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9.

ALLEMAGNE, AUTRICHE - HONGRIE, FRANCE, GRANDE-BRETAGNE, ITALIE, RUSSIE.

Compte-rendu des réunions préliminaires tenues à Constantinople, du 11 au 22 décembre 1876.

Annuaire diplomatique de l'Empire de Russie, 1877 p. 237. Oesterr. Rothbuch, 1878 p. 641.

Compte Rendu Nr. 1.

Séance du 11 décembre 1876.

Les Représentants de l'Allemagne, de l'Autriche-Hongrie, de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Italie et de la Russie se sont réunis aujourd' hui pour aviser d'un commun accord aux moyens de rétablir la paix entre la Porte, la Serbie et le Monténégro, et prendre les décisions qui leur sembleraient les plus propres à améliorer la situation générale en Orient.

La présidence a été dévolue à Son Excellence l'Ambassadeur de Russie, Doyen du Corps diplomatique, et le Premier Secrétaire de l'Ambassade de France a été chargé de la rédaction du compte-rendu.

Les Plénipotentiaires s'engagent à conserver le secret sur leurs délibérations.

Le Président de la Réunion, après avoir remercié ses Collègues de l'honneur qu'ils lui ont fait en l'apellant à présider leurs délibérations, a continué en ces termes:

> Désirant avant tout définir nettement le mandat qui nous est dévolu, Messieurs, je crois devoir constater que les séances que nous inaugurons aujourd'hui ne serviront que de préliminaires à la Conférence définitive qui, nous l'espérons tous, mettra un terme à la crise que traverse en ce moment la Turquie et qui a provoqué une perturbation générale, commerciale et financière, plus sensible dans les pays limitrophes que dans le reste de l'Europe. Mais la valeur des ces préliminaires acquiert une importance notable, quand on considère que c'est ici que doivent être élaborées les bases sur lesquelles sera établie la situation future des populations chrétiennes de la péninsule balcanique, dont l'existence paisible a été atteinte par ce qui s'y est passé pendant les derniers quatorze mois. Je crois inutile de faire l'historique des pourparlers qui ont abouti à notre réunion d'aujourd'hui. Je me permettrai seulement de Vous rappeler que ce sont les propositions émanées du Principal Secrétaire d'État de Sa Majesté Britannique qui ont réuni successivement, et en traits généraux, l'adhésion de toutes les Puissances Garantes de la Turquie. C'est à Londres encore qu'ont été jetées les bases sur lesquelles la paix doit être rétablie entre la Porte, la Serbie et le Monténégro, et qui devaient conséquemment régler le sort futur des trois provinces de la Turquie dont les conditions d'existence réclament dés réformes sérieuses et immédiates. Pour la pre

mière partie, le statu quo ante bellum a été pris comme point de départ. Quant à l'arrangement de la Bosnie, de l'Herzégovine et de la Bulgarie, le mot d'autonomie a été prononcé d'abord; quelques termes explicatifs ont été ajoutés plus tard; des nuances ont été indiquées enfin entre les conditions différentes de ces trois provinces qui n'admettaient pas l'application stéréotypée d'un système absolument uniforme.

>Les deux questions qui semblent déterminer le mandat que nous avons à remplir sont appelées à former le canevas de nos délibérations; le but que nous avons à atteindre, si je l'ai bien compris, doit donc être de définir d'une façon plus précise:

>1o, les conditions de la paix que nous avons, en notre qualité de médiateurs, à offrir à la Turquie d'un côté, à la Serbie et au Monténégro de l'autre.

>20 la nature et l'étendue du système administratif qui devrait être appliqué à la Bosnie, à l'Herzégovine et à la Bulgarie, avec les modifications spéciales qu'exigeraient les conditions particulières de chacune de ces provinces et avec les garanties propres à en assurer l'exécution efficace, conformes aux intentions généreuses et équitables des Puissances chrétiennes que nous avons l'honneur de représenter.

>Ce n'est que lorsque nous serons tombés d'accord sur les termes et l'étendue de ces deux points que nous pourrons présenter nos conclusions comme l'expression de l'opinion unamine des Grandes Puissances à l'acceptation de la Porte et procéder, s'il y a lieu, de concert avec ses délégués, à la discussion des détails des projets que nous aurons élaborés. Notre but commun étant d'arriver au plus vite au rétablissement d'un ordre de choses normal dans les parties de la péninsule balcanique qui forment l'objet de la sollicitude actuelle des Grandes Puissances, il me paraît que nous pourrions le plus facilement l'atteindre en nous occupant simultanément des deux objets que nous avons en vue. Sans confondre les conditions de la paix turco-serbo-monténégrine avec la réorganisation de la Bosnie, de l'Herzégovine et de la Bulgarie, nous pourrions, je pense, mener les deux affaires de front et chercher à organiser nos travaux de manière à ce que les deux projets à élaborer arrivassent à maturité simultanément, pour ne former qu'un ensemble de conclusions. Il dépendra de Vous, Messieurs, de décider comment nous devrons distribuer notre temps pour remplir, dans le plus bref délai, la tâche compliquée qui nous est dévolue.

>> Animé du désir sincère de la mener à bonne fin le plus promptement possible, je ne négligerai rien de ce qui dépendra de moi pour contribuer au succès de notre oeuvre commune. J'aime à espérer que le vif désir d'une entente qui anime toutes les Grandes Puissances nous permettra de ne tenir compte, dans nos travaux, que des nécessités réelles que chacun de nous aura reconnues, et, laissant de côté toute convoitise ou ambition personnelle, tout préjugé ou arrière-pensée, ne chercher que le bien véritable et les moyens propres à remédier efficacement aux maux que nous sommes appelés à redresser et à prévenir. C'est une question qui intéresse non seulement la Russie, mais l'Europe entière, la prospérité générale, l'humanité et la civilisation chrétienne. Que la paix de l'Europe et

le bien-être futur des populations chrétiennes de la Turquie servent de récompense aux peines et aux difficultés attachées à l'entreprise que je suis heureux d'inaugurer avec Vous aujourd'hui«.

Les Plénipotentiaires ont passé ensuite à l'examen des conditions de paix entre la Porte et la Serbie. Ils ont reconnu d'abord comme opportun que, tout en maintenant l'état de choses actuel, on y applique les améliorations que la situation comporte. Il a été admis, toutefois, que la campagne ayant été malheureuse pour les Serbes, on pourrait difficilement donner suite au désir de la Principauté de faire rectifier sa frontière du côté de l'ancienne Serbie. Mais il faudrait avoir en vue que tout le territoire occupé par les troupes turques a été entièrement dévasté, de façon que le Gouvernement serbe évalue actuellement les pertes subies à une somme de 10 à 15 millions de ducats. On ne croit pas devoir oublier, d'autre part, que sur certains points, l'armistice a trouvé les Serbes en possession du territoire ottoman. En conséquence, les Plénipotentiaires ont fixé les conditions de paix suivantes :

1o Evacuation complète de la Serbie par les troupes ottomanes, en donnant à ces dernières tout au plus huit ou dix jours pour se retirer; les Serbes évacuant simultanément les points occupés sur le territoire ottoman; 2o Restitution réciproque des prisonniers de guerre dans un délaidéterminé; 3o Amnistie complète accordée aux sujets ottomans ou serbes qui auraient été compromis dans la lutte;

4o Des discussions ayant été soulevées entre les deux parties au sujet des ilots de la Drina, les Plénipotentiaires ont pris la résolution de recommender l'envoi d'une commission mixte turco-serbe, qui devra prendre pour base le thalweg de la Drina, de façon à laisser aux Serbes les villages du Petit - Zvornik et de Zacar qui avaient été détenus par les Turcs, contrairement aux conditions de la délimitation tracée avec la participation d'un commissaire russe, à la suite de la paix d'Andrinople *), et à mettre ainsi un terme aux conflits qui se produisent périodiquement sur ce point.

La Réunion passe ensuite aux conditions de la paix avec le Monténégro, et, reconnaissant d'un côté que la fortune des armes a été favorable à cette Principauté, de l'autre, qu'il y a lieu d'écarter des causes de conflits incessantes entre les autorités ottomanes et la population monténégrine, décide que la frontière sera rectifiée par une commission internationale ad hoc, se réunissant à Raguse trois semaines après l'acceptation de ces arrangements par les deux parties, et qui opérera sur les bases suivantes :

1o Cession au Monténégro, du côté de l'Herzégovine, d'une partie des Zubtzi, à l'exclusion de la Sutorina, ainsi que des districts des Banyani, Piva, Drobniak, Scharanzi jusqu'à la Tara, le district de Kolachine. est entendu que Niksitch se trouvant dans les limites assignées au Monténégro, les habitants musulmans auront la faculté de rester dans la ville ou de la quitter;

2o Du côté de l'Albanie, la rive droite de la Moratcha, les Mali et

*) Du 14 sept. 1829. V. N. R. VIII. 143.

Veli-Brdo, la place de Spouge ainsi que les districts habités par les Koutchi Drekalovitchi, Koutchi Kraïni et Vassoïévitchi, depuis la Zevna jusqu'au Lim;

3o En vue de donner à la Principauté un débouché maritime, et après avoir discuté l'opportunité de la cession de Spizza, les Plénipotentiaires ont considéré comme préférable de stipuler la liberté de navigation de la Boïana, de manière à garantir ainsi à la Principauté le libre accès à la mer. Cette rivière devrait être l'objet de travaux qui la rendissent navigable et accessible. Les droits souverains de la Porte demeureraint d'ailleurs pleinement réservés. Un arrangement spécial interviendra entre les deux parties, dans lequel les facilités accordées au Monténégro devront se concilier avec la sauvegarde des intérêts fiscaux de la Porte;

4o Il serait entendu que les territoires qui seraient cédés au Prince de Monténégro seraient placés sous la suzeraineté de la Porte. Son Altesse donnerait d'ailleurs toutes les garanties pour la liberté de religion des habitants musulmans.

Les Plénipotentiaires d'Autriche - Hongrie et d'Allemagne déclarent prendre ad referendum les arrangements précédents relatifs au Monténégro.

Après avoir ainsi arrêté les conditions de paix, la Réunion entend la lecture d'un mémoire relatif à la situation de la Bosnie (annexe au compte rendu).

Puis, sur les observations de plusieurs Plénipotentiaires, elle discute le point de savoir s'il est opportun d'examiner les principes généraux de la question ou de travailler sur un projet déterminé, et juge convenable de ne pas entrer aujourd'hui dans l'examen d'un sujet aussi considérable. La prochaine séance est fixée à demain, 12 décembre.

Werther, Zichy, Calice, F. de Bourgoing, Chaudordy,
Henry Elliot, Salisbury, L. Corti, N. Ignatiew.

(Annexe au Compte Rendu No. 1).

Bosnie.

L'état anormal dans lequel se trouve à l'heure qu'il est la Bosnie, a été amené fatalement par le régime auquel ce pays a été soumis durant de longues années.

Le développement qu'aurait dû prendre une contrée possédant tant de terrains fertiles, de forêts, de pâturages et de richesses minérales, a été arrêté par les abus de l'administration, l'absence de sécurité et de justice, un système d'impôts défectueux, les exactions des propriétaires et le fanatisme du clergé musulman. La population chrétienne s'est trouvée dans un état désespéré.

Malgré les instructions de la Sublime Porte, les fonctionnaires ottomans en Bosnie n'ont jamais pu se soustraire à l'influence des Beys, si puissants dans ce pays. Ces derniers, jaloux de leurs anciens priviléges et regrettant l'époque où ils étaient les maîtres absolus du pays, se sont toujours montrés extrêmement hostiles aux réformes et ont fait échouer celles qui étaient en faveur des Chrétiens.

Bien avant les derniers évènements, en date du 6 mars 1874, notre Consul à Sérajevo mentionne une conversation avec l'un des Beys influents; ce dernier se plaignait de toutes les innovations; il les trouvait contraires au Coran: »Il ne reste plus aux Musulmans «, disait-il, »que de demander au Sultan le maintien des anciens us et coutúmes«.

Au lieu de lutter et de vaincre cette opposition des Musulmans, les hauts fonctionnaires ottomans l'ont plutôt encouragée par leur attitude. Ainsi on retardait, sous différents prétextes, la réunion de l'Assemblée provinciale. En même temps des cas journaliers de violences et de cruautés restaient impunis.

Entre autres, le 6 mai 1875, à Wirsélié, près de Sennitza, sandjak de Travno, les Musulmans ont massacré toute une famille de Catholiques, Ivo Girchitch, sa femme et ses enfants. Quelques jours après, la maison d'Ilia Gostitch, dans le village de Tchemern, à six heures de chemin de Sérajevo, et l'église de Srébrénitza furent pillées et incendiées. Ponssés à bout, les Chrétiens commencèrent à émigrer; d'autres prirent les armes.

Le Gouvernement ottoman fut lent à comprendre la gravité de ces symptômes. Au lieu de chercher à rétablir le calme et la confiance par de sages mesures, on eut recours à des moyens violents; en Bosnie, comme plus tard en Bulgarie, on lâcha le frein à la population musulmane.

Un rapport de Sérajevo, en date du 22 août 1875, porte: »A défaut de troupes on enrôle des volontaires; j'en ai vu passer hier près de cinq cents, ayant à leur tête des derviches porteurs de drapeaux avec des versets du coran, invitant les fidèles à combattre les Chrétiens. On me dit que les derviches prêchent la guerre sainte. C'est une lutte acharnée de race et de religion qui va s'engager. Le manque de troupes régulières a malheureusement provoqué une levée générale des Musulmans, dangereuse et à double tranchant qui va, à son tour, allumer la guerre civile dans cette portion de la Bosnie jusqu'à ce jour épargnée«.

mesure

En date du 5 décembre 1875, notre Consul à Sérajevo informe que >>le pays entre Vichegrade et Sennitza présente un aspect des plus tristes et des plus désolants. Tout est brûlé, détruit. Les églises n'existent plus; même le fameux monastère de Bania a été pillé; on en a fait une auberge. Les écoles sont fermées, les maîtres dispersés. De mille maisons, il reste, paraît-il, une cinquantaine«<.

Il est inutile de parler de la manière dont étaient traités les insurgés: à Taslidjé, vingt têtes ornèrent longtemps l'enceinte d'une mosquée. Mais des gens paisibles furent massacrés aussi : les rapports consulaires fournissent de nombreux faits. Près de Vichegrade, dans le village de Sokolovitch, le prêtre Alexis Popovitch, âgé de 80 ans, eut la tête coupée; des hommes aisés et considérés, qui n'avaient pris aucune part au mouvement, furent tués par les Musulmans. Ainsi périrent, dans le district de Vichegrade, Nicolas Evidjević (village de Nebogovina), le fils du laboureur Sawa (village de Bichevitch), Marko (village de Sagodina), le frère de Miloch Prévolak (village de Prevola), Pericha (village Zouga), Milarvan Sevtitch (village de Prouduve Pole). L'avoir de ces malheureux fut pillé et

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