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on y trouve cette succession d'états, quel argument puissant ce serait en faveur de la « théorie de l'évolution » !

2o Les lois auxquelles obéit la mémoire collective sont jusqu'à présent bien mal connues. M. Granet a fortement marqué à quel point elle est dominée par des représentations à la fois traditionnelles et contemporaines. Il a en même temps distingué, parmi celles-ci, des thèmes mythiques et des règles ou cadres schématiques, et montré comment les historiens chinois ont été dominés, dans leur travail d'interprétation et de rédaction, à la fois par celles-ci et par ceux-là.

Des thèmes, nous avons donné déjà des exemples. Comment se fait-il que les historiens, à propos d'un siège où l'eau jouera un grand rôle, écrivent : « du mortier et du fourneau sortirent des grenouilles »? Or on retrouve cette expression dans une tradition recueillie par hasard à propos de la naissance de Yi Yin. Sa mère, étant enceinte, rêva qu'un Dieu lui donnait cet avertissement quand le mortier et les fourneaux produiront des grenouilles (ou quand d'un mortier sortira de l'eau), marche vers l'Est et ne tourne point la tête pour regarder. Elle suivit ce conseil, mais en partie seulement, car << elle tourna la tête pour regarder son pays tout entier était devenu de l'eau. Elle même, en conséquence, devint Kong sang (le mûrier creux). » érudit, écrit M. Granet, ne comprend plus (ou ne voudrait révéler) la parenté des thèmes de l'inondation sortie du mortier, de la ville disparue, de l'enfant sauvé des eaux, des sacrifices d'enfants, des marmites ou des mortiers exposés au soleil, des grenouilles et des tambours de bois creusés qui servent aux cérémonies de l'eau ». Cette formule et cette image ne s'en impose pas moins à eux, de même que, dans l'entrevue de Kia Kou, le thème des danseurs écartelés aux portes de la ville.

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« Nul

Mais ces thèmes sont transposés en événements. Ces images flottantes se fixent à une date, en un lieu, et prennent figure de faits historiques. C'est ici qu'intervient cette seconde sorte de représentations traditionnelles, moins anciennes sans doute que les premières, et qui dessinent les cadres où les faits vont se disposer. Tous les

faits légendaires, les apparitions, les actes magiques, ont en effet une date, et ils se succèdent suivant un ordre qui semble logique. Mais la chronologie chinoise, de même que la suite des événements caractéristiques d'un avènement, d'un règne, par exemple, n'ont par eux-mêmes aucune réalité. La société chinoise s'inspire de ses croyances et de ses institutions, pour fixer quelle dut être la durée normale d'un règne, l'âge auquel tout souverain ou tout ministre dut accomplir les actes principaux qui lui furent imposés en raison de sa dignité. << Le Temps n'est que le rythme des séquences rituelles ». Un souverain doit prendre sa retraite la 70° année de son règne. C'est le moment où il fait épouser ses filles à son ministre et successeur désigné. Un homme se marie à 30 ans. 50 ans est l'âge où il est de règle qu'on ait une promotion. 100 ans est un terme parfait, qui marque la durée de la vie d'un souverain. Ainsi les faits historiques « n'ont, dans les larges cadres de la chronologie abstraite, qu'une date rituelle. » Mais il en est de même des autres faits; « le duc Yen, au début du 3e siècle av. J.-C., tire contre le ciel, comme son ancêtre Wou-yi à la fin du 12o, siècle. La question des canaux et des digues ne se pose pas autrement pour Kouen et pour Yu, ancêtres des Hia, que pour les conseillers des premiers Han ». « L'avènement des Yin et des Tcheou, résultats d'une révolte heureuse contre un tyran, sont exactement comparables. » Ceux qu'ils remplacent étaient, l'un et l'autre, « cruels, pervers,... supérieurement doués pour le mal ». Les Fondateurs, au contraire, se distinguent par leur modération. Au début de leurs deux règnes, deux soleils se montrèrent ensemble. « Les Vertus nouvelles des deux Fondateurs subirent une épreuve identique. Tang le victorieux fut mis en prison dans la tour des Hia la 22e année de Kie, et libéré la 23e année. La 23 année de son règne, Cheou-sin emprisonna le chef de l'Ouest à Yeou-li et le retint jusqu'à la 29 année». Chacun trouve un sage ministre, etc. La succession des Cinq Souverains correspond à la succession des Cinq Eléments (en tête de la liste se placent la Vertu de la terre, jaune, et le Souverain Jaune, Houang-ti). « Les généalogies des trois

dynasties royales et de la maison de T'sin... sont imaginées de manière à présenter l'Ancêtre Fondateur comme descendant d'un souverain à la cinquième génération (souche comprise) ».

De ces thèmes et de ces cadres ou schémas chronologiques, les premiers représentent plutôt la pensée vivante et à demi primitive, la pensée plus ancienne, et les seconds, la pensée artificielle des écoles de lettrés, plus récente, mais traditionnelle aussi à sa manière. La mémoire collective reconstruit les faits passés à l'aide de cadres qui datent d'époques successives, en s'appuyant sur des traditions plus où moins anciennes, comme sur autant de plans différents.

C'est bien là ce dont le livre de M. Granet, et la méthode qu'il a dû appliquer, donnent une impression très vive. Mais il y a plus. Si, désespérant d'atteindre les faits tels qu'ils ont dû se passer, nous prenons pour objet d'étude ces thèmes et ces schèmes déformateurs, qui, eux du moins, ont existé et répondent à des réalités, alors on est tenté d'attribuer plus de foi aux thèmes les plus anciens, ou qui nous paraissent tels. Le mythe n'est pas identique à l'histoire, mais le mythe est encore plus près de la réalité historique que l'interprétation du mythe, qui en a été donnée beaucoup plus tard.

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Terminons sur cet exemple, et sur ces remarques critiques, qui éclairent bien, nous semble-t-il, ce que nous venons d'indiquer : Lorsque, aux débuts de l'ère impériale, la doctrine dite confucéenne commença à s'opposer résolument à la doctrine dite taoïste, le mot d'ordre fut de pourchasser dans les œuvres tout ce que l'on appela dès lors fables taoïstes. Rien de plus instructif, sur ce point, que la biographie de Confucius. Confucius est un saint. Il est un saint parce qu'il a, non pas accompli des miracles, mais manifesté un Pouvoir Princier s'étendant aux hommes comme aux choses. Cependant, lisez sa vie : c'est une vie de Maître d'Ecole, abondant en vérités moyennes. Quelques anecdotes, il est vrai, le montrent doué d'une faculté surhumaine de divination ou d'une perspicacité extraordinaire en matière de prodiges. On en conclut que le biographe a emprunté ces fables à

des recueils non orthodoxes, où on les retrouve en effet, et que l'on déclare entachés d'esprit taoïste ». Et l'on cite une maxime du Louen Yu: « Le Maître ne discourait pas sur les prodiges, les tours de force, les actes de rébellion et les êtres surnaturels ». Mais, objecte M. Granet, ce précepte est très postérieur à Confucius. Rien ne prouve que, de son temps, on s'en soit inspiré. Il est dès lors tout à fait possible, et même très vraisemblable que c'est parce qu'on a adopté ce précepte, et à partir du moment où on s'en est pénétré, qu'on a éliminé de la vie du Saint les anecdotes édifiantes « qu'il est étonnant, après tout, de retrouver en si petit nombre ». Rien, si ce n'est un rationalisme de lottrés étroits et moralistes, ne nous oblige d'admettre que les fables taoïstes soient des interpolations. Pourquoi n'y point voir au contraire les derniers vestiges d'une pensée contemporaine de Confucius? Le Confucius qu'elles nous représentent n'est pas, si l'on veut, Confucius tel qu'il a réellement été, tel qu'il a vécu, tel qu'il s'est manifesté aux témoins les plus immédiats de ses actes et de ses gestes; c'est du moins Confucius tel que se le repré sentaient ceux qui vécurent très près de lui dans le temps, et dans un milieu beaucoup plus semblable à celui où il a pensé, parlé, et agi, que les milieux orthodoxes où on a rédigé bien plus tard son histoire officielle.

Ainsi un peu de critique écartait des mythes. Une critique plus poussée nous y ramène. Ne sont-ils pas, après tout, les vestiges les plus authentiques de ces temps lointains où l'on n'écrivait pas l'histoire, et les seules traces encore visibles qui se soient conservées jusqu'à nous de ces sociétés millénaires ?

Maurice HALBWACHS.

L'EXPOSÉ DES RELIGIONS

PAR ABOU'L MAALI

Charles Schefer, dans sa Chrestomathie persane (tome premier). a donné dans une notice jointe au texte de l'Exposé des religions (Kitâb bayân-il-adyân) une biographie de l'imâm Abou'l-Maâli Mohammad ibn Obaïd-Allah qui termina ce livre, sans doute à Ghazna, en 1092 (485 de l'Hégire).

La littérature arabe compte plusieurs ouvrages exclusivement consacrés aux religions, sans parler de ceux qui n'en traitent que partiellement. Il suffira de nommer les Kitâb al-milal wa'n-nihal (livre des sectes philosophiques et religieuses) de Ibn Hazm (mort en 1064) et de Chahrastani (mort en 1153). Quant à la littérature persane, on cite surtout le Tabcirat al-'awâmm de Mortazha (première moitié du septième siècle de l'Hégire, lith. Téhéran, 1304) et le tardif Dabistân al-madâhib; mais l'Exposé des religions d'Abou'l-Maâli est, selon Schefer, « peut-être le plus ancien des traités écrits en persan sur les diverses religions Il n'a donc pas semblé inutile d'en donner une traduction complète.

Henri MASSÉ.

[133] Nous devons rendre grâces à Dieu que Sa majesté soit glorifiée! que Sa faveur s'étende à tous ! au sujet de ce qu'Il nous a fait connaître de son essence, et parce qu'll a rendu évidente pour nos cœurs la voie qui conduit à Sa connais

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