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vagues, flottantes et passant d'un nom à un autre. Et ces noms mêmes, quels sont-ils ? Le plus souvent des noms de dieux romains, Mars, Mercure, etc. auxquels les écrivains anciens ont, à tort ou à raison et pour un trait ou pour un autre, assimilé les dieux, ou mieux peut-être certains dieux, des barbares gaulois. C'est qu'en effet la mythologie, c'est-à-dire le culte des dieux à noms précis et à légende précise, est plus difficile à déterminer que la religion, ensemble de croyances et de pratiques. M. Jullian s'est très bien rendu compte de ces difficultés quand il a voulu déterminer les grands dieux des Gaulois, le dieu de leurs migrations, distinguer ceux qu'il appelle, après les anciens, « Mars » et «< Mercure ». Il ne trompe pas son lecteur en lui présentant des hypothèses comme des réalités ou faits historiques et il ne donne son système qu'avec des réserves expresses (voir notamment p. 3, 13, 18 et 29); et il présente ses hypothèses avec tant de vraisemblance que la première impression est de s'y rendre. Mais M. Jullian y met autant de franchise que d'ingéniosité et il ne nous cache pas qu'il présente ainsi sa propre restitution des mythes d'après des fragments de textes ou même de vagues indications.

Je ne fais moi-même ces restrictions que pour montrer les diffi. cultés de ces questions et leur insolubilité, si on voulait prendre pour de l'histoire authentique et prouvée ce qui est et ne peut être qu'une reconstruction hypothétique. La curiosité de notre esprit aime un «< mol oreiller » où elle puisse s'endormir et même rêver. Et puisque j'ai critiqué M. Jullian à cet égard, je me mettrai sous le coup de la même critique en rêvant d'un autre grand dieu des anciens Gaulois, d'un dieu principal de ce qu'on a appelé l'ancien empire celtique, je veux dire le dieu du tonnerre, ou dieu au maillet pour l'appeler par son principal attribut, ou encore Dispater, un de ses noms latins les plus fréquents; mais il n'en est pas question chez les écrivains anciens à l'époque ancienne qu'a étudiée ici M. Jullian; aussi ce dernier n'avait-il pas à en parler ici. Ce serait de ma part, si je pouvais un jour mettre sur pied mes arguments, une construction hypothétique dont je projetterais la vision sur le passé de la nation gauloise.

Mais hypothèses à part, et les hypothèses sont nécessaires pour rendre la vie « ou un semblant de vie » à cette poussière d'ossements, les << Recherches » de M. Jullian sont une œuvre d'histoire et de la plus haute valeur d'autant plus qu'elles sont présentées avec un art parfait; et elles marquent un progrès considérable dans l'étude des religiones de la nation gauloise.

Nous disions que M. Jullian, strictement enfermé dans son cadre historique, et son propre prisonnier, ne s'était pas attardé à des comparaisons en dehors du monde celtique. Il n'a indiqué que d'un simple trait, et en note, des rapprochements avec les Germains ou les Slaves ou une fois avec les coupeurs de têtes de Bornéo : il nomme aussi, au passage, Tylor et même Buffon. Mais cette sobriété n'empêche pas M. Jullian d'exprimer la conclusion qui eût été celle d'une étude comparative : << Cette religion celtique n'offre, à vrai dire, rien de bien original... », et il applique à cette religion ce que Fontenelle disait de la religion grecque « Je montrerois peut-être bien, s'il le falloit, une conformité étonnante entre les fables des Américains et celles des Grecs ».

J'approuve d'autant plus M. Jullian de citer ici Fontenelle que j'ai cité plusieurs fois le même écrivain dans Mélusine et que des paroles de cet auteur ont formé l'épigraphe de deux volumes (V et VII) de ce rerecueil. Mais Fontenelle ne s'occupait pas des Celtes ou Gaulois, et un autre écrivain du même temps, animé, et plus encore peut-être, du même esprit critique, méritait davantage d'être nommé ici c'est le Président de Brosses. Que de pas en arrière dans l'étude des religions, avec le symbolisme de Creuzer, avec la mythologie dite comparée de Max Müller! De Brosses et Fontenelle avaient montré la voie, mais personne ne les y suivit pendant près d'un siècle, et ce qu'on appelle aujourd'hui la méthode anthropologique n'est que le retour à la pensée de ces ancêtres du xviie siècle, et en usant de matériaux et surtout d'outils qu'ils n'avaient pas. De Brosses tout le premier mérite d'être nommé (avec son traitė Du Culte des Dieux fétiches de 1760) comme un précurseur dans les études sur la religion gauloise. Sans doute il ne la connaissait que peu et il la connaissait mal, faute de documents et de monuments; mais pour la pensée directrice et pour le sens psychologique et pour «< la mécanique des idées », les quelques pages qu'il lui consacre sont supérieures à ce qu'ont imaginé ou écrit, depuis, Jean Reynaud, Henri Martin et peut-être même d'autres encore, ou plutôt cela ne se compare pas, car l'esprit du Président de Brosses était d'un autre ordre, et se mouvait dans une autre sphère, orbe alio. Et plutôt que Fontenelle, j'aurais aimé voir citer ici le Président de Brosses écrivant : « Les Celtes étoient un peuple à demi sauvage. Il est naturel de retrouver chez eux le même fond de pensée que chez plusieurs autres sauvages... ' ›

H. GAIDOZ.

1) El, à nommer des précurseurs, il conviendrait de ne pas oublier Fréret qui, en 1756, apportait une grande critique à l'étude de la religion des Gaulois.

P. S. En lisant cet article en manuscrit, M. Jean Réville a bien voulu me faire remarquer qu'entre Fontenelle et de Brosses d'une part, Creuzer et Max Müller d'autre part, il convenait de nommer « Benjamin Constant qui, dans son remarquable ouvrage De la Religion, a été, lui aussi, à beaucoup d'égards, un précurseur de l'école anthropologique ». J'avoue que je ne connaissais que par son titre cet ouvrage (et aussi les autres ouvrages) de Benjamin Constant, et son nom était seulement pour moi celui d'un des principaux protagonistes des idées libérales au commencement du XIXe siècle. Ce fut donc pour moi l'occasion de consulter dans une bibliothèque publique cet ouvrage qui forme cinq volumes in-8, parus de 1824 à 1831; et, rien qu'à le parcourir, je pus me convaincre qu'il tient une place honorable dans l'histoire des études religieuses.

Le premier volume se compose d'un « livre I » de généralités, et d'un « livre II » traitant « des formes les plus grossières que les idées religieuses puissent revêtir », c'est-à-dire qu'il est consacré à l'étude des sauvages, tels qu'on pouvait les connaître à cette époque. B. Constant avait bien dit d'abord (t. I, p. 157) : « Aussi ne prenons-nous point l'état sauvage comme celui dans lequel s'est trouvée l'espèce humaine à son origine ». Mais il allait plus loin au cours de son étude et il écrivait à la fin du mème volume (p. 365): « Les détails dans lesquels nous sommes entré en traitant de la religion des hordes sauvages étaient d'autant plus indispensables que dans cette religion sont contenus les germes de toutes les notions qui composent les croyances postérieures... » Mais pour nous en tenir aux Gaulois, objet du présent article, nous nous bornerons à citer cette phrase du même volume (p. 322) où, après avoir décrit la situation que les «jongleurs » - c'est-à-dire les sorciers ou prêtres occupent chez les « sauvages », Benjamin Constant établissait cette comparaison : « Les jongleurs des Sauvages travaillent donc à se renfermer dans une enceinte impénétrable au vulgaire ; ils ne sont pas moins jaloux de tout ce qui revient à leurs fonctions sacrées que les druides de la Gaule ou les brames de l'Inde. >>

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M. Jean Réville a eu raison de demander une sorte d'accessit ou de mention honorable pour Benjamin Constant; mais, pour placer celui-ci à sa place dans l'histoire de la pensée, il convient de rappeler qu'il se rattachait au XVIIIe siècle par son éducation et par sa tradition intellectuelle, tandis que Jean Reynaud et Henri Martin, fils du XIX" siècle, sont sortis de la réaction romantique qui suivit le premier Empire.

H. G.

G. A. COOKE. A Text-Book of North-Semitic Inscriptions (Moabite, Hebrew, Phoenician, Aramaic, Nabataean, Palmyrene, lewish). Oxford, Clarendon Press, 1903, xxiv-407 pp., in-8, avec 14 pl.

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Le Text-Book de M. Cooke comble une lacune sensible. Nous ne possédions pas de Sylloge des inscriptions sémitiques qui fût accessible aussi bien aux profanes qu'aux sémitisants qui ne font pas particulièrement profession d'études épigraphiques. L'indispensable Handbuch de Lidzbarski contient essentiellement un traité d'épigraphie et un lexique des inscriptions; il ne renferme qu'un petit nombre de textes, sans traduction et sans commentaire. Le petit recueil de Landau, dont les traductions appellent souvent des réserves, ne s'étend pas au delà du domaine phénicien. La collection de M. Cooke comprend, dans ses 150 numéros, à peu près tout l'essentiel des textes épigraphiques et papyrologiques de langue hébréo-phénicienne ou araméenne; l'interprétation répond fidèlement à l'état présent de la recherche (on souhaiterait cependant, à l'usage des non-initiés, un usage plus libéral des points d'interrogation), le commentaire est substantiel et critique.

On sait quel aliment les études d'épigraphie sémitique ont fourni à la science des religions. C'est dans des documents comme la stèle de Mesa', les inscriptions des rois de Sindjirli et de Sidon, les tarifs sacrificiels de Marseille et de Carthage, les pierres de Nérab et de Teima, sans oublier l'innombrable prolétariat des dédicaces et des épitaphes, que l'histoire des cultes, des rites, des croyances d'outre-tombe des populations syriennes trouve ses matériaux les plus directs et les plus sûrs. M. Cooke n'a pas négligé cet ordre de questions. Ne pouvant aborder ici tous les problèmes qui se posent à propos de textes controversés et souvent obscurs, nous nous bornons à quelques observations sur un petit nombre de points examinés dans ses notes.

1. (Insc. de Meša), 1. 17. M. C. se range, p. 12, à l'opinion généralement admise sur ‘Aštar-Kemoš; il aurait fallu au moins citer l'hypothèse de Wellhausen (Goett. Gel. Anz., 1899, p. 606) suivant qui 'AštarKemoš est Kemoš lui-même, et non une modification d'Astarté.

P. 21. Balthi n'est pas le nom de Vénus chez les Arabes. Le texte d'En-Nedim a trait à Harran; celui d'Isaac d'Antioche signifie seulement que les Arabes rendaient un culte à la planète.

P. 27, n. 1. Il est loin d'être hors de doute que l'Istar assyrienne soit le prototype de l'Aštart phénicienne. Pour expliquer le titre de kohen. 'Astart porté par les rois de Sidon, M. C. suppose que la dynastie sidonienne fut fondée par un prêtre d'Astarté; en réalité nous avons ici un exemple de l'union du caractère sacerdotal et de la royauté; cf. les figures légendaires de Melkiçedeq et de Jethro, l'association du temple et du palais à Jérusalem et à Sindjirli, etc.

5. (Inscr. d'Ešmun'azar). On rapprochera avec profit la traduction et les notes de M. C. de celles du P. Lagrange (Études sur les Religions sémitiques, p. 405) parue un peu antérieurement, mais qui n'ont pu être utilisées.

P. 42. Le culte de Salman en Syrie remonte au moins à la fin du second millénaire; voir le texte égyptien publié par Spiegelberg, Zeitschr. f. Assyr., XIII, p. 120.

P. 45. L'idée que le culte de Ba'al-Samem est dû à de tardives influences extra-sémitiques a été ruinée par le témoignage du traité entre Tyr et Asarhaddon.

10. L'inscription de Ma'çub reste singulièrement énigmatique. Il me paraît bien invraisemblable que les elim malake Milkastart soient d'humbles quêteurs. L'inscription de Kefr-Haouar doit être citée (p. 49), non d'après l'édition incorrecte de Waddington, mais d'après celle de Fossey Bull. Corr. Hell., 1897, p. 60).

P. 55. Il est douteux qu'il faille retrouver la racine P'm dans la première partie du nom de Pygmalion; le nom ne me paraît pas sémitique (est-il chypriote?)

P. 76. Il n'est guère probable que Mukl ('Apuxλós) ait rien à faire avec Amyclée; une influence laconienne à Dalion est bien difficile à admettre.

P. 80. Il n'est pas démontré qu'Anat soit d'origine babylonienne, encore moins que ce soient les Hittites qui aient introduit son culte en Égypte.

42. L'obscurité persiste autour des détails les plus importants du tarif des sacrifices. La définition des diverses espèces de sacrifices, notamment, reste à faire. On n'admettra pas aisément (p.117) que la çu't (rapproché de l'éthiopien 13, crier) soit un sacrifice accompagné de prière.

P. 132. M. C. continue à vocaliser Tanit, le nom de la déesse nan. La forme grecque TAINTIAA, ainsi que la variante лn indiquent plutôt Taint. Le complément habituellement attaché au nom de la déesse, Pené-Ba'al, est traduit, conformément à l'opinion courante, par << Face

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