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Et quant la bataille ot 26 tant duré que le soleil aloit à declin, si s'en parti chascun, et ala à son champ, à leur tentes. Ceus qui estoient demourez sains, si las et si travailliez estoient, que il n'en y avoit nul qui se peust aidier. Et les navrés 27 dont il en y avoit assez d'une part et d'autre, chascun se plaignoit selonc son mal. Si que chascun avoit plus grant mestier' de reposer que de combattre. Et se reposa chascun moult volentiers la nuit. Et quand le matin fu venuz, le roy Caïdu, qui avoit oy nouvelles, par ses espies 28, que le grant Kaan envoyoit un grant ost en l'aide de son filz, si se pensa à soi meisme que il feroit mal de demourer; et fist armer" son ost, et monterent à cheval à l'aube du jour; et se mistrent 29 à la voie, pour retourner en leur contrée. Et quant le filz du grant Kaan, et le neveu du Prestre Jehan (6) virent que le roy Caïdu s'en aloit atout son ost, si l'en laissierent aler, et ne leur alerent pas derriere, pour ce qu'il estoient trop travailliéz 30 aussi ; et se reposerent moult volentiers. Et le roy Caïdu chevaucha tant atout son ost, par ses journées, sans arrester en nulle part, que il vinrent en leur regne; ce est la grant Turquie, à Samarcand (7); et illec demoura lontemps en paix sans nulle guerre.

Ms. B. meilleur mestier (était plus occupé). armer. — ▾ Ms. B. vindrent.

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-u Nos deux mss. portent ardoir pour

29 Mirent.

On peut juger par cet exemple que notre rédaction a été évidemment revue et retouchée par Marc Pol, ou sous sa dictée.

(6) Nous ne serions pas éloigné de penser que Marc Pol apprit à la cour de Khoubilaï Khaân, de ce même descendant du Prestre Jehan, les détails tellement circonstanciés qu'il nous donne de cette expédition. Quoi qu'il en soit, ce

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chapitre est, selon nous, un des plus remarquables, comme composition et comme style, de notre célèbre voyageur.

(7) En commençant son chapitre LI (p. 13C), Marc Pol nous avait déjà dit : « Samarcan (Sa

markand) est une grandisme cité et noble, Les

<< genz sont crestiens et sarrazins. Il sont au nea veu du grant Kaan. Mais il s'entreheent moult « et (le nevcu) a nom Caïdou. » On voit par là que Marc Pol, qui passa par la « grant Turquie » ou le Turkistan, en se rendant près de Khou bilaï avec son père et son oncle, était bien informé des faits qu'il nous raconte; et que Khaïdou, contrairement à l'opinion des historiers chinois et persans, posséda réellement Samarkand (voir pour la situation de cette ville la

CHAPITRE CXCV.

Ce que le grant Karn dist du damage que Caidu son neveu li fait.

Sachiez que le grant Kaan avoit grant ire de ce que Caidu son neveu li doumageoit sa gent et sa terre; et dist que, ce ne fust ce que il est de sa char, et son neveu, et de son sanc de l'emperial ligniée ; si que pour ce sa char le destraignoit 1, que, en toutes manieres il le feroit destruire, et lui et sa terre, se lui meisme deust aler sus lui. Car sachiez que se il eust voulu, il ne peust' eschaper des mains son oncle le grant Kaan; mais il le laissoit pour l'achoison 3 de parenté. Si que en ceste maniere eschappale roy Caidu des mains au grand Kaan son oncle.

CXCV. - Ce chapitre manque dans le ms. C. - Ms. A. lingnice. — © Ms. A. eschapset.

pu.

CXCV. Le retenait, le contraignait à user envers lui de ménagements.

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note 1, p. 13′′, ou que du moins s'il n'y résidade posséder, l'un et l'autre, des fabriques dans pas en persone, comme le dit Marc Pol, cette ville, ainsi que sou territoire, firent constam. meut porte de l'apatage des descendants de Daghetii; ert apauage, du temps de Khaidou, était commdéré comme dépendant des possessions de ce dernier prince, qui du reste, comme on la su na-dessus, se rendit maître plusieurs fois du territoire des petits-fils de Djaghatai.

Cependant le Turkistán était resté sous une certaine dépendance à l'égard de Khoubilai Khaan, qui était considéré comme le chef de tous les princes mongols apanagés descendants de Dchinghis-khaan », lesquels étaient obligés, selon le Yassa ou Code de ce conquérant, de lui demander leur investiture; et Abaka, fils aîné et successeur de Houlagou sur le trône de Perse, dont il sera question ci-apres, s'était conformé à cette loi; mais Khaidou avait refusé de reconnaitre cette suzeraineté.

L'apanage de Borac et ceux de ses frères, de la branche de Tchagatai, étaient dans le pays de Tchaganian, au sud-est de Samarkand. «< Caïdou et Borac, dit D'Olsson (Histoire des Mongols, t. III, p. 427), étaient convenus de se partager les habitants de Samarcaud et de Bokhara, et

ces deux villes. Ils fixerent les districts où les hordes soumises à Borac auraient leurs quartiers d'hiver et leurs quartiers d'été. Caidou fit cantonner une division de ses troupes entre le territoire occupé par celles de Borac et la ville de Bokhara, pour empêcher que ce dernier n'y commit des exactions; mais comme il fut, peu apres, obligé de retirer ses troupes pour faire face à une armée envoyée contre lui par Mangoutimour, successeur de Bercai (dans le DechtKyptchak), Borac profita de cette occasion pour se rendre maitre de Bokhara. » Vassaf. Conferer ce qui est dit de Borak ou Barac, et de Bokhara, au chap. III, p. 9, notes.

On voit par ce qui précède que Khaïdou possédait au moins une partie du Turkistân, et que Marc Pol ne s'est pas trompé en l'appelant « roi de la grant Turquie ». S'il n'en était pas le seul roi nominal, il en était bien le seul roi effectif.

Nous avons dit (p. 142, note 2) que les possessions de Khaidou s'arrêtaient, du côté de l'est, aux limites de l'ancien royaume de Kachghar, où commençait le vaste empire de Khoubilai Khaan; nous croyons avoir exprimé la vérité à cet égard.

Or vous lairons à conter de ceste mateire. Si vous dirai ci avant 4 grant merveille de force que faisoit une fille, que avoit le roy Caïdu.

CHAPITRE CXCVI.

Cy devise de la force à la fille au roi Caïdu, et de sa vaillance.

Or sachiez que le roy Caïdu avoit une siene fille qui avoit nom Agiaint, en tatarais", qui vaut à dire : « luisant lune (1) ». Ceste damoiselle estoit si belle, si fort et si preux que, en tout le royaume son pere, ne trouvoit-on homme qui la peust vaincre de force. Mais vous di que d à toutes preuves faisoit plus grant force que

nul autre homme.

с

Son pere la vouloit pluseurs fois marier; mais elle ne le vouloit. Ains disoit que elle ne se mariroit jamais jusques adonc qu'elle trouvast aucun homme qui la vainquist de toutes preuves1; et à celui se mariroit elle (2). Et son pere, puis qu'il sot sa volenté, si b Ms. B. tartarins. ―e Id. povoit.

CXCVI.

d Id.

a Ms. B. Agiainit. Ms. C. Agyanie.
e Id. devant ce.

espreuves.

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4 Ci après, dans ce qui va suivre. CXCVI.

▾ Dans toutes les épreuves.

CXCVI. (1) Agiainit, Agiaint ou Agyanie, comme ce nom est écrit dans nos trois mss.; et même Aigiarm, comme il est transcrit dans le texte de la Société de Géographie, n'est pas un nom mongol; la lune, dans cette langue, se dit Sara; mais il est Ouïgour ou Turk-oriental; car, dans le turk actuel, la lune se dit encore Ay, et le soleil kün ou giun; et, en réunissant les deux mots pour en former un composé, on aura Aygiuni, « soleil et lune, »> ou ayant l'éclat du soleil et de la lune; ce qui rentre dans le sens que lui donne Marc Pol. C'est là une preuve indirecte que Khaïdou habitait le pays des Ouïghours, ou le Turkistan oriental.

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(2) La jeune princesse dont il est question dans ce chapitre amusant, avait sans doute lu les poëmes indiens dans lesquels on trouve souvent un épisode semblable au récit que nous fait ici Marc Pol. On peut voir entre autres le sixième chant intitulé Svayamvara, « le Choix d'un époux », du Raghouvansa, poëme indien de Kåli

dasa, publié en sanskrit et en latin (Londres, 1832, 1 vol. in-4°) par un indianiste distingué, M. Stenzler, de Breslau. Mais il y a une bien grande différence dans la manière dont se fait l'élection. La fille du roi mongol du Turkistan, Agiaint, dans le concours de sa main qu'elle propose, ne veut accorder ce prix qu'à celui qui la vaincra dans la lutte, tandis que la fille du roi indien, Indoumati, parmi tous les jeunes rois accourus de toutes les contrées de l'Inde pour obtenir sa main, les passe tous en revue dans la grande salle du palais de son père, conduite par son intendante, qui a bien soin de lui détailler toutes les qualités des prétendants, et la princesse choisit celui qui lui convient le mieux; son élection n'est pas le prix de la force. M. Th. Pavie a aussi publié, dans le Journal asiatique (mars 1839), la traduction d'un autre Svayamvara, tiré du Mahabharata, et auquel on peut comparer celui de la fille de Khaïdou, avec lequel il a une certaine ressemblance.

2

li previlege à leur usage, que elle se peust marier à qui qu'elle vousist3, et quant il li plairoit'. Elle estoit si grant et si corsue, et si grosse et bien taillie, qu'elle ressambloit poi mains 4 d'une jaiande 5. Elle avoit envoié ses lettres par chascune terre, que quiconques se voudroit venir esprouver contre elle, si venist 6 par tel convenance que, se elle le vainquist, qu'elle gaaingnast .c. (cent) chevaux; et se il la vainquist' qu'il l'auroit à femme. Si que pluseurs filz de gentilz hommes y estoient venuz esprouver en encontre elle, et elle les vainquit touz'; si qu'elle avoit tant gaaingnié qu'elle avoit plus de .x.M. (dix mille) chevaus.

Or avint que ou temps.м.cc.iiij. (mil deux cents quatre) vins ans de Crist (3), il vint un gentil vallet7, filz d'un riche roy, et puissant, lequel estoit preuz et vaillant et moult fort; et avoit oy parler de l'espreuve à ceste damoiselle. Si que il s'estoit venuz esprouver encontre elle; que se il la vainquist, qu'il la peust avoir à femme, si comme estoient les convenances 8, et il en avoit moult grant talent 9 d'avoir la; car elle estoit moult belle damoiselle de grant maniere, et il estoit moult biaus et jeunes et preuz et fort de toutes forces; car il ne trouvoit homme ou royaume son pere qui peust durer contre lui de nulle force; si que, pour ce, estoit il venuz hardiement, et avoit amené mille chevaus, que se il fust vainqus, qu'elle peust avoir tretouz les mille chevaus ensemble. Si que ce feust une moult grant gaaingne de mille chevaus à un coup. Mais le vallet se fioit tant en sa force que il la cuidoit gaaingnier de venue. h Ms. A. esprouvoir. i Ms. B.

1 Ms. A. li pleroit.

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-6 Ms. B. elle envoyoit les. j Cette phrase manque dans le ms. B.

Lui accorda le privilége qui était à leur usage.

5 Géante.

3 Voulút.

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4 Peu moins. 6 Qu'il vint. — 7 On l'écrivait aussi varlet. C'était, dans le moyen âge, le nom que l'on donnait à un jeune homme, fils d'un preux, et non encore armé chevalier. & Conventions.

-

9 Desir, envie.

(3) Cette époque précise semble ne devoir laisser aucun doute sur la réalité de l'histoire racontée dans ce chapitre. Elle répond exactement à celle où Khaidou, repoussé par les généraux de Khoubilaï Khaản, de ses entreprises contre lui dans la Mongolie, avait dû se reporter

dans le Turkistán où régnait nominalement Doua que Khaïdou, comme on l'a vu au chapitre précédent, avait mis sur le trône, après la mort de Toca-Témour. Ce Doua ne mourut lui-même qu'en 1305. Le récit de Marc Pol est un exemple curieux des mœurs de cette contrée, à cette époque.

Et sachiez que le roy Caïdu et sa femme la royne, mere de la forte damoiselle, si prièrent à 1o leur fille privéement, qu'elle se laissast vaincre en toutes manières 11; car il seroient moult liez s'il avoit leur fille à femme; pour ce qu'il estoit gentilz homs, et filz à un grant roy (4). Mais la damoiselle leur respondi que en nulle maniere elle ne se laisseroit vaincre à son povoir; mais, se il la vainquoit par force, elle vouloit bien estre sa femme, si comme les convenances 12 estoient; et autrement non.

Or avint qu'à un jour nommé s'assemblèrent toute la gent ou palais le roy Caïdu. Et y fu le roy et la royne. Et quant toute la gent fu assemblée, dont il y avoit assez pour veoir celle luite 13; si issi 14 '; la damoiselle avant 15, en une cote estroite de samit 16; et puis vint, le vallet, après, en une cote de cendal 17 et estoit moult belle chose à veoir. Et quant il furent touz deus ou palais si prirent l'un l'autre à bras, et s'entretindrent or çà, or là', et dura grant piece 18 l'un ne povoit abatre l'autre. Mais en la fin fu telle l'aventure que la damoiselle le geta souz" lui" moult vaillamment. Et quant celui se vit geté dessouz elle, si en ot 19 moult grant honte et moult grant vergoingne; et ne fist autre chose, mais que sitost qu'il fu levez, il s'en parti au plustost qu'il pot atout 20 sa compaignie; et s'en retorna chies son pere, honteus et dolent de ce qui li estoit avenu; que par une damoiselle avoit esté vaincu, qui oncques ne

que

* Ms. A. lairoit. - Ms. B. pristrent li uns l'autre aux bras or çà or là. m Ms. B. dessoubs. - Mss. A. et B. pour sous elle. - Ms. B. peust. P Ms. C. garce.

10

Supplièrent, avec le régime indirect, comme le latin supplicare alicui. tous les cas. -12 Conventions. · 13 Lutte.-14 Sortit. 15 La première.

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soie, ou velours.— 17 Nom d'une étoffe précieuse dans laquelle entrait de la soie. Le ms. A. écrit cendel. 18 Longtemps. -19 Eut. -20 Avec.

(4) Dans le texte français publié par la Société géographique de Paris, on lit (p. 253): « car il (Caïdu) conoisoit qe il estoit filz au roy « de........... » le nom du roi en question ayant été laissé en blanc dans le manuscrit; sans doute dans l'espérance de remplir ce nom plus tard, lorsque Marc Pol s'en serait souvenu, ou que des

documents écrits auraient pu le faire connaître. Ce nom n'ayant pas été retrouvé, Marc Pol prit sans doute le parti, dans la copie de son livre donnée par lui à Thiébault de Cépoy, de supprimer le nom en blanc, et de l'appeler seulement : un grant roy. Il est regretter que le nom de ce roi ne soit pas connu.

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