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va de XL à XLIV qu'elle traite de la révolte elle-même et qu'elle la juge. Les textes qui suivent nous font connaître ce jugement (XLII):

Les apôtres... ont prêché la venue prochaine du royaume de Dieu... Leurs premiers convertis ils les ont établis évêques et diacres de ceux qui devaient arriver plus tard à la foi. Ce faisant, ils n'innovaient pas. Car, depuis longtemps, il était écrit au sujet des évêques et des diacres. Car l'Ecriture parle ainsi : « J'établirai leurs évêques dans la justice et leurs diacres dans la foi (1) >>... Nos apôtres ont su par Notre-Seigneur Jésus-Christ que l'épiscopat serait l'objet de compétitions. C'est pourquoi, ayant la prescience de l'avenir, ils instituèrent ceux dont on vient de parler, et ils posèrent en règle que, ceux-ci une fois morts, d'autres hommes éprouvés recevraient par succession leur ministère. Nous estimons donc qu'il n'est pas juste de destituer du ministère ceux qui, ayant été institués par eux ou par d'autres hommes éminents avec l'approbation de toute l'église, se sont acquittés de leur charge au service du troupeau du Christ d'une manière irréprochable... et à qui tous ont rendu bon témoignage depuis longtemps. Ce ne serait pas petit péché, si nous allions destituer de l'épiscopat des. hommes qui ont présenté les offrandes d'une manière irréprochable et sainte. Heureux les prêtres dont le voyage est achevé et qui ont eu une mort fructueuse et tranquille! Ils n'ont pas à craindre que quelqu'un ne vienne les enlever de leur poste. Nous voyons, en effet, que vous avez enlevé à quelques-uns parmi vous les fonctions qui leur avaient été confiées régulièrement et dont ils s'étaient bien acquittés.

un

Selon cet exposé, les apôtres ont choisi eux-mêmes les premiers membres du clergé, et ils leur ont prescrit de se choisir des successeurs avec l'assentiment de l'assemblée chrétienne. On est introduit dans le clergé avec l'assentiment de l'assemblée par des hommes qui y ont été introduits eux-mêmes médiatement par les apôtres. Ou, ce qui revient au même, ce sont les apôtres qui, par

(1) Isaïe 4 X, 17. Le texte hébreu dit : « Je te donnerai pour gouverneur la paix et pour magistrat la justice ». On lit dans les LXX: « Je te donnerai des chefs dans la paix et des évêques dans la justice ». Clément cite d'après les LXX, mais en les interpolant par l'adjonction du mot « diacre ».

divers intermédiaires, introduisent dans le clergé. Et, une fois qu'on est dans le clergé, on y est pour toujours, sauf le cas d'indignité. Le clergé est donc une caste à part. En deux mots, Clément enseigne l'origine apostolique du clergé, et il conçoit le clergé comme une classe qui, déduction faite de l'entrée, échappe à l'empris des fidèles.

Il va sans dire que Paul, qui annonçait la restauration prochaine du royaume de David, n'a jamais songé à fonder un clergé. Si l'on excepte ce qui a trait à la prédication de la venue prochaine du royaume de Dieu, l'exposé qu'on vient de lire est donc artificiel, quand on le confronte avec l'histoire. Mais il réflète exactement la situation de l'église romaine à l'époque de Clément. Le clergé était alors une corporation dont on ne sortait pas quand on y était entré. Artificiel au point de vue de l'histoire, le tableau de Clément est la traduction fidèle d'un état de fait. Il s'agit de savoir comment cet état de fait s'est formé, c'est-à-dire comment le clergé a pris naissance et comment ses membres ont acquis l'inamovibilité.

Comme tous les organismes, le clergé a été créé par la fonction dont il devait assurer l'exercice. Quelle était cette fonction ? La prédication de l'espérance chrétienne, à laquelle on pense tout d'abord, doit être écartée. Cette espérance, dont l'objet était la restauration prochaine du royaume de David par le Christ, n'aurait pas suffi à attirer les chrétiens à des réunions périodiques sans lesquelles un clergé ne se comprend pas. La fonction qui a donné naissance au clergé, c'est le banquet hebdomadaire. Dès qu'il y a eu un banquet chrétien, il y a eu un homme pour le présider, pour recueillir les offrandes, pour consacrer à Dieu ces offrandes conformément à l'usage juif, pour faire les prières et les actions de grâces dont le banquet était l'objet, pour distribuer aux pauvres les dons apportés en excédent qui n'étaient pas consommés sur place, et pour faire aux assistants un cours de morale. Autant il y a eu de banquets, autant il y a eu d'hommes à exercer ces fonctions indispensables. Ces hommes ont constitué le clergé. C'est le banquet hebdomadaire qui a donné naissance au clergé. Or l'assistance au banquet n'était pas une

obligation que l'on remplit pour se conformer à la loi; c'était un privilège dont on jouissait avec empressement. Il est vrai que, pour participer au banquet, il fallait appartenir à la corporation chrétienne et, par conséquent, adhérer à l'espérance chrétienne que les propagandistes prêchaient dans les synagogues., Mais, pour ceux qui réunissaient les conditions requises, le banquet hebdomadaire était une récompense dont la privation aurait été considérée comme une flétrissure. En résumé, le clergé ne dérive pas d'une institution qui lui aurait confié le dépôt de l'espérance chrétienne; il a été créé par le banquet hebdomadaire, dans lequel on s'entretenait sans doute de l'espérance chrétienne, mais qui s'est établi spontanément, parce qu'il était réclamé par les mœurs. Le clergé, qui doit au banquet l'existence, doit à son mode d'élection l'inamovibilité qui a fait de lui une caste à part. Au début, l'ancienneté dans la foi fut la principale recommandation pour la présidence; ce furent donc les « anciens » (presbuteroï, prêtres) qui furent chargés du soin de présider les banquets. Puis, peu à peu, surtout dans les centres importants, la capacité parut un titre préférable à l'ancienneté, et la présidence des banquets fut confiée à ceux qui pouvaient s'en acquitter avec le plus d'éclat. Rien ne fut changé au vocabulaire; les présidents continuèrent à s'appeler « anciens >> comme par le passé; mais ce mot perdit son sens primitif aussi désormais nous les appellerons prêtres. On fut donc prêtre, d'abord parce qu'on était le plus ancien de l'assemblée dans la profession de la foi, puis plus tard, parce qu'on était le plus capable. Mais, quand on était le plus ancien, on l'était pour toujours. Et c'était aussi pour toujours qu'on était le plus capable. Sous l'un et l'autre mode d'élection l'inamovibilité était donc assurée aux présidents, et le clergé constitua une classe sociale dont on ne sortait pas quand on y était entré, telle est la situation de fait à laquelle Clément a attribué par fiction une origine apostolique.

IV. Il n'y a pas d'épiscopat monarchique.

Comment s'appellent les membres du clergé? Clément leur donne le nom de prêtres. Il dit :

XLIV, 5 Heureux les prêtres qui ont achevé leur voyage... car nous voyons que vous avez enlevé à quelques-uns parmi vous les fonctions qui leur avaient été confiées régulièrement...

XLVII, 6 C'est une honte... d'entendre dire que l'église de Corinthe... s'est révoltée contre ses prêtres à cause d'un ou deux personnages.

LIV, 2 Que le troupeau du Christ vive en paix avec les prétres constitués.

LVIII, 1 : Soumettez-vous aux prêtres.

Donc le clergé de Corinthe comprenait, avant la révolte, plusieurs prêtres. Jusqu'ici rien de surprenant. L'étonnement commence quand on apprend que tous ces prêtres possèdaient l'épiscopat, étaient évêques. Le fait ne saurait être contesté, puisque Clément déclare (XLIV, 4) que ce n'est pas un petit péché de destituer de l'épiscopat des hommes qui ont présenté les offrandes d'une manière irréprochable, et qu'il prouve ce péché en mettant la conduite des Corinthiens en opposition avec la loi apostolique qui a constitué les évêques XLII, 4 et fixé les règles relatives à la transmission de l'épiscopat (XLIV, 1-3).

Pour rendre compte de cette situation on peut imaginer deux hypothèses l'une d'après laquelle tous les chrétiens de Corinthe se réunissaient en une seule assemblée dont la présidence était exercée successivement et à tour de rôle par les membres multiples du clergé ; l'autre selon laquelle il existait plusieurs lieux de réunion et, par conséquent, plusieurs assemblées dont chacune avait son président à elle. Mais la première hypothèse, avec son autorité émiettée et dispersée, ne fournit pas l'unité indispensable au gouvernement le plus rudimentaire ; il faut l'abandonner. Disons done que les fidèles de Corinthe, avant la révolte, se réunissaient pour le banquet et la distribution des dong aux pauvres

en plusieurs assemblées autonomes, que chacune de ces assemblées avait à sa tête un prêtre dépositaire de l'épiscopat, et que le nombre des prêtres-évêques de Corinthe était égal au chiffre des réunions pour le banquet corporatif.

Clément, qui nous apprend que l'église de Corinthe est sous le régime fédératif, ne nous dit pas ce qu'est le régime de l'église de Rome. Mais il nous permet de le deviner. Si la pluralité des évêques de Corinthe était contraire à ce qu'il appelle l'institution apostolique, il signalerait ce vice rédhibitoire, et la révolte des Corinthiens contre une situation irrégulière serait pour lui la bienvenue. Or, précisément, il n'a pour les évêques destitués que des paroles de sympathie, et toute sa sévérité va aux révolutionnaires. Il croit donc que l'église de Corinthe, avec ses multiples évêques, est la copie fidèle du plan dressé par les apôtres. Nous, nous concluons que la constitution en vigueur à Corinthe était ausssi en vigueur à Rome, que les chrétiens de Rome se réunissaient pour le banquet dans des assemblées diverses, que chaque assemblée était autonome, et que chacune avait à sa tête un évêque.

Cette conclusion éclaire un texte d'Epiphane (Panarion XLII, 1) emprunté, on en convient, à un document ancien, et où nous lisons que Marcion arrivé à Rome

alla trouver les prêtres instruits par les apôtres... et leur demanda en vain de l'admettre dans leur communion.

Pourquoi s'adresser aux << prêtres » et non à leur chef l'évêque de Rome? La démarche de Marcion est bizarre, tant qu'on croit à l'existence d'un épiscopat monarchique dans l'église romaine des environs de 138. Elle s'explique, au contraire, quand on sait que les chrétiens de Rome formaient, à cette époque, des groupes indépendants dont chacun avait à sa tête un prêtre-évêque. Le régime fédératif de l'église romaine au milieu du second siècle donne la clef du texte d'Epiphane, qui, de son côté, confirme le régime fédératif.

Ce régime éclaire un autre point obscur et en reçoit une nouvelle confirmation. C'est de la contexture même de la lettre de Clément que je veux parler. La pièce est censée rédigée par

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