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mois de chemin. Le joenne bacheler fist sa messagerie bien et sagement. Et pour ce que il avoit veu et seu plusieurs fois que le Seigneur envoioit «< ses messages par diverses parties du monde, et quant il retournoient il ne <«< li savoient autre chose dire que ce pourquoy il estoient alé; si les tenoit « touz à folz et à nices (incapables et ignorants). Et leur disoit : « Je ameroie miex ouïr les nouvelles choses et les manieres des diverses contrées,

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« que ce pourquoi tu es alez »; car moult se deleitoit à entendre estranges choses. Si que, pour ce, en alant et retornant, il [Marc Pol] mit moult « s'entente de savoir de toutes diverses choses, selonc les contrées, à ce «< que, à son retour, [il] le peust dire au grant Kaan (p. 23-24). »

Ce petit récit, plein de simplicité, nous donne le secret du Livre de Marc Pol. C'était pour répondre aux désirs du grand Khaân, si peu satisfait de ses envoyés ou messagers Tartares, que, dans les missions nombreuses et lointaines dont il fut chargé, Marc Pol s'attacha à observer minutieusement les mœurs et coutumes des pays étrangers, dans lesquels il fut envoyé en mission, pour en faire, à son retour, le récit détaillé à son Seigneur. C'est ce désir, fort naturel d'ailleurs, de lui plaire, et fort honorable aussi pour Khoubilaï Khaân, qui nous a valu ce même Livre, d'un caractère tout particulier, et d'un secours si grand pour la connaissance de l'Asie au moyen âge.

§ IV. Missions dont Marc Pol fut chargé par Khoubilaï-Khuân.

La première mission dont fut chargé Marc Pol par Khoubilaï fut, comme il nous l'a dit dans son Livre (p. 23), pour un pays éloigné de six mois de chemin de la résidence du grand Khaån en Mongolie. Avec cette réserve qu'il a constamment gardée, dans sa relation, sur tout ce qui touchait de près ou de loin aux missions dont il fut chargé par le souverain mongol, et qu'il avait puisée sans doute dans les traditions politiques de la république de Venise, sa patrie, Marc Pol ne nous a pas indiqué le lieu de sa destination. Mais, d'après l'histoire de la dynastie mongole de Chine, et la description qu'il nous a laissée des contrées visitées par lui, on peut conjecturer avec quelque certitude, que cette première mission diplomatique du jeune Marc fut pour le royaume d'Annam ou le Tonkin. Le roi de ce pays, Kouang-ping, de la dynastie Tchin, étant venu à mourir en 1277, son fils héréditaire Jit-hoan lui succéda ; et il expédia aussitôt un ambassadeur à la

cour de Khoubilaï-Khaân pour lui annoncer son avénement (1). L'empereur mongol dut lui envoyer à son tour une ambassade pour le féliciter, et étudier politiquement le pays; et c'est sans doute à cette ambassade que le jeune Marc Pol fut attaché en qualité d'envoyé ou commissaire en second fou-ssè). Car on lit dans les Annales chinoises de la dynastie mongole (2) que, cette même année 1277, un Po-lo fut nommé envoyé ou commissaire en second du Conseil privé (tchoù mi foú-ssè). La mission envoyée près du nouveau roi du royaume d'Annam, quoiqu'elle ne soit d'Annam, quoiqu'elle ne soit pas mentionnée dans l'histoire chinoise, est d'autant plus probable que Khoubilaï-Khaân était très-intéressé à conserver de bonnes relations avec ce prince (au père duquel il avait fait la guerre en 1257 et pris sa capitale), parce que, cette même année, le roi du royaume de Mien (Ava, ou l'empire Birman actuel), sommé par lui d'avoir à lui payer tribut, n'avait pas voulu obéir, avait envahi la province chinoise de Yûn-nán, qui lui était limitrophe, et s'était emparé de la ville importante ainsi que du territoire de Yoùng-tchâng.` Il fallut que le vice-roi de cette province envoyât une armée pour repousser celle de Mien, laquelle se retira après avoir démoli plus de trois cents petits forts construits sur les hauteurs et les défilés de la frontière (3).

La description que donne Marc Pol du royaume de Mien, des pays limitrophes (4) et des événements qui s'y passèrent, ne peut avoir été faite qué par un témoin oculaire. On doit d'autant plus admettre que la première mission confiée à Marc Pol, depuis son arrivée avec son père et son oncle à la cour de Khoubilaï-Khaân, vers le milieu de l'été de l'année 1275, était pour les pays étrangers, situés au midi de l'empire chinois, que c'est aussi par la description de la route suivie dans ce voyage, aller et retour, qu'il commence ce que l'on a appelé son « Second Livre » consacré à décrire d'abord les provinces nord-ouest de la Chine, en partant de Cambaluc (Khán-bâligh, « la Ville capitale du Khaân, » Pě-king de nos jours); ensuite le Tibet, le Yùn nân, le royaume de Mien, le Bengale, les provinces méridionales et orientales de la Chine qu'il parcourut à son retour.

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Après cette première mission, Marc Pol paraît avoir été chargé avec d'autres commissaires, choisis sans doute parmi les hommes de confiance qui étaient à la cour du grand Khaân, pour inventorier les Archives de la cour des Soung, sur lesquelles le général en chef mongol Bayan (nommé

(1) Li tai ki sse, K. 97, fo 52 vo.

(2) Yuen-sse, K. 9, fo 17.

(3) Li taï ki
(4) Chap. cxx et suivants.

sse,
K. 97, fo 52 vo.

dans les Annales chinoises Pe-yèn), après l'occupation de Hang-tcheou, leur capitale, qui se soumit sans combat, avait fait apposer les scellés. Marc Pol, en décrivant minutieusement cette ville (1), qu'il appelle Quinsay (en chinois King-sse, « la capitale »), dit que sa description statistique est tirée d'une lettre écrite au général Pě-yèn, par la reine-mère, pour obtenir du grand Khaan des conditions moins humiliantes que celles de se rendre à discrétion, et pour épargner les édifices, les palais et les autres propriétés de cette grande et riche cité (2). La description que Marc Pol en donne, d'après cette lettre de l'impératrice des Soung (qu'il dit avoir eue entre les mains) put être vérifiée ensuite par lui-même sur les lieux. Il faut lire cette description pour se former une idée de l'état avancé de la civilisation chinoise à cette époque. Cette grande ville aurait pu soutenir le parallèle avec les deux grandes capitales de l'Europe moderne : Paris et Londres.

́Ce fut dans la même province nouvellement conquise, et sans doute vers la même époque, que Marc Pol fut nommé, comme il nous le dit luimême (3), gouverneur de la ville et du territoire de Yàng-tcheou, qui avait sous sa juridiction vingt-sept autres villes: Et ot Seigneurie Marc Pol en a ceste cité, trois ans. Et si siet uns des douze barons du grant Kaan. » Cette ville de Yang-tcheou, qui est aujourd'hui chef-lieu d'un département de la province de Kiang-nân, fut en effet, pendant un an, en 1276, érigée en l'un des chefs-lieux de gouvernements généraux (4), au nombre de douze, pour tout l'empire de Khoubilaï - Khaân, à la tête desquels étaient placés douze des plus hauts personnages de l'État. Mais l'année suivante, en 1277, le siége de ce gouvernement général fut transféré ailleurs, et Yàng-tcheou devint un gouvernement immédiatement inférieur (lou) relevant directement du gouvernement général (sing) du Hò-nân (le midi du Hoàng-ho) et du Kiàng-pě (le nord du Kiàng). Ce fut sans doute dans les années 1277 à 1280 que Marc Pol fut gouverneur de la ville de Yang- tcheou, et de toutes les autres villes, au nombre de vingt-sept, qu'elle avait dans sa juridiction. Le texte italien de Ramusio porte que ce fut par une commission spéciale ⚫ du grand Khaàn que Marc Pol en eut le gouvernement pendant trois an

a

«

(1) Voir les chap. CLI et CLII de son livre, les troupes impériales chinoises, sous la conduite pages 491-518.

(2) Au moment où nous écrivons ces lignes (juin 1864) nous apprenons que cette même ville de Hang-tcheou, qui fut la capitale des Soung, et que Mare Pul a si admirablement decrite, a été reprise sur les rebelles Tai-ping par

d'un officier français, M. d'Aiguebelles, dont le
nom, comme celui du général Pè-yèn, sera un
jour inscrit honorablement dans les annales chi-
noises.

(3) Chap. cxun, p. 467-468.
(4) Hồng tạhoàng để hoa Sàng

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nées, à la place de l'un des douze gouverneurs généraux ou vice-rois (1). » Notre rédaction française, beaucoup plus ancienne, ne mentionne cette particularité que dans l'un des manuscrits où il est dit que les trois ans que Marc Pol passa à Yâng-tcheou, en qualité de gouverneur, furent « accompliz par le commandement du grant Kaan; » sans ajouter que c'était

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lieu et place de l'un des douze grands gouverneurs généraux des provinces administratives de l'empire; ce qui est parfaitement exact, en ce sens que le siége du gouvernement général de la province du Hò-nân et du Kiâng-pě n'étant resté qu'un an à Yàng-tcheou (2), Marc Pol y remplaça l'un des douze grands gouverneurs généraux de l'empire de Khoubilaï, non à titre de « gouverneur général de province », mais avec celui de « gouverneur spé«< cial de la ville de Yâng-tcheou et de sa juridiction sur vingt-sept autres villes» qui composaient sa circonscription (lou). C'est pourquoi nous n'avons pas trouvé le nom de Po-lo cité dans la Géographie historique spéciale de la province de Kiång-nân, au nombre de ceux des gouverneursgénéraux de cette province sous la dynastie mongole. Mais la concordance des faits est tellement évidente qu'elle équivaut pour nous à une certitude. Le fait du gouvernement de Marc Pol, à l'époque déterminée, ne s'en trouve pas moins confirmé par l'histoire chinoise; et il en est de même de tous les autres récits.

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Il en est un cependant sur lequel Marc Pol est en désaccord avec les historiens chinois, au moins pour la date et le nom de quelques personnages cités. Il s'agit du siège célèbre de la ville de Siâng-yâng par l'armée mongole; siége qui dura cinq ans (3), et à la fin duquel le général mongol nommé Alihaïya, de la nation turque des Ouïgours, qui le commandait, ayant employé des machines construites par des étrangers pour lancer de grosses pierres dans la ville et abattre les maisons, parvint enfin à la réduire. Marc Pol nous dit (chap. CXLV, p. 472) que son père Nicolas Pol, et son oncle Maffe Pol, firent construire, sous leur direction, des machines de guerre, qu'il nomme pierriers et mangonneaux, avec lesquels les Mongols battirent en brèche la ville de Siâng-yâng qui se rendit alors aux assiégeants. Les histo

(1) « E Marco Polo, di commissione del Gran Can, n'ebbe il governo tre anni continui in luogo d'un de' detti Baroni. » (Édition Baldelli Boni, p. 310.)

(2) Tai thsing i thoung tchi, K. 49, fo 2.
(3) Selon l'histoire officielle chinoise, il com-

mença, par l'ordre de Khoubilaï-Khaân, à la neuvième lune de l'année 1268 de notre ère, et finit par la reddition de la ville, après avoir éprouvé les nouveaux engins de guerre, à la deuxième lune de la 10° année tchi-yuan, correspondant à l'année 1273 de notre ère,

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