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Alexandrins n'ait fait ici, comme si souvent, que remettre en vogue une vieille coutume ou un rite oublié.

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Dans un pays de grandes forêts comme la Thrace, le pin avec sa verdure éternelle a dû être de bonne heure un des arbres les plus vénérés. La nymphe Pitys ne passait-elle pas pour avoir préféré à Pan, Borée le roi sauvage de Thrace? C'est ce qui, lorsque le pin fut devenu l'emblème attitré de l'Attis Phrygien - Alcée appelle déjà la Phrygie «< mère des pins explique l'extraordinaire diffusion de ses Dendrophori dans les régions balkaniques. La vénération de Dionysos a des racines trop profondes en Thrace pour ne s'y être pas assimilée celle du pin. Son culte est comme tout imprégné de phytolâtrie le lierre est à ce point sa marque distinctive que ses fidèles, en Thrace, se talouent de son image et que, par tout le monde gréco-romain, ils font graver une de ses feuilles sur leur tombe comme signe et gage de résurrection'. Si Dionysos n'est adoré à notre connaissance sous le nom de Kissos << lierre » qu'à Acharnai en Attique, il est probable qu'il y avait été introduit par les envahisseurs thraces des 1x ou vin® siècle — les mêmes qui, avec Eumolpos, introduisirent Dionysos à Eleusis - ces Thraces dont des rois s'appelaient Kisseus et la fille de l'un d'eux, Hécube, Kisséis, et qui ornaient de lierre leurs boucliers et leurs casques'.

Si Sabazios, cette variété de Dionysos qui est plus spécialement thraco-phrygienne, doit sans doute son nom à l'orge dont il personnifie la liqueur fermentée', Dionysos a

1) Cf. P. Perdrizet, outre son ouvrage cité Cultes et Mythes du Pangée (voir sur cette question mon c. r. RHR, 1911, II) Rev. Et. Anc. 1910, p. 217 et Bull. Corr. Hell, 1911, p. 111. Les femmes Thraces se tatouaient même de petites images de cerfs; cf. Wolters, Hermes, 1903, p. 265.

2) Pline, XVI, 144. Selon Plutarque, Quaest. rom. 112, avant l'invention du vin, les Bacchantes auraient obtenu leur ivresse en mordillant du lierre (cf. Symp., III, 2) et on enterrait les morts sur des rameaux de vigne (Lac. Inst., 18; cf. Ath. Mitt. XVIII, 184). Le lierre se serait appelé aussi vàs à en croire Nonnos VII, 13.

3) J'ai indiqué ici même dans le c.-r. de l'ouvrage cité de Perdrizet pourquoi je ne croyais pas devoir me rallier aux réserves qu'il a formulées sur cette théorie autrefois développée par Fr. Lenormant et brillamment reprise par Jane Harrison.

pu déjà devenir dieu du vin en Thrace, au pays du « bon vin d'Ismaros ». Il incarna l'esprit d'autres plantes qui n'ont pas eu la même fortune; ainsi, une inscription déjà citée de Salonique nous apprend qu'on adorait, dans la région, Dionysos sous le nom du Prinophoros, « porteur du chêne vert1», alors qu'à Philippes il est aussi connu comme Dryophoros. Ce texte peut faire hésiter à reconnaître toujours un pin dans l'arbuste que les céramistes donnent à Dionysos avant que le thyrse artificiel ne se fût imposé à leurs tableaux dionysiaques. Mais il est de fait que, sur des vases et sur des monnaies qui se rapportent à la Thrace du vi et du ve siècle, c'est un sapin entier ou réduit à une seule branche ramifiée qu'on voit entre les mains des Centaures ou des Satyres, compagnons de Dionysos plus ou moins dégagés de leur forme chevaline. primitive. Une autre divinité agreste qui rentra dans son cycle non sans conserver dans les campagnes le rôle qui avait été d'abord celui du dieu de la vigne, Pan, avait communément son idole taillée dans un pin ou placée sous un pin dont les feuilles formaient la couronne de ses suppliants'.

En même temps, nous savons que l'association du pin avec Dionysos fut connue de bonne heure en Grèce à Corinthe qui donnait une couronne de pin aux vainqueurs des Isthmia -il paraît y avoir eu une idole très ancienne du dieu taillée dans un tronc de pin et barbouillée de rouge'; si l'on en croit un passage des Bacchantes, elles auraient porté du temps d'Euri

1) Il ne peut s'agir que de Dionysos puisque la prêtresse est dite vox thyade et vía évienne, celle qui pousse le cri dionysiaque évoé ou euoi. A Magnésie, c'est dans un platane qu'apparaît une idole de Dionysos, Ath. Mit., 1890, 331.

2) Voir les art. Centauri et Satyri du Dict des Ant., et, pour ce qui est dit ici de Pan, relire Daphnis et Chloé.

3) Pausanias, II, 2, 5 avec la note de Frazer, t. III, p. 10 et 22.

4) Eur., Bacch., 1063 (pour le pin ordinaire, Titus), 109 (pour un autre genre de pin et le chêne, ôpuòsλataç xλádoros). L'ile de Chios aurait reçu le nom de Pityoussa parce qu'elle était consacrée à Dionysos, Pline, V, 136. En retour, les Galles d'Attis-Cybèle auraient porté parfois le thyrse si l'on en croit l'épithète de protupool qui leur est donnée PLG., II14, 727.

pide des branches de pin dans les triétéries béotiennes et l'on sait que, dans les Propos de table de Plutarque, l'une des questions posées est : « Pourquoi est-ce que le pin est consacré à Poseidon et à Dionysos? » Il invoque pour Dionysos les raisons d'ordre vinicole auxquelles on a fait allusion : que la vigne produirait un vin plus doux là où pousse le pin, que la résine sert à bonifier et à conserver le vin.

En vérité, dès lors, la véritable raison de la faveur qu'on voit accordée aux images de la pomme de pin, ce sont les idées mystiques de fécondité et de résurrection qui s'y attachent: c'est pourquoi on donne à des fontaines la forme de pignae gigantesques', on les dispose autour de médaillons funéraires, on les associe à des uraeus sur des chapiteaux isiaques'. Si ce sont là des causes secondaires qui ont contribué à la vogue du thyrse cônophore, la raison première tient toute dans ce fait que le culte du pin était l'un de ceux que Dionysos avait absorbés en Thrace; c'étaient des branches de pin que ses fidèles y brandissaient en son honneur sous le nom de thystla ou de thyrsoi; quand ces thyrses descendirent en Grèce avec le culte du Dionysos thrace ils avaient conservé cette forme première, déjà enguirlandée sans doute de lierre et de pampres.

Ni la vigne ni le lierre, trop flexibles, ne se prêtent à être portés comme des rameaux; leurs feuilles semblent faites au

1) Sur la pigna du Vatican et les fontaines semblables, cf. W. Amelung, Die Skulpturen des Vatikan, I, p. 900 et J. Strzygowski, Der Dom zu Aachen, p. 26. Peut-être doit-on expliquer par un symbolisme semblable la présence de la pigna au haut de la stylis d'un navire. Aux références de mon art. STYLIS du Dict. des Ant. ajoutez Schreiber, Hellenistische Reliefbilder, pl. XXIII a où la stylis à pigna est croisée avec un thyrse à pigna.

2) Cf. E. Strong, Journal of Roman Studies, 1911, pl. IV. Rappelons aussi que sur des reliefs de Samothrace (Louvre, n. 968) Hermès conduisant les Charites tient à la main un court bâton noueux terminé par une pigna.

3) Cf. P. Gusman, L'art décoratif à Rome, I, pl. 30.

contraire pour enguirlander. Le thyrse pouvait donc être enrichi de tout ce que le lierre et la vigne conféraient de vertu dionysiaque sans cesser d'être, essentiellement, une branche de pin. Il n'en fut plus de même quand il rencontra le narthex et voulut se l'assimiler à son tour. Le narthex consistait en un long roseau; -il peut atteindre 3 à 4 m. avec nœuds régulièrement espacés et longues feuilles retombantes qui partent de ces nœuds; il ne pouvait que jouer le rôle de hampe ou de support; il ne pouvait donc faire partie du thyrse qu'en dépossédant le pin de la place qu'il avait longtemps occupée. Cette dépossession paraît avoir été chose faite au milieu du v০s., lorsque nous voyons à Athènes le thyrse à la fois recevoir droit de cité au théâtre, et prendre entre les mains des céramistes cette forme artificielle où la hampe est formée d'un roseau qui, au lieu de porter ses feuilles propres, est ornée de celles de la vigne ou du lierre; du pin, il ne resta que la pigna terminale réintroduite, comme on l'a vu, à l'époque hellénistique.

Comment et pourquoi le narthex s'est-il ainsi substitué au pin dans le thyrse? Les textes vont nous permettre d'expliquer cette transformation que les vases peints font con

stater.

I. Les anciens ont souvent confondu le thyrse avec le narthex. Il suffit de parcourir les Bacchantes pour voir que les deux termes sont employés indifféremment1; au dire d'un scholiaste d'Euripide elles portent avti zhášov, en guise de rameaux, Oúpou o váρ0ŋxas2. Dans toute la littérature postérieure jusqu'aux Dionysiaques de Nonnos' on se sert des deux mots comme synonymes.

II. Ils ont cependant conscience que le narthex est, par lui-même, différent du thyrse. Ainsi, quand Euripide veut montrer les Bacchantes jetant des flammes ce n'est pas au sommet du thyrse qu'illes fait paraitre, mais πεύκας ἐκ νάρθηκος

1) Comparez, par exemple, les vers 188 et 251, 704 et 706.

2) Schol. ad Or., 1492.

3) Pourtant il arrive à Nonnos aussi de distinguer vάpons et Oúpoos, ainsi, I, 11.

(147). Il pense vraiment ici au roseau qui était éminemment propre à porter le feu et Nonnos (VII, 354) montre Zeus brandissant le thyrse enguirlandé de lierre tandis qu'il s'appuie sur le poçópos vápn5. Le culte paraît avoir maintenu une distinction entre ce roseau et le thyrse artificiel. Dans les fêtes qui commémoraient le triomphe de Bacchus aux Indes, toutes postérieures à Alexandre - Athénée montre les fidèles portant d'abord des thyrses au lieu de lances, puis des narthex et des flambeaux*.

III. Ils ont vaguement conscience que le thyrse est antérieur au narthex, que celui-ci en est une transformation. C'est du moins ce qu'on peut conclure du scholiaste d'Euripide d'après lequel le roseau appelé vápor, employé par les paysans pour faire des haies, aurait été appelé d'abord 0úpsos et devrait son nom nouveau à son emploi pour fustiger les

enfants'.

IV. Ils savent que le narthex a été, indépendamment du thyrse, consacré à Dionysos. C'est ce qu'affirment Diodore, Plutarque et Pline. Mais l'explication qu'ils en donnent ne peut que faire sourire. Celle de Pline comprend une véritable pétition de principe: après nous avoir dit que l'âne est le seul animal qui ait du goût pour la férule malgré l'assa fatida qu'elle contient, il conclut qua de causa id animal

1) Tournefort a parfaitement expliqué le phénomène : « le creux de la tige du martheca (le nom du narthex en grec moderne) est rempli d'une moëlle blanche qui, étant bien sèche, prend feu tout comme la mèche; ce feu s'y conserve parfaitement bien et ne consume que peu à peu la moëlle sans endommager l'écorce: ce qui fait qu'on se sert de cette plante pour porter du feu d'un lieu à un autre... Suivant les apparences, Prométhée se servit de moëlle de férule au lieu de mèche et apprit aux hommes à conserver le feu dans les tiges de cette plante. (Voyage du Levant, éd. 1718, I, p. 93).

2) Athénée, XIV, p. 631 A : ἔχουσι θύρσους ἀντὶ δοράτων, προϊένται δὲ ἐπ ̓ ἀλληλους καὶ νάρθηκας καὶ λαμπάδας φέρουσιν.

3) Schol., ad Or., 1492 : νάρθηξ γοῦν ἐτυμολογεῖται παρὰ τὸ τοὺς νεαρούς θήγειν. Inutile d'avertir que, cette étymologie est absurde. Mais elle a pu s'appuyer sur le fait que la férule servait aux maîtres d'école comme les verges. Cf. P. Paris, FERVLA, dans le Dictionnaire des Antiquités,

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