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par un jeune savant écossais, M. Wright', qui, dans ce travail, a fait preuve d'une grande exactitude et d'une connaissance étendue de la langue arabe. Le récit d'Ibn Djobeïr présentait pour nous un intérêt tout particulier, Ibn Djozay ayant souvent copié textuellement les paroles de l'écrivain espagnol, quelquefois en le citant, mais plus souvent sans en avertir. La comparaison de l'édition de M. Wright nous a été fort utile dans ces deux cas; mais nous n'avons pas cru devoir reproduire les leçons admises pour ces passages par le savant écossais, quand nos manuscrits en fournissent d'autres qui nous ont semblé préférables. La publication de M. Wright nous a aussi servi à déterminer, avec plus de certitude, le sens de certains passages où le récit d'Ibn Djobeïr est plus circonstancié que celui d'Ibn Batoutah. Mais, en revanche, nous pensons que le texte d'Ibn Batoutah aidera à mieux comprendre celui d'Ibn Djobeïr, dont le style est souvent fort obscur, et joint la prolixité à une recherche fatigante. On sent trop que l'écrivain arabe-espagnol, profondément versé dans les finesses de sa langue maternelle, et possédant à fond toutes les ressources du style élevé, a voulu souvent lutter avec Harîry.

Le style d'Ibn Batoutah, ou plutôt d'Ibn Djozay, est, au contraire, généralement clair et assez facile, au moins en ce qui regarde le récit des voyages du pèlerin de Tanger et la plupart des anecdotes rapportées par lui. Toutefois, un assez grand nombre de passages sont écrits en prose rimée et présentent de grandes difficultés. Nous citerons comme tels la majeure partie de la préface, et les morceaux par lesquels commence la description des The travels of Ibn Jubair, edited from a ms., in the university library of Leyden, by W.Wright. Leyden, E. J. Brill, 1852, 1 vol. in-8°.

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villes importantes et dont quelques-uns sont copiés d'Ibn Djobeïr. Une autre difficulté provient des vers assez nombreux insérés dans le cours du récit, et dont plusieurs offrent des difficultés d'autant plus sérieuses, que souvent il est impossible de deviner les idées qui les précèdent et qui les suivent, dans le reste de la pièce d'où ils sont extraits. Il faut ajouter à ces causes d'obscurité l'emploi de termes empruntés au langage technique des soûfis, et surtout de mots qui ne sont usités que dans l'idiome de l'Afrique septentrionale, au moins avec l'acception que leur donne notre voyageur. Or on sait combien, sous ce rapport surtout, sont incomplets nos dictionnaires arabes, et même le plus récent de tous. Heurcusement, plusieurs de ces mots ont été expliqués par M. Dozy, dans son Dictionnaire détaillé des noms des vêtements chez les Arabes, dans ses Scriptorum Arabum loci de Abbadidis, etc., et par M. Cherbonneau, dans l'utile travail dont il a commencé la publication sous le titre de : Définition lexigraphique de plusieurs mots usités dans le langage de l'Afrique septentrionale1. Nous nous sommes plus d'une fois aidés, pour notre traduction, des travaux de ces deux savants. Le texte d'Ibn Batoutah permettra d'ajouter à nos dictionnaires un assez grand nombre de significations ou de mots inconnus jusqu'ici, ainsi que nous espérons le démontrer dans l'index philologique destiné à clore cette publication. Un autre index, consacré aux noms propres, présentera, sous une forme concise, et, le plus souvent, par la simple indication des auteurs à consulter, les éclaircissements que l'on pourrait désirer sur les localités et les personnages mentionnés par Ibn Batoutah.

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Voy. le Journal asiatique, no de janvier et juin 1849.

Dans le courant de l'impression de ce premier volume, nous avons étudié de nouveau quelques passages du commencement de l'ouvrage, dont la traduction ou la lecture ne nous satisfaisaient pas, et nous croyons maintenant les avoir mieux lus et entendus. On trouvera ces corrections, d'ailleurs fort peu nombreuses, à la fin de ce volume, et nous comptons assez sur l'équité de nos lecteurs, pour espérer qu'ils en tiendront compte en jugeant notre travail.

Nous sommes loin de nous dissimuler tout ce que présente d'épineux l'honorable tâche qui nous a été imposée par la confiance de la Société asiatique, surtout eu égard à l'imperfection des manuscrits auxquels nous sommes réduits pour la première partie. Si l'on songe que nous travaillons sur un texte considérable, entièrement inédit, à quelques pages près; et que, pour plus de la moitié de cet ouvrage, nous ne possédons que trois manuscrits complets, dont deux très-médiocres, on se sentira porté à excuser les imperfections qui pourront se rencontrer dans ce travail, malgré tous nos efforts pour les éviter. Dans les additions et corrections placées à la fin de l'ouvrage, nous mettrons à profit, avec reconnaissance, toutes les observations utiles que l'on voudra bien nous faire, soit sur le texte, soit sur la traduction.

APPENDICE.

(Voyez ci-dessus, pages x et x.)

APERÇU DU VOYAGE DE LIONARDO FRESCOBALDI EN ÉGYPTE

ET EN TERRE SAINTE.

Le xiv siècle nous offre un petit nombre seulement de relations de l'Égypte et de la Syrie, et il n'en fournit aucune que l'on puisse comparer, pour la richesse et la précision des détails. historiques et géographiques, avec celle d'Ibn-Batoutah. Sous ce rapport, il est bien inférieur aux deux siècles précédents, ainsi qu'au siècle suivant. Quelle différence ne remarque-t-on pas entre Baldensel, Rodolphe de Suchen, Jean de Mandeville, écrivains du XIVe siècle, et plusieurs de leurs devanciers, tels que Guillaume de Tyr et Brocard, ou de leurs successeurs, comme Guillebert de Lannoy, Bertrandon de la Brocquière et Bernard de Breitenbach? Cette disette de bonnes relations écrites en Europe sur l'Égypte et la Syrie, pendant le xiv° siècle, doit nous faire apprécier davantage celle que l'on doit au voyageur florentin Lionardo Frescobaldi, qui visita les pays du Nil et du Jourdain dans l'année 1384. Le récit de ce voyage n'a vu le jour qu'en 1818, par les soins de Guillaume Manzi, qui l'a tiré du ms. 932 de la bibliothèque Barberine, lequel fut copié, au commencement du xv siècle, par une personne soigneuse et intelligente. L'ouvrage de Frescobaldi est cité dans le Vocabulaire de l'académie de la Crusca, comme un ouvrage classique (testo di lingua), sous le titre de Viaggio al monte Sinay. Frescobaldi et ses deux compagnons de voyage étaient des citoyens distingués de Florence. Le premier devint, en 1385, podestat de Città di Castello; en 1390, il fut envoyé pour prendre possession de Monte Pulciano; en 1398, il remplit les fonctions d'ambassadeur à Rome; enfin, il se distingua par son courage au siége de Pise'. La relation de Frescobaldi, quoique fort succincte (elle n'a que 115 pages), renferme un assez grand nombre de particularités curieuses sur l'état des pays qu'il a parcourus, sur leurs productions, leur commerce et les usages

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Viaggio di Lionardo Frescobaldi, préface de l'éditeur, p. 1v, VIII et IX.

C.

de leurs habitants. Le voyageur florentin paraît toutefois être trèspeu versé dans l'histoire ancienne et dans la connaissance de l'arabe; c'est du moins ce qu'annoncent quelques étymologies ridicules et de graves erreurs historiques. Il se trompe aussi sur des faits, bien connus maintenant de tous ceux qui ont une légère teinture des mœurs et de la religion musulmanes. C'est ainsi qu'il assure (page 83) que les Sarrasins solennisent le lundi et disent que c'est leur jour sanctifié. Il fait preuve d'une grande crédulité lorsque, après avoir dit (p. 100) que les musulmans peuvent divorcer, puis reprendre leurs femmes jusqu'à trois fois, mais pas davantage; il ajoute: « à moins qu'ils ne les mettent auparavant en rapport avec un homme aveugle. Il y a des gens qui se font aveugler volontairement pour remplir une telle fonction ». Il se trompe quelquefois dans l'indication des distances, comme quand il place Césarée de Philippe (Panéas ou Baniâs) à cinq milles seulement du mont Thabor (p. 163), et Zaffet (Safad), à six milles de Césarée de Philippe (p. 164). Malgré ces défauts, la relation de Frescobaldi ne nous a pas semblé indigne de l'attention des orientalistes et des géographes, et cela nous a décidés à en donner ici une courte analyse.

• Frescobaldi partit de Florence le 10 août 1384, et arriva à Venise après avoir traversé Bologne, Ferrare, etc. Il était accompagné de deux amis; chacun avait son domestique et ils avaient, de plus, un économe pour eux tous. Ils s'embarquèrent pour Alexandrie, le 4 septembre, à bord d'un navire vénitien tout neuf, de la capacité de sept cents tonneaux, et payèrent dix-sept ducats par tête. Ils avaient pour compagnons des marchands, des pèlerins, des soldats, etc. Le navire était principalement chargé de draps de Lombardie, et aussi d'argent en lingots, de cuivre fin, d'huile et de safran. Au bout de huit jours, on arriva à l'île de Zante, où l'on resta six jours et où l'on prit des vivres. Pendant ce temps, les vents contraires se calmèrent, et le navire, ayant repris sa marche, atteignit Modon le 19 septembre. C'était alors un beau château, très-bien fortifié et occupé par les Vénitiens. On s'y fournit de viande fraîche et d'eau, et l'on se rendit ensuite à Coron, autre possession vénitienne, où l'on embarqua des marchandises; puis, dit le voyageur, nous prîmes la haute mer vers Alexandrie, et, laissant à gauche l'ile de Crète (Candie) et à droite une petite íle, nous arrivâmes au port d'Alexandrie, dans la nuit du 26 au

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