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ments qui, depuis cette époque, se sont successivement opérés dans l'état politique et les relations commerciales de Maguedchou, comme des autres villes de la côte, ont dû amener des modifications correspondantes dans les mœurs, les usages et la richesse de ses habitants... Nous allons faire connaître les traditions que nous avons recueillies sur les lieux mêmes, et qui confirmeront, nous le croyons, les récits d'Ibn Batoutah. » Le savant marin se livre ensuite à une intéressante discussion historique, qu'il termine ainsi : «Nous concluons donc de tout ce qui précède, qu'à l'époque du passage d'Ibn Batoutah, la ville était encore gouvernée par des sultans m'doffeur; dès lors les détails fournis par ce voyageur sur les usages du pays, sur les cérémonies dont il a été témoin, enfin sur l'appareil somptueux dont le sultan était entouré, nous paraissent ne pouvoir être révoqués en doute. » Enfin, le capitaine Guilain ajoute: «Les principales assertions d'Ibn Batoutah, en ce qui concerne Kiloua, s'accordent parfaitement avec certains détails de cette chronique des sultans de Kiloua que nous avons reproduite au commencement de ce livre... Cette concordance entre deux documents de nature et de provenance toutes différentes, nous semble témoigner à la fois, et de l'exactitude de la relation, et de celle de la chronique. »>

Sur un grand nombre de points de détail, Ibn Batoutah s'accorde complétement, tant avec les voyageurs chré, tiens du siècle précédent, tels que Marco Polo et Rubruquis, qu'avec ses contemporains et coreligionnaires, les géographes et historiens arabes, Abou'lféda et Chihab eddîn Aboul'abbas Ahmed. Il est curieux surtout de comparer, avec le récit des courses de notre auteur dans l'Asie Mineure, le chapitre que, dans sa vaste compilation

(le Méçálic alabsâr), Chihâb eddîn a consacré à la description de la même contrée. Cet écrivain, qui mourut à Damas en l'année 1349, fut attaché, tant dans cette ville que dans celle du Caire, à la chancellerie du sultan d'Égypte. Le chapitre du troisième volume de son ouvrage qui traite de l'Asie Mineure a tout l'intérêt d'un document original. En effet, l'auteur cite1, comme une de ses autorités, le cheïkh Haïder Roumy Oriân «natif de Sir (Sevri) Hiçâr, ville du pays de Roùm, dans la partie qui est au pouvoir des rois de la famille de Djenguiz khân. » Il dit plus loin2 que l'époque où cet auteur quitta le pays était environ l'année 733 de l'hégire (1332 de J. C.). Il cite aussi des détails qui lui ont été communiqués par le Génois Belbân, «homme mieux instruit que le cheïkh 3. » Il nous apprend, enfin, que ce Belbàn était affranchi du grand émir Béhâdur Mo'izzy, et qu'il portait dans son pays natal le nom de Dominique Doria, fils de Thadéc Doria'. Quelques-unes des difficultés que présente le texte de Chihâb eddîn, surtout en ce qui regarde la lecture des noms propres d'hommes et de lieux, peuvent être facilement résolues à l'aide du morceau correspondant de l'ouvrage d'Ibn Batoutah.

Il était réservé à un savant allemand, digne précurseur de Burckhardt, d'appeler le premier, avec quelque détail, l'attention de l'Europe sur les voyages d'Ibn Batoutah. Seetzen se procura en Orient, parmi d'autres manuscrits curieux destinés à la bibliothèque de Gotha, un volume composé de 94 pages grand in-8°, et contenant

I Notices et extraits des manuscrits, t. XIII, p. 335. • Ibid., p. 337.

3 Page 338. Page 347.

un abrégé de la relation d'Ibn Batoutah; il en donna le précis dans un travail inséré aux Éphémérides géographiques du baron de Zach', et dont nous avons ci-dessus rapporté quelques lignes; mais, comme l'a fait observer M. Kosegarten 2, il a indiqué souvent avec peu d'exactitude les lieux visités par le voyageur arabe.

Dix ans après Seetzen, un laborieux orientaliste allemand, M. Kosegarten, publia, à l'occasion d'une solennité académique, une dissertation contenant le texte et la traduction de trois fragments du même abrégé d'Ibn Batoutah que Seetzen avait analysé 3. Le résumé que les deux savants allemands ont fait connaître est extrêmement succinct. Pour la première partie du voyage d'Ibn Batoutah, il se borne à un très-petit nombre de pages, et n'acquiert quelques développements qu'en traitant de l'Inde, de la Chine et du Soudan. Il n'en faut pas moins savoir gré à M. Kosegarten d'avoir, le premier, donné des extraits du voyage d'Ibn Batoutah, et d'avoir mis les géographes à même de suivre ses courses dans le Soudân. Ce mérite excuse les erreurs que l'éditeur a commises, telles que celle d'avoir cru que l'itinéraire d'Ibn Batoutah avait été abrégé par Mohammed alkelby, c'està-dire Ibn Djozay.

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M. Kosegarten avait annoncé l'intention de publier

1 Zach's Monatliche Correspondenz, Band XVII, s. 293-304.

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Page 9 de l'opuscule cité dans la note suivante.

De Mohammede ebn Batuta Arabe Tingitano ejusque itineribus, commentatio academica, auct. J. G. L. Kosegarten; Ienæ, 1818, in-4, 51 p. S. de Sacy a rendu compte de cet opuscule dans le Journal des Savants de janvier 1820.

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Page 8. Burckhardt est aussi tombé dans cette erreur, qu'expliquent du reste les termes du préambule des deux abrégés. (Travels in Nubia, p. 488, note.)

tout l'ouvrage dont nous lui devons trois extraits. Il n'a pas donné suite à ce projet. Mais, dès l'année 1819, un de ses élèves édita un quatrième fragment du même abrégé, sous le titre suivant: Descriptio terræ Malabar, ex arabico Ebn Batutæ Itinerario edita, interpretatione et annotationibus instructa, per Henricum Apetz; Ienæ, in-4° de 24 pages.

La même année 1819 vit paraître les Voyages en Nubie du célèbre Burckhardt, mort au Caire deux ans auparavant. Dans l'appendice de cet important voyage, on trouve une note relative à Ibn Batoutah, dont Burckhardt possédait un abrégé bien plus étendu que celui sur lequel avaient travaillé Seetzen, Kosegarten et Apetz. La notice de Burckhardt se rapporte principalement à la relation du Soudân, et elle n'est pas toujours exacte. C'est ainsi que, pour nous borner à la portion de l'ouvrage traduite dans ce premier volume, on y lit qu'Ibn Batoutah se rendit de la ville d'Edfou sur le Nil, au village d'Adjirna el fil, tandis que le texte porte que le voyageur et ses compagnons passèrent le Nil à Edfou, pour se rendre à Athouany (thoumma djozna'l-Nila). On voit que Burckhardt a pris un verbe arabe au prétérit, suivi du nom du Nil, pour le nom d'un village 2. Plus loin, il parle des discordes qui avaient éclaté entre les Bodjas et le peuple de Bornou, lisant Bornou au lieu de Turc, mot que portent nos manuscrits, et qui désigne les Mamloucs de l'Égypte, dont la plupart étaient des Turcs du Kiptchak.

Burckhardt rend pleine justice à notre auteur: « Ibn

'Travels in Nubia, seconde édition; Londres, 1822, in-4°, p. 487-492.

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Cette erreur, ainsi que la suivante, a été reproduite par M. Lee. (The travels of Ibn Batuta, p. 16,18.) Cf.ci-dessous, p. 109, 110.

Batoutah, dit-il, est peut-être le plus grand voyageur par terre qui ait jamais écrit ses voyages. Lorsque, pour la première fois, je parcourus rapidement son livre, je ne le supposai pas préférable à Damberger, le pseudo-voyageur africain; mais une lecture plus attentive m'a convaincu qu'il a réellement été sur les lieux, et a vu ce qu'il décrit. Ses voyages consistent en un grand volume in-4°, qui est si rare en Égypte que je ne l'y ai jamais vu; mais je sais qu'il en existe au Caire un exemplaire, bien que je n'aie pu découvrir qui en était le possesseur'.»

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Les trois manuscrits de l'abrégé découvert par Burckhardt, et qui a pour auteur un certain Mohammed ibn Fath Allah albeïloûny, passèrent, après sa mort, dans la bibliothèque de l'Université de Cambridge. Ce fut sur ces manuscrits et sous les auspices du comité pour la traduction d'ouvrages orientaux, que le livre fut traduit en anglais par un savant orientaliste, M. Samuel Lee?. Comme le fait observer M. Dozy, cet abrégé ne peut donner qu'une idée bien incomplète de la relation originale. Albeïlouny a supprimé sans pitié nombre de détails géographiques et historiques rapportés par son auteur; il s'est attaché de préférence à reproduire les anecdotes

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«J'ai entendu parler, pendant mon séjour au Kaire, d'un manuscrit complet de l'ouvrage de Ben Batouta, déposé dans la bibliothèque de la mosquée Elazhar.» (M. Jomard, Remarques et recherches géographiques, à la suite du Voyage à Temboctou et à Jenné, par René Caillié. Paris, 1830, t. III, p. 153, note 1.)

2 The travels of Ibn Batuta, translated from the abridged arabic manuscript copies, etc. London, 1829, in-4°, de XVIII et 243 p. M. Lee a eu tort de supposer (p. xi et p. 2, note) que son abrégé était le même que celui de M. Kosegarten. La version du savant anglais a été l'objet de deux intéressants articles de Silv. de Sacy, dans le Journal des savants, n° des mois d'août et septembre 1829.

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