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qu'on puisse discerner l'intention qui a présidé à cette œuvre, ni à quoi elle est destinée. La Genèse ne peut avoir été écrite que par un auteur qui avait un plan arrêté d'avance, celui de montrer comment Israël était le peuple élu, Te peuple de Dieu. C'est là l'idée mère du livre, vers laquelle tout converge. Aussi la Genèse diffère totalement de ce que nous appelons un livre d'histoire. Des événements d'une importance capitale sont passés sous silence parce qu'ils sont complètement en dehors du cadre que s'est tracé l'auteur. Astruc, et encore moins les critiques d'aujourd'hui, ne se préoccupe nullement de la pensée qui a inspiré Moïse, quand il a écrit les tablettes qui composent le livre.

Moïse avait à fonder une religion, à écrire les livres religieux qui en étaient la base. Lui, Sémite Aramen, ayant reçu l'éducation des écrivains Sémites de l'époque, fit exactement comme les écrivains de Mésopotamie. M. King nous a appris que la littérature religieuse des Babyloniens était une transformation d'une autre plus ancienne, où les nouveaux auteurs faisaient valoir leurs idées et mettaient en relief leurs dieux aux dépens des anciens. Les Assyrien firent de même à l'égard des Babyloniens par exemple, dans la fameuse légende de Gilgames, le récit du déluge, écrit à Ninive au vir° siècle, est une variante d'une version plus ancienne qui remonte à la première dynastie de Babylone (2232-1933) et dont on possède quelques fragments. Ces morceaux montrent que l'ancienne version diffère fortement de la plus récente.

Moïse n'agit pas autrement. Il avait des sources que. nous allons chercher à retrouver. Il avait des tablettes plus anciennes qu'il a écrites à nouveau. De même qu'à Babylone Enlil était remplacé par Marduk, sous la plume de Moïse Yahveh est devenu le Dieu d'Israël, Yahveh le Dieu, l'Elohim de l'homme dès qu'il avait été formé de la terre. On remarquera que dans cette activité que nous attribuons à Moïse, nous n'inventons rien, nous nous en tenons strictement à ce que nous savons des écrivains Mésopotamiens à la race desquels il appartenait.

Là où nous devrons recourir à l'hypothèse, c'est en recherchant quelles étaient les sources, les documents anciens que Moïse avait à sa disposition. Ici surtout nous nous fiendrons le plus près possible des usages et des circonstances du temps et des lieux d'origine de ces documents, qui s'étendent depuis la création du monde jusqu'à la mort de Joseph, c'est-à-dire qui sont tous de beaucoup antérieurs à Moïse.

I

Une première série se compose des onze premiers chapitres. Elle nous conduit jusqu'à Abram, jusqu'à la mort de Térah. Elle comprend par conséquent tout ce qui précède la vocation du patriarche, l'élu de Dieu qui sera la tige du peuple choisi de Yahveh. On remarquera la grande place que tiennent les généalogies dans ces tablettes. Ce sont les premiers documents historiques, c'est ce que les hommes ont tenu à conserver, la série des ancêtres dont ils descendaient. Il est certain que dans une civilisation primitive, c'était le moyen le plus sûr et même le seul de se distinguer. Ainsi se constituait la famille d'abord, puis la tribu. Encore aujourd'hui les tribus arabes s'appellent les fils de tel ou tel.

Déjà, dans ces permiers chapitres, dans les six tablettes dont ils se composent, on reconnaît le plan et le but de Moïse arriver à Abraham, au père du peuple d'Israël; et nous voyons comment depuis la création du monde tout conduit à lui. Cela est frappant dans ce qui suit le récit du déluge. Une première fois, au chapitre X, nous avons la descendance des trois fils de Noé rangée par générations et par nations. « C'est d'eux que descendent les nations qui se sont dispersées sur la terre après le déluge 1».

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C'est donc par ces familles que la terre a été peuplée, cela suffit à Moïse. Il ne nous reparlera plus des descendants de Japheth et de Cham qui ne touchent point Abraham. Mais il devra nous expliquer comment cette dispersion s'est passée; aussi l'épisode de la tour de Babel doit suivre nécessairement la description de la postérité de Noé. Et dans cette mêlée produite par la confusion des langues, où chercher ceux qui doivent donner naissance à Abraham, au père du peuple élu ? On les trouve dans une des familles de la postérité de Sem, celle d'Arpakchad, et voilà pourquoi l'auteur revient à la descendance de ce fils de Noé ou du moins à l'une des familles de cette descendance. Cette généalogie est la suite obligée de la dispersion, et attribuer les deux parties du chapitre à deux auteurs différents, Fépisode de la tour de Babel à une source plus ancienne que le Yahviste, et la généalogie au code sacerdotal, moins les versets 28 et 29 qui sont Yahvistes, cela me semble un de ces nombreux exemples ou les critiques ont complètement ignoré le plan du livre, et n'ont pas discerné l'enchainement des diverses parties.

1) Traduction de la Bible du Centenaire,

Abram avait suivi son père à Charan, et c'est là qu'il reçut l'ordre de quitter sa parenté et la maison de son père pour aller dans un pays qui lui serait indiqué. Cet ordre est exprimé ainsi « Yahveh dit à Abram Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va dans le pays que je t'indiquerai. Je ferai (naître) de toi une grande nation ». Ces simples paroles suffisent à nous faire comprendre pourquoi Abram quitta la Mésopotamie. Il se trouvait au milieu d'une population qui, comme le dit Josué (XXIV. 2) servait d'autres dieux. Pour parler le langage moderne, ce fut un motif religieux, une différence de foi et de religion qui lui fit quitter le pays de son père, Nous ne suivrons pas les auteurs profanes qui nous parlent d'Abraham comme d'un réformateur qui aurait trouvé peu d'écho chez ses compatriotes; nous nous en tiendrons aux deux passages que nous venons de citer, lesquels, bien loin de représenter deux traditions différentes, se complètent mutuellement.

Comment l'ordre de Yahveh se fit-il entendre à Abraham ? c'est ce que nous ne savons pas, mais nous connaissons la raison de cet ordre. Abram vivait dans un milieu qui ne pratiquait pas le culte de Yahveh, et c'est pourquoi Yahveh lui-même lui ordonne de quitter le pays et d'aller s'établir ailleurs où il n'est pas sous l'influence de ses alentours, où il peut mieux rester fidèle au dieu qu'il devait servir. Quand nous parlons d'Abram, ce n'est pas d'un individu isolé, d'un pèlerin le bâton à la main, ou d'une famille sans ressources allant se fixer à l'étranger pour y chercher fortune. Abram est ce que nous appellerions aujourd'hui un cheikh, le chef d'une famille. nombreuse et riche par ses troupeaux et par le nombre de serviteurs qui lui étaient attachés. C'était ce qu'on nommerait aujourd'hui les Beni Abraham.

Le départ d'Abram pour le pays de Canaan peut se comparer à la migration d'une secte allant au loin chercher la tranquillité ou un abri contre la persécution. Il y a eu de notre temps, des migrations. de ce genre, en Amérique et ailleurs. Les fouilles nous ont rendu un grand nombre de tablettes couvertes d'inscriptions religieuses, c'étaient les livres sacrés de l'époque sur lesquels les habitants du pays fondaient leur religion et leurs croyances. Il est tout naturel de supposer qu'Abraham et ceux qui partageaient ses croyances avaient aussi les leurs, et que, comme font les sectes de nos jours, Abram emportait ses livres, d'autant plus qu'ils renfermaient sa généalogie. La supposition qu'Abraham, chef religieux, avait ses tablettes, avait ses livres, n'a rien que de conforme aux usages du temps et du pays, de même le fait de les prendre avec lui dans

son voyage. La tablette était un objet facile à transporter et qu'on employait fréquemment pour des lettres. Elle pouvait impunément supporter un voyage et braver, sans être endommagée, les cahots du chameau ou de l'àne qui la portait, pendant un trajet qui pouvait durer des semaines, comme lorsqu'il s'agissait d'aller de Mésopotamie en Canaan.

Telle est, me parait-il, la première source de Moïse, les tablettes qu'Abraham apporta de Charan, qui racontent tous les événements contenus dans les XI premiers chapitres de la Genèse. Nous ne savons pas combien il y en avait. Il est possible qu'il y en eût plus que la Genèse ne nous en a conservé. Nous ignorons aussi complètement qui les avait écrites. Il est possible même qu'elles ne fussent pas toutes du même auteur, et cela pourrait expliquer, expliquer, Gans une certaine mesure, l'emploi des deux noms de Dieu. Mais une chose paralt indubitable. Moïse les écrivit à nouveau, il fit pour Yahveh ce que les scribes babyloniens ou assyriens firent pour leurs dieux. Je le répète, il ne fit que suivre la coutume des écrivains de la Mésopotamie, du pays qui avait été la première patrie du peuple auquel il appartenait, et dans la langue duquel il écrivait.

C'est ainsi que Moïse apporte l'unité dans son œuvre. Yahveh est le Dieu de l'homme, en attendant qu'il devienne celui d'Abraham et de ses descendants. C'est pourquoi il apparaitra dans la seconde tablette, celle qui décrit la création de l'humanité. Dans la première tablette qui est devenue le premier chapitre, il s'agit des cieux et de la terre, comme le dit la dernière phrase qu'on attribue bien à tort au scond chapitre et qui doit être traduite ainsi, en changeant le premier mot : « Voilà les origines des cieux et de la terre quand ils furent créés » ou si l'on veut « Voilà l'histoire des cieux et de de la terre, quand ils furent créés ». C'est une phrase parallèle à celle du début du chapitre ui arronce la création du ciel et de la terre; celle-ci en est le résumé final. Ce serait un singulier titre pour le second chapitre, qui ne mentionnerait pas l'homme, lequel l'occupe tout entier, tandis qu'il ne parle pas une seule fois des cieux. Dans cette première tablette, Dieu est appelé Elohim; ce n'est pas le dieu de l'homme, c'est celui de toute la nature. L'homme est créé le même jour que les animaux terrestres, et son rôle est d'être le roi des animaux et de dominer sur eux. Aucun élément moral ou spirituel quelconque n'apparaît encore chez lui, il est simplement une des œuvres du sixième jour, il a la dernière place dans le catalogue des créations de la semaine. Pas plus pour lui que pour les animaux, il n'est dit de quelle manière il a été créé. Pour ce qui est

des animaux, il est dit : « Que la terre produise des êtres vivants selon leur espèce ». Comment la terre les a-t-elle produits ? c'est ce qui ne nous est pas dil, rien n'indique qu'ils soient apparus au même moment et tous ensemble pendant cette période qui est appelée « jour » d'un nom emprunté à l'Egypte et qui ne veut dire autre chose qu'un espace de temps ayant un commencement et une fin pendant lequel il peut s'être passé bien des choses. Il y a place pour l'évolution, si tant est que la science établisse que c'est l'origine des espèces animales.

La création de l'homme, ou plutôt de l'humanité, est racontée dans la seconde tablette qui va jusqu'au premier verset du chapitre V, lequel doit être traduit ainsi : « Voilà le livre de la naissance des hommes, ou de l'humanité ». C'est, comme pour la première tablette, le résumé de ce dont il a été question. Déjà. lorsqu'il paraît pour la première fois, le mot Adam (que le grec traduit pár άvopóños est un collectif, puisque tous les verbes qui se rapportent à lui sont au pluriel. I en est de même au premier verset du chapitre V. Il ne ne s'agit pas de la famille d'Adam comme le traduit la Bible du Centenaire, pas plus qu'il ne s'agit (II. 4) de la familie du ciel et de la terre; il s'agit de la naissance, l'origine, la création si l'on veut (γένεσις) de l'homme, du genre humain, de l'humanité, et ici les Septante emploient le pluriel ἀνθρώπων.

On veut, de ce premier verset du chapitre V, faire le titre de ce qui suit, qui serait la description de la famille d'Adam. Mais ici non plus, il ne s'agit pas de la personnalité d'Adam; ce nom est encore un collectif, l'être humain, l'humanité. C'est ce que nous enseigne ce qui suit immédiatement ce soi-disant titre : « Le jour où Dieu créa les hommes, il les fit à la ressemblance de Dieu. Il les créa mâle et femelle, et il les bénit. Il leur donna le nom d'Adam, le jour où ils furent créés ». C'est donc bien l'humanité, en général, que signifie ce nom et la traduction avopórov des Septante est conforme à la signification du mot hébreu.

Nous avons, à plusieurs reprises, comparé une suite de tablettes aux leçons d'un cours dans lequel le professeur a une liberté beaucoup plus grande que l'auteur d'un livre. Il peut revenir en arrière ou prendre une idée ou un fait quelconque qu'il avait seulement énoncé pour développer ce fait d'une manière plus complète.

C'est ce que va faire Moïse dans sa seconde tablette. Dans la première, il s'est borné à mentionner la série des créations sans expliquer comment ces créations se faisaient. Maintenant, il va nous raconter comment l'homme est né, comment une compagne lui a été

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