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l'image d'un crapaud imprimée par le diable, superstition supposant la croyance que l'âme pupilline, ou l'une des âmes pupillines, de la sorcière a la forme d'un crapaud, ce qui, à mon sens, devait être compris de l'une ou l'autre des deux manières suivantes, probablement même des deux en même temps: la sorcière pouvant se changer en crapaud',

ou, pour employer des termes plus exacts 3, faire agir le crapaud qui, à la suite d'un échange d'âmes, est devenu son correspondant vital, sa pupilline, ou l'une de ses pupillines, doit avoir la forme de cet animal'; c'est l'âme crapaudine que la sorcière a dans l'œil qui est son petit génie destructeur.

1) La croyance se présente parfois assez détériorée : le crapaud est remplacé par une patte de crapaud (ou de chien, ou de taupe) [cp. Melusine 4, 81, 83 et 84 haut]; la patte d'animal est placée ailleurs que dans la pupille (cp. Mélusine 4,81 haut et bas); la vieille superstition se réduit même parfois à croire que la marque diabolique se trouve sous la paupière du sorcier (Mélusine 4,79 et 80). 2) Sur la transformation de la sorcière en crapaud, cp. TUCHMANN dans Mélusine 4, 482; Liebrecht Zur Volkskunde 333; MONSEUR Folklore Wallon no 1174 donnant une légende à comparer à celle de GURDON County Folk-Lore 2. Suffolk 184.

3) C'est bien ici qu'il faut distinguer soigneusement deux cas d'apparition animale du sorcier. Dans le premier cas, c'est le corps humain du sorcier qui devient un corps animal, et je n'ai envisagé que ce premier cas dans la note qui suit, note composée avant la découverte de faits qui m'ont fait changer d'avis sur plus d'un point. Dans le second cas, le sorcier ne quitte pas sa forme humaine; l'animal n'est que son correspondant vital à la suite d'un échange d'âmes; la forme définitive de ce chapitre contiendra, d'ailleurs, un paragraphe où j'étudierai des superstitions qui établissent que l'âme crapaudine de la sorcière est une âme qui a passé de l'oeil d'un crapaud à l'œil de cette sorcière.

4) Dans cet alinéa de même que dans celui qui va suivre, je fais allusion à la croyance que tous les être vivants ne diffèrent que par la forme extérieure, que, par exemple, à certains moments, surtout la nuit, ou tant que dure une certaine magie, un homme peut prendre l'aspect d'un loup, ou un loup prendre l'aspect d'un homme (pour cette transformation de l'animal en homme, cp. ANDREE Ethnographische Parallelen 1, 76-77; voir, de plus, dans JUNOD Les BaRonga 282-5 un bel exemple que j'ai résumé dans Bulletin de Folklore 3, 9091). Au sujet du rapport que j'établis ici entre cette dernière croyance à la transformation et la croyance à l'âme pupilline, je crois utile de faire remarquer qu'on voit une pupilline à forme humaine dans l'œil de tout animal de taille un peu grande. Le primitif ayant dû faire cette observation, j'imagine qu'il l'a mise en relation avec sa croyance à la possibilité de transformation humaine de l'animal, c'est-à-dire qu'il a raisonné comme il suit : « Je vois un petit homme dans l'œil de mon bœuf; ce bœuf a donc, non seulement une âme bovine, mais une âme humaine; c'est bien la preuve que c'est un animal-sorcier pouvant devenir

Un écrivain grec du 3° siècle avant notre ère, Phylarque', raconte que d'après les marchands qui allaient acheter des esclaves sur les côtes de la mer Noire, dans la région actuelle de Trébizonde, il y avait chez les Thibiens, les habitants de cette région, des sorciers dont, en cas de

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un homme à certaines heures. » Les superstitions que je relève dans les présentes pages seraient donc des applications à l'homme-sorcier d'une inévitable croyance relative à l'animal-sorcier. Corrigeant l'épreuve de la présente note, je m'empresse d'ajouter que, par ce qui précède, je n'entends pas dire que le primitif aurait toujours attribué à l'animal une pupilline à forme humaine. Son véritable raisonnement a été, me paraît-il, le suivant. La pupilline d'un homme ayant la forme humaine, la pupilline d'un animal doit avoir la forme de de cet animal. L'observation d'une petite figure humaine dans l'œil d'un animal déterminé lui paraissait en conséquence un fait qui méritait une explication comme c'est un animal qui peut se changer en homme; c'est un homme actuellement changé en animal; l'âme d'un ancêtre vit dans les yeux de cet animal; cet animal a échangé son âme avec un sorcier, etc.

1) Le passage de Phylarque est perdu; nous ne le connaissons que par deux citations dont je crois bien établir la concordance à la fois dans mon texte et dans mes notes. La première est de Plutarque dans un chapitre des Sympo-. siaques (5,7 Moralia, éd. Didot, II, 827 fin-828), où est traitée la question de savoir jusqu'à quel âge la fascination peut produire des effets mortels, point de vue qui nous fait comprendre pourquoi Plutarque n'a pas pensé à reproduire ce que Phylarque disait de la double pupille : καίτοι τοὺς γε περὶ τὸν Πόντον οἰκοῦντας πάλαι Θηβεῖς προσαγορευομένους ἱστορεῖ Φύλαρχος οὐ παιδίοις μόνον, ἀλλὰ καὶ τελείοις ὀλεθρίους εἶναι· καὶ γὰρ τὸ βλέμμα καὶ τὴν ἀναπνοὴν καὶ τὴν διάλεκτον αὐτῶν παραδεχομένους τήκεσθαι καί νοσεῖν ᾔσθοντο δὲ, ὡς ἔοικε, τὸ γινόμενον οἱ μιγάδες, οἰκέτας ἐκεῖθεν ὠνίους ἐξάγοντες. La seconde citation est de Pline (HN 7, 2, 9) dans le chapitre qu'il consacre aux fascinateurs caractérisés par une double pupille: Phylarchus et in Ponto Thibiorum genus, multosque alios ejusdem naturae : quorum notas tradit in altero oculo geminam pupillam, in altero equi effigiem; eosdem praeterea non posse mergi, ne veste quidem degravatos.

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2) Telle est la transcription des traducteurs français de Pline. Pour la vériritable forme du nom de ce peuple et ce qu'on en peut en savoir, il faut recourir à Saumaise (Plinianae Exercitationes 34 a, litt. DEF) qui notamment corrige le Ones de Plutarque en éɛic, en se fondant surtout sur la glose d'Hésychius (0:6ets yoŋTES TIVés). J'ajouterai que la graphie de Plutarque me parait bien prouver que la première voyelle du mot était longue.

3) Trop littérales, les traductions françaises des passages en cause (pour Pline, Littré; pour Plutarque, Bétolaud OEuvres morales 3, 329) laissent croire que tous les Thibiens étaient considérés comme sorciers; les contextes prouvent qu'il n'en était rien d'abord, l'allusion à l'épreuve par l'eau, c'est-à-dire à un véritable procès de sorcellerie, établit que le pouvoir nocif n'était attribué qu'à certains individus; en second lieu, les marchands qui vendaient de jeunes Thibiens sur les marchés grecs, devaient, sous peine de déprécier leur marchan

décès attribuable à un sortilège, la culpabilité était établie par ce fait que, lorsqu'ils étaient soumis à l'épreuve de l'eau, leurs corps, même chargés de vêtements, ne s'enfonçaient pas. Ces sorciers, par leur regard, leur haleine ou leur conversation', pouvaient donner une maladie mortelle, non seulement à des enfants', mais à de grandes personnes. On expliquait leur pouvoir de fascination en prétendant que, de même que les sorciers d'autres peuples de la même région, ils avaient dans l'un des yeux une double pupille et dans l'autre l'image d'un cheval, ce qui revenait à leur attribuer deux caractéristiques distinctes du fascinateur. Je me contenterai de dire ci-dessous en note quelques mots de la première de ces

dise, avoir soin de faire remarquer que tous les Thibiens n'étaient pas des fascinateurs.

1) Je vois ici une allusion à l'ensorcellement par louange. Les sorciers thibiens devaient ressembler, et aux sorciers africains dont la louange, suivant Pline (HN 7, 2, 9), faisait dépérir les troupeaux, dessécher les arbres et mourir les enfants, et aux sorcières du pays de Liége qui peuvent, — je l'ai noté dans les termes qui suivent dans Folklore wallon, no 1236, « jeter un sort à un animal ou à un enfant, le rendre malade ou le faire périr, en faisant son éloge, en disant qu'il est beau, qu'il est bien portant, etc. ». Autres faits dans Mélusine 5, 160 s. et 9, 105-6. La superstition doit s'expliquer par la croyance que le sorcier, par des mots dits à voix basse, transforme sa bénédiction en malédiction, c'est-à-dire lui donne la valeur d'une formule magique de destruction. 2) On a toujours cru que les enfants étaient plus exposés à la fascination; cp. Mélusine 5, 158 ss.

3) Pline ne dit pas expressément que c'était une explication; mais cela résulte de l'ensemble de son paragraphe.

4) PLINE (7, 2, 9) ne cite pas cet unique cas de fascinateur à pupille double; il parle également de sorciers et sorcières possédant deux pupilles dans chaque œil (pupillas binas in oculis singulis). Ces indications de Pline ont été partiellement répétées, d'une part, dans Aulu-Gelle (Noctes 9, 4), et, d'autre part, dans Solin (éd. de Saumaise, p. 7), texte dont quelques manuscrits ajoutent qu'il y a aussi en Sardaigne des sorcières à double pupille (cp., SALMASHI Plinianae Exercitationes, p. 34 A, litt. C.). Pour l'antiquité, on doit ajouter au texte de Pline ce qu'Ovide (Amores 1, 8, 15-16) nous dit d'une sorcière : « Les doubles pupilles de ses yeux lancent des éclairs doubles » oculis quoque pupula duplex Fulminat et geminum lumen ab orbe venit. La même croyance existe encore en Serbie, probablement sous la forme double pupille à l'un des yeux [Tuchmann dans Mélusine 4, 33 d'après AMI-BOUÉ Turquie d'Europe 2 (Paris, 1840), 123]. Rien ne prouve qu'elle ait jamais été populaire en Occident; c'est uniquement par emprunt direct ou indirect à Pline que les brûleurs de sorcières des 16 et 17° siècles ont admis que les sorciers pouvaient être reconnus parce qu'ils avaient << deux prunelles en chaque œil, ou en l'un seulement, ou bien l'effigie d'un cheval ou d'un chien dedans l'autre » [TUCHMANN dans Mélusine 4,

caractéristiques. Quant à la seconde, elle est parallèle à la croyance qui fait l'objet de l'alinéa précédent. Ou bien l'on croyait que le petit génie destructeur du sorcier Thibien était une pupilline de cheval1, ou bien, et

81 (citation de DELRIO); cp. ibidem 26 (cit. de VAIR) et 79 (cit. de BOGUET)]. Je ne me bornerai pas à constater cette croyance; je profiterai de l'occasion pour dire tout ce que j'en sais, afin d'éviter à d'autres une erreur identique ou analogue à celle que j'ai commise jusqu'au jour de la correction des épreuves du présent article. J'ai cru longtemps qu'il y avait dans la croyance une imagination pure et qu'il fallait l'interpréter comme telle, ce que je faisais en admettant l'hypothèse populaire d'une double pupilline dans un œil pour expliquer le pouvoir du sorcier, hypothèse dont je croyais trouver trace dans un texte qu'il était permis de comprendre comme opposant une double image humaine à une seule image de cheval. J'avais lu dans la traduction de Pline par Ajasson de Grandsagne (t. VI, Paris, Panckoucke, 1829, p. 166) une note de Cuvier ainsi conçue : « J'ignore entièrement à quoi peut tenir cette opinion sur les gens à double pupille; je doute même que de pareils yeux se soient vus dans l'espèce humaine ». J'ai cru que, malgré sa prudente réserve (je doute que), l'opinion de Cuvier devait être définitivement admise, et qu'en conséquence aucun naturaliste n'avait jamais observé de pupille double ou paraissant double, d'où une bypothèse explicative indépendante de tout aspect de l'œil. Je me pris à douter de la science de Cuvier le jour où je reçus la visite d'un jeune garçon dont l'œil droit présentait une pupille assez allongée vers le bas, comparable même à deux pions noirs d'un jeu de dames placés de façon que l'un recouvre les deux tiers de l'autre. J'étais en présence d'une apparence de double pupille pouvant se rattacher à la superstition que je croyais avoir expliquée. J'allais exposer mes doutes à mon savant collègue, le docteur Gallemaerts. Il me démontra que Cuvier n'était pas un grand oculiste. Il existe, en effet, une affection de l'œil appelée colobome de l'iris. Chez ceux qui en sont atteints, la pupille n'est pas ronde, mais à peu près ovoïde; elle empiète sur l'iris, d'où le nom de colobome ou mutilation. Cette pupille anormale est parfois divisée par une membrane et l'on doit dire alors qu'il y a double pupille. Au lieu d'une membrane, il peut y en avoir plusieurs, et on a même observé un cas de pupille à seize trous. Des accidents de ce genre ayant dû se produire à toute époque, on doit dire que la croyance qui fait l'objet de cette note n'est superstitieuse qu'en deux points : l'attribution d'un pouvoir de fascination à ceux qui, par suite de colobome de l'iris, ont ou paraissent avoir une pupille double, simple cas à ajouter à ceux que j'énumère dans la note suivante de l'attribution de ce pouvoir à tout œil anormal; l'attribution de la double pupille à tous les sorciers d'une certaine région. 1) Une autre explication est consignée en ces termes dans le dictionnaire de Forcellini «< Thibii, iorum: populi Ponti, oculis perpetuo nictantes; quod cum ллоν vocent Graeci, ambiguitate vocis deceptus Plinius in altero oculo geminam pupillam, in altero equinam effigiem habere scribit, 7, 2; v. PLUT., Sympos. 5, 680; Voss. de Idolol. 3, 23; SALMAS. ad Solin., p. 46 et 47 B. A. » La bêtise que je viens de faire réimprimer a eu pour moi cet avantage de m'amener à élucider un petit détail. Reprenant la désignation adoptée par Hippocrate, lequel en l'oc

cette seconde croyance pouvait se concilier avec celle qui précède, on lui attribuait une âme chevaline, parce qu'on pensait que, tels1 nos sorciers

currence est connu par Galien, nos oculistes donnent le nom de hippus à la contraction spasmodique de la pupille, affection assez rare qui se lie le plus souvent au nystagmus, contraction spasmodique du globe de l'œil [cp. PANAS Traité des maladies des yeux (Paris, Masson, 1894) 1, 328]. Hippocrate ayant certainement ici repris une désignation populaire, il en résulte que les Grecs employaient l'expression avoir le cheval pour avoir les yeux frétillants. L'explication de cette tournure n'est pas douteuse. Il suffit de lire quelques pages de M. Tuchmann dans le t. IV de Mélusine pour constater que, spécialement en Europe et au moyen âge on a considéré comme fascinateurs inconscients, ou comme sorciers, c'est-à-dire comme fascinateurs conscients, ceux dont les yeux présentaient quelque particularité : les louches (Mélusine 4, 26 et 28), les borgnes (26), les bicles (26 et 29), ceux dont la vue était courte (26), ceux regardant de travers (26 et 34; notez que guignon « mauvais sort » vient de guigner« regarder du coin de l'œil » et que obliquus oculus signifie «< mauvais œil » dans HORACE Epitres 1, 14, 37), ceux aux yeux enfoncés (26, 27, 30, 32 et 33), ceux tenant les yeux baissés (31), ceux ayant les yeux rouges (28, 33 et 34), ceux ayant les yeux fixes (26 et 34), ceux ne sachant pas pleurer (77), ceux ayant les yeux très gros ou très grands (26 et 27), ceux ayant les prunelles plus claires ou plus foncées que la majorité des habitants de la même localité (26 et 27), ceux ayant les yeux «cillants et frétillants » (26), etc., etc. Or, l'affection que j'ai mentionnée en dernier lieu, consiste, non seulement dans la contraction spasmodique des paupières (suivant Littré, ciller faire toucher et séparer les cils des deux paupières), mais dans la contraction spasmodique de la pupille, c'est-à-dire dans ce que les Grecs appelaient «< avoir le cheval ». Leur façon de s'exprimer devient très claire, si l'on admet, et il ne me parait pas possible de ne pas l'admettre -, que, d'abord, ils attribuaient un pouvoir de fascination aux hommes ayant les yeux frétillants, ensuite, qu'un très grand nombre de Grecs, du moins à l'origine (voir la note 1 de p. 15 sur le to

témisme chevalin)
de cheval. Leur raisonnement doit, en effet, se restituer comme il suit
qui a les yeux frétillants est un sorcier; donc il a un cheval dans l'œil.

-> croyaient que les sorciers avaient une pupilline à forme

celui

1) Je crois utile de faire remarquer ici que la croyance à l'hippanthropie, je forge le mot dont j'ai besoin, existe encore en Europe tout aussi bien que la croyance à la lycanthropie. Elle est seulement plus rare, avec une proportion qui doit être ancienne, parce que le cheval est un animal doux depuis longtemps domestiqué et que le primitif préférait généralement se changer en un animal méchant et sauvage. Vu cette rareté relative de la croyance, je vais en citer trois exemples belges: 1o M. Harou s'est empressé de me communiquer l'histoire suivante qu'il a recueillie récemment à Hamoir (province de Liége): « un cultivateur de ce village avait engagé comme domestique un jeune homme du village voisin de Jenneret. Ce domestique était un sorcier. Il se faisait «< devenir à poulain » et caracolait sous cette forme dans la cour de la ferme; un jour, le poulain-sorcier a trébuché et s'est cassé la patte; à l'instant même, il est

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