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cerf témoigneraient des sacrifices accomplis; enfin la croix de marbre est supposée le centre d'un culte dont M. Evans reconstitue une scène qui, à dire vrai, donne l'impression de quelque messe noire. Le modernisme assez surprenant de la civilisation crétoise est ici certainement outré.

Si l'on admet un culte de la croix dans la Crète minoenne, il suffit d'en rapprocher le svastika, puis le tau prophylactique d'Ezechiel pour conjecturer que le culte chrétien de la croix a été importé en Palestine par les Philistins venus de Crète1.

Toutes ces déductions reposent sur une hypothèse, à savoir que le réceptacle découvert en 1903 est un dépôt d'objets religieux. Or, rien n'est moins justifié. Le quartier sud-ouest du palais de Knosse n'est nullement un temple. Au rez-de-chaussée s'étalent les magasins à provisions, audessus une grande salle civile, un mégaron. Si les murs portent des bipennes gravées, il n'y a rien là que de commun à tout le palais : ce signe sacré ne manque dans aucune pièce, ce qui nous autorise à proposer d'y reconnaître la marque des rites de construction. Au surplus, n'est-il pas étrange que, parmi les multiples objets du réceptacle, il ne s'en rencontre pas un dont le caractère sacré soit certain: pas une double hache, pas une seule paire de cornes de consécration! Le nom de coupes à libation donné à quelques écuelles est arbitraire et, comme restes d'un sacrifice, nous attendrions des ossements calcinés plutôt que des cornes de cerf.

Les figurines en faïence sont en plusieurs pièces. M. Evans a noté que les avant-bras sont fixés au corps par le moyen de petites attaches circulaires'. Il est donc probable que les prétendues robes votives ne sont que des poupées démontées auxquelles appartiennent les avant-bras trouvés

1) Evans, BSA, IX, p. 88 et s. M. Salomon Reinach, L'Anthropologie, 1904, p. 276-279, a exposé l'état de la question sans vouloir se prononcer. 2) Evans, BSA, IX, p. 79.

dans le même réceptable. Les deux exemplaires reproduits par M. Evans sont en deux pièces posées l'une sur l'autre. Le savant explorateur signale que ces deux parties sont traversées par une cavité où pénétrait un lien servant à les suspendre. N'était-ce pas plutôt un système destiné à assujettir les diverses pièces?

Nous ne voyons pas en quoi la « déesse aux serpents » se distingue des autres figurines qualifiées d'acolytes. Le rapprochement avec l'idole de Gournia ne paraît pas fondé. La rudesse, la grossièreté de facture, legs de l'époque antérieure, sont la caractéristique obligée, parce que rituelle, des idoles crétoises. On ne peut hésiter à en écarter la magicienne ou charmeuse de serpents du palais de Knosse qui est traitée avec une précision minutieuse et l'art le plus délicat.

C'est donc bien gratuitement que l'on suppose, à une haute époque en Crète, un culte de la croix. La petite croix de marbre, haute de 30 centimètres, mince et plate, peut avoir servi à décorer le coffret en bois dont il ne reste plus que les clous en bronze. Ce coffret contenait sans doute la plupart des objets trouvés dans le réceptacle, objets qui ne trahissent à aucun degré le caractère religieux et doivent être classés avec les figurines en ivoire' dans la catégorie des jouets.

Naturellement, cette solution n'empêche pas le signe de la croix de remplir son rôle dans l'écriture crétoise, d'être tracé dans certain cercle représentant le soleil; elle n'exclut pas, à la rigueur, une valeur plus ou moins symbolique. Nous avons simplement cherché à montrer que la croix découverte à Knosse n'était pas l'objet d'un culte.

1) Personne n'a songé à reconnaître des idoles ou des figures votives dans les figurines en ivoire découvertes à Knosse. Le nœud votif » publié dans Evans, BSA, IX, p. 8, fig. 4, n'est probablement qu'un élément du costume d'une statuette de femme suivant la mode Watteau » révélée par une fresque, Evans, BSA, VII, p. 56. Le caractère votif de ce noeud ne paraît pas justifié.

V. ORIGINE ÉGÉENNE DES PHILISTINS. INFLUENCE DES CULTES MYCÉNIENS EN SYRIE.

Quand on ne connaissait en fait d'antiquités crétoises que les boucliers votifs de la grotte de l'Ida, on pouvait supposer une forte action de la Phénicie sur le développement de la civilisation mycénienne. Les découvertes postérieures ont montré que c'était une erreur. Après MM. Milchhoefer et S. Reinach, M. Evans a rejeté l'influence phénicienne et l'on peut dire que cette discussion, dans laquelle on a dépensé de part et d'autre tant de science et de talent, est définitivement close. Mais on tomberait dans une erreur pareille en renversant les termes de la proposition et en cherchant à expliquer certaines analogies des cultes phénicien et syrien comme une importation crétoise.

Il ne faut pas abuser des répercussions possibles de l'installation des Philistins dans le sud de la Syrie. Depuis longtemps on admet que ce peuple, reconnu par Champollion dans les textes égyptiens sous le nom de Pourousati ou Poulousati, était originaire des îles ou des côtes de la mer Égée. Même, on a identifié avec la Crète l'île de Kaphtor que Bible signale comme patrie des Philistins'. Il est aujourd'hui

la

1) Gen. x, 14 et I Chr. 1, 12 (en reportant la mention des Kaphtorim avant la glose qui vise certainement les Philistins); Deut., 11, 23; Amos, IX, 7; Jérémie XLVII, 4. Renan dans son Histoire générale des langues sémitiques, puis dans son Hist. du peuple d'Israël, II, p. 24-33 tenait le rapprochement du nom des Philistins avec celui des Pélasges pour très douteux; par contre, il regardait l'origine crétoise des Philistins comme presque certaine. Leur langue serait un dialecte gréco-latin qui aurait laissé des traces en hébreu. Il eût été intéressant de voir discuter ce point par M. Conway dans son article The pre-Hellenic inscriptions of Praesos, BSA, VIII, p. 125 et s., car certains rapprochements de Renan méritent considération, ainsi pilégéch pellex. L'enquête devrait porter encore sur les noms propres : Akis, roi de Gath au temps de David (1 Sam., xxi, 10 et s.; I Rois, 11, 39 et s.), Pikol (Gen., xx1, 22; xxvi, 26), Ma'ok (1 Sam., xxvi, 2), Ittai (Il Sam., xv, 19 etc.), Goliath (I Sam., XVII); enfin, sur le titre seranim des princes philistins déjà rapproché de cúpavvos. D'autre part, la mention d'un interprète égyptien pour les pays de Canaan

certain que le terme égyptien Keftiou désignait primitivement une région méditerranéenne dont la Crète était le principal centre'. C'est donc la série d'équivalences Keftiou Kaphtor = Crète qu'il faudrait expliquer, ce qui n'a pas été fait.

On ne saurait trancher la question de l'origine des Philistins dont le nom n'a pas survécu en dehors de la Palestine par des identifications hâtives ou en faisant violence aux textes bibliques. Le pays de Kaphtor n'est pas identifié. A côté des Philistins, parmi les populations installées en Philistie, la Bible mentionne des Crétois et des Pheléti. On a imaginé que ce dernier terme était une forme contractée de Phelichtim. C'est y mettre déjà de la complaisance. Puis, dans les passages qui portent « les Pheléti et les Kréti »>, on a lu « les Pheléti-Kréti. » D'où la conclusion que les Philistins étaient des Crétois. Il n'est pas de difficulté qui puisse résister à pareille méthode.

La Bible distingue expressément les Philistins, les Crétois et les Pheléti. Ce dernier terme ne saurait s'identifier à celui de Phelichtim, car il constitue un ethnique régulièrement formé sur un thème ph-l-t, comme Kréti sur le thème k-r-t. Les Crétois se cantonnèrent dans le sud de la Philistie, aux environs de Gaza, puisque cette région est connue sous le nom de négéb ha-Kréti'. On signale plus tard à Gaza le culte de Zeus Krétagénès.

Il semble donc que les Égéens qui, lors des mouvements des peuples de la mer » contre l'Égypte, s'installèrent en

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et de Philistie sous la XXIIe dynastie (Chassinat, Bulletin de l'Institut français d'arch. au Caire, I (1901), p. 98-100), semble établir que, dès cette époque, on parlait officiellement la même langue cananéenne dans ces deux contrées. 1) On verra dans Maspero, Hist. anc. des peuples de l'Orient classique, II, p. 121 n. 1, l'indécision des égyptologues avant les découvertes de Crète. M. Hall, BSA, VIII, p. 175, croit que Keftiou désignait primitivement les côtes entre la Crète et Chypre, peut-être même la Crète plus spécialement. Aujourd'hui, M. W. Max-Müller, Mitt. der Vorderasiatiche Gesellschaft, 1904, 2, p. 14-15, incline à identifier les Keftiou avec les peuples égéens et particulièrement avec les Crétois.

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Palestine, appartenaient à diverses tribus au premier rang les Poulousati ou Philistins qui donnèrent leur nom au pays, puis des Crétois et des Pheléti. L'origine de ces derniers, tout comme celle des Poulousati, reste indéterminée; jusqu'ici, la qualification d'Égéens leur est seule applicable.

On conçoit combien il serait précieux que l'archéologie pût apporter un complément d'information. Les fouilles méthodiques pratiquées avec persévérance par la Palestine Exploration Fund fourniront-elles un jour des résultats décisifs? Jusqu'à présent, elles n'ont intéressé que le territoire intermédiaire entre le pays des Philistins et la tribu de Juda'. Cette zone ne s'est pas signalée par des installations importantes; les tells ont surtout livré des vestiges de postes fortifiés. De plus, toute cette antiquité est émiettée, profondément ruinée et bouleversée. Et cependant, en dépit de ces circonstances défavorables, les fouilles n'ont pas été sans intérêt au point de vue qui nous occupe. Nous allons essayer de le montrer.

Dans cette région qui fit partie du domaine philistin, on a toujours rencontré à un certain niveau de la poterie mycénienne; quelques fragments ont livré des caractères d'écriture égéenne. A côté de cette céramique importée, on trouve une céramique locale qui en copie les formes et le décor.

Le classement de la céramique palestinienne, mise au jour dans ces fouilles, est bien établi. En commençant par la couche la plus ancienne, on compte : 1o Une période antérieure

1) On a cru à tort relever la mention des Cariens. Le terme ha-karî se présente trois fois. Dans II Rois, x1, 4 et 19, il faut l'expliquer comme appellatif et non comme un ethnique. Dans II Samuel, xx, 23, il faut lire avec le keri: hakréti d'après II Sam., vin, 18.

2) Les fouilles de Tell el-Ḥesi (Lakich) sont exposées dans Flinders Petrie, Tell el-Hesy et F. J. Bliss, A mound of many cities; cf. S. Reinach, L'Anthropologie, 1894, p. 451. Celles de Tell Zakariya, Tell eş-Şâfi, Tell el-Djoudeidé et Tell Sandahanna dans Bliss, Macalister et Wünsch, Excavations in Palestine (1898-1900). Les fouilles de Gézer longtemps préconisées par M. ClermontGanneau à qui l'on doit l'identification du site, ont été l'objet de nombreux rapports de M. Macalister dans le Quarterly Statement de la Palestine Exploration Fund depuis 1902.

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