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en les entourant de noir1, ou si on place devant ou à côté des yeux un objet ou signe magique', c'est pour que le petit être mauvais ne puisse pas trouver le chemin de l'œil, ou qu'il ne puisse reconnaître l'œil qu'il cherche, ou qu'il soit arrêté par un infranchissable obstacle de caractère surnaturel; si, enfin, on se garantit du mauvais œil en portant, soit l'œil desséché d'un animal', soit une amulette ayant la forme d'un œil tiré de l'orbite, comme par exemple un oignon', ou la forme d'une prunelle, ou bien l'aspect d'un oeil qui regarde', c'est dans l'idée d'offrir à la sottise du petit être mauvais un faux œil ou une fausse prunelle,

1) Sur les yeux entourés de noir, les paupières noircies, les cils noircis, etc., cp. Mélusine 8, 182.

2) Cp. Mélusine 9, 9 fin: anneau [magique] suspendu devant les yeux (Égypte); cp. la bague dont il est question dans la note 4 de la page 19.

3) ANDREE Ibidem 1, 41 Croix ou croissant peint à la racine du nez (Albanais chrétiens et Albanais musulmans); cp. Mélusine 8, 182. 4) Cp. Mélusine 8, 57.

5) La Grecque moderne attache une gousse d'ail au bonnet de son enfant; les paysans allemands de Bohême suspendent des oignons blancs aux portes de leurs maisons. Pour ces faits et d'autres semblables, cp. Mélusine 7, 241-2 et ANDREE lbidem 1, 40-43. La préférence pour l'ail que la superstition explique actuellement par son odeur, laquelle mettrait en fuite les mauvais esprits, me paraît provenir de ce fait que, dans la majorité des cas, l'amulette devait protéger un enfant et que la dimension de l'oignon était alors déterminée par la dimension de l'œil à préserver (cp. la note 4 de la page 19, où la gousse d'ail paraît destinée à protéger l'enfant qui va naître, bien plutôt que l'accouchée déjà garantie par la présence d'un oignon rouge).

6) Sur les pierres ou perles bleues ou noires, que l'on attache, soit au bonnet de l'enfant, soit au cou de l'être, enfant ou animal, que l'on veut préserver, cp. Mélusine 8, 180-182; la valeur prophylactique de certaines pierres précieuses (Mélusine 7, 212-4 et 231-2; cp. 6, 57) vient d'ailleurs de ce fait qu'elles ressemblent à des prunelles ou à des yeux (cp. notamment Mélusine 7, 214 au mot Malachite).

7) Parmi les amulettes qui servaient dans l'antiquité à protéger du mauvais œil, il faut distinguer celies présentant un œil artificiel, comme par exemple une bague dont le chaton avait la forme d'un œil [sur ces amulettes, cp. TUCHMANN dans Mélusine 8, 55-7; 9, 9; je doute toutefois du sens premier d'amulette qu'il attribue avec Jahn au bas-relief qu'il reproduit; ce bas-relief doit dériver d'une représentation mithriaque on y reconnaît plusieurs des animaux symboliques des sept grades du Mithriacisme et on peut croire que le premier sculpteur voulait les montrer en adoration devant l'œil divin (cp. l'intaille signalée par Tuchmann d'après King, intaille où l'œil est entouré par les dieux des sept jours de la semaine); je me demande à ce propos si la représentation de la divinité par un œil ne se rattacherait pas, soit à une assimilation du pouvoir divin au pouvoir de fascination, soit plutôt à une interprétation de la puissance de l'amulette].

sinon toujours comme domicile', tout au moins comme but à viser. Le << petit homme », a-t-on cru en Allemagne, ne se voit pas ou se distingue mal dans l'oeil d'un individu ensorcelé', superstition qui se ramène à croire qu'un sorcier peut enlever ou affaiblir l'âme pupilline d'un homme, ce qui a été une des explications de ce fait qu'en cas de maladie, c'est-à-dire, pour le primitif, en cas d'ensorcellement —, les yeux du malade s'en ressentent presque toujours ‘.

L'expression des langues européennes garder comme la prunelle de

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1) Je ne crois pas inutile de faire remarquer que cette explication de l'œilamulette est calquée sur l'explication que je crois devoir donner du cœur-amulette. Les trousseaux d'amulettes que l'on porte dans la partie orientale des pays méditerranéens, j'ai acheté un de ces trousseaux dans un des bazars levantins de l'exposition de Paris en 1900, comprennent, non-seulement l'inévitable corne de corail, mais un petit cœur en nacre; de mème, en Écosse, pour être garanti de l'ensorcellement, on porte une petite broche en forme de cœur (Zeitschrift des Vereins für Volkskunde 11, 329); l'amulette, d'ailleurs, existe encore partout en Europe, mais comme survivance dépouillée de sens; c'est le cœur de métal, or ou argent, des colliers féminins. Le cœur artificiel ne peut être qu'un domicile offert à l'âme mauvaise, venant du cœur d'un sorcier vivant ou mort (cp. note 2, de page 17), laquelle, d'après une croyance primitive expliquant les douleurs cardiaques, s'introduisait dans le corps d'un homme pour lui « ronger le cœur »>, notre expression française a réellement ce sens premier (cp. Mélusine 5, 179; 6, 20 n° VIII et 55)—, c'est-à-dire détruire, en même temps que l'organe, l'âme essentielle qui s'y trouvait logée (pour cette dernière croyance, cp. la première note de l'article sur l'âme poucet qui paraîtra dans un prochain fascicule de cette revue).

2) GRIMM Ibidem 898.

3) Je dis une des explications, parce qu'il y en a eu probablement d'autres; j'imagine, par exemple, que le mauvais état de l'oeil a dû être expliqué comme une conséquence matérielle de l'introduction d'une pupilline mauvaise (cp. le paragraphe précédent).

4) Sur l'état des yeux comme preuve d'ensorcellement, cp. TUCHMANN dans Mélusine 5, 185; 6, 16 ss. La croyance existe d'ailleurs encore; je retrouve dans mes notes une coupure d'un journal d'un des premiers jours de décembre d'une des années 1890 à 1896, où se trouve relaté un procès se terminant par la condamnation pour escroquerie d'une sorcière de Marchienne poursuivie devant le tribunal correctionnel de Charleroi. Le chroniqueur a fait le compterendu de ce procès dans le but de montrer jusqu'à quel point la superstition est encore vivante et il a reproduit avec soin les dépositions des témoins. L'une de celles-ci est ainsi conçue: Célestine BARBIAUX, 54 ans, ménagère à Marchienne. « J'ai remis à la prévenue, en plusieurs fois, une somme de 125 francs, pour débarrasser mes enfants et moi d'un sort qu'elle disait nous avoir été jeté. Elle déclarait voir cela dans nos yeux, ajoutant que c'était une voisine, dont elle m'a dit le nom, qui nous avait ensorcelés ».

ses yeux est visiblement calquée sur une expression biblique1 dont la valeur littérale est garder comme le petit homme de l'œil (ou de la pupille), c'est-à-dire qui a dû avoir à l'origine le sens de prendre pour un être les soins que l'on prend pour préserver l'âme oculaire de tous dangers de sorcellerie.

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Le tressaillement de l'œil est un présage de bonheur ou de malheur, spécialement de l'arrivée d'une personne dont la présence sera agréable ou désagréable, suivant que le tressaillement se produit à l'œil droit ou à l'œil gauche, croyance qui toutefois peut varier d'après le sexe de la personne dont l'œil tressaille. La valeur de présage accordée à ce tres

1) Textes cités p. 6; c'est un exemple à ajouter à ceux que M. KARLOWICZ (Actes du Congrès des Orientalistes de Leyde, II° partie, section I, pp. 414-5) a donnés de l'influence considérable des traductions de la Bible sur le vocabulaire et la syntaxe de nos langues.

2) WUTTKE no 308: Wenn jemanden das Auge juckt, bekommt er Besuch (Erzgebirge); même croyance avec légère modification (quelqu'un désire vous voir) dans le Massachusetts (cp. BERGEN Current Superstitions no 1350); il faut voir ici des débris de la superstition complète de la note suivante.

3) En Grèce, le tressaillement de l'œil droit était le présage de la rencontre de la femme aimée. Un berger de Théocrite (3, 37-8) s'écrie: hetαι opłaλμós μεῦ ὁ δεξιός · ἆρά γ' ἰδησῶ | αὐτάν. « Mon @il droit saute; je vais donc la voir » ; le mot de tóc prouve à mon sens que le berger aurait vu un mauvais présage dans le tressaillement de l'œil gauche, c'est-à-dire que la croyance grecque était analogue à celle qui est notée en ces termes pour les Juifs de Galicie: Juckt das linke Auge, so wird man weinen; wenn das rechte, sich freuen (Am Urquell 4, 74) et qui se retrouve en Allemagne (cp. WUTTKE § 308) et dans l'Amérique anglaise (BERGEN Ibidem no 1349). Cette croyance se présente toutefois renversée : si le tressaillement se produit après midi, en Silésie; quelle que soit l'heure, en Tyrol, Bavière, Bohême et Prusse orientale (WUTTKE § 308) et dans les environs de New-York (BERGEN no 1348). Ce renversement me paraît dériver de ce fait que le tressaillement était, ainsi qu'on va le voir, interprété d'une manière différente suivant le sexe, d'où une double forme de la croyance expliqué postérieurement par des considérations d'heure. Pendant la correction des épreuves de cette page, j'ai retrouvé une note ainsi conçue que je dois à M. Harou: En Flandre, clignotement de l'œil droit = bonne femme; clignotement de l'œil gauche = mauvaise femme. Le laconisme de cette note ne permet pas de dire s'il y a ici un présage de bon ou de mauvais mariage, ou bien un présage de rencontre d'une femme qui sera ou ne sera pas douée d'un pouvoir de maléfice.

4) Dans l'Inde, le tressaillement de l'œil droit est un présage favorable pour un homme et funeste pour une femme. C'est le contraire pour l'œil gauche. Exemples Dans Çakuntala, acte 5, l'héroïne s'écrie en faisant le geste de mauvais présage: « Ah! quoi donc? Mon œil droit vient de tressaillir » [Çakun

saillement me paraît devoir s'expliquer comme il suit. L'âme pupilline sursaute de terreur lorsqu'elle aperçoit l'œil méchant d'un sorcier1. Le tressaillement de l'oeil où apparaît la pupilline, étant ainsi devenu un présage de mauvaise rencontre, le tressaillement de l'autre œil est devenu, par opposition, présage d'heureuse rencontre; on a interprété ensuite différemment, suivant les sexes, les heures du jour, etc.

EUGÈNE MONSEUR.

talá (durnimittam abhinîya) : ammó kim ti vámédaram ṇaaņam mê vippuradi]. Dans Mudrarakṣasa, acte 2, lorsqu'on annonce à Râkchasa l'arrivée d'un montreur de serpents, il dit à part en faisant le geste d'éprouver une palpitation de l'œil gauche : « Quoi! voir un serpent! mauvais début! »; et, à l'acte 4 du même drame, le même héros, faisant le même geste, s'écrie : « c'est mon œil gauche qui palpite! Funeste présage. » (Je cite d'après la traduction de V. HENRY, Le Sceau de Rákchasa, pp. 72 et 135).

1) En corrigeant l'épreuve de cette page, je me demande si l'on n'a pas plutôt attribué l'agitation de l'œil à l'entrée d'une pupilline mauvaise venant de l'oeil d'un sorcier (cp. le paragraphe commençant page 16).

2) La croyance primitive serait ici représentée par la superstition wotjake: juckt dich dein Auge, (so) wirst du weinen (Am Urquell 4, 117) et la superstition tchèque et oldenbourgeoise : juckt es in beiden Augen, so wird man bald weinen (WUTTKE § 308); il se peut toutefois que ces superstitions soient des formes altérées de celles des notes précédentes.

QUESTIONS MYCÉNIENNES *

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Les fouilles récentes en Crète ont étendu et renouvelé nos connaissances sur la civilisation mycénienne; mais, en même temps, ont surgi des problèmes nouveaux et complexes. Ceux qui touchent aux rites funéraires et, en général, à la religion sont particulièrement délicats à résoudre. Chacun y introduit son équation personnelle, c'est-à-dire son système, et les solutions auxquelles on aboutit sont forcément divergentes. Il ne faut s'en plaindre qu'à moitié : le grand intérêt de la religion mycénienne est d'offrir un terrain primitif nouveau sur lequel pourront s'exercer les diverses théories, vieilles ou jeunes. L'archéologie figurée devra faire un sérieux effort pour interpréter les scènes religieuses sans le secours des textes, car la méthode historique dans laquelle certains voudraient enfermer l'étude des religions classiques, serait ici sans objet. Le premier danger qui guette ces recherches est l'insécurité du point de départ, l'erreur dans la définition des éléments. C'est ce que tendent à montrer les pages qui suivent. Si l'on élève des réserves contre certaines hypothèses de M. Evans, on ne saurait oublier tout le mérite qu'il a eu d'être le premier interprète de la haute antiquité crétoise après en avoir été l'inventeur. Assez de découvertes, comme celle de l'écriture mycénienne, ont brillamment confirmé ses vues, pour qu'il laisse à d'autres le soin de préciser quelques détails.

1) Nous supposons le lecteur familiarisé avec le tome VI de l'Histoire de l'art de MM. Perrot et Chipiez et avec les articles de M. Salomon Reinach, La Crète avant l'histoire, dans L' Anthropologie, 1902, p. 1-39 et 1904, p. 257-296. Nous emploierons les abréviations suivantes : BSA The Annual of the British School at Athens; MTPC – Evans, The Mycenaean Tree and Pillar Cult ; PEF, Q. St. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement.

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