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pen, pp. 66, 85, 88). L'accord des mots votiak Inmar, nom du dieu de l'air, et zyriène jen avec la forme finnoise Ilmarinen donne à notre dieu une antiquité encore plus haute, celle de la vie en commun des peuples permiens et des peuples. finnois1. Si l'hypothèse de M. Setälä (Journal de la Société Finno-Ougrienne, XVII, 4, p. 48, note 2) se confirmait et s'il convenait décidément de rapprocher le verbe hongrois imádni du finnois ilma, on aurait là sinon la preuve de l'antiquité finno-ougrienne du personnage divin Ilmarinen, du moins une trace de la valeur religieuse du mot dont est tiré son nom à une époque tout à fait primitive. Quoi qu'il en soit, il reste acquis que le nom propre Ilmarinen nous est attesté, avec un sens nettement religieux, à une époque beaucoup plus ancienne qu'aucun autre nom de la mythologie finnoise. Il est ainsi prouvé que le dieu de l'air et sa puissance étaient reconnus à une date des plus anciennes et qu'Ilmarinen non seulement doit être compté parmi les dieux, mais encore est le plus vénérable et le plus noble d'entre eux.

II

Pour bien comprendre comment M. Kaarle Krohn, professeur d'ethnographie finnoise et comparée à l'Université de Helsingfors, est arrivé à reconstituer l'histoire d'Ilmarinen, depuis le « crépuscule » du dieu antique jusqu'à l'apothéose du héros populaire, il est nécessaire de se faire une idée exacte des conditions où se présentent les chants dits du Kalévala. La plus grande partie des morceaux narratifs qui composent l'épopée dont la rédaction est due à Lönnrot a été recueillie dans la Carélie russe. Mais ce n'est pas à cette région particulière de langue finnoise, mais de religion ortho

1) Le groupe -nm- correspond en effet régulièrement dans les langues permiennes au groupe finnois -Im- (cf. zyriène et votiak sin sinm- à côté de finnois silmä « œil »); en zyriène on a jenm- à côté de jen. (Cf. Setälä : Journal de la Société Finno-Ougrienne, XVII, 4 p. 6).

doxe, que se borne l'aire des chants du Kalévala ; ils sont répandus sur un domaine singulièrement plus vaste qui part de l'Estonie septentrionale, suit la côte méridionale du golfe de Finlande et de la baie de Cronstad, remonte vers le nord le long de la rive occidentale du lac Ladoga et se continue à l'est et à l'ouest de la frontière qui sépare la Finlande de la Russie jusqu'à atteindre et dépasser le 65° parallèle. Ce domaine se subdivise naturellement en régions qui sont : l'Estonie, l'Ingrie, le détroit carélien (c'est-à-dire la partie orientale de la langue de terre qui sépare la mer du lac Ladoga, ainsi que les rives de ce lac), la Carélie finlandaise et la Carélie russe. Si l'on compare du point de vue des chants populaires ces diverses régions entre elles, on constate que les variantes originaires de la Carélie finlandaise sont généralement plus courtes et moins coordonnées entre elles que celle qu'offre la Carélie russe, mais qu'elles sont supérieures cependant à celles qui sont répandues en Ingrie et en Estonie. Aussi convient-il d'admettre que le point de départ des chants du Kalévala est en Estonie et que la Carélie russe est le dernier terme d'un long voyage à travers l'Ingrie, le détroit carélien, et la Carélie finlandaise. Ce voyage a laissé des traces nombreuses dans la langue: des expressions isolées, des tournures proprement estoniennes se retrouvent dans les variantes ingriennes, des formes originaires de la Carélie finlandaise ont été transportées en Carélie russe.

La manière dont les chants du Kalévala ont voyagé ainsi n'est pas toujours claire. Il est des cas où des mouvements dans la population, des immigrations semblent avoir apporté des traditions populaires nouvelles. Mais, en général, c'est de ferme à ferme, de village à village que sont allés les chants. Ajoutons, pour finir, que les chants magiques sont originaires de la Finlande occidentale et que, suivant une route indépendante, ils se sont dirigés vers l'est, soit vers la Carélie russe et la Carélie finlandaise, soit vers l'Ingrie en passant par le détroit carélien.

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C'est en Ingrie où se sont rencontrées la chanson de la fille en or forgé, originaire de l'Estonie, et la formule magique de l'origine du feu, venue du sud-ouest de la Finlande, qu'Ilmarinen apparaît pour la première fois comme le héros d'une aventure populaire. En Finlande proprement dite, la formule magique du feu donne simplement le nom d'Ilmarinen «< Ilmalainen a fait jaillir le feu, au milieu de la mer, sur le roc, sur le dos du serpent tacheté1. » De même en Ingrie; dans le nord c'est Ilmarinen ou Ilmarinta, plus loin c'est Ismaroinen que s'appelle le dieu. Ce dernier nom est celui sous lequel il est devenu d'abord héros populaire. A Hevaa, localité placée près du rivage du golfe 'de Finlande, à l'entrée de la baie de Cronstadt, et dans ses environs, on voit, en effet, Ismaroinen (ou Ismaro) entrer dans des poèmes de caractère narratif; on voit une formule magique où il figure s'allier de façon bien curieuse à un motif épique dans un chant dont le début est l'histoire de la fille de la mer et du gars de la forêt, dont la partie centrale est le motif ingrien de la fille mariée de force qui s'ennuie et contemple la mer et dont la fin est une formule d'extinction du feu qui se termine ainsi : Ce qu'il avait brûlé par le feu, il l'a refroidi dans la glace. Ismaro est ici, pour le chanteur, le père de la fille de la mer rien d'étonnant à ce qu'il devienne aussi l'amant et l'artisan de la fille d'or.

Sur toute l'étendue de la région estonienne on célèbre l'histoire d'un forgeron très habile qui se forge à lui-même une fiancée faite d'or et d'argent. S'apercevant de sa trop grande froideur, il la fait voir aux gens de son village et leur

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demande ce qui lui manque encore la parole, la pensée, lui répondent-ils, et aussi le cœur et l'âme. L'origine de ce motif se découvre aisément si l'on considère qu'il est réservé en Estonie aux femmes et particulièrement aux jeunes filles en âge d'être mariées; la raison pour laquelle la fille d'or est forgée se devine sans peine et se trouve souvent exprimée au début de l'histoire il allait vivre sans femme, vieillir sans épouse, mourir sans avoir recherché aucune fille; il n'a pas voulu vivre sans femme, vieillir sans épouse, mourir sans avoir recherché aucune fille, il se fit une femme en or'. Quant au but du poème il n'est pas moins clair il s'agit de montrer qu'une fiancée ainsi faite n'est bonne à rien et de suggérer au jeune homme l'idée d'une épouse plus réelle. Une variante originaire du Läänemaa (Estonie occidentale) insiste particulièrement sur ce point et en fait même le sujet d'un poème spécial. Dans de telles conditions, le héros de l'aventure ne peut guère offrir de personnalité; sa banalité est le meilleur garant de la portée générale de l'enseignement donné par la chanson populaire. Aussi ne sait-on de lui qu'une chose, c'est qu'il est forgeron. Son nom est quelconque : il s'appelle laanikene, Iürikene, Mardikene ou Autsukene comme n'importe quel gars du pays.

Il faut aller en Ingrie pour le voir prendre un nom moins ordinaire, celui d'Ismaro. Tandis que les chants de l'Estonie septentrionale se répandaient en Ingrie et s'avançaient le long du littoral jusqu'aux environs de Saint-Pétersbourg sans rien perdre pour ainsi dire de leur marque d'origine, ils innovaient sur un point essentiel en faisant du jeune homme quelconque à qui l'on conseille le mariage, un héros. Dans

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une variante de la région de Narvusi Ingrie occidentale) on remarque simultanément la conservation de traits primitifs, d'origine estonienne, tels qu'épithètes, termes de comparaison, vers entiers simplement transposés, et l'introduction de ce nom d'Ismaro qui n'est, comme nous l'avons indiqué, qu'une forme secondaire d'Ilmarinen; plus loin vers l'est, à Venjoki par exemple, au sud-ouest de Saint-Pétersbourg, on voit Ilmaro remplacer Ismaro. Puis enfin dans le détroit carélien apparaissent Ilmari, Ilmarinta et Ilmarinen.

IV

Dès maintenant le héros populaire Ilmarinen, issu du dieu du même nom, existe mais l'illustre forgeron, à l'habileté de qui chacun recourt à l'occasion et qui seul est capable de fabriquer le merveilleux Sampo, n'est pas né encore. Bien mieux, l'épithète de forgeron apparaît plus souvent accolée à son nom dans l'Ingrie centrale que dans la région du détroit carélien. C'est que jusqu'ici il n'a travaillé les métaux que d'une manière, en somme, accidentelle, dans le seul but de se procurer une femme. Il en est tout autrement en Carélie soit finlandaise, soit russe : là Ilmarinen est le forgeron par exellence, le batteur de fer, il est même à l'occasion le Forgeron, tout simplement; il a des attributs qui appartiennent en propre au métier qu'il exerce avec tant de maîtrise, le foyer et la forge, qui apparaissent ici pour la première fois.

C'est qu'un élément nouveau est intervenu : la formule magique de l'origine du fer. Cette formule qui apparaît développée brillamment au début du neuvième chant du Kalévala, est restée, en Finlande occidentale aussi bien qu'en Ingrie, indépendante de l'épopée et du héros Ilmarinen; mais en Finlande orientale et en Carélie russe elle a été rattachée à eux, parce que dans l'histoire de la fille d'or Ilmarinen fait acte de forgeron. Grâce à ce lien léger, le personnage vague et indifférent qui n'avait pas même de nom en quittant l'Es

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