur Charles, filz du Roy de France, et Conte de Valois, bailla et donna, au dessus dit Seigneur de Cepoy, la premiere coppie (3) de son dit livre puis 5 qu'il l'eut fait ; et moult, lui estoit agreables quant par si preudomme 6 estoit anunciez et portez es nobles parties de France (4). De laquelle cop

'1 Voici, du verbe veoir et cy, = Vous voyez ici. 2 Cette formule, imitée des écrivains orientaux, prouve que cette Préface fut écrite après la mort du sire de Cépoy, et, sans doute, placée en tête des premières Copies qui furent données par son fils, comme il est dit ci-après.—3 Bien instruit des mœurs et coutumes. 4 Respect, du latin reverentia.

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5 Depuis. — 6 Homme expérimenté et sage. « Je vourroie avoir le nom de preudòmme (disoit saint Louis, Joinville, édit. Didot, p. 9), mes que je le fusse... car preudomme est si grant chose, que neis (mème) au nommer, emplist i la bouche. 7 Annoncé et porté. d'y étudier la véritable situation des contrées dont ils auraient à faire bientôt la conquêté!' ' 1. « Le Sire de Cepoy se rendit d'abord à Venise. Il y était en 1305, comme le prouvent des actes authentiques, etc. »

(1) 'Cette préface', d'une grande importance historique, ne se trouve, à notre connaissance, que dans le ms. de la Bibliothèque impériale de Paris (Fonds FR. 5649), et dans celui de Berne, décrit par Sinner (Catalogus Codicum manuscriptorum Bibliothecæ Bernensis, t. II, p. 455, Berne, 1770). Voir, au sujet de cette même Préface, l'Introduction qui précède.

(2) «< Charles de Valois, dit M. Paulin Paris (Recherches sur les premières rédactions du Voyage de Marco Polo), marié à l'impératrice titulaire de Constantinople, pensait à faire valoir les droits que Catherine de Courtenay (sa femme) venait de lui transmettre... Il avait donc chargé un de ses confidents les plus habiles, Messire Thibaud de Cepoy, de visiter l'Orient, et

(3) Voir l'Introduction sur ce fait important.

(4) Ces expressions montrent quel prix Marc Pol, revenu depuis quelques années du fond de l'Asie, attachait à ce que son livre fût connu et répandu en France. C'est ainsi que Brunetto Latini, le maître de Dante, et l'Anglais Jean de Mandeville presque contemporain de Marc Pol, choisirent la langue française': 'le' premier pour écrire son curieux Trésor; et, le second, la Relation de son voyage dans les contrées de l'Asie.

pie, que ledit Messire Thiebault, Sire de Cepoy, ei dessus nomme;, apporta en France, Messire Ichan, qui fust son ainsnez 8 filz, et qui est Sires de Cepoy, apres son deces, bailla la premiere coppie de ce livre qui oncques fut faite (5) puis 9 que il fut apporte ou Royaume de France, a son treschier et tresredoubte Seigneur, Monseigneur de Valois. Et depuis en a il donne coppie a ses amys qui l'en ont requis (6). Et fu, celle coppie, baillee dudit Sire Marc Pol audit Seigneur de Cepoy, quant il ala en Venise pour Monseigneur de Valois, et pour Madame l'Empereris 10 sa fame (7), vicaire general pour eulx deux en toutes les parties de l'Empire de Constantinoble (8).

Ce fut fait l'an de l'incarnacion nostre Seigneur Ihesu Crist mil trois cent et sept, ou mois d'aoust.

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est suivie de ces mots : «<

Cy devise des grans merveilles qui sont en la terre d'Ynde.

« CY COMMENCE LE LIVRE du grant Kaan de Cathay qui devise des grans merveilles qui sont en la terre d'Ynde. » Puis vient la Table des Chapitres, et ensuite le Texte.

Dans le Ms. de Berne, provenant de Bongars, la Préface ci-dessus est placée à la fin du livre de Marc Pol.

(7) On lit dans les Chroniques de France, publiées par M. Paulin Paris (col. 1115): « En <«<icest an (1301) Charles de Valois, quant sa premiere femme fu morte, prist, apres, la se«< conde : c'est assavoir Katherine, fille Phelippe «Baudouin, jadis Empereur de Grece, essilié

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(exilé) et débouté; à laquelle Katherine atou«choit le droit de l'Empire de Constantinople. »

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(6) Les seules Copies connues sont 1° deux Copies conservées aujourd'hui à la Bibliothèque impériale de Paris, et qui, toutes deux, ont appartenu à Jehan, Duc de Berry, dont elles portoient la mention écrite de sa main, et aujourd'hui effacée Ce livre est au Duc de Berry. (Signé) Jehan, avec son paraphe bien connu. Ce sont celles que nous avons suivies dans notre édition et que nous avons cotées A et B. Ni l'une ni l'autre de ces Copies ne contient la Préface que (8) Ou lit dans l'Abrégé chronologique de l'Hisnous donnons ici. Les deux autres Copies, qui toire de France, du président Hénault (an. 1301)!: contiennent cette Préface, d'une orthographe «Charles de Valois, offensé du refus de Philippe plus moderne et moins complètes de quelques le Bel, de tenir la promesse que, lui, avait faite au chapitres à la fin, sont : 1o le ms. précédemment comte de Flandre et à ses deux fils, se retire en cité, que nous avons coté C; et 20 celui de la Italie, où il épouse la fille de Baudouin, empeBibliothèque de Berne. reur de Constantinople. Le Pape lui donne cet Dans le Ms. C, la Préface reproduite ci-dessus Empire, et le fait son Vicaire en Italie. »

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