Slike strani
PDF
ePub
[graphic][merged small][ocr errors]

LES NABATÉENS EN ÉGYPTE1

Quelques jours avant la déclaration de guerre, je reçus de M. Daressy, conservateur du Musée du Caire et secrétaire général du Service des Antiquités d'Égypte, une lettre en date du 15 juillet 1914 dans laquelle il m'annonçait que le Musée venait de recevoir un bloc de calcaire qui portait une inscription en caractères sémitiques semblant être du nabatéen. La pierre, mesurant 0,70 de longueur, sur 0,61 de hauteur, et 0,47 d'épaisseur, provenait évidemment, me disait-il, d'un mur de temple ou autre grand édifice. Elle avait été trouvée dans la Basse-Egypte, à Tell ech-Chougâfiyé, dans le Ouâdi Toumîlât, à trois kilomètres de Tell el-Kebîr*.

D'après le rapport de l'inspecteur des Antiquités, envoyé par M. Daressy pour faire une enquête sur place au sujet de cette découverte, la pierre gisait isolée, au sommet du tell encore vierge.

Le Tell ech-Chougâfiyé est un des plus grands de la région; sa superficie n'est pas moindre de 12 feddans'. Il marque l'emplacement d'une ville antique dont l'identité est encore controversée'.

A des intervalles assez éloignés, et avec des retards qui s'ex

1) Communication faite à l'Académie des inscriptions, séance du 13 août 1919.

2) C'est là qu'eut lieu en 1882 la grande bataille où lord Wolseley écrasa l'armée de 'Arabi-bey.

3) Le « Tell aux tessons », toponyme arabe significatif pour l'archéologie. 4) Le feddan est une mesure agraire équivalant à 4.200 mq.

5) Voici ce que M. Daressy veut bien m'ecrire à ce sujet : « Flinders Petrie

pliquent par les graves événements alors en cours, M. Daressy a bien voulu me faire tenir plusieurs estampages de l'inscription, plus ou moins réussis, et, finalement, une photographie reproduite sur la planche jointe à cet article et dont voici un croquis intérprétatif.

[merged small][merged small][ocr errors]

C'est sur ces documents d'une valeur inégale que j'ai entre pris le déchiffrement dont je voudrais communiquer aujour d'hui les résultats à l'Académie'.

et Naville veulent y voir la Thou des Itinéraires romains; pour moi, Thou est la Pithom biblique, egalement nommée Sukkot (Thekut), dont je mets le site plus à l'ouest, et Tell ech-Chougâfiyé serait Phagroriopolis, en égyptien

«< la maison de la grenouille », qui aurait supplanté Pithom comme capitale du VIII nome de la Basse-Égypte (sous a XXV dynastie), jusqu'au moment où Héropolis (Tell el-Maskhouta), giace à l'ouverture du canal de la mer Rouge, devint le chef-lieu de la province ».

1) Le document a ete étudie en détail au Collège de France et à ma conférence d'Archéologie Orientale de l'Ecole des Hautes-Etudes.

C'est bien, comme l'avait pensé M. Daressy, à un texte nabatéen que nous avons affaire. Quoique leur taille soit parfois inégale et leur alignement quelque peu flottant, les caractères, grands, bien formés, profondément gravés, indiquent à première vue une bonne époque; cette impression sera pleinement confirmée par la teneur même du texte.

Je crois devoir rappeler à ce propos que ce n'est pas la première fois qu'on trouve des traces épigraphiques de la présence de Nabatéens en Égypte. Mais elles se réduisaient, jusqu'à ce jour, à quelques textes très courts ou graffiti sans grand intérêt : trois dans la Haute-Égypte, dans la région de Qeneh', un dans les parages de Péluse'. Tout autre est celui qui vient d'être découvert tant par son étendue que par la dimension du bloc qui le porte, il a toutes les allures d'une véritable inscription monumentale.

D'après les cotes données plus haut ce bloc quadrangulaire n'a pas les proportions qu'on attendrait pour une stèle ou un cippe; il semble plutôt avoir servi de base, voire de simple pierre de taille faisant partie d'un appareil de construction. L'inscription ne nous renseigne pas sur sa destination.

Elle se compose de huit lignes, d'environ 18 lettres à la ligne, qui recouvrent toute la surface de la pierre, bord à bord, sans marge; elles ont malheureusement beaucoup souffert. La première a presqu'entièrement disparu, sauf, à sa partie centrale, quelques faibles vestiges de caractères, dont on distingue encore la base. La dernière, elle aussi, a été très maltraitée, surtout dans sa première moitié. En outre, du côté droit du bloc, une large cassure ou épaufrure oblique, qui diminue de largeur en descendant, a totalement enlevé ou altéré nombre de lettres au commencement de toutes les lignes. Le côté gauche n'a pas

1) Répert. d'épigr. sém., no 489; cf. les lectures rectifiées dans mon Rec. d'Arch. Or., VI, 121.

2) M. de Vogü, CR. Acad., 1911, p. 433.

été épargné, lui non plus; un large éclat a fait disparaître les dernières lettres des lignes 2, 3 et 41.

Le lapicide semble avoir évité systématiquement de couper les mots à la ligne, tout au moins dans la partie de l'inscription (lignes 1-5) constituant le corps même de la dédicace.

Dans la transcription ci-dessous' j'ai dû ajouter, comme le montre la fréquence des crochets et des parenthèses employés, bon nombre de suppléments et de compléments; les uns ne font pas difficulté; d'autres, au contraire, sont plus risqués et quelque peu sujets à caution, je ne me le dissimule pas; on voudra bien m'en excuser vu les graves mutilations qu'a subies l'inscription et qui viennent ajouter aux obscurités naturelles d'un texte sortant tout à fait de l'ordinaire.

1 [לאלת ? אלהתא ? הקים ?
2 [בר ירחב ולא וכתב אפגרפ?]
3 [על] (ח)יי מרא?(?)?ין א(פכלא)
4 [וחיי נפשה ודי יהוה (שמ)[ה]
5 [דכיר קדמיה ובאויתו (vacat)
6 [?שלם ב 21 לפחנשי די ש
7 [נת] 4 לתלמי מלכא די הי [שם]
18? למ] רא?(?)?יו אפכלא ???

Sous ces réserves, voici la traduction que je proposerais:

1) Heureusement un des estampages, d'ailleurs d'une exécution très médiocre pour tout le reste, celui qu'avait pris sur place le ghafir, ou gardien indigène du Service des Antiquités, nous a conservé une trace suffisante des lettres quatre dernières lettres de la 1. 3 et de l'avant-dernière de la 1. 4, détruites ultérieurement par quelque accident au cours du transport au Caire. Ce témoignage unique est précieux parce qu'il nous permettra de rétablir deux mots très importants.

2) Pour plus de commodité, j'ai donné (supra, p. 404) un croquis qui, confronté avec la reproduction de la photographie permettra de se rendre compte d'un coup d'œil de l'état réel du texte et des lacunes comblées tant bien que mal. Bien entendu, il n'y faut voir qu'un simple schéma n'ayant qu'une valeur interprétative.

« PrejšnjaNaprej »