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était basée sur celle qui avait lieu en Chine depuis un temps immémorial, et qui existe encore aujourd'hui. Lorsqu'il eut achevé la conquête de la Chine, Khoubilaï chargea le célèbre lettré et astronome Hiu-heng, de concert avec un autre lettré, de choisir dans les statuts administratifs anciens et modernes ce qui convenait le mieux au nouvel ordre de choses, et d'en former un système de gouvernement pour la cour et les provinces du nouvel empire. On peut voir cette organisation dans notre commentaire.

Dans le chapitre qui suit (p. 335-341), Marc Pol nous fait connaître une autre organisation importante, celle des postes, que l'on pourrait comparer à celle de l'empire romain, et même à celle qui existait en France avant l'établissement des chemins de fer. Mais l'organisation des postes de l'empire de Khoubilaï-Khaân, qui s'étendait du golfe de Pé-tchi-li aux monts Bolor, et du royaume d'Annam aux monts Altaï, était établie dans des proportions beaucoup plus grandes. Marc Pol nous dit même (ch. xcix) que Khoubilaï- Khaân avait fait planter de grands arbres à deux ou trois pas l'un de l'autre, sur les grandes voies de communication de l'empire, pour diriger les voyageurs et pour leur servir d'abri.

Marc Pol consacre ensuite plusieurs chapitres (les chap. xcvIII, ci et cm) aux établissements ou plutôt aux actes de bienfaisance du grand Khaân. On y voit que des messagers de ce souverain parcouraient annuellement les provinces de l'empire pour s'enquérir des souffrances des populations, par suite de l'intempérie des saisons, de calamités publiques, d'épidémies, ou de toute autre cause; ceux qui étaient reconnus avoir ainsi souffert étaient, d'abord, exemptés de tout impôt ou redevance en nature, et l'empereur leur faisait donner des grains pour subvenir à leur nourriture, et des bestiaux pour cultiver leurs terres (ch. xcvIII). Sa sollicitude s'étendait encore plus loin. Dans les années d'abondance, Khoubilaï-Khaân faisait faire des approvisionnements de grains dans toutes les provinces de son empire, et, quand arrivaient des années de cherté, il faisait revendre ces grains à bas prix à ceux qui en manquaient, en proportion de leurs besoins (ch. CII). Enfin, comme complément à ces mesures charitables, l'Histoire officielle des Mongols nous apprend (voy. p. 346) que l'on avait établi, dans la capitale et dans dix grands départements, des pharmacies gratuites à l'usage des populations nécessiteuses; et Khoubilaï-Khaân, au rapport de Marc Pol, faisait loger, dans des maisons spéciales, les familles les plus nécessiteuses de sa capitale, par réunion de six, huit ou dix, plus ou moins; et chaque année il faisait distribuer, à chacune de ces familles, une quantité

suffisante de grains pour suffire pendant toute l'année à leur nourriture. De plus, il faisait donner chaque jour, dans son palais, un pain chaud à tous ceux qui s'y présentaient pour en demander; et Marc Pol nous dit qu'il s'y rendait journellement plus de trente mille personnes pendant toute l'année, pour avoir part à cette distribution.

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D'après les Annales de la dynastie mongole de Chine, le mode de secourir le peuple sous cette dynastie était de deux sortes : le premier s'appelait «la remise des taxes »; le second se nommait le don de bienfaisance ». Le premier, comme son nom l'indique, consistait dans la remise, par le souverain, de tout ou partie des charges publiques. Le second consistait en des secours en nature, comme du riz, du millet, etc., donnés aux malheureux par la charité publique et privée. Les Annales énumèrent tous les actes publics de ce genre qui eurent lieu sous la dynastie mongole et au nom des souverains; un volume suffirait à peine pour les transcrire. On y voit que Marc Pol a été loin d'exagérer les actes de cette nature attribués par lui à Khoubilaï. En l'année correspondant à 1260 de notre ère, ces Annales nous apprennent qu'un édit de l'empereur Khoubilaï fut rendu, portant : « Que «< les lettres âgés, les orphelins, les hommes abandonnés et sans asile, ainsi que ceux qui étaient malades et infirmes, qui, tous, dans l'empire, ne pouvaient pas pourvoir à leur subsistance, étaient la population du Ciel (thiên min), laquelle n'était pas blåmable de l'état où elle se trouvait. » Cet édit prescrivait à tous les fonctionnaires publics de l'empire, en exercice, de leur donner secours et assistance. En 1264, un nouvel édit prescrivit de donner des médicaments à ceux qui étaient malades, et des secours en nature à ceux qui étaient dans le besoin. En 1271, il fut ordonné d'établir, dans chaque grand département de l'empire, des « Maisons d'assistance publique (Tsi tchoung youán) pour y donner un asile et la nourriture aux malheureux, et des secours au dehors en combustible (voir notre Commentaire, p. 346-347). On voit par là que, chez des nations païennes, que l'on considère ordinairement comme étrangères aux sentiments de charité des nations chrétiennes, ces sentiments n'y sont pas moins développés.

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Et ils n'étaient pas nouveaux en Chine, à l'époque de Khoubilaï-Khaân et de Marc Pol, car on lit dans le « Livre des Magistratures des Tchéou », dynastie qui régnait onze cents ans avant notre ère :

« Les préposés aux Secours publics sont chargés des approvisionnements de l'État pour subvenir aux distributions des bienfaits ordonnés par le sou

verain. »

Ces approvisionnements étaient de plusieurs sortes: 1° pour nourrir les vieillards et les orphelins; 2° pour entretenir les visiteurs ou hôtes étrangers; 3° pour secourir les voyageurs; 4° pour les cas de calamités publiques et de disettes. C'est là un des témoignages historiques de ce grand système d'approvisionnement de grains dans des greniers publics, pratiqué de tout temps en Chine, pour subvenir aux disettes publiques; système qui les soulage souvent, mais qui ne les prévient pas toujours, parce qu'il est des calamités contre la rigueur desquelles toutes les précautions prises par les hommes restent impuissantes.

Marc Pol nous fait connaître (ch. cvi) le genre de boisson dont les habitants de la Chine du nord se servaient : c'était une boisson extraite du riz, et dans laquelle entraient certaines épices. On peut s'étonner qu'il ne parle pas de celle qui provient de l'infusion du thé, et dont on fait maintenant un si grand usage. Nous avons fait voir, dans notre commentaire (p. 243), qu'à l'époque dont il est question dans Marc Pol, c'étaient les provinces du Kiâng-sî et du Hoû-kouâng, situées au midi du Kiàng, qui le produisaient en plus grande quantité. Et, selon l'histoire de la dynastie mongole de Chine, la quantité de thé, produite annuellement dans ces provinces et portant l'estampille du gouvernement avec payement du droit auquel il était imposé, s'était élevée jusqu'à 13,085,289 kín, ou 7,843,173 kilogrammes. La boisson extraite du riz était aussi imposée. Mais, en 1285, un édit de Khoubilaï-Khaân dispensa toute la population agricole de l'impôt établi sur cette boisson; ce qui la fit sans doute préférer à celle du thé.

Un autre produit de consommation des Chinois que Marc Pol nous fait aussi connaître (chap. ci), et qui peut nous surprendre pour l'époque en question, est celui du charbon de terre. On en faisait usage, alors, dans tout le nord de la Chine où il est abondant. Marc Pol appelle ce charbon de terre (que les Chinois nomment « charbon de pierre chi-thản) : « une

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⚫ manière de pierres noires qui se cavent des montagnes comme vaine (par veines), et qui ardent comme buche. Car, se vous les mettez ou feu la

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nuit, vous trouverez au matin le feu; si qu'elles sont si bonnes que, par << toute la province, n'ardent autre chose. >>

Après avoir décrit ce qu'il avait observé dans la capitale de l'empire mongol de Chine et à la cour de Khoubilaï- Khaân, Marc Pol commence la description de la Chine proprement dite, selon l'ordre qu'il la parcourut, en allant dans les missions lointaines qui lui furent confiées, et en revenant de ces mêmes missions.

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Il commence par la « province de Catai », comme il l'appelle, qui comprenait alors la partie de la Chine située au nord du Hoâng-hô. La première chose remarquable qu'il décrit, après avoir quitté Khânbâligh, aujourd'hui Pé-king, est le pont de Poulisanghin. Ce pont, qui existe encore aujourd'hui, mais non tel que du temps de Marc Pol, est figuré dans la Grande Géographie particulière de la province du Tchi-li (1). De là Marc Pol, se dirigeant par le sud-ouest, décrit les villes les plus importantes de cette partie de la Chine: Tcho-tchéou (p. 351), le point de partage des deux grandes routes qui conduisent encore de nos jours, de la capitale vers le sud, par les provinces orientales et occidentales de l'empire. Marc Pol suit la seconde et arrive au chef-lieu du grand département de Thaï-yoúanfou (p. 352), qu'il appelle un « royaume », ces grands départements ayant une étendue et une administration qui pouvaient les faire considérer alors comme tels. Puis il nous raconte, chemin faisant, l'histoire du « Roy d'Or » (p. 355), et comment ce roi, dont les domaines, envahis depuis par Dehinghis-Khân, étaient situés au nord de la Chine, des deux côtés du Hoàng hô, fut traîtreusement fait prisonnier par le Prestre Jehan, et ensuite remis par lui en liberté, après l'avoir employé deux ans à garder ses troupeaux. Cette histoire ou légende, car on ne la trouve pas reproduite dans l'histoire officielle des Kin ou « dynastie d'Or », confirmerait, s'il en était besoin, la position que nous avons déterminée dans notre Commentaire (p. 208-222), du fameux pays de Tanduc, domaine du Prestre Jehan, au nord, près de la « Grande Muraille », et dans le voisinage des << États du Roi d'Or ». C'est ce « Roi d'Or» qui avait donné au Prestre Jehan, sans doute après sa mise en liberté, le titre de Wâng, « Roi », lequel, joint à celui de Khan, nom des chefs de tribus mongoles, devint Wáng-khan ou Oung-khan, comme on prononçait ordinairement alors, et comme il est nommé dans les annales chinoises (2).

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Après le récit de cet épisode, Marc Pol traverse le fleuve Jaune, passe par la ville chef-lieu de département de Ho-tchoûng-fou, et arrive à l'ancienne capitale de la célèbre dynastie des Thâng, aujourd'hui Si-ngan-fou, chef-lieu de la province du Chen-si. Il y rencontre un des fils de Khoubilaï:

(1) Voir notre Commentaire, p. 349.

(2) Ce Wang, ou Ouang-khan, chef de la tribu mongole des Kéraïtes, que Marc Pol nomme constamment « le Prestre Jehan », a donné lieu aux plus étranges suppositions de la part des

écrivains du moyen âge, et même encore de nos jours. On peut voir sur ce personnage célèbre ce que nous en avons dit dans notre Commentaire (passim). La légende doit être soigneusement distinguée de l'histoire.

Manglay (Mangala), qui avait été nommé roi de cette province (voy. p.361). Ce fait, peu important par lui-même en apparence, nous a servi à déterminer d'une manière à peu près certaine la véritable date du passage de Marc Pol dans cette ville, qui doit être celle de 1277 de notre ère, et les fonctions dont notre voyageur était alors chargé (voir ci-devant, p. 9).

Avant de quitter la capitale de l'ancienne dynastie des Thâng, Marc Pol décrit le palais qu'occupait le fils de Khoubilaï, et qui devait avoir été construit à cette grande époque de 1 histoire chinoise où la capitale des Thâng était devenue le rendez-vous des princes, des savants et des propagateurs de nouvelles religions répandues dans toute l'Asie, tels que les bouddhistes, les nestoriens, les manichéens, les adorateurs du feu, etc. (1). Manglay (ou plutôt Mangala, terme sanskrit qui signifie félicité, bonheur) paraît, d'après son nom, avoir professé spécialement le bouddhisme. Dans tous les cas, Marc Pol nous dit que ce prince « maintenait moult bien son royaume << en grant justice, et en grant droit, et estoit moult amez de sa gent; » ce qui peut se dire trop rarement des gouvernants.

De l'ancienne capitale de la dynastie des Thâng, Marc Pol se dirige du côté du Tibet par la province actuelle du Sse-tchouan, qui en est limitrophe. Il traverse « les grandes montaignes et les grandes vallées » qui la séparent de la province du Chen-si; et après vingt-trois journées de marche il arrive à la grande plaine qu'il nomme Acbalec Manzi, où se trouvait la << ville blanche de la frontière des Mán ou Barbares » ; car tel est le sens de la dénomination que Marc Pol emploie (voir p. 365). C'est encore aujourd'hui une plaine très-célèbre où, selon un envoyé du gouvernement français, M. Eugène Simon, qui l'a parcourue, l'hectare de terre se vend jusqu'au prix à peine croyable de 30,000 fr. (3 fr. le mètre)! On traverse cette plaine avant d'arriver à la ville de Tching-tou, chef-lieu de la province de Sse-tchouan, et qui a aujourd'hui une population que l'on estime à plus d'un million et demi d'habitants. Marc Pol y arriva après vingt autres journées de marche. Il fait une curieuse description de cette ville (ch. cxIII, p. 366 et suiv.) qu'il dit avoir bien vingt milles de tour, et il rappelle qu'elle fut autrefois la capitale d'un petit royaume dont un des rois, ayant

(1) Voir notre édition de la célèbre Inscription syro-chinoise de Si-ngan-fou, accompagnée d'une transcription en caractères latins, d'une version latine, d'une traduction française et des commentaires chinois également traduits,

page 78, et passim. Paris, 1858; Didot frères. Nous avons prouvé l'authenticité, si longtemps contestée, de cette inscription par les preuves les plus convaincantes, et qui ont porté la conviction dans les esprits les plus prévenus.

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