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toliques ceux d'André et de Thomas, chez les Origénistes ceux « d'André et d'autres disciples du Christ » 1. Origène lui-même et Clément d'Alexandrie citent, en propres termes, ceux de Pierre 2. D'après Ephrem, l'école de Bardesane aurait composé des Acles des Apôtres, pour couvrir du nom de ces augustes personnages l'incrédulité tant combattue par eux 3. Et Pacien constate que les Phrygiens ou Montanistes se réclament de Leucius 4. Jérôme présente ce dernier comme un disciple de Mani 5. C'est simplement parce que ses écrits étaient très lus par les Manichéens. Le Pseudo-Méliton le regarde plutôt comme un compagnon des Apôtres 6. Epiphane le considère, plus précisément, comme un disciple de Jean 7. Lui-même se donnait, sans doute, comme tel. En réalité, nous devons voir en lui un Gnostique du 11° siècle qui aura voulu substituer à l'œuvre de Luc une histoire des temps apostoliques plus conforme aux croyances de sa secte.

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ACTES DES DOUZE APÔTRES. D'après Photius, le Manichéen Agapius aurait invoqué, d'une façon assez bruyante, des Actes des douze Apôtres 8. Ce dernier titre n'apparaît point ailleurs. On pourrait supposer qu'il a été confondu avec celui de l'Evangile des douze Apôtres, dont les disciples de Mani faisaient un grand usage. Mais cette hypothèse est excluc par le contexte. Agapius invoquait les Actes des douze Apôtres « et surtout ceux d'André ». C'est donc un recueil. semblable à celui de Leucius qu'il a utilisé. Mais ce recueil était plus étendu, ou du moins plus varié, puisqu'il ne parlait pas seulement de Pierre et de

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3) Texte cité par Th. Zahn, Geschichte des Neutestamtlichen Canons

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Paul, d'André, de Thomas et de Jean, mais de chacun des Douze.

Sans doute, les Manichéens le tenaient-ils de leurs ancêtres Sabéens. En effet, les Ebionites gnostiques, qui appartenaient à la grande famille des Baptistes, possédaient une œuvre de ce genre. Après avoir noté que ces hérétiques lisent des Voyages de Pierre qui sont tout remplis de leurs erreurs, Epiphane ajoute : «Ils mettent encore en avant d'autres Actes des Apôtres qui contiennent des traces multiples de leur impiété. Et c'est surtout sur l'autorité de ce livre qu'ils s'appuient pour combattre la vérité. Ils y exposent des Elévations et des récits de Jacques qu'on y voit déclamer contre le temple et les sacrifices, ainsi que le feu qui brûle sur l'autel. Et ils y joignent d'autres inepties innombrables, ne rougissant pas même d'y lancer contre Paul des propos mensongers que de faux apôtres ont inventés dans leur ignorance ou leur méchanceté. Ils l'appellent, en effet, le citoyen de Tarse et le présentent comme un Gentil, né de parents Gentils, qui, étant allé à Jérsualem et y ayant séjourné quelque temps, y voulut épouser la fille du grandprêtre, se fit, pour cela, prosélyte et reçut la circoncision, puis, ayant dû renoncer à ce mariage, se tourna, dans sa colère, contre la circoncision, le Sabbat et la Loi » 1. Tout le récit tendait visiblement à discréditer l'interprétation paulinienne du Judaïsme pour mieux écarter ce dernier. Les Actes dont il s'agit étaient nettement antijuifs, comme l'Evangile des Douze Apôtres qui avaient cours dans le même milieu 2. Par là, ils devaient, comme lui, plaire aux Manichéens, dont le fondateur put, d'ailleurs, les connaître déjà chez les Sabéens de Mésopotamie.

LE PASTEUR D'HERMAS. Un autre écrit chrétien leur a été, sans doute, associé de bonne heure, bien qu'il ne se réclamât point d'un compagnon du Christ. Nous avons vu que les Actes d'Archélaus mentionnent trois disciples de Mani, Addas, Thomas et Hermas 3. Comme des ouvrages importants ont circulé

1) Epihane, Haer., XXX, 16.

2) V. supra, p. 56.

3) Act. Arch., 11, fin., 53, circ. med. V. supra, p.

sous le nom des deux premiers, quelqu'un a dû se répandre aussi sous celui du dernier. Et c'est ce qui aura fait regarder son auteur comme un des fondateurs de la nouvelle Eglise. Or, un seul nous est connu. C'est le Pasteur 1. Ce livre d'Hermas, « frère de Clément », a été très lu et vénéré dans toute la Chrétienté 2. Et la doctrine qu'il professe s'accorde dans l'ensemble avec celle de Mani, qui affirme, comme lui, la nécessité de faire pénitence et la possibilité offerte à tout croyant d'obtenir par ce moyen le pardon des péchés 3. Il a dû être très apprécié par les adeptes de la nouvelle foi, soucieux d'échapper au pouvoir des Ténèbres pour retourner vers la pure Lumière. Dans sa Lettre à Augustin, l'Auditeur romain Secundin semble s'en inspirer 4. Et les Manichéens Ouïgours en ont fait certainement usage. Un fragment très court, mais très reconnaissable, de cette œuvre célèbre a été retrouvé à Tourfan parmi d'autres débris de leurs manuscrits 5.

De nouvelles recherches permettront peut-être de conclure à de nouveaux emprunts. Ceux qui viennent d'être constatés suffisent à montrer combien largement la littérature chrétienne a été exploitée par Mani et tous ses partisans. D'autres textes, d'ailleurs, qui n'avaient qu'un rapport lointain avec le Christianisme, ou qui lui étaient tout à fait étrangers, lui ont été fréquemment associés.

(A suivre),

PROSPER ALFARIC.

1) P. G., H., 819-1012 (trad. lat.); F. X. Funk, Die apostolichen Väter, Tubingue, 1901, in-8°, p. 145-239 (texte grec).

2) Voir les « Témoignages des Anciens » à son sujet chez Migne, P. G., II, 819-834.

3) Voir Adimante, chez Augustin, Cont. Adim, VII, I.

4) Epist. ad. Aug., 2, dans P.-L., XLII, 573.

5) F. W. K. Müller, Eine Hermas-Stelle in manichäischer Version, dans les Sitzungsberichte de l'Académie des sciences de Berlin, 1905, p. 1077-1083.

ESSAI SUR LE CONFLIT

DU CHRISTIANISME PRIMITIF ET DE LA CIVILISATION

Elle est tombée

la grande Babylone!

Dans une des pages les plus véhémentes de son Anti-Christ, Nietzsche a écrit: « Ce qui existait aere perennius, l'Empire romain, la plus grandiose forme d'organisation, sous des conditions difficiles, qui ait jamais été réalisée - ces saints anarchistes se sont fait une « piété » de détruire le monde, c'est-à-dire l'Empire romain, jusqu'à ce qu'il n'en restât plus pierre sur pierre. -Le christianisme a été le vampire de l'Empire romain;

il a mis à néant en une seule nuit cette action énorme des Romains: avoir préparé le terrain pour une grande culture qui a le temps... En vain tout le travail du monde antique! >>

1

Cette accusation n'est pas nouvelle. Nous la trouvons exposée sous des formes diverses dans la plupart des historiens modernes depuis Montesquieu'. Et même elle est presque aussi vieille que le christianisme. Il suffit de se rappeler les mots par lesquels le grave historien des Césars salue l'apparition des chrétiens «< ces hommes détestés pour leurs abominations, que le vulgaire appelle chrétiens... » ... « des ennemis du « des ennemis du genre humain ». Aux

1) L'Anti-Christ, 58-59.

2) Cf. Renan Marc-Aurèle p. 589 et 590 « A mesure que l'empire baisse, le christianisme s'élève. Durant le 1e siècle le christianisme suce comme un vampire la société antique, soutire toutes ses forces et amène cet énervement général contre lequel luttent vainement les empereurs patriotes. Le christianisme n'a pas besoin d'attaquer de vive force; il n'a qu'à se renfermer dans ses églises.... L'Église au m° siècle, en accaparant la vie, épuise la société civile, la saigne, y fait le vide, Les petites sociétés tuèrent la grande société »....

premiers siècles, les païens les plus sérieux ont considéré que le christianisme était la principale cause des malheurs de l'empire. Et lorsque les grands empereurs ont voulu restaurer dans toute sa force la tradition romaine et affermir les bases de l'imperium, ils ont persécuté les chrétiens.

En réalité, l'Église ne saurait être tenue pour responsable d'une décadence organique qui avait commencé dès avant la propagande chrétienne.

Le monde antique était vieilli et fatigué. L'énergie baissait. Dépopulation, affaiblissement de l'esprit militaire et du zèle civique, corruption des mœurs; tels étaient les maux que l'on pouvait constater depuis la fin de la République. Et cette crise de désagrégation s'aggravait sans cesse, tandis que les masses barbares cherchaient à forcer la frontière sur le Danube et sur le Rhin'.

Mais il faut reconnaître que le christianisme n'a rien fait pour retarder le dénouement fatal. Il était essentiellement étranger à la politique romaine. Les premiers chrétiens haïssaient la civilisation comme une œuvre de l'esprit du mal. En face des iniquités, des immoralités, des idolâtries du « monde », la conscience chrétienne s'est révoltée.

C'est la seule parole de protestation que les hommes de ce temps aient entendue. Les peuples réconciliés et asservis célébraient les bienfaits de la pax romana, et depuis la Bretagne jusqu'à la Syrie ils adoraient la déesse Rome et l'Empereur divinisé. Mais les chrétiens ont refusé de se prosterner devant la Bête et d'adorer son image; ils ont maudit la grande Babylone qui forniquait avec les rois et les marchands de la terre et qui abreuvait les nations du vin de son impudicité.

Les origines.

Les pauvres d'Israël. — Cela vient de loin. Le christianisme primitif suivait la grande tradition hébraïque. Les vieux prophètes

1) Voir G. Boissier, La Fin du paganisme, 1903. « Les causes de la ruins. de l'empire», II, p. 339 à 385.

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