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d'Occident, les sorciers du pays de Trébizonde pouvaient se changer en chevaux'.

<< devenu à homme» (j'ajoute ici, en m'inspirant d'un cliché commun à toutes les histoires de ce genre, la répercussion, membre pour membre de la blessure faite à l'animal sur le corps du sorcier on le trouva étendu sur le pavé avec sa jambe cassée). Le domestique, ainsi convaincu de sorcellerie, fut congédié; 2o La revue Wallonia 9 (1901), 202 a publié deux versions de l'histoire suivante : Un jeune homme de Pousset (pr. de Liége) revenait une nuit du village d'Oleye, où il était « alle à l'amour ». Le temps étant mauvais, le jeune homme se dit : c'est bien dommage que je n'aie pas un cheval; je serais si vite retourné. A l'instant même, il se présenta à lui un cheval blanc sellé et bridé. Il s'empressa de l'enfourcher. Arrivé près de la Haie de Blerèt, il lui donna un coup d'éperon et le piqua. Aussitôt, il se trouva à califourchon sur les épaules d'un homme, les pieds dans les poches de son sarrau. Il reconnut que ce sorcier était le père de sa fiancée, lequel s'était toujours montré fort aimable pour lui. Dans l'une des deux versions de ce récit, la reprise de la forme humaine est uniquement déterminée par ce fait que le cheval, par suite d'un élan mal calculé, entre dans l'eau d'une mare, ce qu'il faut rapprocher de la légende normande du lutin qui se présente sous forme de cheval sellé et bridé et jette dans une mare celui-ci qui s'avise de le monter (PLUQUET, Contes populaires, etc., de l'arrondissement de Bayeux, Rouen, 1834, p. 14-15). L'autre version est plus conforme à la croyance qu'une blessure, et spécialement une blessure « à sang coulant »>, force le sorcier à reprendre la forme humaine. J'ajoute que l'histoire que je, viens de rapporter me paraît avoir été influencée par un autre thème de notre littérature populaire, le cheval de bon secours, thème où il faut voir un débris de la croyance que l'animal-totem, cp. la note suivante sur l'existence de clans-chevaux, en réalité un ancêtre ayant pris la forme de l'animal-totem, peut venir secourir un des membres du clan; - 30 MASSET Histoire de Marchienne-au-Pont, 244 (je le cite d'après une communication de M. Harou) raconte que, suivant la menace d'un sorcier de Marchienne, un poulain [le sorcier luimême changé en cheval] suivait et dépassait alternativement une femme chaque fois qu'elle sortait de sa maison. Cp. la croyance, relevée en Hongrie et dan's une commune du département de l'Eure, que les sorcières se changent en cavales (Mélusine 4, 477).

-

1) Je ne crois pas inutile, surtout à cause d'allusions dans d'autres notes, de présenter ici le canevas d'un chapitre que je me propose d'écrire dans un ouvrage qui fera suite à celui dont cet article est un extrait. J'estime que chaque fois qu'il nous est raconté que les membres d'un peuple, ou bien seulement les chefs ou les sorciers de ce peuple, se changent à certains jours en animaux d'une certaine espèce, il faut admettre que ce peuple forme ou a formé antérieurement un clan se croyant apparenté à l'espèce animale en cause. L'hippanthropie qui, à mon sens, était attribuée aux Thibiens, est l'indice que ce peuple provient d'un clan-cheval. L'existence de clans-chevaux dans notre partie du monde à une époque relativement récente ne me paraît d'ailleurs pas plus douteuse que l'existence de nombreux clans-loups à la mème époque. Parmi les clans aryens, par exemple, qui, il y a environ 5.000 ans, vivaient, à demi-nomades, dans les

La croyance mondiale au « mauvais œil » me paraît devoir être comprise comme il suit : l'homme extraordinaire, fascinateur conscient ou

plaines qui se trouvent au nord de la mer Noire et de la mer Caspienne, il y avait certainement des clans-chevaux, ou tout au moins des clans qui avaient été antérieurement des clans-chevaux. J'en vois la preuve dans le sacrifice indou de l'étalon, l'açvamédha (voir description sommaire dans OLDENBERG Religion des Veda 474-5= tr. fr. 405-6; pour les détails, cp. HILLEBRAND Ritual-litteratur 149-52). La haute antiquité et l'origine géographique de ce sacrifice me paraissent établies par ce fait que l'étalon n'était immolé qu'après avoir vécu pendant un an en liberté sous la surveillance d'une escorte de jeunes gens armés, rite qui date d'un temps où le cheval n'était pas encore complètement domestiqué, et que j'interprète comme la reproduction liturgique d'une chasse au cheval, un surcroît de respect pour la victime ayant transformé la bande des chasseurs en une escorte de protection. Le caractère totémistique de ce sacrifice résulte pour moi de la partie suivante de la cérémonie : l'épouse en titre du roi offrant le sacrifice se couchait entre les pattes du cheval mort, puis, un voile les ayant recouverts tous les deux, elle plaçait le pénis du cheval entre ses jambes, tandis que les assistants échangeaient des facéties obscènes. Cet accouplement liturgique devait à l'origine renouveler l'alliance de la tribu humaine et de la tribu animale en figurant l'acte générateur ayant produit l'ancêtre du clan, lequel à en juger d'après un cliché très répandu, devait être né des amours d'une femme et du roi ou dieu des chevaux [cette légende spéciale a d'ailleurs laissé en Grèce et dans l'Inde (mythe arcadien de Dêmêter et mythe indou de Saranyu) des traces que je n'ai pas le temps d'étudier ici]. Des débris du même totémisme se rencontrent chez la plupart des peuples aryens, soit que ce totémisme soit indigène dans les pays habités par ces peuples, soit plutôt qu'il y ait été apporté par les tribus qui les ont aryanisés. On retrouve notamment plus d'un de ces débris chez les Grecs. Je citerai le principal. Les populations de la Thessalie paraissent bien provenir d'un ancien clan cheval. D'une part, le cheval est le totem qui figure sur un très grand nombre de monnaies thessaliennes (cp. DE VISSER De Graecorum diis non referentibus speciem humanam 159). D'autre part, les légendes sur les Centaures de Thessalie s'expliquent très bien comme des débris littéraires du temps où il y avait en Thessalie, ou plutôt dans le pays d'où venaient les Thessaliens, un clan d'hommes se croyant apparentés à la race des chevaux et qui pour cette raison s'appelaient les « Étalons >> [Le mot xévτaupos ne peut signifier que « taureau de cheval c'est-à-dire « étalon; la première syllabe nous donne une forme grecque qui me paraît certainement apparentée, sans toutefois que je puisse déterminer le degré exact de cette parenté, d'une part, avec les noms du cheval dans les langues slaves (cp. SCHMIDT Sonantentheorie 138-9), et, d'autre part, avec l'allemand Hengst]. Je ne pense pas que l'on puisse contester cette opinion en s'appuyant sur la représentation figurée des Centaures. Le type classique du Centaure, cheval dont le poitrail se développe en buste humain, doit d'abord être mis hors cause; c'est la transformation par les sculpteurs d'un type plus ancien, l'homme debout au dos duquel est accolé le train de derrière d'un cheval. Ce type prouve

inconscient, peut nuire au moyen de sa pupilline1, ou d'une pupilline supplémentaire, ayant soit forme humaine, soit forme animale; lorsqu'il regarde fixement un homme ou un animal, la mauvaise âmelette sort de

t-il que l'on a toujours cru que le Centaure était en même temps un homme et un cheval? J'en doute fort. J'y vois plutôt une gaucherie d'exécution, soit dans la représentation d'un homme pouvant à certains jours se changer complètement en cheval, soit dans la représentation d'un membre de clan-cheval, déguisé jusqu'à un certain point en cheval (portant, par exemple, une queue de cheval fixée au bas du dos, ou même une peau entière de cheval attachée aux épaules) pour célébrer la fête du clan. Je n'ignore pas en écrivant ceci, que c'est dans l'art mésopotamien qu'il faut aller chercher le premier exemplaire de l'un des types du Centaure et peut-être de tous les deux (cp. PERROT et CHIPIEZ 3, 602); mais ce fait ne me cause aucun embarras. Rien que pour expliquer le système des grades du Mithriacisme, nous devons admettre l'existence préhistorique en Asie Mineure d'un clan-corbeau, d'un clan-lion, etc., clans transformés plus tard en sociétés secrètes qui se sont ultérieurement soudées les unes aux autres, d'où une série d'initiations. L'Asie-Mineure a pu avoir également des clans-chevaux, comme, par exemple, les ancêtres des Thibiens d'Arménie, ou bien des clans-ânes, ce qui expliquerait, d'une part, la croyance plutôt sémitique à l'onocentaure et l'existence d'une représentation concordante (cp. RoSCHER Lexikon III. 2, 2034 : Méduse représentée comme une femme au dos de laquelle est accolé le train de derrière d'un âne), représentation qui est peut-être la forme première, et réellement asiatique, du Centaure grec, d'autre part, la forme, consacrée par la tradition, de la légende du chef aux oreilles d'animal, l'histoire de Midas.

1) Je rappelle la note (5 de p. 7) où je remarque que d'après la croyance primitive, il n'y aurait qu'une seule pupilline apparaissant tantôt à un œil et tantôt à l'autre. On verra à la fin de la note suivante que le maléfice peut être attribué à l'âme même du sorcier.

2) Notez que le maléfice est expliqué par l'hypothèse que l'être maléficiant aurait en double une des âmes normales, dans une croyance slave que signale M. Karlowicz (Mélusine 10, 58) et que je me permets de formuler comme il suit en m'inspirant pour la fin de faits relevés par ANDREE Ethnographische Parallelen 1, 80 ss. Celui qui sera un jour un vampire possède deux cœurs, c'est-à-dire deux âmes cordiales, logées, soit dans un, soit dans deux organes. A la mort de cet homme, l'une de ces âmes n'abandonne pas le corps; elle se laisse enfermer dans le tombeau, d'où elle sort périodiquement, afin de renouveler le sang du cadavre au détriment des vivants. Pour mettre fin aux ravages du vampire, on doit déterrer le cadavre récalcitrant, lui percer le cœur, c'est-àdire détruire l'âme mauvaise en même temps que son domicile, enfin, pour plus de garantie, brûler le corps entier. Si je les interprète bien, les faits cidessus formulés impliquent la croyance que le sorcier a deux âmes cordiales, et qu'il se sert de lune d'elles pour accomplir des maléfices, non seulement après sa mort, mais aussi pendant sa vie. Ce redoublement de l'âme du sorcier, et ce que je vais dire s'applique aussi bien à l'àme de l'œil qu'à l'âme du est d'ailleurs très concevable; comme le sorcier continuait à se bien

cœur

son œil et, pénétrant par la pupille de l'œil fixé, va accomplir des

porter, alors que sa victime dépérissait, le primitif devait en conclure que l'âme maléficiante ne lui était pas nécessaire pour vivre, qu'il devait donc avoir une âme supplémentaire, comme par exemple un second exemplaire d'une de ses âmes normales. Il y aurait là un perfectionnement de cette croyance, plus simple, que le petit génie destructeur est une des âmes normales du sorcier, âme dont il ne se passe, ou même ne peut se passer, que pendant quelque temps, ainsi qu'il résulte des deux exemples suivants que j'emprunte, l'un à la Birmanie et l'autre à la Belgique : 10 « Chez les Karens, dit de Rialle (Mythologie comparée 1, 113), les magiciens peuvent envoyer au dehors d'eux leur estomac pour dévorer l'âme des malades ». Cet estomac qui voyage, c'est l'âme logée dans l'estomac, très probablement même, l'âme jécorale, le foie étant le siège de l'âme dans tout l'Extrême-Orient; 2o j'ai relaté dans les termes qui suivent (Bulletin de Folklore, 2, 336), une croyance recueillie à Genappe, prov. de Brabant: << Quand une sorcière a jeté un sort sur une personne pour la faire mourir et qu'elle ne peut assister à la mort de cette personne, pour reprendre le sort et le mettre sur une autre personne, le sort retombe sur elle et elle meurt dans l'année ». Rien n'est plus clair! La sorcière a détaché son âme principale avec mission de détruire une autre âme; elle doit mourir, si elle perd définitivement cette âme; c'est pourquoi elle s'empresse d'assister à l'agonie de sa victime, c'est-à-dire de guetter son âme elle-mème à sa sortie du corps dont, pour parler à la fois le français et le bantou, elle a rongé le cœur.

ne

1) Je restitue la croyance'sans citer de faits précis. Le phénomène réel de la fascination, — il s'agit du rôle de l'œil dans les phénomènes de l'hypnose, et le primitif ne s'est trompé que sur sa portée, sa cause et ses effets —, pouvait être expliqué autrefois, ni, comme aujourd'hui, par un changement dans l'état mental de l'hypnotisé, ni, comme hier, par la réception d'un fluide magnétique. Des explications de ce genre n'étant pas attribuables à des cervelles d'Australiens, il faut croire que les primitifs ont expliqué le phénomène par le passage d'un petit être de la pupille de l'hypnotiseur à la pupille de l'hypnotisé. Le mot italien jettatura et les expressions françaises « jeter un sort » et « reprendre un sort»> ne sont pas des figures de rhétorique, mais des fossiles de la conception primitive. Ce qui précède était déjà imprimé, lorsque j'ai remarqué de nombreux faits qui m'ont amené à remanier complètement cette page et dont quelques-uns peuvent être cités ici à l'appui de l'hypothèse formulée dans la présente note: TUCHMANN dans Mélusine 4, 352 rapporte en ces termes l'explication que des savants du XVII° siècle donnaient du pouvoir maléficiant du regard des vieilles femmes : « l'âge et l'absence de chaleur ont changé leurs règles en poison et celui-ci, répandu dans tout le corps, influe sur les esprits qui sortent de leurs yeux. » — « - « A Tanger (Maroc), on voit sur toutes les maisons des mains menaçantes, peintes en couleurs vives, en rouge ou en vert par exemple; c'est pour garantir du mauvais œil. Ce mauvais œil n'est dangereux que quand on reçoit le premier regard du jettatore. Si on parvient à détourner ce regard d'une façon ou de l'autre, le mauvais ceil n'a plus de force »; la main menaçante est là pour attirer le regard du jettatore (Commu

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ravages dans le corps de celui-ci. Je ne puis donner, en effet, que la valeur d'une âme pupilline, âme normale ou âme acquise —, au petit être qui peut passer de l'œil du fascinateur à l'œil du fasciné1, d'après une croyance qui résulte à suffisance de nombreux faits et notamment de ceux qui suivent. Si, en présence d'une personne suspecte, on détourne les regards', ou si l'on rabaisse sa coiffure, c'est pour empêcher le petit être mauvais de viser les yeux; si l'on couvre les yeux de la personne exposée, ou si l'on change l'aspect de ses yeux, par exemple

nication de M. A. Harou d'après Bulletins de la Société de géographie d'Anvers 13, 164); la croyance me paraît bien être ici que le mauvais sort est un petit être qui s'échappe de l'œil du sorcier comme une balle d'un canon de fusil; le coup étant tiré, il n'y a plus de danger : l'arme est déchargée. Aux faits des notes subséquentes prouvant que le sort est un petit être que l'on peut arrêter dans son voyage, j'ajouterai ici le suivant on se protège du mauvais ceil en tenant devant soi les mains ouvertes de façon à en montrer les paumes (Mélusine 8,58 et 60; cp. 9, 82), d'où l'usage de la main peinte (cp. ci-dessus) ou d'une main artificielle (Mélusine 8, 57 donnant exemples auxquels il me paraît qu'on peut ajouter l'étendard de l'armée romaine).

1) Dans quelques cas de croyance au mauvais œil, il est d'ailleurs dit très expressément que c'est l'œil qui est exposé [cp. Mélusine 5, 44 haut (croyance afghane) et 161 (croyance espagnole)].

2) Cp. Mélusine 4, 388.

3) Cp. Mélusine 9, 83.

4) Le fait le plus typique est celui que Tuchmann relève en ces termes dans Mélusine 10, 42: « Sur le versant méridional des Balkans, la sage-femme place dans les cheveux de l'accouchée une gousse d'ail et une bague, sur l'oreiller un oignon rouge et un tisonnier, puis elle lui couvre le visage, jusqu'à la bouche, avec un morceau d'étoffe blanche ». Comme toutes ces précautions sont bien prises! Le méchant petit être qui voudrait s'introduire dans l'œil de l'accouchée ne pourra pas retrouver cet œil; cet œil est caché; il n'a plus qu'une ressource: se réfugier, ou bien dans le petit oignon blanc placé dans les cheveux de l'accouchée, ou bien dans le gros oignon rouge qui est là tout près sur l'oreiller. Revenant dans une note suivante sur l'usage de l'oignon-amulette, je crois bon d'ajouter quelques mots sur le voile qui cache les yeux de l'accouchée; il est comparable au voile qui, dans toute l'Europe, recouvre la tête de la mariée. Suivant une psychologie que M. Frazer (G B2 1, 312-3= trad. fr. 1, 242-3) a très bien établie pour les sauvages, le voile sur le visage protège contre l'entrée d'âmes mauvaises les divers orifices du visage. Or, s'il est des cas où les yeux de la mariée ne sont pas cachés (ex. russe dans von SCHROEDER Hochzeitsbräuche der Esten 77), il en est d'autres, beaucoup plus nombreux, où les yeux sont cachés aussi bien que la bouche et les narines, et il en est quelques-uns où les yeux seuls sont couverts (exemple lapon dans von SCHROEDER 74 fin; exemple pour Juifs italiens du xive siècle dans Mittei lungen der Gesellschaft fur Jüdische Volkskunde 1 (1898), frontispice).

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