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REVUE DES LIVRES

Analyses et Comptes Rendus

ALFRED NORTH WHITEHEAD.

Religion in the Making.

Cambridge, The University Press, 1926.

L'ouvrage de M. Whitehead n'est pas un livre d'histoire. C'est un traité de philosophie. L'auteur essaie de préciser la fonction qu'occupe l'idée de Dieu dans le monde de nos pensées.

On sait que Renan définissait Dieu « la catégorie de l'idéal » ; telle est aussi la conception de Whitehead. Il est le principe qui dirige notre activité vers des fins qui nous dépassent. La science observe des faits; la religion s'élève au-dessus des faits pour émeteux des jugements de valeur. Elle tend à réaliser ces valeurs et s'inspire alors d'un désintéressement si prononcé que le bien, acquis dans la personne et au profit d'autrui, satisfait l'homme pieux autant que si c'est dans son chef qu'il était atteint. "

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Source des idées, Dieu dépasse ainsi l'individu; il peut être commun à la multiplicité des êtres, et est donc, dans le monde, le lien qui unit; la conscience individuelle en nous, est universelle en lui. Sans lui, pas de monde; car sans lui chacun resterait isolé, sans rapport, sans contact avec autrui.

Tout acte posé dans le monde agit sur cette conscience cosmique qu'est Dieu, l'élargit ou la rapetisse; Dieu, dans l'avenir, sera autre que si cet acte n'était pas; en ce sens, rien ne disparait sans laisser de traces, et tout est immortel.

Dieu n'est pas le monde; il est, dans le monde, l'élément conscient, idéal, moral.

Telle est la conception dominante où aboutit M. Whitehead; elle est de nature purement philosophique. Elle n'est pas historique, et ce n'est pas l'analyse des conceptions religieuses chez les différents peuples qui y amène; au contraire, dans la réalité, c'est seulement chez quelques esprits supérieurs, parmi les nations les plus cultivées, que la notion de Dieu atteint à cette profondeur.

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L'historien aura, cependant, lui aussi grand profit à lire les analyses subtiles de M. Whitehead. L'éminent professeur de Cambridge examine comment, dans quelques grandes religions, la notion de Dieu est comprise. Il distingue trois points de vue: la notion orientale du Tao, de l'ordre immanent au monde; le panthéisme, où ce n'est plus Dieu qui est dans l'univers, mais l'univers qui s'identifie à Dieu; et la doctrine du dieu personnel, approfondie notamment par les Sémites et qui y dérive de la croyance primitive au dieu protecteur de la tribu. Ces trois conceptions s'allient d'ail leurs l'une à l'autre ainsi le dieu sémite peut se confondre et le fait notamment chez les mystiques persans cosmique du panthéisme (p. 67 sq.). Le christianisme n'a su développer clairement aucune de ces conceptions. Les spéculations métaphysiques y sont obscurcies par l'immixtion de préoccupations morales. Partie de la doctrine sémitique du dieu personnel, l'église l'abandonne déjà, en fait, quand elle adhère à la croyance au Logos (p. 71 sq.).

avec le dieu

Ces observations historiques sont cependant clairsemées dans l'ouvrage de M. Whitehead. Celui-ci tire toute sa valeur de ses pénétrantes analyses psychologiques, et qui sont une méditation d'une rare profondeur sur la nature de la religion et la signification de Dieu.

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R. KREGLINGER.

THEODORE H. ROBINSON.

History of Religions.

An Outline Introduction to the London, University Press, 1926.

Ceci est une excellente introduction à l'étude des religions. L'auteur les passe en revue et en résume les enseignements prin

cipaux, en se plaçant, pour chacune d'entre elles, au point de vue dogmatique plutôt qu'au point de vue historique; il analyse leurs croyances, les principes de leur théologie plutôt que les circonstances historiques qui en ont amené la genèse. Un premier chapitre indique brièvement les éléments essentiels qui se retrouvent en toute religion: les rites, les croyances, la préoccupation morale et le désir du pardon.

Successivement l'auteur nous parle des origines, de l'animisme auquel il rattache assez malencontreusement le totémisme puis les religions polythéistes, dont sont notamment les cultes des Grecs et l'hindouisme, et il aboutit aux religions supérieures par une analyse des rapports de la religion et de la philosophie: c'est le chapitre qui me plaît le moins. De nouveau, c'est à bon titre les Grecs et les Hindous que Robinson étudie avant tout; mais s'il nous expose, pour les premiers, l'évolution des idées jusqu'à Platon et ajoute quelques mots d'Euripide et de Lucrèce, je cherche en vain la moindre allusion aux doctrines si profondes et, du point de vue religieux, si importantes, des Stoïciens; et une étude vraiment utile des rapports de la religion et de la philosophie dans l'Inde aurait dû s'appuyer sur l'examen des rapports du brahman et de l'atman, puisque c'est là le problème central de tout le Vedanta. Le chapitre suivant étudie « les religions philosophiques », et l'auteur ne range sous ce titre que le bouddhisme et les doctrines chinoises de Lao-Tse et de Confucius: les unes et les autres sont l'objet d'un exposé fort exact et fort attachant.

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Enfin, l'auteur aboutit au monothéisme et j'avoue que ce classement m'étonne. Il n'y a que deux religions vraiment monothéistes, quoique, à certains égards, le judaïsme et la doctrine Zoroastre puissent prétendre à être admises dans la même catégorie: c'est l'Islam et le Christianisme. A l'un et à l'autre sont consacrés un chapitre, intéressants à bien des égards, mais où j'ai cependant quelque peine à trouver entièrement satisfaction. On dirait que M. Robinson, ayant qualifié de monothéistes ces deux religions par opposition à d'autres fois nommées philosophiques, veut s'efforcer de justifier ces dénominations; il démontre la nature spéciale d'Allah et du Dieu des Chrétiens, expose, très clairement, la façon dont ils se révèlent, mais oublié les aspects philosophiques si prononcés de ces grandes religions: pour l'Islam, il n'est question ni

de Ghazzali ni d'aucun des autres mystiques; et quant au christianisme, Robinson est amené, par le point de vue auquel il se place, à le faire dériver presque entièrement du judaïsme sans apercevoir l'importance primordiale qu'a eue, dans sa formation, la spéculation hellénique.

C'est dire qu'à beaucoup d'égards je ne puis me rallier à cette reconstruction de l'histoire des religions. Je regrette en outre que l'absence d'index ne permette guère d'utiliser ce livre en guise d'introduction, d'y trouver aisément des renseignements sur tel problème particulier. Mais je tiens à insister, cependant, sur la très haute valeur du livre. Chaque page démontre que l'auteur a réfléchi très profondément aux questions religieuses et a souvent sur elles des vues attachantes et personnelles. Il les a pénétrées une vive sympathie; et là même où l'on n'approuve point ses idées, on en prendra toujours connaissance avec un très vif

avec

intérêt.

R. KREGLINGER.

-

WALTER ADDISON JAYNE. The Healing Gods of Ancient Civilizations. New Haven, Yale University Press, 1925.

-

M. Walter Addison Jayne a consacré un volume considérable à l'étude du culte destiné, dans les religions de l'antiquité païenne Egypte, Babylone, Phénicie, Inde, Perse, Grèce et Rome aux dieux guérisseurs.

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Chez tous ces peuples régnaient des idées apparentées et dont on retrouve d'autre part l'essentiel chez tous les non-civilisés. Elles different profondément de celles qui ont cours aujourd'hui.

L'atmosphère est parsemée de miasmes invisibles, de champs plus ou moins denses d'une substance mauvaise qui, se déposant sur un individu et l'imprégnant, le fait souffrir et le rend malade. Ces éléments délétères apparaissent, disparaissent, se transmettent comme des substances physiques et matérielles; elles s'acquièrent par contagion; des procédés matériels en débarrassent le patient, notamment des purifications, des bains dans des sources ou des fleuves sacrés. ! Que de conceptions contemporaines sont en germe dans ces doc

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trines! Et combien naturel que le génie des grands savants, d'un Hippocrate, d'un Galien, ait, pour guérir des maladies, trouvé des remèdes et des solutions dont le principe s'affirme à nouveau d'ans la science d'aujourd'hui !

Mais voici la différence et les opinions actuelles.

essentielle entre les idées d'autrefois

Les anciens ne distinguent guère entre le mal moral et le mal physique. Le vice aussi résulte de la présence d'un miasme. Un homme commet un délit? Des substances physiques mauvaises se sont emparées de lui, détournent son activité vers le mal. Le crime et la maladie dérivent des mêmes causes; ils apparaissent comme liés l'un à l'autre ; le même homme est à la fois malade, malfaisant, malheureux. Et les mêmes purifications le guériront à ces trois points de vue.

Plus tard, la conception du mal moral se précise; le coupable n'est plus seulement victime d'un miasme contagieux; on accorde une importance croissante aux intentions qui l'animent. Mais le lien persistera qui unissait le vice à la maladie; celle-ci semblera le châtiment dont est frappé le criminel; elle sera le moyen, pour des êtres supérieurs, pour des dieux, de punir les fautes dont l'homme s'était rendu coupable. La pénitence s'ajoutera à la purification pour éliminer le mal et apporter la guérison.

Mais aussi la simple présence d'un être fautif, d'un criminel, d'un étranger transmet un inal qui se transmue en maladie; cet être dangereux à le mauvais œil; son regard, sa présence suffit pour déclancher le mal.

Un exemple de ces mécanismes physiques? Agamemnon outrage le prêtre d'Apollon; le mal s'installe dans le camp des Grecs; des milliers de héros succomberont à une épidémie mystérieuse. Mais se plongeant tous ensemble dans la mer, ils y noient le vice et recouvrent la santé. Le moral et le physique s'entremêlent; les anciens et les primitifs ne les distinguent point.

Autre particularité de leur manière de voir la religion chez eux est partout pénétrée de magie. Et la magie, c'est l'art du sorcier qui, façonnant l'image d'un être ou énonçant les mots, les formules qui décrivent la réalité qu'il voudrait voir surgir, crée un monde conforme à ses désirs et à son intérêt. La malédiction du sorcier donne à la victime la maladie qui y est décrite; et voici

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