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Jusqu'ici, sauf un détail sans grande portée que j'ai signalé en passant, je suis d'accord avec M. Eisler. Mais une question se pose encore à propos de laquelle je me séparerai nettement de lui.

Le témoignage de Thallus suppose une tradition qui fixe à la Pâque de l'an 29 la mort de Jésus. On sait qu'aucun des évangélistes canoniques, à l'exception de Luc ne fournit directement d'indication sur la chronologie de l'histoire évangélique. C'est donc uniquement du système chronologique de Luc qu'il convient de rapprocher la date donnée par Thallus pour la mort de Jésus. Nous avons le choix entre deux hypothèses. Ou bien Thallus a trouvé la date de 29 pour la mort de Jésus fixée par la tradition chrétienne et alors ceci, c'est moi qui l'ajoute ce qu'il dit pour expliquer les ténèbres qui ont accompagné la mort de Jésus par une éclipse, c'est-à-dire pour en faire un phénomène naturel, pourrait bien n'être qu'une simple conjecture de sa part. Il ne serait pas alors indispensable de supposer qu'il a disposé d'une source indépendante de la tradition évangelique et d'après laquelle une éclipse de soleil se serait produite la quinzième année de Tibère. Il est vrai que Kepler et d'autres savants après lui (1) ont établi qu'il y avait eu une éclipse de soleil le 24 novembre 29 et que Phlégon de Sardes, comme nous l'avons dit, en mentionne une en 32 ou en 36, mais il peut y avoir eu une éclipse sans qu'on en ait conservé le souvenir. Quant au témoignage de Phlégon, il serait utile de pouvoir préciser dans quel rapport il est avec celui de Thallus dont il pourrait fort bien dériver. Ou bien et c'est là la seconde hypothèse possible la tradition évangélique telle que Thallus l'a connue ne contenait aucune indication chronologique directe ou indirecte et c'est Thallus qui s'est efforcé d'en calculer une recherchant, dans la période où il était possible de placer la mort de Jésus, l'année où il y avait eu une éclipse de soleil. La date donnée par Luc et par la tradition chrétienne ultérieure aurait alors son origine chez Thallus. C'est cette thèse qu'adopte

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(1) Cf. Eisler, II, p. 139, n. 7; p. 140, n. 1.

en

M. Eisler. Ce qui l'y détermine c'est qu'il n'y a pas chez Marc et chez Matthieu la moindre préoccupation de fixer la date de la passion. M. Eisler croit d'ailleurs trouver une trace très sensible de l'influence du texte de Thallus sur le récit de Luc. Marc (15, 33) et Matthieu (27, 45) disent que de la sixième à la neuvième heure, il y eut des ténèbres sur toute la terre. Luc (23, 44-45) le répète, mais il ajoute cette explication « par suite d'une éclipse de soleil >> ( τοῦ ἡλίου ἐκλιπόντος ). M. Eisler voit dans l'addition de ces mots une tentative faite par Luc pour neutraliser la critique de Thallus en incorporant dans la tradition évangélique l'explication qu'il avait donnée pour la ruiner.

Nous ne suivrons par M. Eisler dans cette voie. Nous ne crayons pas que les mots τοῦ ἡλίου ἐκλιπόντος propres au texte de Luc trahissent l'influence de Thallus. Ces mots ont le caractère d'un développement littéraire et non d'une correction. Peut-on, d'ailleurs, prêter à Luc qui savait que Jésus était mort à la pleine lune du printemps, l'idée absurde qu'il y avait eu, à ce moment là, une éclipse naturelle de soleil ? Ce qu'il veut dire ce n'est pas que la lune s'est alors interposée entre le soleil et la terre, c'est que, d'une manière surnaturelle, le soleil a perdu sa lumière. Luc a si peu eu l'intention de nier le caractère surnaturel des ténèbres qu'il en rapproche la déchirure du voile du Temple, laquelle n'est aucunement susceptible de recevoir une interprétation rationnelle. Le rapprochement des ténèbres et de la déchirure du voile du Temple est d'autant plus frappant et trahit d'autant plus nettement l'intention de bloquer le surnaturel que, pour l'opérer, Luc a du faire un déplacement, la déchirure du voile du Temple étant mise par Marc et par Matthieu au moment où Jésus expire, ce qui est incontestablement plus naturel que de la joindre aux ténèbres qui durent trois heures.

Il ne nous paraît pas légitime d'identifier le système chronologique de Luc et celui de Thallus. Thallus fait mourir Jésus la quinzième année de Tibère, donc au printemps de l'an 29. Luc ne donne pas directement la date de la mort de Jésus. Dans la notice de 3, 1, il place la vocation de Jean-Baptiste la quinzième

année de Tibère, donc entre le 19 août 28 et le 18 août 29. II semble que, dans sa pensée, le ministère de Jean-Baptiste a été très court et qu'ainsi la date qui est donnée pour son début vaille aussi pour le commencement du ministère de Jésus. Celui-ci aurait donc commencé, au plus tôt, à la fin de l'été 28. Pour que Jésus soit mort au printemps 29, il faudrait que Luc n'ait attribué à son ministère qu'une durée de sept à huit mois desquels il faut encore défalquer le temps écoulé entre le commencement du ministère de Jean et le baptème de Jésus et les quarante jours de la tentation au désert (4, 2). Il ne resterait ainsi qu'une durée maximum de six mois qui paraît insuffisante pour que Luc ait pu se représenter que tous les faits qu'il racontait aient pu y tenir. Si donc il avait calculé la date du début du ministère de Jean-Baptiste en partant de l'idée que Jésus était mort à la Pâque de la quinzième année de Tibère, c'est à dire au printemps de l'an 29, il aurait fait remonter la vocation de JeanBaptiste au moins à la quatorzième année de Tibère.

Sans méconnaître l'importance du fait que Marc et Matthieu ne donnent pas d'indications chronologiques, il n'en faut pas tirer des conséquences trop étendues. Leur silence prouve que l'on n'attachait pas d'importance capitale à la chronologie évangélique, non qu'on l'ignorait totalement. Il ne prouve pas que les chrétiens n'aient possédé ou n'aient cru posséder aucun renseignement sur ce point. Le quatrième évangéliste qui a certainement connu l'évangile de Luc, n'a pas jugé utile de reproduire l'indication chronologique qu'il contenait. S'il ne l'a pas fait c'est que ce détail était pour lui sans intérêt, ce n'est pas qu'il l'ait jugé faux car, quand il veut présenter les choses autrement que ne le font ses prédécesseurs, il sait fort bien souligner d'une manière très ferme les corrections qu'il fait subir à leurs récits, témoin la manière dont, au chapitre 3, il marque qu'à un moment où le ministère de Jésus avait déjà commencé, Jean-Baptiste n'avait pas encore été mis en prison (3, 24) et celle dont, par trois fois, il indique pour la mort de Jésus, un jour qui n'est pas celui que donnent les synoptiques (13, 1; 18, 28; 19, 14). Nous n'entendons aucunement soutenir que l'indication chrono

logique de Lc., 3, 1 mérite une entière confiance. Nous n'y voyons qu'une conjecture de l'évangéliste, conjecture dont nous ne sommes pas à même d'apprécier la valeur puisque nous ne savons pas dans quelles conditions et à l'aide de quels renseignements elle a été établie. Nous voulons seulement dire qu'il ne nous paraît pas prouvé que Luc, cherchant à déterminer les dates de l'histoire évangélique, n'ait pu utiliser d'autre source que l'indication donnée par Thallus, la dépendance à l'égard de son texte étant, en outre, exclue par le désaccord que nous avons constaté entre la chronologie que suppose le fragment que vise Julius Africanus et celle qu'a adoptée Luc. S'il fallait à toute force, ce qui ne nous paraît d'ailleurs pas nécessaire, admettre qu'il y a un rapport entre la chronologie de Thallus et celle de Luc, nous penserions plutôt que c'est à la tradition chrétienne que Thallus a emprunté la quinzième année de Tibère, mais sans avoir pris garde qu'elle se rapportait au début du ministère de Jésus

et non à sa mort.

Maurice GoGUEL.

A PROPOS DU « JOSÈPHE » ARMÉNIEN

NOTE BIBLIOGRAPHIQUE

Les membres de la Société Ernest Renan, qui assistèrent à la séance du 23 janvier 1926, n'ont pas oublié la conférence brillante, étincelante que leur fit M. le Dr Robert Eisler. Il s'agissait, pour ce savant, en tablant sur la version slave de l'historien juif Josèphe, de prouver que celle-ci a conservé un bon nombre de passages assez longs du texte authentique de la "Ahweis s lepourau de Josèphe concernant la vie et la mort de Jean le Baptiste, de Jésus et de ses sectateurs, au temps de l'empereur Claude.

Malgré la prodigieuse érudition de l'auteur, la thèse qu'il présentait ne remporta pas tous les suffrages, et une discussion consécutive à sa communication releva tout particulièrement le peu de confiance que l'on était en droit d'accorder à la version slave de Josèphe, eu égard aux nombreuses interpolations et à la date relativement récente de ce texte.

M. Eisler songea qu'il y aurait lieu de rechercher si d'autres versions anciennes de l'œuvre de Josèphe n'apporteraient pas des arguments en faveur de sa thèse, corroborant de la sorte la version slave. Et il songea assez naturellement à une ancienne version arménienne de Josèphe.

M. Eisler attira mon attention sur un passage du premier traducteur allemand du Josèphe slave, A. Berendts (T. U. XIV, P. 78), disant que l'arméniste anglais Conybeare, qui s'était

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